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Décisions

CA Pau, 1re ch., 28 août 2025, n° 24/00838

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/00838

28 août 2025

AB/ND

Numéro 25/2409

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 28/08/2025

Dossier : N° RG 24/00838 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IZNK

Nature affaire :

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Affaire :

[R] [F]

C/

[E] [W], [O] [P]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Août 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Juin 2025, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame DE FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère, chargée du rapport conformément aux dispositions de l'article 804 du code de procédure civile

assistées de Mme BRUNET, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [R] [F]

né le 07 Avril 1955 à [Localité 11] (64)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

Représenté par Me Denis LEDAIN de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de Pau

INTIMES :

Madame [E] [W]

née le 26 Avril 1988 à [Localité 12]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 4]

Monsieur [O] [P]

né le 20 Mai 1986 à [Localité 9]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentés par Me Valérie CHAUVELIER de la SELARL MALTERRE - CHAUVELIER, avocat au barreau de Pau

sur appel de la décision

en date du 16 JANVIER 2024

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU

RG numéro : 21/02075

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique du 29 avril 2021, Monsieur [R] [F], nu-propriétaire, et sa mère Madame [C] [U], usufruitière, ont vendu à Monsieur [O] [P] et Mme [E] [W] un terrain à bâtir situé à [Localité 13] (64), issu d'une parcelle plus grande leur appartenant, cadastré section ZD[Cadastre 6], d'une contenance de 1121 m² pour le prix de 53 000 euros.

Lors des travaux de décaissement effectués pour implanter les fondations de leur maison, les consorts [P]/[W] ont constaté qu'une canalisation d'eau d'irrigation dont est propriétaire l'ASA (association syndicale autorisée) du Louts Amont ne se situait pas à proximité immédiate de la limite de propriété mais à environ 3,30 mètres à l'intérieur du terrain.

L'association du Louts Amont a partiellement déplacé cette canalisation mais ce faisant, a comblé un fossé et créé un talus causant des écoulements d'eaux pluviales vers la construction des consorts [P]/[W].

Par actes des 16 et 17 décembre 2021, les consorts [P]/[W] ont fait assigner M. [F], Mme [U], et l'association du Louts Amont devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins notamment de voir condamner l'association du Louts Amont à déplacer la canalisation et à les indemniser des préjudices induits par les travaux mal réalisés par elle, et de voir condamner leurs vendeurs à la restitution d'une partie du prix de vente du terrain et à indemniser leur préjudice moral.

Mme [C] [U] est décédée le 30 mars 2022.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, le juge de la mise en état a considéré que les demandes de déplacement de la canalisation et d'indemnisation suite aux travaux réalisés par l'ASA du Louts Amont relevaient de la compétence du tribunal administratif, ceux-ci ayant la qualité de travaux publics.

Suivant jugement contradictoire du 16 janvier 2024 (RG n°21/02075), le tribunal a :

- constaté que Mme [C] [U] n'est plus en la cause,

- constaté le désistement des consorts [P]/[W] à l'encontre de l'association du Louts Amont,

- condamné M. [R] [F] à payer à M. [O] [P] et Mme [E] [W] les sommes de 2 886 euros à titre principal et de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné M. [F] à payer aux consorts [P]/[W] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont les frais de justice relatifs aux procès-verbaux des 28 juin, 31 août et 1er décembre 2021,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :

- que M. [F] avait connaissance de l'emplacement de la canalisation lors de la vente de la parcelle aux consorts [P]/[W], pour avoir été partie à un litige contre l'association du Louts Amont qui a abouti à un arrêt de la cour d'appel de Pau du 22 janvier 2001, qui mentionnait l'emplacement de la canalisation litigieuse deux mètres à l'intérieur de la parcelle ZD[Cadastre 2], ensuite divisée en plusieurs parcelles dont la parcelle vendue, de sorte que la clause de non garantie des vices cachés prévue à l'acte de vente ne peut jouer,

- que la canalisation litigieuse étant positionnée largement à l'intérieur du terrain vendu, elle ne peut être considérée comme étant située 'le long de la limite Nord Est contigu avec Mme [B]' comme le mentionne l'acte authentique, formulation qui ne peut que laisser supposer que la quasi intégralité du terrain vendu est utilisable, alors que du fait de la présence de la canalisation, les consorts [P]/[W] ne peuvent jouir librement de l'intégralité de leur terrain et notamment de la partie la plus au nord de la parcelle, d'une superficie de 55,50m², ce qui justifie une diminution du prix d'achat de 2 886 euros (55,50 m² inutilisables x 52 euros, prix d'acquisition au m²),

- que l'omission de M. [F], alors qu'il avait connaissance de l'emplacement de la canalisation à l'intérieur de la parcelle vendue, a été à l'origine d'un retard des travaux de construction de la maison des consorts [P]/[W], ce qui justifie l'octroi à leur profit de dommages et intérêts à hauteur de 2 500 euros.

M. [R] [F] a relevé appel par déclaration du 15 mars 2024 (RG n°24/00838), critiquant le jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [R] [F] à payer à M. [O] [P] et Mme [E] [W] les sommes de 2 886 euros à titre principal et de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté M. [F] de ses autres demandes,

- condamné M. [F] à payer aux consorts [P]/[W] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont les frais de justice relatifs aux procès-verbaux des 28 juin, 31 août et 1er décembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [R] [F], appelant, entend voir la cour :

- infirmer le jugement,

- débouter M. [P] et Mme [W] de leur appel incident et de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

A défaut et à titre subsidiaire,

- limiter une éventuelle réduction de prix à la somme de 2 650 euros,

- débouter M. [P] et Mme [W] de leur demande indemnitaire,

En tout état de cause,

- condamner M. [P] et Mme [W] à lui verser une indemnité de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

- condamner M. [P] et Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir :

- que la garantie des vices cachés ne saurait être mobilisée, dès lors qu'une servitude non apparente ne constitue pas un vice caché, mais relève de la garantie d'éviction, laquelle est exclue par l'acte de vente même dans l'hypothèse où il aurait eu connaissance de l'existence de la servitude préalablement à la vente, de sorte que toute action à son encontre sur ce fondement est vaine,

- qu'à titre subsidiaire, aucune demande sur le fondement de la garantie des vices cachés et du dol ne peut aboutir à son encontre dès lors qu'il n'est pas établi qu'il avait connaissance de l'emplacement exact de la canalisation litigieuse, de sorte qu'il bénéficie de la clause d'exclusion de garantie prévue à l'acte de vente, et dès lors qu'il a donné à ses acquéreurs les informations telles qu'il les détenait,

- que les acquéreurs ont acquis le terrain en connaissance de l'existence d'une servitude de canalisation d'irrigation sur la partie nord-est de la parcelle,

- qu'ils ne peuvent rechercher réparation auprès de leur vendeur alors que la canalisation a été déplacée par l'ASA du Louts Amont suite à leur demande en ce sens ; que les difficultés ayant succédé à ces travaux ne concernent pas la vente du terrain,

- qu'il n'est pas établi que les consorts [P]/[W] auraient acquis le terrain à un prix moins élevé, dès lors que la connaissance de l'emplacement réel de la canalisation n'aurait pu entraîner un recul de la construction que d'1,50m par rapport à ce qui est réglementairement imposé par le PLU, ce qui n'a pas été le cas puisque la canalisation a été déplacée par l'ASA du Louts Amont,

- qu'à titre infiniment subsidiaire, la réfaction du prix doit être ramenée à de plus justes proportions dès lors que la partie du terrain en lien avec la canalisation n'excède pas 5% de la surface totale du terrain,

- que les consorts [P]/[W] ne caractérisent aucun préjudice indemnisable en raison de la présence de la canalisation, l'ASA ayant rapidement fait procéder à son déplacement, ce qui leur a permis d'achever leur construction.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [E] [W] et M. [O] [P], intimés et appelants incident, demandent à la cour de :

A titre principal, sur le fondement des articles 1641, 1644 et 1645 du code civil :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel formé par M. [F],

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- constaté que Mme [C] [U] n'est plus en la cause,

- constaté le désistement des consorts [P]/[W] à l'encontre de l'association du Louts Amont,

- condamné M. [F] à payer aux consorts [P]/[W] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont les frais de justice relatifs aux procès-verbaux des 28 juin, 31 août et 1er décembre 2021,

Accueillant leur appel incident,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné M. [R] [F] à payer à M. [O] [P] et Mme [E] [W] les sommes de 2 886 euros à titre principal et de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

Et statuant à nouveau,

- condamner M. [F] à leur restituer une partie du prix de vente à hauteur de 15 000 euros,

- condamner M. [F] à leur verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1137 du code civil :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- constaté que Mme [C] [U] n'est plus en la cause,

- constaté le désistement des consorts [P]/[W] à l'encontre de l'association du Louts Amont,

- condamné M. [F] à payer aux consorts [P]/[W] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont les frais de justice relatifs aux procès-verbaux des 28 juin, 31 août et 1er décembre 2021,

Accueillant leur appel incident,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné M. [R] [F] à payer à M. [O] [P] et Mme [E] [W] les sommes de 2 886 euros à titre principal et de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

Et statuant à nouveau,

- condamner M. [F] à leur restituer une partie du prix de vente à hauteur de 15 000 euros,

- condamner M. [F] à leur verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

En tout état de cause,

- condamner M. [F] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir :

- que s'ils avaient connaissance de l'existence d'une servitude de tréfonds au bénéfice de la canalisation litigieuse, le positionnement réel de cette servitude leur a été caché lors de la vente, puisque l'acte de vente précise qu'elle était positionnée le long de la limite nord-est contigu avec Mme [B], alors que M. [F] avait connaissance qu'elle se trouvait en réalité à 3m30 à l'intérieur du terrain, pour avoir été lui-même indemnisé du fait de l'erreur d'implantation de la canalisation par l'association du Louts Amont,

- qu'il en résulte que M. [F] a commis une réticence dolosive en sa qualité de vendeur,

- que la présence de cette canalisation, si elle a pu être partiellement déviée pour leur permettre de réaliser les fondations de leur maison, les empêche de jouir de l'intégralité de leur terrain autour de leur maison et d'y réaliser les travaux d'aménagement envisagés, de sorte que s'ils en avaient eu connaissance, ils n'auraient pas acheté ce terrain, ou en auraient offert un prix moindre,

- que leur préjudice moral est certain, ayant été confrontés à l'attitude taisante de M. [F] et contraints de recourir à la justice pour faire reconnaître leur préjudice,

- que compte tenu du manque de loyauté de M. [F] et de sa réticence dolosive, la clause d'exclusion de la garantie d'éviction prévue à l'acte de vente ne peut leur être opposée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2025.

MOTIFS :

Sur le vice caché :

Selon l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu à la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné un moindre prix s'il les avait connus.

L'article 1642 précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

En vertu de l'article 1644, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice :

- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,

- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,

- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,

- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l'article 1642 du code civil,

- et d'une importance telle que s'il en avait eu connaissance, il n'aurait pas acquis la chose ou n'en aurait offert qu'un moindre prix.

En l'espèce, les consorts [P]-[W] invoquent la garantie des vices cachés contre leur vendeur en raison de la dissimulation du tracé réel de la servitude de canalisation présente sur le terrain acquis. Toutefois, une telle dissimulation ne relève pas des conditions d'application de la garantie des vices cachés, dans la mesure où l'emplacement de cette servitude différent des prévisions des acquéreurs ne constitue pas une 'défectuosité' et ne rend pas le terrain impropre à son usage, ou n'en diminue pas l'usage de manière très importante.

La cour de cassation considère qu'une servitude de canalisation non apparente ne constitue pas un vice caché mais relève de la garantie d'éviction de l'article 1638 du code civil. En effet, la charge non déclarée prenant sa source dans un droit appartenant à un tiers et non dans un défaut de la chose elle-même, elle ne relève pas de la garantie des vices cachés (Civ. 3ème, 27 février 2013, n° 11-28783 ; Civ. 3ème, 6 juillet 2023, n°22-13179).

Par analogie, la présente cour considère que le tracé de la servitude de canalisation, différent de celui présent à l'acte de vente, ne relève pas non plus de la garantie des vices cachés.

Les demandes des consorts [P]-[W] présentées sur ce fondement, accueillies à tort par le premier juge, seront en conséquence rejetées.

Sur le dol :

Selon les dispositions de l'article 1137 du code civil :

'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.'

Le vendeur qui affirme faussement, dans l'acte de vente, qu'il n'a constitué sur le bien aucune servitude et qu'il n'en existe pas à sa connaissance, commet une faute contractuelle dont l'acquéreur est en droit de lui demander réparation ( Civ. 3e, 5 févr.1974, Bull. civ. III, n°57 ; Civ. 3e, 21 mars 2001, n° 99-10.913).

En l'espèce, l'acte de vente du 29 avril 2021 intervenu entre les parties, concernant la parcelle ZD [Cadastre 6] (issue de la division de la parcelle ZD [Cadastre 3] en ZD [Cadastre 6] et ZD [Cadastre 7]), mentionne expressément que la canalisation passe le long de la limite de la parcelle vendue, mais se trouve sur une parcelle voisine ZD [Cadastre 5] :

« 2°) Aux termes d'un acte reçu par Me [D] [N], Notaire à [Localité 10], le 09 décembre 2008, il a été rappelé la servitude ci-après rapportée :

« il est également précisé que le lot B présentement vendu est grevé le long de la limite Nord Est côté contigu avec Mme [B], d'une servitude de passage en tréfonds d'une canalisation d'irrigation alimentant les fonds voisins, telle que matérialisée en jaune avec pointillés bleus sur le plan annexé à l'acte.

L'acquéreur déclare en avoir connaissance et s'interdit d'élever toute construction ou plantation sur l'emplacement de cette canalisation, afin de permettre l'accès à tout moment aux personnes chargées de l'entretien de ladite canalisation ».

Précision est ici faite par le VENDEUR que le lot B désigne la parcelle aujourd'hui cadastrée sous le numéro [Cadastre 3] de la section ZD.

Cette servitude ne concerne pas la parcelle aujourd'hui vendue mais celle cadastrée sous le numéro [Cadastre 5] de la section ZD ».

La dernière ligne de cette clause résulte toutefois d'une erreur de l'acte authentique, car le schéma joint à l'acte fait bien apparaître le tracé de la servitude de canalisation en limite nord-est de la parcelle ZD [Cadastre 6] (et non ZD [Cadastre 5]), très légèrement à l'intérieur de celle-ci sur la limite divisoire avec la parcelle de Mme [B].

Les consorts [P]-[W] admettent avoir eu connaissance dès l'achat que la servitude de canalisation passait sur la parcelle acquise, mais avec un tracé en limite de propriété.

Or il est établi par les pièces produites et notamment un procès-verbal de constat par voie d'huissier du 28 juin 2021, non discuté par M. [F], que la canalisation passe sur la parcelle vendue aux consorts [W]-[P], non pas en limite divisoire mais 3,30 m à l'intérieur de la parcelle, et que cette canalisation est enterrée à 1,30m et mesure 20 cm de diamètre.

Ainsi, les consorts [P]-[W] ont dû arrêter les travaux de construction de leur maison d'habitation le 28 juin 2021 compte tenu de la présence de la canalisation au niveau des fouilles effectuées pour les fondations.

A leur demande, M. [F] s'était engagé par courrier à faire déplacer la canalisation avant le 17 juillet 2021.

Ils produisent un nouveau procès-verbal de constat du 31 août 2021 démontrant que l'ASA du Louts Amont a effectivement déplacé la canalisation, mais seulement au niveau de la zone de fondations, en disposant deux coudes et un talus instable de 1,55m, et a laissé en place la canalisation en amont et en aval de ces fondations.

Les consorts [P]-[W] versent également un procès-verbal de constat d'huissier du 1er décembre 2021 montrant que le talus s'est effondré et que le fossé d'évacuation des eaux pluviales qui existait a été supprimé lors du déplacement de la canalisation, alors que la parcelle se situe en bas d'une parcelle agricole.

M. [F], auquel les consorts [P]-[W] reprochent un dol, leur oppose qu'il ignorait l'emplacement exact de la canalisation, et que le PLU de la Commune de [Localité 13] prescrit une implantation des bâtiments à la distance minimale de 2 mètres de la limite de propriété si bien que M. [F] croyait légitimement que la canalisation était enfouie dans cette bande de 2 mètres ce qui avait justifié la mention d'une implantation « le long de la limite de propriété » dans l'acte de vente et non « en limite de propriété».

Néanmoins, la cour estime au contraire que M. [F] a fait preuve de réticence dolosive lors de la vente, car il est établi par les pièces produites :

- que M. [F] a laissé en connaissance de cause le notaire inscrire à l'acte de vente que la canalisation ne passait pas sur la parcelle vendue, mais en limite de celle-ci,

- qu'il connaissait l'existence de cette canalisation largement présente à l'intérieur de la parcelle vendue depuis 2001: en effet un litige l'a opposé à l'ASA du Louts Amont, à l'issue duquel, par arrêt de la présente cour du 21 mars 2005 (suite à un sursis à statuer sur l'indemnisation, prononcé par arrêt du 22 janvier 2001), il été indemnisé par l'ASA du Louts Amont pour cette erreur de positionnement de la canalisation, et a perçu 6385,67 € en réparation du préjudice subi à raison de la présence de cette canalisation sur la parcelle en litige.

Ainsi, le dol commis par M. [F] à l'occasion de la vente, dont la nullité n'est pas demandée par les consorts [P]-[W], ouvre droit pour ces derniers à la réparation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Sur le préjudice des consorts [W]-[P] :

Il est établi que la livraison de la maison des consorts [P]-[W] a été retardée de plusieurs mois, comme l'indique leur constructeur, la SARL Béarn Pavillons, dans son courrier du 26 novembre 2021.

Les consorts [W]-[P] indiquent par ailleurs :

- qu'ils ne peuvent réaliser une allée en enrobé pour accéder à leur garage car la canalisation serait alors rendue inaccessible en dessous,

- qu'ils ne peuvent planter des arbres où ils le souhaitent.

Ces éléments sont confortés par les photographies et les deux procès-verbaux de constat d'huissier qu'ils produisent aux débats.

La cour estime que le terrain des consorts [P]-[W] subit donc une dévaluation importante en raison des contraintes précitées, imposées par la présence de la canalisation litigieuse, contraintes qui doivent être mises en perspective avec la faible superficie du terrain (1121 m²) ce qui ne laissait aucune alternative aux consorts [P]-[W] pour implanter différemment leur maison et établir une allée de garage goudronnée.

Cette dévaluation sera compensée par l'allocation de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, par infirmation du jugement déféré.

En revanche, la cour considère que les consorts [P]-[W] ne font pas la démonstration d'un préjudice moral, s'ajoutant au préjudice subi à raison de la dévaluation du terrain.

Leur demande présentée en ce sens sera donc rejetée, par infirmation du jugement déféré.

Sur le surplus des demandes :

M. [F], succombant, sera condamné aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer aux consorts [P]-[W] la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s'ajoutant à celle allouée aux consorts [P]-[W] en première instance.

La demande de M. [F] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris, hormis en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Le confirme de ces chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne M. [R] [F] à payer à M. [O] [P] et Mme [E] [W] la somme totale de 10 000 € à titre de dommages-intérêts,

Déboute M. [O] [P] et Mme [E] [W] de leur demande indemnitaire pour préjudice moral,

Déboute M. [R] [F] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [R] [F] à payer à M. [O] [P] et Mme [E] [W] la somme totale de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne M. [R] [F] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Alexandra BLANCHARD, conseillère suite à l'empêchemnet de Madame FAURE, Présidente et par madame DENIS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire

La Greffière, La Présidente,

Nathalène DENIS Alexandra BLANCHARD

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