Cass. 1re civ., 28 mars 2012, n° 11-10.347
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
X...
Défendeur :
Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 24 mai 1999, la société de réalisations et d'études pour les industriels du bois, dite Séribo, a conclu, avec la société Hainan Yangpu Xindadao Industriel Co Ltd, un contrat ayant pour objet de lui fournir une usine de production de parquet flottant et une assistance technique sur site, qu'aux termes de l'article 20 du contrat (dans sa traduction française) leurs litiges, s'ils ne pouvaient se régler par concertation amicale, seraient soumis à la Commission d'arbitrage économique et commercial de Chine "pour mener une médiation et un arbitrage" et que s'il s'avérait "impossible de conclure un arrangement", tous les litiges seraient "réglés de façon définitive selon les règles de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale" ; que la société Hainan Yangpu Xindadao Industriel Co Ltd s'étant plainte de l'inexécution des obligations contractuelles de Séribo, et ayant saisi le CIETAC pour mettre en oeuvre l'arbitrage, une sentence a été rendue le 22 décembre 2004 à Pékin, par un tribunal arbitral ;
Attendu que, pour dire qu'il n'y a pas lieu de rechercher si la sentence rendue par le CIETAC habilité à mener une tentative de conciliation, est contraire à l'ordre public international, l'arrêt retient que la clause de conciliation invoquée par M. X..., ès qualités, n'était pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou d'incompétence du tribunal arbitral ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X..., ès qualités, qui soutenait que la reconnaissance de la sentence était contraire à l'ordre public international, en faisant valoir que la sentence litigieuse avait été, en réalité, prononcée par une institution qui n'avait pas la qualité d'arbitre, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd aux dépens;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré exécutoire la sentence rendue par la Commission chinoise d'arbitrage économique et commercial international (CIETAC) au profit de la société Hainan Yangpu Xindadao Industrial Co Ltd ;
AUX MOTIFS QUE selon la traduction de l'article 20 de la convention liant les parties «les litiges survenant à propos de l'exécution du contrat entre les Parties seront réglés par concertation amicale», que «les litiges ne pouvant se régler de cette façon seront soumis à la Commission d'arbitrage de l'économie et du commerce extérieur du Conseil pour la promotion du commerce international de la Chine pour mener une médiation et un arbitrage» ; que «s'il avère impossible de conclure un arrangement par les moyens ci-dessus, tous les litiges survenant du ou en relation avec le présent contrat seront réglés de façon définitive selon les règles de conciliation et d'arbitrage de la Chambre du commerce internationale par un ou plusieurs arbitres(s) nommé(s) conformément aux dites règles
» ; que «le lieu d'arbitrage sera PARIS» ; Que selon la traduction du texte chinois «En cas de conflit
les parties s'efforceront de trouver une solution à l'amiable» ; que «à défaut, ce conflit doit être remis d'abord au CIETAC (China international economic and trade arbitration Commission), pour trancher» ; que «le lieu d'arbitrage sera à Beijing ; si les deux parties sont consentantes, il peut être tranché par la Chambre de commerce international
le lieu d'arbitrage sera Paris
» ; Considérant qu'il ressort de ces deux versions qu'en cas de litige, les parties doivent s'efforcer de trouver une solution «par concertation amicale» ou «à l'amiable» au cours d'une phase préalable à la procédure proprement dite ; Que toutefois, cette «procédure» destinée à rapprocher les parties et à favoriser la conclusion d'un accord amiable n'est, ni dans la traduction du texte anglais, ni dans la traduction du texte chinois, stipulée comme étant une formalité préalable et obligatoire dont l'omission serait de nature à les priver de saisir l'arbitre ; que, laissée à leur bon vouloir, elle ne saurait être regardée comme étant prévue par une clause de conciliation obligatoire dont la violation entraîne, en droit interne, une fin de non-recevoir qui s'impose au juge lorsque l'une des parties s'en prévaut ; Considérant que la règle invoquée par Maître X... n'étant pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou d'incompétence du tribunal arbitral, il n'y a pas lieu de rechercher si la sentence rendue est contraire à l'ordre public international ; qu'il convient en conséquence, de confirmer l'ordonnance frappée d'appel ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Me X... faisait valoir de manière circonstanciée, précise et étayée que la prétendue sentence arbitrale du 22 décembre 2004 avait été, en réalité, prononcée par une institution (le CIETAC) qui n'avait pas la qualité d'arbitre, et ce indépendamment de l'existence de toute phase de conciliation préalable, en sorte que l'exequatur de ladite sentence ne pouvait être ordonnée sans violer les dispositions l'article 1502 du code de procédure civile, l'appelant relevant ainsi «la sentence ayant fait l'objet de l'exequatur contestée, viole l'ordre public international de façon flagrante, effective et concrète» (conclusions, p.21 ; voir également en ce sens : p.6, 12, 17, 18, 20, 22 et 23) ; qu'en confirmant en l'espèce l'ordonnance d'exequatur sans répondre à ce moyen déterminant, en se bornant à retenir que l'obligation de conciliation préalable «n'était pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou d'incompétence du tribunal arbitral» (arrêt, p.4), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.