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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 28 août 2025, n° 24/00385

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Autre

CA Fort-de-France n° 24/00385

28 août 2025

ARRÊT N° 2025/227

N° RG 24/00385 - N° Portalis DBWA-V-B7I-CPMW

Monsieur [D] [W] [G]

C/

Monsieur [R] [Y]

S.A. LA [10] ([10])

[7]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 28 AOUT 2025

Décision déférée à la cour : jugement au fond du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, en date du 06 septembre 2024, enregistrée sous le n° 2023/5197

APPELANT :

Monsieur [D] [W] [G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe EDMOND-MARIETTE de la SELEURL SOCIETE AVOCAT PEM, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE et Me Jean-Mathieu BOUSSARD, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Régine CELCAL- DORWLING-CARTER de la SELARL DORWLING-CARTER-CELCAL, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.A. LA [10] ([10]), prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Régine CELCAL- DORWLING-CARTER de la SELARL DORWLING-CARTER-CELCAL, avocat au barreau de MARTINIQUE

[7], prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra REQUET, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 juin 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

Assesseur : Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Assesseur : Claire DONNIZAUX, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Greffière lors du délibéré : Madame Carole GOMEZ

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 28 août 2025

ARRÊT : contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige

Par acte en date du 5 décembre 2013, M. [D] [W]-[G] a fait assigner la SA société [10], la [7] et M. [R] [Y] devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France aux fins de :

- dire que les circonstances du non renouvellement à la nouvelle direction de la société [10], lors du changement de son mode de direction et d'administration le 27 juillet 2012, constitue une révocation déguisée et fautive de M. [W]-[G],

- déclarer que cette éviction était dépourvue de motifs et que la révocation était abusive et spécialement brutale et vexatoire,

- condamner la société [10] à lui verser la somme de 120 000 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive,

- condamner le [7] à lui verser la somme de 250000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- condamner in solidum la société [10], M. [Y] et le [7] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 06 septembre 2024, le tribunal a :

- mis hors de cause M. [Y] ;

- déclaré recevable l'action de M. [W]-[G] à l'encontre de la SA société [10] et de la [7] ;

- rejeté les demandes de M. [W]-[G] ;

- condamné celui-ci à payer à M. [Y] la somme de 3 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné M. [W]-[G] à payer à M. [Y] la somme de 5 000 euros, à la [7] la somme de 3 000 euros et à la SA société [10] la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [W]-[G] aux dépens.

Par déclaration reçue le 12 septembre 2024, M. [W]-[G] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses premières conclusions du 22 novembre 2024, l'appelant demande de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- infirmer le jugement en date du 6 septembre 2024 en ce qu'il a mis hors de cause M. [Y] et condamné M. [W]-[G] à lui verser des dommages intérêts, assortis de l'exécution provisoire et des indemnités aux défendeurs au titre de l'artic1e 700 du CPC ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [W]-[G] et l'a condamné aux dépens ;

Et statuant à nouveau,

- condamner solidairement le [7] à verser à M. [D] [W]-[G] la somme de 250.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par M. [D] [W]-[G] ;

- condamner in solidum la société [10], M. [Y] et le [7] à verser à M. [D] [W]-[G], la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire de 1'arrêt à intervenir ;

- condamner in solidum la société [10], M. [Y] et le [7] aux entiers dépens.

Par conclusions du 21 février 2025, la société [10] ([10]) demande de :

- confirmer le jugement rendu le 06 septembre 2024 ;

- y rajouter :

* la condamnation de M. [W]-[G] à payer à M. [R] [Y] la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour sa mise en cause persistante, injustifiée et abusive devant la cour d'appel ;

* la condamnation de M. [D] [W]-[G] au paiement d'une somme de 15.000 euros à la [10] et 15 000 euros à M. [R] [Y], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner celui-ci aux entiers dépens.

Par conclusions du 11 mars 2025, le [7] demande de :

- déclarer recevable et bien fondée la [7] en ses fins, moyens et prétentions ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2024 par le tribunal mixte de commerce de Fort de France ;

- dire et juger M. [W]-[G] dépourvu d'intérêt à agir ;

- dire et juger les demandes de M. [W]-[G] mal fondées en droit et en fait ;

- le débouter de toutes ses demandes ;

- le condamner à verser à la [7], une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- le condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 03 avril 2025.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 20 juin 2025 et la décision a été mise en délibéré au 28 août 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées et au jugement déféré.

Motifs :

1/ Sur la mise hors de cause de M. [Y] :

Le tribunal a retenu que M. [W]-[G] ne fondait ni en droit ni en fait la mise en cause du susnommé dans l'instance.

Si l'appelant impute à l'intimé les man'uvres, effectuées en concertation avec [L] [H], depuis décédé, à l'origine de son éviction, il ne développe aucun moyen et ne produit aucune pièce permettant de retenir une responsabilité personnelle de l'intéressé, indépendante de celle du [7] qu'il représentait.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

2/ Sur la fin de non-recevoir soulevée par la [7] :

Le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée aux demandes de M. [W]-[G], tirée du protocole transactionnel du 15 novembre 2019 mettant fin aux actions opposant l'action logement immobilier venant aux droits du comité interprofessionnel du logement (CIL), la [10], la [7] et la [6], en ce que l'appelant n'était ni partie aux actions judiciaires évoquées dans le protocole, ni au protocole lui-même.

La [7] soutient que M. [W]-[G] n'a plus, à la suite dudit protocole, qualité à agir et qu'en tout état de cause ses demandes sont vidées de fondement.

A défaut d'élément nouveau et au regard de ce qui précède, la cour estime que le tribunal a fait une exacte appréciation de la cause ainsi que des droits des parties et a, par de justes motifs qu'elle approuve, écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l'appelant, étant observé que l'absence alléguée de fondement de ses demandes relève d'un examen au fond.

3/ Sur la révocation de M. [W]-[G] :

Le tribunal a relevé qu'il résultait de l'article L 225-61 du code de commerce qu'en cas de substitution du conseil d'administration au directoire et au conseil de surveillance, le président du directoire ne pouvait prétendre que la suppression de son poste résultant de ce changement constituait une révocation sans juste motif sauf à démontrer que la procédure de modification des statuts avait été utilisée dans le seul but d'évincer, sans indemnisation, le dirigeant de ses fonctions sociales, sans correspondre à la nécessaire préservation de l`intérêt social, et qu'il appartenait à ce dernier de prouver le caractère frauduleux de la décision ; qu'en l'espèce, à la suite de l'assemblée générale extraordinaire du 27 juillet 2012 au cours de laquelle avaient été votées la modification des statuts de la [10] et la substitution d'un conseil d'administration au directoire et au conseil de surveillance, le poste de président du directoire précédemment occupé par M. [W] -[G] avait été supprimé ; que ce changement ne constituait pas une révocation sans motif légitime.

En réponse aux arguments de M. [W]-[G] qui soutenait que ce changement de statuts avait pour unique but de 1'évincer de son mandat de président du directoire sans juste motif et sans correspondre à la nécessaire préservation de l`intérêt social , le tribunal a, notamment, considéré que si la répartition des droits de vote au sein de la [10] lors de l'AGE du 27 juillet 2012 n'avait pas été respectée et avait permis d`atteindre la majorité des deux tiers de manière irrégulière avec pour conséquence l`adoption des résolutions litigieuses, les entorses ainsi réalisées au pacte d'actionnaires de référence et à la répartition des droits de vote à l'assemblée générale extraordinaire démontraient seulement une précipitation mal maîtrisée dans la modification des statuts de la [10] justifiée par la préservation de l'intérêt social de celle-ci.

Le tribunal a ainsi jugé, à la lecture du rapport d'inspection n° 2010-097 de mai 2011 de la mission interministérielle du logement social , du courrier des représentants du comité d'entreprise de la [10] du 25 juin 2012 adressé au président du directoire , du rapport d'expertise du cabinet Sextant restitué en mars 2012 et du rapport de fin de mission relatif à la mise en place d'une démarche de prévention des risques psycho-sociaux à la [10] déployée de décembre 2011 à juin 2012, que les difficultés de l`entreprise étaient centrées sur la gouvernance et son pilotage et que la plupart des salariés de la [10] étaient en risque élevé dans leurs conditions de travail et leur santé au travail à cause des querelles et des luttes de pouvoir au sein de la direction qui avaient pour conséquence un dysfonctionnement en termes de management et donc une souffrance au travail ; que la préservation de l'intérêt social de la [10] consistant à rétablir la confiance et la santé au travail des salariés justifiait d'intervenir rapidement pour remédier à la problématique de la gouvernance.

Il a en conséquence considéré que le changement des statuts de la [10] étant justifié par la préservation de l`intérêt social, le caractère frauduleux de la suppression du poste de président du directoire de M. [W]-[G] n'était pas démontré.

L'appelant se prévaut de l'arrêt de la Cour de cassation du 06 septembre 2016, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Fort de France qui avait rejeté la demande d'annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 27 juillet 2012, faisant grief à la cour d'avoir retenu qu'il ne résultait pas des pièces produites la preuve d'une violation des obligations des règles de majorité exigées par le code de commerce lors des votes d'une assemblé générale extraordinaire sans se prononcer, ainsi qu'il le lui avait été demandé, sur la répartition des droits de vote au sein de la société [10] et sur les conséquences de cette réparation sur la majorité exprimée en faveur des résolutions litigieuses.

Il dénonce la transaction intervenue courant novembre 2019 lors de l'instance devant la cour d'appel de renvoi, conduite à son insu.

Il souligne l'irrégularité du vote ayant conduit à la suppression de son poste, irrégularité relevée par le tribunal auquel il reproche de ne pas avoir tiré les conséquences de ses constatations.

Il conteste en outre les motifs avancés par les intimés pour justifier sa révocation et met au contraire en exergue la réussite économique du directoire.

La [6] affirme que la situation conflictuelle qui régnait entre le directoire et le conseil de surveillance portait gravement atteinte au bon fonctionnement de la société ; que le changement de gouvernance était donc impératif ; que les délibérations prises lors de l'assemblée générale du 27 juillet 2012 ont permis d'enrayer la gestion déficiente et nuisible au climat d'entreprise.

La [10] et M. [Y] avancent également la défaillance du directoire pointée dans différents rapports.

Ils dénoncent le refus du CIL de recourir à la procédure d'arbitrage tel que prévu par le pacte d'actionnaires de référence, attitude qui a selon eux conduit à la dégradation de la situation et au blocage de la [10].

Ils concluent à l'absence de révocation des fonctions de M. [W]-[G] sans juste motif dès lors que la modification du mode de gouvernance était un moyen de préserver l'avenir de la [10] et qu'en cas de substitution du conseil d'administration au directoire et au conseil de surveillance, les membres du directoire ne peuvent prétendre que ce changement constitue une révocation sans juste motif.

S'agissant de l'arrêt de la Cour de cassation du 06 septembre 2016, les intimés considèrent que la question de la réparation des droits de vote a été renvoyée devant la cour d'appel de Basse Terre, seule compétente pour trancher la question, non devant le tribunal mixte de commerce de Fort de France. Ils exposent au surplus sur ce point que :

- le capital de la [10] est réparti entre quatre catégories d'actionnaires et l'actionnaire de référence (catégorie 1) détient la majorité du capital ;

- le nombre de voix correspond bien à 10 fois le nombre des actions de la [10] ;

- la majorité des deux tiers des voix a été atteinte.

- le CIL Martinique présent lors de l'AGE a voté contre cette résolution ; son vote à lui seul a représenté 186.647 voix, soit l'actionnaire dans la société possédant le plus de voix et a donc bien été pris en compte ;

- cette résolution a obtenu 538.224 voix, soit un résultat de 67,16 %.

Les intimés font enfin valoir l'amélioration de la situation de la [10] depuis le changement de gouvernance.

Sur ce, la cour retient que l'irrégularité du vote obtenu lors d'une assemblée générale conduisant à la suppression du poste de président du directoire autorise ce dernier à obtenir réparation du préjudice causé par l'irrégularité de sa révocation. Le déroulement du vote et ses résultats ont donc vocation à être examinés dans le cadre de la présente instance.

Elle approuve le tribunal qui a retenu l'irrégularité du vote de la première résolution de l'assemblée générale du 27 juillet 2012, relatif à la modification du mode d'administration et de direction de la société au regard des dispositions :

- de l'article 23 des statuts de la [10] avant l'AGE du 27 juillet 2012 prévoyant qu'un « actionnaire dispose dans les assemblées générales d`un nombre de voix déterminé conformément à l 'article R. 422-1-1 du code de la construction et de 1'habitation ''

- des articles R.422-1-1 et L.422-2-1 dudit code aux termes desquels le vote fonctionne par catégorie ; l`actionnaire de référence qui peut être composé d`un groupe de deux ou trois actionnaires doit voter d`une seule voix ; il est attribué à chacune des deux catégories un nombre de voix, arrondi le cas échéant à l'entier inférieur proportionnel au capital détenu par les actionnaires qui la constituent, la catégorie actionnaire de référence votant avec la catégorie composée des personnes morales autres que l'actionnaire de référence et les personnes physiques, ces deux catégories d'actionnaires disposant des deux tiers des voix moins une, arrondis le cas échéant à l`entier inférieur ;

- du pacte d'actionnaires de référence, connu nécessairement de tous les actionnaires, puisqu'il doit leur être communiqué dès sa conclusion, afin de statuer sur la répartition des voix.

Le tribunal, analysant la feuille de présence dressée par Me [I], huissier dc justice, a pu relever qu'il avait été fait application du I de l`article R.422-1-1 du code précité sans prendre en compte les règles de vote liées à l'actionnaire de référence et par catégorie, permettant ainsi au [7] et au [6] de bénéficier du poids du vote unique de la catégorie actionnaire de référence sans en respecter les contraintes et les autres équilibres sur la répartition des votes instituées par la loi.

Il a en conséquence valablement retenu que la répartition des droits de vote au sein de la [10] lors de l'AGE du 27 juillet 2012 n'avait pas été respectée et que celle utilisée avait eu pour conséquence de permettre d'atteindre la majorité des deux tiers de manière irrégulière.

Le tribunal a encore valablement pu juger que les voix de la [9] avaient été irrégulièrement prises en compte dans le vote en faveur de l`adoption des délibérations puisque le pouvoir donné à M. [Y] n'était n`est pas conforme aux dispositions de l'article 23 des statuts prévoyant que la représentation d'un actionnaire ne peut se faire que par un autre actionnaire ou par son conjoint, alors que l'intéressé n'était pas actionnaire de la [10] ; qu'en outre la feuille de présence n'était pas émargée .

La cour l'approuve encore en ce qu'il a constaté, en prenant en compte la répartition des votes versée aux débats par la [10] et en considérant la [9] n`avait pas participé au vote, que le nombre de présents ayant voté était de 754 607 (801 426 - 46 819), que la majorité des deux tiers est de 503 071 et que les votes «pour '' étaient de 491 405 voix ; que la majorité des deux tiers fixée à l'article L.225-96 du code de commerce n'avait pas été atteinte et que les délibérations de l'AGE du 27 juillet 2012 étaient donc issues d`un vote irrégulier, étant observé que les développements de la [10] sur le vote lors de l'assemblée générale du 27 juillet 2012 ne contredisent pas l'analyse du tribunal sur l'irrégularité du vote.

En revanche, le tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en considérant que la nécessité de préserver l'intérêt social permettait de passer outre l'irrégularité du vote et justifiait le rejet de la demande indemnitaire de M. [W] -[G], laquelle apparaît fondée en droit du seul fait que sa révocation résulte d'une décision irrégulière.

4/ Sur l'indemnisation du préjudice de l'appelant :

M. [W]-[G] fait valoir que les circonstances de sa révocation ont été particulièrement humiliantes et vexatoires ; qu'elles ont porté atteinte à sa réputation et à son honneur.

Il évalue, dans la partie discussion de ses écritures, la réparation du préjudice causé par la [10] à la somme de 90 000€ correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la fin de son mandat social (31 décembre 2013), outre la somme de 30 000€ correspondant à un préavis de six mois, et celle du préjudice causé par M. [Y] et le [7] à la somme de 250 000€.

L'appelant souligne qu'il avait été reconduit dans ses fonctions dès janvier 2011 pour une période de six ans, cette décision entraînant celle de procéder aux formalités nécessaires pour que la limite d'âge atteinte le 03 janvier 2013 soit statutairement repoussée.

La [10] et M. [Y], à titre subsidiaire, exposent que l'indemnisation d'un membre du directoire injustement révoqué peut obtenir ne s'évalue pas aux sommes qu'il aurait perçues s'il était resté en fonction jusqu'au terme de son mandat.

Ils soulignent que l'appelant ne justifie pas au demeurant du montant de sa rémunération.

Ils font valoir que l'intéressé est peu ou prou responsable des dysfonctionnements internes de la société ayant conduit à modifier son mode de gouvernance.

Les intimés prétendent à titre infiniment subsidiaire qu'au regard de la date à laquelle l'appelant aurait atteint la limite d'âge, l'indemnisation de son préjudice ne saurait excéder la somme de 25 000€.

Sur ce, la cour observe que, dans le dispositif de ses conclusions, l'appelant ne sollicite que la réparation d'un préjudice global, à la charge solidaire des intimés.

Elle retient que le préjudice financier subi par M. [W]-[G] ne correspond pas à la perte de sa rémunération, dont il n'est d'ailleurs pas justifié, les parties s'accordant toutefois à la fixer à la somme de 5 000€ par mois, mais s'analyse en une perte de chance de percevoir cette rémunération. En outre, l'appelant ne justifie pas de la possibilité de cumuler les rémunérations dues jusqu'au terme du mandat et une indemnité de préavis.

Enfin, il convient de prendre en considération le caractère aléatoire d'une décision repoussant la limite d'âge sus évoquée.

Par ailleurs, si le nombre des voix de la [7] (109 912 X 2 = 225 824) est inférieur à la totalité de celui des autres personnes ayant voté en faveur de la modification du mode de gouvernance de la [10] (notamment la Région : 134 118 + le département : 134 118 ; la [9] : 46 819), ce dont il se déduit qu'elle n'est pas seule à l'origine du préjudice causé à l'appelant, sa participation à un vote irrégulier est susceptible d'engager sa responsabilité.

Toutefois, M. [W]-[G] a aussi contribué à l'existence de son préjudice à la lecture du rapport du cabinet Sextant de mars 2012 pointant un management autoritaire et défaillant, l'existence de querelles et de confusion des rôles au c'ur de la direction, ayant des incidences sur le personnel et les conditions de travail, analyse confirmée par le rapport de juin 2012 de fin de mission relatif à la mise en place d'une démarche de prévention des risques psycho-sociaux à la [10].

L'appelant, qui ne justifie d'aucune action particulière en qualité de président du directoire pour mettre fin à ces difficultés, a ainsi participé aux conditions de sa révocation.

Au regard de ces circonstances, mais aussi du caractère brutal de cette dernière et de ses répercussions médiatiques (pièce n°s 25 et 26 de l'appelant), l'indemnisation du préjudice causé à M. [W]-[G] sera fixée à la somme de 45 000€.

5/ Sur le surplus :

La mise en cause, injustifiée, de M. [Y] en première instance, légitime la demande de réparation du préjudice ainsi subi par ce dernier, laquelle doit être accueillie, au regard des éléments de l'espèce, à hauteur de 3 000€. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Il le sera également en ce qu'il a condamné M. [W]-[G] à payer à M. [Y] la somme de 5 000€ au titre des frais irrépétibles.

Il y sera ajouté en ce que la mise en cause a été réitérée en appel, sans plus de justification, causant ainsi un nouveau préjudice à M. [Y] qui sera indemnisé à hauteur de 3 000€.

Il doit également être alloué à l'intimé la somme de 3 000€ au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Le jugement sera en revanche infirmé, au regard de ce qui précède, en ce qu'il a condamné M. [W]-[G] aux dépens et à verser la somme de 3 000€ à la [7] et celle de 10 000€ à la [10] au titre des frais irrépétibles.

Ces deux intimés supporteront les dépens de première instance et d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à l'appelant l'intégralité des frais non compris dans les dépens. La somme de 15 000€ lui sera allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge, in solidum, des deux intimées précitées.

Au regard du caractère non suspensif d'un pourvoi en cassation, la demande d'exécution provisoire du présent arrêt est sans objet.

PAR CES MOTIFS,

La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

Infirme le jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France du 06 septembre 2024 sauf en ce qu'il a :

- mis M. [R] [Y] hors de cause ;

- déclaré recevable l'action de M. [D] [W]-[G] à l'encontre de la [10] et de la [7] ;

- condamné M. [D] [W]-[G] à payer à M. [R] [Y] la somme de 3 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné M. [D] [W]-[G] à payer à M. [R] [Y] la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement la [10] et la [7] à payer à M. [D]-[W] la somme de 45 000€ (quarante-cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par lui ;

Condamne in solidum la [10] et la [7] aux dépens de première instance ;

Condamne in solidum la [10] et la [7] à payer à M. [D] [W]-[G] la somme de 15 000€ (quinze mille euros) au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et y ajoutant,

Condamne M. [D] [W]-[G] à payer à M. [R] [Y] la somme de 3 000€ (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la réitération en appel d'une mise ne cause injustifiée ;

Condamne M. [D] [W]-[G] à payer à M. [R] [Y] la somme de 3 000€ (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

Dit la demande d'exécution provisoire du présent arrêt sans objet ;

Condamne in solidum la [10] et la [7] aux dépens d'appel.

Signé par Mme Nathalie Ramage, présidente de chambre et par Mme Carole GOMEZ, greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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