CA Reims, ch.-1 civ. et com., 2 septembre 2025, n° 24/00547
REIMS
Arrêt
Autre
ARRÊT N°
du : 02 septembre 2025
R.G. : 24/00547 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPDW
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
SELAS OS AVOCATS
Maître [J] [Z]
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2025
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 08 février 2024 par le Tribunal de Commerce de Chalons-en-Champagne (RG 2021000002)
Monsieur [S] [T]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, et BELLOY & Associés, avocats au barreau de PARIS
S.A.S. Paon du Jour
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, et BELLOY & Associés, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
1°) Monsieur [P] [N]
[Adresse 5]
[Localité 2] (SUISSE)
Représenté par Maître Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Romain GIRAUD, avocat au barreau de PARIS
2°) Monsieur [P] [E] [B]
[Adresse 9]
[Localité 3] (ESPAGNE)
Représenté par Maître Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Romain GIRAUD, avocat au barreau de PARIS
3°) S.A.S. [V]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentée par Maître Marianne SOMMIER-AFARTOUT de la SELAS OS AVOCATS, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, et Me Delphine RAYNAL CANTAGREL, avocat au barreau de PARIS
4°) Société POLYMER LOOP SL
[Adresse 10]
[Localité 3] (ESPAGNE)
Représentée par Maître Martin BOELLE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de REIMS, et Me Léon DEL FORNO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
A l'audience du 16 juin 2025, Mme Sandrine PILON et Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillères, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Sandrine PILON, conseillère,
Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillère
M. [W] [I] [A]
GREFFIERS :
Mme Jocelyne DRAPIER, greffière, lors des débats et Mme Lucie NICLOT, greffier, lors du prononcé,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le 2 septembre 2025les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Sandrine PILON, conseillère, et par Mme Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SAS [V] a été constituée le 19 décembre 2013 par trois associés': M. [P] [N], M. [P] [E] [B] et M. [S] [T], à part égales, celui-ci partageant ses actions avec sa société Paon du Jour pour 33,33 %. Son objet social consiste à traiter et recycler les déchets plastiques notamment post-ménagers dans son usine située à [Localité 11]. M. [T] a été nommé président de cette société le 15 février 2014.
MM. [N] et [E] détiennent par ailleurs la société de droit espagnol Polymer Loop, spécialisée dans la recherche et le développement dans le domaine des technologies environnementales, et ses filiales, les sociétés Tyrma et Genepol, ayant pour activité le recyclage de plastiques post-ménagers.
La société Paon du jour, créée en 2014 et dont M. [T] est actionnaire majoritaire à 99,9 %, est prestataire de services.
Le 7 janvier 2014, MM. [N], [E] et [T] ont signé un pacte d'actionnaires.
A la même date, un contrat de licence de savoir-faire, d'assistance technique et de coopération industrielle a été conclu entre la société [V], d'une part, et les sociétés Genepol et Tyrma, d'autre part, la société Polymer Loop les autorisant à sous-concéder leur licence à la première.
Le 12 décembre 2016, M. [N] et M. [E] ont été nommés respectivement président et directeur général de la société [V]. M. [T] a succédé à M. [E] le 5 juillet 2018.
A compter du deuxième semestre 2018, un conflit est survenu entre les actionnaires [N], [E] et [T] au sujet du développement de la société [V] à l'étranger et sur ses orientations stratégiques. Plusieurs actions judiciaires ont été engagées.
Le contrat de prestation de services liant la société [V] à la société Paon du Jour a été résilié par courrier de M. [N], président de la société [V], du 3 juillet 2019.
M. [T] a été révoqué de sa fonction de directeur général de la société [V] le 26 octobre 2020.
Par exploits délivrés les 28 mai 2020, 2 juin 2020 et 23 décembre 2020, M. [T] et la société Paon du Jour ont fait assigner MM. [E] et [N], la société Polymer Loop et la société [V] devant le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne aux fins d'indemnisation, sur le fondement de l'action ut singuli, sollicitant la condamnation solidaire de MM [E] et [N], d'une part, pour violation de leur obligation de loyauté et de fidélité envers la société [V] en tant que dirigeants sociaux, et de la société Polymer Loop, d'autre part, pour complicité de ces faits.
Par jugement du 5 avril 2024, ce tribunal a':
- dit et jugé que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [T] et la société Paon du Jour à la société Polymer Loop est irrégulière,
- dit et jugé que cette irrégularité cause un grief à la société Polymer Loop,
- prononcé la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Polymer Loop par M. [T] et la société Paon du Jour le 23 décembre 2020,
- dit et jugé irrecevable pour défaut du droit d'agir l'action engagée par M. [T] et la société Paon du Jour à l'encontre de la société Polymer Loop,
- déclaré recevable l'action ut singuli initiée par les demandeurs,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre d'une abstention ayant fait échec aux opportunités de [V] grâce au travail de M. [T] et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre de faire échec, en dénigrant la société [V], à son développement international, et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre d'utiliser les informations obtenues dans le cadre du travail de la société [V] pour en faire bénéficier une société concurrente et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre d'avoir privé la société [V] de son seul dirigeant opérationnel en résiliant le contrat de prestation de services de la société Paon du Jour et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre de l'appauvrissement inconsidéré de la société [V] au profit des sociétés de MM. [E] et [N] par la mise en place de facturations massives et douteuses et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- jugé que MM. [N] et [E] n'ont pas violé leur obligation de loyauté et de fidélité dont ils étaient tenus envers la société [V] en tant que dirigeants sociaux,
- débouté M. [T] et la société Paon du Jour de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté MM. [E] et [N] de leur demande de paiement de la somme de 30 000 euros à raison du caractère abusif de l'action des demandeurs,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour à verser à M. [E], d'une part, et M. [N], d'autre part, une indemnité de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour à verser à la société [V] la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour à payer à la société Polymer Loop la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour aux dépens de l'instance sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappelé que la condamnation sera assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 10 décembre 2024, M. [T] et la SAS Paon du Jour ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions transmises par la voie électronique le 7 mai 2025, ils demandent à la cour de':
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a':
dit et jugé que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [T] et la société Paon du Jour à la société Polymer Loop est irrégulière,
dit et jugé que cette irrégularité cause un grief a la société Polymer Loop,
prononcé la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Polymer Loop par M. [T] et la société Paon du Jour le 23 décembre 2020,
dit et jugé irrecevable pour défaut du droit d'agir l'action engagée par M. [T] et la société Paon du Jour à l'encontre de la société Polymer Loop,
jugé recevable l'action ut singuli,
débouté MM. [E] et [N] de leur demande au titre de la prétendue procédure abusive,
débouté ces derniers, la société Polymer Loop et la société [V] de l'ensemble de leurs demandes,
statuant à nouveau,
- juger que MM. [E] et [N] ont violé leur obligation de loyauté et de fidélité dont ils étaient tenus envers [V] en tant que dirigeants sociaux,
en conséquence,
- les condamner solidairement à verser à la société [V] la somme de 17 800 000 euros au titre de la perte de chance et celle de 100 000 euros au titre du préjudice moral,
- les condamner solidairement à leur verser la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Ils soutiennent que MM. [E] et [N] se sont conduits déloyalement dans l'exercice de leur mandat social en défendant leurs propres intérêts au préjudice de la société [V].
Ils affirment qu'ils ont utilisé la société Polymer Loop afin de concurrencer de façon déloyale la société [V] sur le marché belge (en la faisant candidater au contrat Fostplus 9 ans et en la dénigrant), sur le marché italien (en créant, sans les en informer, une filiale sur le même secteur d'intervention que la société [V] caractérisant un acte de concurrence déloyale) et allemand (en constituant une société de droit allemand alors que M. [T] évoquait la possibilité d'y installer une usine, et en faisant supporter à la société [V] le coût du développement de cette société).
Ils se prévalent de facturations fictives et excessives adressées à la société [V] par les sociétés de MM. [E] et [N] évoquant':
- la mise en place d'un système frauduleux concernant le recyclage de plastiques au préjudice de l'opérateur de tri espagnol Ecoembes que MM. [E] et [N] ont orchestré et se traduisant par un enfouissement illégal des déchets et une facturation de prestations fictives,
- la facturation excessive et incohérente de prestations administratives, comptables et commerciales des sociétés espagnoles liées à MM. [E] et [N] au préjudice de la société [V], ces facturations ayant entraîné un détournement d'un quart du chiffre d'affaires de cette dernière en 2019.
Ils ajoutent que MM. [E] et [N] ont également ponctionné annuellement, et depuis 2019, les fonds de la société [V].
Ils contestent la prétendue impossibilité de la société [V] de traiter les déchets belges retenue par le tribunal et exposent que le contrat de licence de savoir-faire lui permettait de se développer tant en France qu'en Europe.
Ils arguent que l'argumentation des premiers juges concernant la résiliation du contrat de prestation de services liant les sociétés Paon du Jour et [V] est inopérante sur la solution du présent litige, aucune faute imputable à la première n'ayant été retenue par la cour d'appel de Paris saisie de la question de la résiliation du contrat.
Ils affirment que la société [V] subit une perte de chance de marge brute calculée sur le montant du chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé si la conduite de MM. [E] et [N] ne l'en avait pas empêchée.
Ils se prévalent par ailleurs du préjudice moral subi par la société du fait du dénigrement orchestré par MM. [E] et [N] consistant à prétendre faussement qu'elle n'aurait pas vocation à se développer en Europe ou qu'elle ne disposerait pas d'une prétendue licence.
Sur l'appel incident formé par MM. [E] et [N], ils font valoir que l'action ut singuli est recevable relevant qu'il n'existe aucune obligation de mettre préalablement en demeure les dirigeants de la société d'agir. Ils observent au surplus que cette action peut être exercée en cas d'inertie des dirigeants, comme en l'espèce.
Ils contestent enfin le caractère abusif de la procédure initiée relevant qu'elle l'a été pour le compte de la société [V] sans aucune volonté personnelle de M. [T] de s'enrichir.
Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 23 mai 2025, MM. [N] et [E] demandent à la cour de :
- déclarer leurs conclusions d'appel et d'appel incident recevables et fondées,
- débouter les appelants de leurs demandes,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré ces derniers recevables et juger que leur action n'était pas abusive,
statuant à nouveau,
- les déclarer irrecevables en leur action, faute de qualité et d'intérêt à agir, l'action ut singuli ne remplissant pas la condition de subsidiarité,
- les condamner solidairement à leur verser à chacun une indemnité de 30 000 euros à raison du caractère abusif de leur action,
pour le surplus,
- confirmer le jugement déféré,
en cause d'appel,
- les condamner solidairement à leur verser à chacun une indemnité de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance d'appel sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir, se prévalant du principe de subsidiarité, que l'action ut singuli engagée est irrecevable faute pour les appelants d'avoir invité la société [V] à initier l'action ut universi à l'encontre de son président et de son directeur général et de démontrer la carence de la société dans l'exercice de cette action.
Ils exposent qu'ils n'ont fait preuve d'aucune déloyauté envers la société [V] s'agissant de son développement relevant que':
- aucun acte n'imposait son développement international, la première vocation de la société étant de sécuriser son activité sur le territoire français,
- l'article 1er du contrat de licence concédé à la société [V] stipule que le savoir-faire sera, en exécution de la licence, exploité à titre exclusif par la licenciée sur le territoire français,
- le contrat de prestation de services conclu entre la société [V] et la société Paon du Jour en 2018 prévoyant que cette dernière pourra obtenir des financements et subventions pour un éventuel projet en Belgique ne remet pas en cause l'intention initiale des associés de la société [V] lors de sa création en 2014,
- aucune obligation de résultat de développer cette société à l'international n'incombait aux dirigeants et actionnaires de cette société.
Ils ajoutent qu'ils n'ont commis aucune faute, par voie d'action ou d'abstention, au titre de l'appel à projets SRIW (portant sur le financement d'une usine en Belgique) et concernant le développement de la société [V] en Allemagne observant que':
- il n'est pas démontré que la société [V] et SRIW étaient entrées en discussions exclusives, d'autres sociétés ayant été présélectionnées et ayant signé un accord identique à celui invoqué par les appelants,
- les motifs de rejet de la candidature de la société [V] au contrat Fostplus 2 ans (portant sur l'approvisionnement en lots de plastiques belges de l'usine de cette société), liés à son incapacité à recycler correctement le plastique belge, sont étrangers à toute faute de leur part,
- aucun financement n'a été accordé à la suite de l'appel à projet en Belgique de sorte qu'il n'existe aucun préjudice,
- la société Polymer Loop n'est pas concernée par cet appel à projet,
- l'implantation en Allemagne de la société [V] n'a jamais été convenue entre les actionnaires et aucun accord particulier n'interdisait à la société Polymer Loop de se développer à l'international,
Ils contestent toute faute concernant l'absence de candidature de la société [V] au contrat Fostplus 9 ans relevant que':
- ce contrat constituait un marché distinct de son marché originel,
- la société n'était pas en mesure de recycler correctement le plastique belge en grande quantité, de sorte qu'aucun acte de déloyauté ne peut leur être reproché,
- la société Polymer Loop était libre d'entreprendre et de commercer à l'étranger, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, seule une interdiction d'exercer une activité concurrente à celle de la société [V] sur le territoire français, en raison de la licence accordée, leur étant imposée,
- la responsabilité de M. [N], simple actionnaire de cette société et qui n'y exerce aucune fonction de direction, ne peut être engagée au titre de la candidature de la société Polymer Loop à un marché quelconque,
- le contrat Fostplus 9 ans ayant été attribué à une entreprise tierce, la société [V] n'a, en tout état de cause, subi aucun préjudice.
Ils font valoir qu'aucune faute de détournement d'information essentielle de la société [V] ou concernant leur obligation de loyauté de dirigeant n'est démontrée à leur encontre concernant le marché allemand, les appelants n'évoquant qu'un risque de détournement de l'approvisionnement en plastiques allemands de l'usine française au profit de la société Polymer Loop.
Concernant la résiliation, prétendument non valable, du contrat de prestation de services de la société Paon du Jour, ils soutiennent que':
- la résiliation du contrat, qui a été soumise à une autre juridiction, est du ressort du droit des contrats et étrangère à l'action ut singuli engagée,
- cette résiliation n'a pas eu pour conséquence de rendre vacante la direction de la société [V] comme le prétendent les appelants, la révocation de M. [T] de ses fonctions de directeur général de la société ayant été motivée par son absence totale d'activité pendant près d'un an,
- la résiliation litigieuse n'est pas constitutive d'un acte de concurrence déloyale ou de déloyauté,
- elle n'a eu aucun impact sur l'activité de la société [V].
S'agissant de l'appauvrissement décrit comme inconsidéré de la société [V] au bénéfice des sociétés espagnoles de MM. [E] et [N], ils exposent que la plainte pénale des appelants à ce titre a été classée sans suite et que l'ensemble des sommes versées par la première aux autres sont justifiées et contrôlées.
Sur l'indemnisation sollicitée, ils se prévalent de l'absence de lien de causalité entre les fautes reprochées et les préjudices dont ils sollicitent la réparation.
Ils soutiennent en outre que la perte de chance de marge brute alléguée n'est ni actuelle, ni certaine, ni raisonnable compte tenu d'un calcul erroné du chiffre d'affaires prétendument réalisé, comme de la marge brute prétendument perdue, et de la prise en compte d'une période indemnitaire de 9 ans, sans lien avec la durée habituelle des contrats d'approvisionnement. Ils ajoutent que les corrections effectuées par le cabinet d'expertise financière mandaté par les appelants ne rendent pas la perte de chance plus raisonnable et sont justement critiquées par l'expert comptable qu'ils ont sollicité. Ils indiquent en outre que l'étude pays par pays confirme l'absence de toute perte de chance indemnisable.
Ils arguent que le préjudice moral, qui repose sur une prétendue faute de dénigrement inexistante, n'est pas démontré.
Ils affirment enfin que la juridiction commerciale a été instrumentalisée par les appelants faisant dégénérer en abus leur action ce qui justifie de leur allouer à chacun des dommages et intérêts.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 15 avril 2025, la SAS [V] demande à la cour de :
- dire et juger recevables et bien fondées ses conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il déboute les appelants de leurs demandes et les condamne à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner les appelants à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens.
Elle expose que ses résultats positifs, marqués par une augmentation croissante de son chiffre d'affaires depuis 2018, démontrent en eux-mêmes la bonne tenue de la société et l'absence de fautes de gestion imputables à MM. [N] et [E]
Elle affirme, s'agissant des factures prétendument abusives qu'elle aurait supportées, que les montants qu'elle a versés aux sociétés espagnoles dans le cadre de prestations de traitement de plastique ou de détachement de travailleurs ne présentent aucune irrégularité, ce dont le commissaire aux comptes a attesté. Elle observe au surplus qu'aucune demande indemnitaire n'est formulée par les appelants à ce titre. Elle ajoute que sa création repose sur le soutien financier, technique et logistique des sociétés espagnoles de sorte que les factures émises, dont certaines avaient d'ailleurs été validées par M. [T], sont justifiées.
Elle indique par ailleurs que les rémunérations octroyées aux dirigeants sont cohérentes par rapport à leur implication, aux chiffres de la société et aux usages dans le secteur.
Elle fait valoir en outre que la présence de MM. [E] et [N] est essentielle pour la pérennité de l'entreprise en raison de leurs compétences techniques et de leur lien avec les sociétés espagnoles qui la soutiennent.
Elle exprime également ses doutes sur la capacité et la volonté des appelants à agir dans son intérêt relevant que':
- M. [T] est responsable du rejet, pour insuffisance de l'offre, de la candidature de la société concernant le contrat Fostplus en Belgique,
- ses projections de développement à l'étranger de la société sont irréalistes, celle-ci devant consolider sa situation en France au préalable,
- il a bloqué l'utilisation des fonds obtenus pour le financement de son développement et a mis fin à la recherche de financements,
- les appelants se sont opposés à l'augmentation de son capital social bloquant son développement face à ses concurrents,
- M. [T] a développé des activités concurrentes à celles de la société au sein de deux autres sociétés avec un risque de fuite de données sensibles.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 18 avril 2025, la société Polymer Loop demande à la cour de :
- débouter les appelants de leurs demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses disposions,
ajoutant au jugement entrepris,
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
Elle expose que les appelants ont renoncé à solliciter la réformation du jugement la concernant de sorte que la cour n'est pas saisie des chefs du jugement ayant jugé irrégulière l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée et irrecevable l'action introduite à son endroit pour défaut du droit d'agir.
Elle soutient par ailleurs, concernant les fautes alléguées et sa mise en cause par les appelants que':
- aucun acte de dénigrement ou de complicité de celui-ci dans le cadre de la candidature de la société [V] au contrat Fostplus en Belgique ne peut être retenu à son encontre,
- aucun engagement ne lui interdisait de créer des filiales pour exploiter son savoir-faire en Europe et notamment en Allemagne et en Italie,
- il n'est pas établi que des prestations excessives ou fictives ont été facturées à la société [V], notamment dans le cadre du projet Ecoembes,
- elle ne s'est jamais portée candidate au contrat SRIW de sorte qu'il ne peut lui être reprochée d'avoir été utilisée par MM. [E] et [N] sur le marché belge pour concurrencer la société [V],
- il n'est pas démontré que la société [V] aurait réalisé des démarches pour développer son activité en Italie de sorte qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu à son encontre du fait de l'implantation d'une usine en Italie,
- le développement de la société [V] en Allemagne n'était pas davantage convenu entre les actionnaires, cette société ne disposant pas des droits nécessaires pour exploiter le savoir-faire en dehors du territoire français.
Elle ajoute que le préjudice allégué est purement hypothétique et ne présente pas de lien de causalité avec les fautes reprochées à MM. [E] et [N], les appelants ne démontrant pas qu'en l'absence des agissements reprochés de ces derniers, il est certain que la société [V] aurait pu se développer dans les pays susvisés ou ouvrir une nouvelle ligne de production en France. Elle affirme enfin que le préjudice, s'il existe, n'est pas lié aux fautes alléguées mais à d'autres causes intrinsèques à la société [V] (absence de droit d'exploitation du savoir-faire à l'étranger, de projet de financement, endettement, incapacité à recycler le plastique belge, incompétence de M. [T] lors de la candidature au contrat Fostplus, importance des coûts extérieurs...).
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mai 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 16 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de la déclaration d'appel et des conclusions des parties que la cour n'est pas saisie des dispositions du jugement querellé ayant':
- dit et jugé que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [T] et la société Paon du Jour à la société Polymer Loop est irrégulière,
- dit et jugé que cette irrégularité cause un grief à la société Polymer Loop,
- prononcé la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Polymer Loop par M. [T] et la société Paon du Jour le 23 décembre 2020,
- dit et jugé irrecevable pour défaut du droit d'agir l'action engagée par M. [T] et la société Paon du Jour à l'encontre de la société Polymer Loop.
1- Sur la recevabilité de l'action ut singuli':
Aux termes de l'article L. 225-252 du code de commerce, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixée par décret en Conseil d'Etat, intenter une action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages et intérêts sont alloués.
Selon l'article L. 227-8 de ce même code, les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.
L'action ut singuli et l'action ut universi sont deux modalités distinctes d'exercice de l'action en justice au sein d'une société, notamment lorsqu'il s'agit de défendre l'intérêt social ou de réparer un préjudice causé à la société par ses dirigeants. Leur mise en 'uvre obéit à des conditions et à des finalités différentes.
L'action ut universi est exercée par les organes sociaux représentant la société (gérant, conseil d'administration, directoire ou président), en vertu de leurs pouvoirs statutaires ou légaux, pour défendre les intérêts de la société. L'action ut singuli permet quant à elle à un ou plusieurs associés d'agir en justice au nom et pour le compte de la société, lorsque cette dernière, par l'intermédiaire de ses organes, s'abstient d'agir contre des dirigeants ayant causé un préjudice à la société.
Il s'agit d'une action subsidiaire, ouverte aux associés pour suppléer l'inertie de la société. Elle ne peut être exercée qu'à titre individuel en réparation d'un préjudice causé à la seule société. Elle vise à faire condamner le dirigeant fautif au profit de la société, non au profit personnel de l'associé demandeur.
Aucune disposition légale ni principe jurisprudentiel n'exige que les associés mettent préalablement en demeure les dirigeants d'agir avant d'exercer une action ut singuli s'agissant d'une prérogative propre à chaque associé ou groupe d'associés, quelque soit la fraction du capital qu'il détient, qui peut être exercée indépendamment du comportement ou de l'inaction des dirigeants en place.
C'est donc à bon droit que les premiers juges, considérant que l'action ut singuli visait à pallier le défaut d'action des organes sociaux, sans obligation de les mettre en demeure au préalable, a déclaré recevable l'action ut singuli des appelants. Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur les fautes':
La responsabilité des dirigeants sociaux implique une faute de gestion commise délibérément, ou résultant d'une imprudence ou d'une abstention. La faute de gestion a pour origine l'obligation générale de compétence, de diligence, de bonne foi qui incombe aux dirigeants. Ceux-ci doivent, en toute circonstance, agir dans l'intérêt de la société et non dans leur intérêt personnel.
Cette faute peut être caractérisée par une infraction aux dispositions législatives ou réglementaires, par la violation des statuts ou, plus généralement, par un écart de conduite apprécié en fonction du standard du dirigeant diligent qui doit agir dans l'intérêt de la société, le dirigeant étant tenu de défendre l'intérêt de la société et d'en développer l'activité.
Le dirigeant est tenu d'un devoir général de loyauté envers les associés.
1/ Les appelants reprochent en premier lieu à MM. [N] et [E] d'avoir fait obstacle au développement de l'activité de la société [V] en Europe en changeant de stratégie pour favoriser leur société Polymer Loop.
M. [T] et la société Paon du jour affirment que le développement en Europe fait partie de l'objet social de la société [V] se référant à l'article 3 de ses statuts (pièce 5-3 des intimés) :« la société'a pour objet en France et à l'étranger le recyclage de déchets de toute nature'».
Ils visent également, pour attester de l'accord de MM. [N] et [E] pour un tel développement, l'article 7 alinéa 4 du pacte d'actionnaires (pièce 6 de ces derniers) qui précise que «'d'une manière générale, les parties conviennent que la société est destinée à développer l'activité des entreprises GENEPOL et TYRMA non seulement en France mais également dans l'ensemble du territoire européen'».
Ils renvoient en outre au contrat de licence de savoir-faire (pièce 7 des intimés) liant ces deux sociétés espagnoles à la société [V] qui stipule en préambule (page 2) que «'les parties se sont déclarées intéressées par ce partenariat, l'objectif poursuivi étant de développer ce savoir-faire et cette technologie par l'intermédiaire de la société [V], tant en France que sur l'ensemble du territoire européen'».
Est également produit un business plan/vision établi par M. [T] transmis à MM. [E] et [N] le 13 mai 2014 faisant état du potentiel de plastique à recycler en Europe de la société [V].
Cependant, si l'objet social de la société [V] autorise son développement en Europe, il ne le rend pas obligatoire. En effet, le pacte d'actionnaires ne contient qu'une déclaration d'intention. Par ailleurs, le business plan établi par M. [T] est un acte que celui-ci a établi seul et qui n'engage pas les autres actionnaires de la société [V].
Les stipulations du contrat de licence de savoir faire, d'assistance technique et de coopération industrielle conclu entre, d'une part, les sociétés espagnoles Tyrma et Genepol et, d'autre part, la société [V] le 13 décembre 2013, qui déterminent le territoire sur lequel cette dernière est autorisée à exploiter ladite licence, ne peuvent avoir pour effet d'ériger en obligation pour les associés de développer l'activité de la société en Europe, quand bien même elle ne l'interdirait pas.
De telles stipulations engagent leurs souscripteurs les uns envers les autres, mais non envers la société dont ils sont actionnaires.
Au surplus, il résulte de la convention de financement conclu entre la société [V] et l'agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie le 26 septembre 2014 (pièce 8-1 de MM. [N] et [E]), que «'l'opération envisagée consiste dans le cadre du projet dénomme'[V] à créer en France une première usine de recyclage des films plastiques ménagers issus de la collecte sélective ainsi que des films agricoles'» (...) «'L'objectif du projet est d'adapter en France les solutions techniques déjà développées en Espagne pour construire une industrie du recyclage des films polyéthylène ('). Il s'agit d'adapter le procédé au contexte et au gisement français'». Cela établit que la ligne de recyclage de l'usine de la société [V] a été conçue et financée pour traiter le plastique français.
Dès lors, la démonstration éventuelle d'un manquement d'un ou de plusieurs actionnaires à leur pacte par son opposition à un développement des activités de la société en Europe ne saurait caractériser, en elle-même, une atteinte à l'intérêt social de la société [V] et par là même une faute de MM. [E] et [N].
Par ailleurs, M [T] et la société Paon du jour échouent à rapporter la preuve que MM. [E] et [N] auraient nui à l'intérêt social de la société [V] en faisant obstacle à son développement en Belgique alors qu'elle aurait eu une chance sérieuse de connaître un tel développement.
En effet, le rejet au mois de juillet 2019 de la candidature de la société [V], initiée par M. [T] (pièce 16-1 de MM. [N] et [E]) en mai 2019, à un appel d'offres lancé par Fostplus (organisme privé chargé de la collecte sélective, du tri et du recyclage des déchets d'emballages ménagers en Belgique) pour l'octroi de 6 lots de plastique belge sur la période 2019-2021 (contrat Fostplus 2 ans) a été motivé par Fostplus, lui-même, ainsi (pièce 16-5 de MM. [N] et [E] -page 5-) : «'l'offre de [V] a été faite avec un sérieux insuffisant. Cela se traduit par un prix impossible sur le bordereau des prix ' compte tenu des conditions du marché, une valeur positive pour ce matériau est manifestement irréaliste ' et du fait que l'offre de [V] ne contient aucun élément concret en ce qui concerne le traitement des déchets belges et qu'elle est limitée par fournir une copie d'une demande de licence. La frivolité avec laquelle [V] a soumis son offre ressort également du fait qu'après ouverture des offres, [V] a annoncé par courrier le 7 juin 2019 qu'elle retirerait son offre pour 4 des 6 lots. Cette offre n'est donc pas acceptée et est totalement exclue de la participation à la présente procédure'».
Cet organisme a également indiqué qu'un des motifs de rejet de la candidature de la société [V] tenait dans son incapacité technique à recycler le plastique belge compte tenu de sa qualité générale, ce qui explique le retrait partiel de son offre pour 4 des 6 lots proposés.
A ce titre, M. [T] écrivait le 26 novembre 2018 à M. [E] (pièce 13-2 de ce dernier) : «'Je pense qu'on ne peut pas continuer avec le plastique belge sans changer les conditions commerciales vu le stock gigantesque de plastique belge qu'on a et qui a tellement de mal à passer en ligne'».
Dans le cadre de l'appel d'offre Fostplus 2 ans, M. [T] a accepté de recevoir 5 camions de déchets belges à titre de test, lesquels se sont révélés de mauvaise qualité. Dans un courrier électronique du 17 octobre 2019, Fostplus a interrogé M. [E] en ces termes : «'Peut-être votre usine en Espagne est plus robuste ''» (pièce 13-12 de MM. [E] et [N]).
Aucune intervention de MM. [E] et [N] n'est donc en cause dans le rejet de cette candidature de sorte qu'aucune faute ne peut leur être imputée.
S'agissant de l'appel à projet de la SRIW aux fins de financement partiel pour l'implantation d'une usine de recyclage en Belgique, il est établi qu'aucun des 6 projets sélectionnés n'a finalement été retenu.
En tout état de cause, MM. [E] et [N] sont fondés à soutenir que la société Machon ne pouvait bénéficier de cet appel à projet et donc d'un financement public pour la construction d'une usine en Belgique alors qu'elle n'était pas en capacité de traiter correctement le plastique belge. La participation de la société Polymer Loop à l'appel à projet de la SRIW ne peut donc être regardée comme un acte de concurrence déloyale portant atteinte à l'intérêt social de la société [V].
En outre, les appelants justifient que les sociétés Tyrma et Genepol, qui ont concédé à la société [V] une licence de savoir-faire spécifique dans le secteur industriel du recyclage de déchets de toute nature et en particulier les déchets en matière plastique, avaient elles-mêmes reçu la concession de ladite licence de la société Polymer Loop pour une partie de l'Espagne et du Portugal et pour la France, uniquement.
La réalité de la détention du savoir-faire par la société Polymer Loop résulte d'un rapport établi par Ingenium-Ingenieria consulting (sa pièce 1), dont il résulte que cette société a développé depuis sa constitution en 2004 des connaissances techniques relatives à la fabrication, l'installation, l'assemblage et la mise en service de procédés industriels exhaustifs au sein d'usines de recyclage de matières premières plastiques issues de déchets de films plastiques provenant des déchets solides urbains. Il y est précisé (page 6 et 7) : «'le développement de ces connaissances et techniques de production (qui se sont améliorées au fil des ans) constitue un ensemble d'informations secrètes, propriété de Polymer Loop SL, qui s'avère déterminant pour la réussite commerciale et la performance des entreprises sous licence. Les améliorations qui ont été apportées à cet ensemble de connaissances et de techniques, et qui ont été développées et mises en 'uvre dans les différentes usines sous licence, sont la propriété exclusive de Polymer Loop SL'».
Il n'est donc absolument pas démontré que ce sont les sociétés Tyrma et Genepol qui disposaient des compétences techniques et donc qu'il n'existait aucun obstacle au développement de l'activité de la société [V] en Europe sur le fondement du contrat de licence de savoir-faire conclu entre ces trois sociétés.
Par voie de conséquence, il n'était donc pas fautif de la part de M. [E] d'informer la SRIW, par courrier électronique du 27 septembre 2019 (pièce 87 des appelants) de la participation de la société Polymer Loop à l'appel d'offre (Fostplus 9 ans) et de ce que la société [V] avait reçu en exclusivité de la société Polymer Loop la technologie spécialisée dans le recyclage de plastique souple pour le territoire de la France.
M [T] et la société Paon du jour ne sauraient sérieusement l'analyser comme un détournement du savoir-faire de la société [V] alors que, précisément, le savoir-faire en cause était apporté par la société Polymer Loop.
Ils ne peuvent davantage faire reproche à MM. [E] et [N] d'avoir opéré un revirement stratégique brutal alors qu'ils auraient été parfaitement d'accord avec la stratégie initiale consistant à faire de la société [V] le véhicule de développement de l'activité en Belgique alors que la réalité et l'immédiateté d'une telle stratégie ne résulte ni de l'objet social de la société, ni du pacte d'actionnaires et que ces conditions n'étaient manifestement pas réunies dans l'immédiat, puisqu'il a été établi que la société n'avait pas même la capacité technique de traiter les plastiques en provenance de Belgique.
Au demeurant, il est constant (pièce 17-2 de MM. [N] et [E]) que le contrat Fostplus 9 ans a été attribué à 2 sociétés tierces, qui exploitaient déjà des sites industriels de recyclage de déchets en Belgique, de sorte que la société [V] ne subit aucun préjudice du fait de la participation de la société Polymer Loop à l'appel d'offre en cause.
Concernant le marché italien, les appelants soutiennent avoir découvert que MM. [E] et [N], par l'intermédiaire de la société Polymer Loop, avaient acquis une usine en Italie au premier semestre 2019, ce qui constituerait, selon eux, un acte de concurrence déloyale de la part des dirigeants sociaux dès lors que cette création intervient sur le même marché que celui de la société [V].
Cependant, ils ne versent aucune pièce attestant de ce que la société Polymer Loop serait venue supplanter la société [V] sur ce territoire par l'ouverture notamment d'une usine, les pièces 102 et 144 auxquels ils se réfèrent étant sans lien avec ce supposé développement en Italie, d'autant que cette société justifie (sa pièce 6) qu'elle n'y a jamais eu d'activité opérationnelle. Les projets de déploiement évoqués dans ce pays de la société [V] ne sont pas davantage étayés.
S'agissant du marché allemand, de la même façon que pour le marché italien, aucune pièce, et notamment aucune étude de marché, ne vient attester d'une quelconque démarche en [A] de l'implantation d'une usine de la société [V] sur ce territoire, le courriel interne de M. [T], par lequel il fait part à MM. [E] et [N] d'une potentielle marque d'intérêt pour le marché allemand, étant insuffisant pour prouver une perspective réelle de développement de la société [V].
Par ailleurs, le déploiement incriminé de la société Polymer Loop en Allemagne est conforme à son savoir-faire et aucune interdiction ne pèse sur elle de créer des filiales en Europe pour exploiter ce savoir-faire. Le détournement, par le biais de cette société, d'informations essentielles au développement de la société [V] en Allemagne, dont se prévaut les appelants, n'est pas démontré pas plus que le fait qu'elle aurait supporté le coût du développement des sociétés espagnoles en Allemagne. Au demeurant, la société Polymer Loop justifie (sa pièce 5) qu'elle n'a pas eu d'activité en Allemagne à la date du 6 mai 2020 et a cessé depuis son activité (sa pièce 6).
Aucune faute, résultant d'une violation de leur obligation de loyauté ou d'un détournement d'information, ne peut donc être retenue contre MM. [N] et [E] concernant ces deux marchés.
2/ Les appelants invoquent également les incidences de la résiliation de la convention de prestation de services conclue le 3 avril 2018 entre les sociétés [V] et Paon du jour.
Il est constant que celle-ci a été résiliée par le président de la société [V] à compter du 31 juillet 2019.
Les appelants se bornent à critiquer le jugement querellé en ce qu'il a, selon eux, repris l'argumentation de MM. [E] et [N] concernant les fautes de la société Paon du Jour ayant justifié la résiliation du contrat en cause alors que le tribunal de commerce de Paris, dans son jugement du 24 septembre 2021 (pièce 21-3 de MM. [E] et [N]), a jugé fautive cette résiliation unilatérale. Ils échouent cependant à démontrer que cette dernière aurait causé grief à la société [V] en impactant son activité.
En effet, il n'est pas démenti par M. [T] et sa société que le chiffre d'affaires et le résultat net de la société [V], tels que présentés par MM. [N] et [E], n'ont cessé de croître depuis 2017 passant, respectivement, de 1 496 611 euros à 20 467 953 euros et de 197 783 euros à 1 443 931 euros, ce qui contredit toute conséquence dommageable de la résiliation du contrat sur l'activité de la société [V].
Par ailleurs, il résulte du rapport d'étude établi par la mission de conseil réalisée par la banque publique d'investissement (BPI) France le 3 juin 2021 (pièce 36-1 de MM. [E] et [N]) dans le but de faire un état des lieux de la situation de l'entreprise, d'identifier les enjeux prioritaires de celle-ci et de partager des plans d'action que «'l'entreprise [V] se développe fortement grâce à un positionnement sur un marché de niche porteur mais dépendant des réglementations européennes et locales. Elle s'appuie sur plusieurs atouts notables, dont en particulier un leadership de sa direction, soutenu par une structure Groupe internationales et un management impliqué et compétent. Le procédé industriel est maîtrisé et automatisé, l'entreprise a mené d'importants travaux de restructuration notamment RH et projette de déployer à moyen-terme une 3ème ligne pour poursuivre sa croissance sans contrainte de capacité. Les principaux enjeux portent essentiellement sur l'environnement externe et sur la capacité de l'entreprise à renforcer sa proposition de valeur pour développer ses ventes auprès d'acteurs parfois réfractaires vis-à-vis du LDPE downcycle (...)'».
Il s'en déduit que la résiliation en cause n'a aucunement affecté le développement de la société [V] et aucun lien n'est démontré entre celle-ci et un supposé acte de concurrence déloyale de MM. [N] et [E] à son détriment.
3/ Les appelants reprochent ensuite à MM. [N] et [E] leur participation à une fraude au recyclage.
M. [T] et la société Paon du jour évoquent la passation d'un contrat le 1er septembre 2019 au nom de la société [V] avec un opérateur de tri espagnols chargé de gérer les déchets (la société Ecoembes) avec facturation fictive de prestations sans qu'aucun déchet en provenance d'Espagne n'arrive en France. Ils affirment également que les déchets ont été enfouis en Espagne et que les sociétés Genepol et Tyrma ont facturé des prestations de transport fictives à hauteur de 54 euros la tonne à la société [V] pour un montant de 924 996 euros en 2019 en absorbant la quasi totalité du chiffre d'affaires que cette dernière société réalisait avec la société Ecoembes.
M. [T] justifie avoir demandé par mail du 11 février 2019 adressé à ses co actionnaires (sa pièce 113) de mettre fin à «'la situation'» si elle n'est pas «'conforme'». Aucune précision n'est toutefois apportée sur la non-conformité en cause.
Les appelants affirment, par ailleurs, que ce système frauduleux d'envergure au préjudice de la société Ecoembes fait encourir un risque considérable à la société [V] en l'appauvrissement à hauteur de plus de un million euros sur la seule année 2019.
Ils se réfèrent à des factures envoyées par la société [V] à la société Ecoembes en 2019 pour du plastique issu des centres de tri espagnol qui aurait dû être traité par la première (leur pièce 182), et des factures envoyées par les sociétés espagnoles à la société [V] pour des services de transport liés aux centres de tri (leurs pièces 183 et 184). Ils produisent également un article de presse espagnol (leur pièce 191).
Il est cependant constant que l'action pénale engagée concernant ces faits a été classée sans suite pour preuve insuffisante et absence d'infraction le 31 octobre 2022. Les appelants, qui se bornent à souligner que les autorités espagnoles ont mis à jour des fraudes de grande ampleur analogues à ces montages, ne justifient d'aucune information judiciaire ou investigations en cours.
Il est par ailleurs établi au vu des échanges entre les parties (pièce 13-2 de MM. [E] et [N]) que le marché en cause a été passé pour sécuriser l'approvisionnement des lignes de la société [V] afin d'éviter toute rupture dans la chaîne de recyclage.
M. [T] a ensuite été régulièrement avisé, aux termes du rapport présenté lors de l'assemblée générale ordinaire du 25 juillet 2020, sur les conventions de prestations réalisées en 2019 entre la société [V] et les sociétés dans lesquelles ses dirigeants ont des intérêts (pièce 5-9 des intimés), que tous les déchets, devenus trop nombreux, allaient être transportés à l'usine de Tyrma pour son recyclage, cette société facturant à la société [V] pour 90 % de ce qu'elle facturait à la société Ecoembes, ladite facturation étant de 93 843 euros en 2019.
Les appelants ne font pas la preuve de l'enfouissement des déchets allégué au delà des 9 % autorisés par la société Ecoembes. Dès lors que la plus grande partie de ceux-ci a bien été recyclée, et même à supposer qu'elle ne l'a pas été par la société [V], la fraude au recyclage n'est pas démontrée.
Il ressort en outre du document établi par la direction de la société [V] joint à l'attestation du commissaire aux comptes établie le 8 octobre 2021 (pièce 26-9 des intimés) que sur la période 2017-2020, les contrats passés avec la société Ecoembes ont permis à la société [V] de générer un bénéfice de 155226 euros, après déduction des factures émises par les sociétés Genepol et Tyrma, sur un montant total facturé de 1 398 382 euros. L'appauvrissement prétendu de la société [V] n'est donc aucunement établi. Le commissaire aux comptes n'a par ailleurs relevé aucune anomalie dans la gestion du contrat avec la société Ecoembes.
Il s'en déduit qu'aucune faute ne peut être imputée à MM. [E] et [N] à ce titre.
4/ Les appelants reprochent encore à MM. [E] et [N] des facturations fictives et excessives au profit de leurs sociétés espagnoles'au titre de prestations adminsitratives, comptables et commerciales ainsi que d'avoir ponctionné des fonds appartenant à la société [V].
Ils affirment que le coût des prestations comptables de la société Polymer Loop a augmenté de 157 % entre janvier et décembre 2019, en se prévalant d'un tableau (leur pièce 188), tandis que les factures pour les prestations techniques adressées par la société Genepol apparaissent aléatoires selon la même période concernée (leur pièce 141). Ils se prévalent du triplement du coût de la facturation entre l'installation de la première ligne et de la seconde ligne de production dans l'usine de la société alors qu'elles ont la même capacité.
Il résulte cependant de l'attestation du commissaire aux comptes de la société [V] du 25 novembre 2021 (sa pièce 26) que les sommes facturées par les sociétés Polymer Loop, Genepol et Tyrma à cette dernière pour un total de 571 761 euros ont été intégralement réglées entre août 2016 et juin 2018, sous la procuration bancaire de M. [T]. Il s'en déduit que ces facturations étaient justifiées et validées par ce dernier.
Ce même commissaire aux comptes, sollicité pour avis (pièce 69 de la société [V]) sur les montants versés, au titre des années 2019 à 2022 incluse, aux trois sociétés espagnoles dans le cadre de prestations de traitement de plastique ou de détachements de travailleurs, indique, le 26 mars 2025, après avoir pris connaissance des conventions réglementées signées entre les parties, avoir effectué des rapprochements nécessaires entre ces informations et la comptabilité, qu'il «'n'a pas d'observation à formuler sur les informations figurant dans le document joint'». Le document joint présentait une synthèse des flux financiers entre les sociétés concernées pour cette période, incluant la totalité des montants contestés par les appelants.
Dans ce contexte, ces derniers ne peuvent valablement se prévaloir de sur-facturations ou de facturations fictives initiées par les intimés au détriment de la société [V] pour caractériser leur faute.
La ponction qu'ils allèguent des fonds appartenant à la société [V] à hauteur de 5 585 871 euros entre 2018 et 2023 par MM. [N] et [E], directement ou par le biais de leurs sociétés n'est pas davantage établie à la lecture des divers avis du commissaire aux comptes.
Au demeurant, les appelants ne formulent aucune demande indemnitaire consécutivement à ces facturations fictives et ces prélèvements indus.
Quant à la rémunération de M. [N], à hauteur de 240 000 euros par an, dont l'importance est contestée par les appelants «'en rapport avec le travail réellement réalisé'»', il apparaît qu'elle a été approuvée par l'assemblée générale de la société [V] pour les années 2022 et 2023 conformément à l'article 15-1 des statuts de celle-ci (sa pièce 3) et il n'est pas établi qu'elle concourt à la caractérisation d'un comportement déloyal de sa part.
Quoi qu'il en soit d'éventuels manquements de MM. [N] et [E] à leurs engagements résultant du pacte d'actionnaires, force est de constater qu'il n'est pas démontré que l'intérêt social de la société [V] en aurait été atteint puisque sa situation financière s'est améliorée depuis 2020 et qu'il n'est pas établi que sa pérennité serait en cause.
M. [T] et la société Paon du jour invoquent des difficultés économiques de la société en 2020, mais il ressort d'un rapport intitulé «'comité stratégique [V] SAS Janvier-Juin 2020'» (pièce 23-2 de MM. [N] et [E]), réunissant les actionnaires de cette société, que la crise du Covid a entraîné un manque de plastique en France et une baisse de la demande de LDPE recyclé. La direction a décidé d'arrêter en partie une ligne pendant la première vague de Covid pour manque de personnel et mettre une partie du personnel au chômage technique. Les deux lignes sont reparties fin juin, avant qu'une ligne soit de nouveau arrêtée au mois de septembre pour limiter les pertes.
Une aide financière a été accordée à la société [V] par l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) à la fin de l'année 2020 compte tenu de l'impact économique de la crise sanitaire liée au coronavirus (baisse des commandes en France, qui a imposé de les vendre en Chine à un prix fortement réduit et à supporter le coût d'un transport à prix plus élevé, réduisant la marge opérationnelle de la société). Le but de ce financement était de garantir le lancement de la 2ème ligne de production mise à l'arrêt.
Dans ces conditions, M [T] et la société Paon du Jour ne peuvent valablement soutenir que MM. [N] et [E] auraient porté atteinte à l'intérêt social de la société [V] en mettant celle-ci en état de quasi sommeil se traduisant par l'arrêt de la 2ème ligne de production et la mise au chômage partiel d'une grande partie du personnel.
En outre, la situation économique de la société [V] s'est améliorée en 2021 en dépit des conséquences de la crise sanitaire en 2020 et de façon continue depuis lors.
Ainsi, il est indiqué dans le rapport de BPI France (Banque Publique d'Investissement) daté du 3 juin 2021 (pièce 36-1 de MM. [N] et [E]- page 4), que l'activité de la société [V] génère un chiffre d'affaires en 2020 de près de 7,3 millions d'euros en forte croissance avec 1,5 millions de chiffres d'affaires en 2017, 5 millions en 2018 et 6,7 millions en 2019.
Il est certes mentionné que l'objectif initial qui portait sur l'ouverture de 4 lignes de production en région parisienne et 2 en région lyonnaise a été revu et consiste désormais à atteindre 15 millions d'euros de chiffres d'affaires avec trois lignes de production automatisées sur le site de [Localité 11], mais cela résulte non d'une mauvaise gestion mais de la forte baisse du prix de la tonne de polyéthylène vierge, qui a directement impacté les prix de vente de l'entreprise.
Le compte de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2021 (pièce 35-4 des intimés) fait apparaître un bénéfice de 927 662 euros, en hausse par rapport à celui de l'exercice clos le 31 décembre 2020 qui n'était bénéficiaire que de 35'212 euros (après avoir été déficitaire de 31 708 euros au 30 juin 2020, preuve encore que les mesures prises pour faire face aux difficultés précédemment évoquées ont été utiles).
De même, la production de la société [V] est en hausse en 2021 et elle rembourse ses emprunts plus rapidement.
Il est par ailleurs établi que la société [V] a embauché 8 personnes en 2021, portant le nombre de ses salariés de 52 à 60 (pièce 35-2 des intimés), la société comptant 70 salariés en 2023, et qu'elle a obtenu une subvention de plus de 156 000 euros de la région Grand Est le 3 mai 2021 (pièce 36-2 des intimés) ce qui atteste de son assise financière et de la confiance qu'elle dégage.
La SA Banque CIC Est, la banque Kolb et la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ont établi des attestations en juillet 2021 (pièces 36-3, 36-4 et 36-5 des intimés) dont il résulte que les comptes de la société [V] fonctionnent à la satisfaction de ces établissements, sans irrégularités, ni incident de paiement et que l'ensemble des financements octroyés, par l'une d'elles, sont remboursés dans le respect des échéanciers établis.
Cette amélioration de la situation de la société [V] est intervenue alors que le mandat de directeur général de M [T] a été révoqué le 26 octobre 2020, ce qui tend à démentir l'affirmation de celui-ci selon laquelle la pérennité de cette société ne peut être assurée que par lui.
C'est donc par une juste appréciation des éléments en cause que les premiers juges, considérant qu'aucune faute n'avait été commise par MM. [N] et [E] ont rejeté l'ensemble des demandes présentées par les appelants. Le jugement est confirmé.
3- Sur la demande de MM. [E] et [N] au titre de la procédure abusive :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas en soi constitutif d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, MM. [E] et [N] ne versent aucun élément permettant de caractériser l'éventuelle malice, mauvaise foi ou erreur grossière dont les appelants auraient pu faire preuve de sorte que le caractère abusif de leur action n'est pas caractérisé.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande présentée de ce chef. Le jugement querellé est confirmé.
4- Sur les frais de procédure et les dépens':
La décision entreprise est confirmée s'agissant des dépens de première instance et concernant les frais de procédure.
M. [T] et la société Paon du Jour, qui succombent en leur recours, sont condamnés aux dépens d'appel sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Ils ne peuvent par ailleurs prétendre à l'allocation d'une indemnité pour leurs frais irrépétibles.
L'équité justifie d'allouer à chacun des intimés la somme de 5 000 euros.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions soumises à la cour';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour aux dépens d'appel sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour à payer à MM. [P] [N], d'une part, et à M. [P] [E] [B], d'autre part, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour à payer à la SAS [V] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour à payer à la société Polymer Loop la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Les déboute de leur demande formée à ce titre.
Le greffier La conseillère
du : 02 septembre 2025
R.G. : 24/00547 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPDW
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
SELAS OS AVOCATS
Maître [J] [Z]
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2025
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 08 février 2024 par le Tribunal de Commerce de Chalons-en-Champagne (RG 2021000002)
Monsieur [S] [T]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, et BELLOY & Associés, avocats au barreau de PARIS
S.A.S. Paon du Jour
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, et BELLOY & Associés, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
1°) Monsieur [P] [N]
[Adresse 5]
[Localité 2] (SUISSE)
Représenté par Maître Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Romain GIRAUD, avocat au barreau de PARIS
2°) Monsieur [P] [E] [B]
[Adresse 9]
[Localité 3] (ESPAGNE)
Représenté par Maître Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et Me Romain GIRAUD, avocat au barreau de PARIS
3°) S.A.S. [V]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentée par Maître Marianne SOMMIER-AFARTOUT de la SELAS OS AVOCATS, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, et Me Delphine RAYNAL CANTAGREL, avocat au barreau de PARIS
4°) Société POLYMER LOOP SL
[Adresse 10]
[Localité 3] (ESPAGNE)
Représentée par Maître Martin BOELLE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de REIMS, et Me Léon DEL FORNO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
A l'audience du 16 juin 2025, Mme Sandrine PILON et Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillères, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Sandrine PILON, conseillère,
Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillère
M. [W] [I] [A]
GREFFIERS :
Mme Jocelyne DRAPIER, greffière, lors des débats et Mme Lucie NICLOT, greffier, lors du prononcé,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le 2 septembre 2025les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Sandrine PILON, conseillère, et par Mme Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SAS [V] a été constituée le 19 décembre 2013 par trois associés': M. [P] [N], M. [P] [E] [B] et M. [S] [T], à part égales, celui-ci partageant ses actions avec sa société Paon du Jour pour 33,33 %. Son objet social consiste à traiter et recycler les déchets plastiques notamment post-ménagers dans son usine située à [Localité 11]. M. [T] a été nommé président de cette société le 15 février 2014.
MM. [N] et [E] détiennent par ailleurs la société de droit espagnol Polymer Loop, spécialisée dans la recherche et le développement dans le domaine des technologies environnementales, et ses filiales, les sociétés Tyrma et Genepol, ayant pour activité le recyclage de plastiques post-ménagers.
La société Paon du jour, créée en 2014 et dont M. [T] est actionnaire majoritaire à 99,9 %, est prestataire de services.
Le 7 janvier 2014, MM. [N], [E] et [T] ont signé un pacte d'actionnaires.
A la même date, un contrat de licence de savoir-faire, d'assistance technique et de coopération industrielle a été conclu entre la société [V], d'une part, et les sociétés Genepol et Tyrma, d'autre part, la société Polymer Loop les autorisant à sous-concéder leur licence à la première.
Le 12 décembre 2016, M. [N] et M. [E] ont été nommés respectivement président et directeur général de la société [V]. M. [T] a succédé à M. [E] le 5 juillet 2018.
A compter du deuxième semestre 2018, un conflit est survenu entre les actionnaires [N], [E] et [T] au sujet du développement de la société [V] à l'étranger et sur ses orientations stratégiques. Plusieurs actions judiciaires ont été engagées.
Le contrat de prestation de services liant la société [V] à la société Paon du Jour a été résilié par courrier de M. [N], président de la société [V], du 3 juillet 2019.
M. [T] a été révoqué de sa fonction de directeur général de la société [V] le 26 octobre 2020.
Par exploits délivrés les 28 mai 2020, 2 juin 2020 et 23 décembre 2020, M. [T] et la société Paon du Jour ont fait assigner MM. [E] et [N], la société Polymer Loop et la société [V] devant le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne aux fins d'indemnisation, sur le fondement de l'action ut singuli, sollicitant la condamnation solidaire de MM [E] et [N], d'une part, pour violation de leur obligation de loyauté et de fidélité envers la société [V] en tant que dirigeants sociaux, et de la société Polymer Loop, d'autre part, pour complicité de ces faits.
Par jugement du 5 avril 2024, ce tribunal a':
- dit et jugé que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [T] et la société Paon du Jour à la société Polymer Loop est irrégulière,
- dit et jugé que cette irrégularité cause un grief à la société Polymer Loop,
- prononcé la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Polymer Loop par M. [T] et la société Paon du Jour le 23 décembre 2020,
- dit et jugé irrecevable pour défaut du droit d'agir l'action engagée par M. [T] et la société Paon du Jour à l'encontre de la société Polymer Loop,
- déclaré recevable l'action ut singuli initiée par les demandeurs,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre d'une abstention ayant fait échec aux opportunités de [V] grâce au travail de M. [T] et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre de faire échec, en dénigrant la société [V], à son développement international, et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre d'utiliser les informations obtenues dans le cadre du travail de la société [V] pour en faire bénéficier une société concurrente et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre d'avoir privé la société [V] de son seul dirigeant opérationnel en résiliant le contrat de prestation de services de la société Paon du Jour et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que les défendeurs n'ont commis aucune faute au titre de l'appauvrissement inconsidéré de la société [V] au profit des sociétés de MM. [E] et [N] par la mise en place de facturations massives et douteuses et pour cette prétendue faute':
dit ne constater aucun préjudice subi par les demandeurs,
débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,
- jugé que MM. [N] et [E] n'ont pas violé leur obligation de loyauté et de fidélité dont ils étaient tenus envers la société [V] en tant que dirigeants sociaux,
- débouté M. [T] et la société Paon du Jour de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté MM. [E] et [N] de leur demande de paiement de la somme de 30 000 euros à raison du caractère abusif de l'action des demandeurs,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour à verser à M. [E], d'une part, et M. [N], d'autre part, une indemnité de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour à verser à la société [V] la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour à payer à la société Polymer Loop la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] et la société Paon du Jour aux dépens de l'instance sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappelé que la condamnation sera assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 10 décembre 2024, M. [T] et la SAS Paon du Jour ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions transmises par la voie électronique le 7 mai 2025, ils demandent à la cour de':
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a':
dit et jugé que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [T] et la société Paon du Jour à la société Polymer Loop est irrégulière,
dit et jugé que cette irrégularité cause un grief a la société Polymer Loop,
prononcé la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Polymer Loop par M. [T] et la société Paon du Jour le 23 décembre 2020,
dit et jugé irrecevable pour défaut du droit d'agir l'action engagée par M. [T] et la société Paon du Jour à l'encontre de la société Polymer Loop,
jugé recevable l'action ut singuli,
débouté MM. [E] et [N] de leur demande au titre de la prétendue procédure abusive,
débouté ces derniers, la société Polymer Loop et la société [V] de l'ensemble de leurs demandes,
statuant à nouveau,
- juger que MM. [E] et [N] ont violé leur obligation de loyauté et de fidélité dont ils étaient tenus envers [V] en tant que dirigeants sociaux,
en conséquence,
- les condamner solidairement à verser à la société [V] la somme de 17 800 000 euros au titre de la perte de chance et celle de 100 000 euros au titre du préjudice moral,
- les condamner solidairement à leur verser la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Ils soutiennent que MM. [E] et [N] se sont conduits déloyalement dans l'exercice de leur mandat social en défendant leurs propres intérêts au préjudice de la société [V].
Ils affirment qu'ils ont utilisé la société Polymer Loop afin de concurrencer de façon déloyale la société [V] sur le marché belge (en la faisant candidater au contrat Fostplus 9 ans et en la dénigrant), sur le marché italien (en créant, sans les en informer, une filiale sur le même secteur d'intervention que la société [V] caractérisant un acte de concurrence déloyale) et allemand (en constituant une société de droit allemand alors que M. [T] évoquait la possibilité d'y installer une usine, et en faisant supporter à la société [V] le coût du développement de cette société).
Ils se prévalent de facturations fictives et excessives adressées à la société [V] par les sociétés de MM. [E] et [N] évoquant':
- la mise en place d'un système frauduleux concernant le recyclage de plastiques au préjudice de l'opérateur de tri espagnol Ecoembes que MM. [E] et [N] ont orchestré et se traduisant par un enfouissement illégal des déchets et une facturation de prestations fictives,
- la facturation excessive et incohérente de prestations administratives, comptables et commerciales des sociétés espagnoles liées à MM. [E] et [N] au préjudice de la société [V], ces facturations ayant entraîné un détournement d'un quart du chiffre d'affaires de cette dernière en 2019.
Ils ajoutent que MM. [E] et [N] ont également ponctionné annuellement, et depuis 2019, les fonds de la société [V].
Ils contestent la prétendue impossibilité de la société [V] de traiter les déchets belges retenue par le tribunal et exposent que le contrat de licence de savoir-faire lui permettait de se développer tant en France qu'en Europe.
Ils arguent que l'argumentation des premiers juges concernant la résiliation du contrat de prestation de services liant les sociétés Paon du Jour et [V] est inopérante sur la solution du présent litige, aucune faute imputable à la première n'ayant été retenue par la cour d'appel de Paris saisie de la question de la résiliation du contrat.
Ils affirment que la société [V] subit une perte de chance de marge brute calculée sur le montant du chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé si la conduite de MM. [E] et [N] ne l'en avait pas empêchée.
Ils se prévalent par ailleurs du préjudice moral subi par la société du fait du dénigrement orchestré par MM. [E] et [N] consistant à prétendre faussement qu'elle n'aurait pas vocation à se développer en Europe ou qu'elle ne disposerait pas d'une prétendue licence.
Sur l'appel incident formé par MM. [E] et [N], ils font valoir que l'action ut singuli est recevable relevant qu'il n'existe aucune obligation de mettre préalablement en demeure les dirigeants de la société d'agir. Ils observent au surplus que cette action peut être exercée en cas d'inertie des dirigeants, comme en l'espèce.
Ils contestent enfin le caractère abusif de la procédure initiée relevant qu'elle l'a été pour le compte de la société [V] sans aucune volonté personnelle de M. [T] de s'enrichir.
Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 23 mai 2025, MM. [N] et [E] demandent à la cour de :
- déclarer leurs conclusions d'appel et d'appel incident recevables et fondées,
- débouter les appelants de leurs demandes,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré ces derniers recevables et juger que leur action n'était pas abusive,
statuant à nouveau,
- les déclarer irrecevables en leur action, faute de qualité et d'intérêt à agir, l'action ut singuli ne remplissant pas la condition de subsidiarité,
- les condamner solidairement à leur verser à chacun une indemnité de 30 000 euros à raison du caractère abusif de leur action,
pour le surplus,
- confirmer le jugement déféré,
en cause d'appel,
- les condamner solidairement à leur verser à chacun une indemnité de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance d'appel sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir, se prévalant du principe de subsidiarité, que l'action ut singuli engagée est irrecevable faute pour les appelants d'avoir invité la société [V] à initier l'action ut universi à l'encontre de son président et de son directeur général et de démontrer la carence de la société dans l'exercice de cette action.
Ils exposent qu'ils n'ont fait preuve d'aucune déloyauté envers la société [V] s'agissant de son développement relevant que':
- aucun acte n'imposait son développement international, la première vocation de la société étant de sécuriser son activité sur le territoire français,
- l'article 1er du contrat de licence concédé à la société [V] stipule que le savoir-faire sera, en exécution de la licence, exploité à titre exclusif par la licenciée sur le territoire français,
- le contrat de prestation de services conclu entre la société [V] et la société Paon du Jour en 2018 prévoyant que cette dernière pourra obtenir des financements et subventions pour un éventuel projet en Belgique ne remet pas en cause l'intention initiale des associés de la société [V] lors de sa création en 2014,
- aucune obligation de résultat de développer cette société à l'international n'incombait aux dirigeants et actionnaires de cette société.
Ils ajoutent qu'ils n'ont commis aucune faute, par voie d'action ou d'abstention, au titre de l'appel à projets SRIW (portant sur le financement d'une usine en Belgique) et concernant le développement de la société [V] en Allemagne observant que':
- il n'est pas démontré que la société [V] et SRIW étaient entrées en discussions exclusives, d'autres sociétés ayant été présélectionnées et ayant signé un accord identique à celui invoqué par les appelants,
- les motifs de rejet de la candidature de la société [V] au contrat Fostplus 2 ans (portant sur l'approvisionnement en lots de plastiques belges de l'usine de cette société), liés à son incapacité à recycler correctement le plastique belge, sont étrangers à toute faute de leur part,
- aucun financement n'a été accordé à la suite de l'appel à projet en Belgique de sorte qu'il n'existe aucun préjudice,
- la société Polymer Loop n'est pas concernée par cet appel à projet,
- l'implantation en Allemagne de la société [V] n'a jamais été convenue entre les actionnaires et aucun accord particulier n'interdisait à la société Polymer Loop de se développer à l'international,
Ils contestent toute faute concernant l'absence de candidature de la société [V] au contrat Fostplus 9 ans relevant que':
- ce contrat constituait un marché distinct de son marché originel,
- la société n'était pas en mesure de recycler correctement le plastique belge en grande quantité, de sorte qu'aucun acte de déloyauté ne peut leur être reproché,
- la société Polymer Loop était libre d'entreprendre et de commercer à l'étranger, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, seule une interdiction d'exercer une activité concurrente à celle de la société [V] sur le territoire français, en raison de la licence accordée, leur étant imposée,
- la responsabilité de M. [N], simple actionnaire de cette société et qui n'y exerce aucune fonction de direction, ne peut être engagée au titre de la candidature de la société Polymer Loop à un marché quelconque,
- le contrat Fostplus 9 ans ayant été attribué à une entreprise tierce, la société [V] n'a, en tout état de cause, subi aucun préjudice.
Ils font valoir qu'aucune faute de détournement d'information essentielle de la société [V] ou concernant leur obligation de loyauté de dirigeant n'est démontrée à leur encontre concernant le marché allemand, les appelants n'évoquant qu'un risque de détournement de l'approvisionnement en plastiques allemands de l'usine française au profit de la société Polymer Loop.
Concernant la résiliation, prétendument non valable, du contrat de prestation de services de la société Paon du Jour, ils soutiennent que':
- la résiliation du contrat, qui a été soumise à une autre juridiction, est du ressort du droit des contrats et étrangère à l'action ut singuli engagée,
- cette résiliation n'a pas eu pour conséquence de rendre vacante la direction de la société [V] comme le prétendent les appelants, la révocation de M. [T] de ses fonctions de directeur général de la société ayant été motivée par son absence totale d'activité pendant près d'un an,
- la résiliation litigieuse n'est pas constitutive d'un acte de concurrence déloyale ou de déloyauté,
- elle n'a eu aucun impact sur l'activité de la société [V].
S'agissant de l'appauvrissement décrit comme inconsidéré de la société [V] au bénéfice des sociétés espagnoles de MM. [E] et [N], ils exposent que la plainte pénale des appelants à ce titre a été classée sans suite et que l'ensemble des sommes versées par la première aux autres sont justifiées et contrôlées.
Sur l'indemnisation sollicitée, ils se prévalent de l'absence de lien de causalité entre les fautes reprochées et les préjudices dont ils sollicitent la réparation.
Ils soutiennent en outre que la perte de chance de marge brute alléguée n'est ni actuelle, ni certaine, ni raisonnable compte tenu d'un calcul erroné du chiffre d'affaires prétendument réalisé, comme de la marge brute prétendument perdue, et de la prise en compte d'une période indemnitaire de 9 ans, sans lien avec la durée habituelle des contrats d'approvisionnement. Ils ajoutent que les corrections effectuées par le cabinet d'expertise financière mandaté par les appelants ne rendent pas la perte de chance plus raisonnable et sont justement critiquées par l'expert comptable qu'ils ont sollicité. Ils indiquent en outre que l'étude pays par pays confirme l'absence de toute perte de chance indemnisable.
Ils arguent que le préjudice moral, qui repose sur une prétendue faute de dénigrement inexistante, n'est pas démontré.
Ils affirment enfin que la juridiction commerciale a été instrumentalisée par les appelants faisant dégénérer en abus leur action ce qui justifie de leur allouer à chacun des dommages et intérêts.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 15 avril 2025, la SAS [V] demande à la cour de :
- dire et juger recevables et bien fondées ses conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il déboute les appelants de leurs demandes et les condamne à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner les appelants à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens.
Elle expose que ses résultats positifs, marqués par une augmentation croissante de son chiffre d'affaires depuis 2018, démontrent en eux-mêmes la bonne tenue de la société et l'absence de fautes de gestion imputables à MM. [N] et [E]
Elle affirme, s'agissant des factures prétendument abusives qu'elle aurait supportées, que les montants qu'elle a versés aux sociétés espagnoles dans le cadre de prestations de traitement de plastique ou de détachement de travailleurs ne présentent aucune irrégularité, ce dont le commissaire aux comptes a attesté. Elle observe au surplus qu'aucune demande indemnitaire n'est formulée par les appelants à ce titre. Elle ajoute que sa création repose sur le soutien financier, technique et logistique des sociétés espagnoles de sorte que les factures émises, dont certaines avaient d'ailleurs été validées par M. [T], sont justifiées.
Elle indique par ailleurs que les rémunérations octroyées aux dirigeants sont cohérentes par rapport à leur implication, aux chiffres de la société et aux usages dans le secteur.
Elle fait valoir en outre que la présence de MM. [E] et [N] est essentielle pour la pérennité de l'entreprise en raison de leurs compétences techniques et de leur lien avec les sociétés espagnoles qui la soutiennent.
Elle exprime également ses doutes sur la capacité et la volonté des appelants à agir dans son intérêt relevant que':
- M. [T] est responsable du rejet, pour insuffisance de l'offre, de la candidature de la société concernant le contrat Fostplus en Belgique,
- ses projections de développement à l'étranger de la société sont irréalistes, celle-ci devant consolider sa situation en France au préalable,
- il a bloqué l'utilisation des fonds obtenus pour le financement de son développement et a mis fin à la recherche de financements,
- les appelants se sont opposés à l'augmentation de son capital social bloquant son développement face à ses concurrents,
- M. [T] a développé des activités concurrentes à celles de la société au sein de deux autres sociétés avec un risque de fuite de données sensibles.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 18 avril 2025, la société Polymer Loop demande à la cour de :
- débouter les appelants de leurs demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses disposions,
ajoutant au jugement entrepris,
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
Elle expose que les appelants ont renoncé à solliciter la réformation du jugement la concernant de sorte que la cour n'est pas saisie des chefs du jugement ayant jugé irrégulière l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée et irrecevable l'action introduite à son endroit pour défaut du droit d'agir.
Elle soutient par ailleurs, concernant les fautes alléguées et sa mise en cause par les appelants que':
- aucun acte de dénigrement ou de complicité de celui-ci dans le cadre de la candidature de la société [V] au contrat Fostplus en Belgique ne peut être retenu à son encontre,
- aucun engagement ne lui interdisait de créer des filiales pour exploiter son savoir-faire en Europe et notamment en Allemagne et en Italie,
- il n'est pas établi que des prestations excessives ou fictives ont été facturées à la société [V], notamment dans le cadre du projet Ecoembes,
- elle ne s'est jamais portée candidate au contrat SRIW de sorte qu'il ne peut lui être reprochée d'avoir été utilisée par MM. [E] et [N] sur le marché belge pour concurrencer la société [V],
- il n'est pas démontré que la société [V] aurait réalisé des démarches pour développer son activité en Italie de sorte qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu à son encontre du fait de l'implantation d'une usine en Italie,
- le développement de la société [V] en Allemagne n'était pas davantage convenu entre les actionnaires, cette société ne disposant pas des droits nécessaires pour exploiter le savoir-faire en dehors du territoire français.
Elle ajoute que le préjudice allégué est purement hypothétique et ne présente pas de lien de causalité avec les fautes reprochées à MM. [E] et [N], les appelants ne démontrant pas qu'en l'absence des agissements reprochés de ces derniers, il est certain que la société [V] aurait pu se développer dans les pays susvisés ou ouvrir une nouvelle ligne de production en France. Elle affirme enfin que le préjudice, s'il existe, n'est pas lié aux fautes alléguées mais à d'autres causes intrinsèques à la société [V] (absence de droit d'exploitation du savoir-faire à l'étranger, de projet de financement, endettement, incapacité à recycler le plastique belge, incompétence de M. [T] lors de la candidature au contrat Fostplus, importance des coûts extérieurs...).
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mai 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 16 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de la déclaration d'appel et des conclusions des parties que la cour n'est pas saisie des dispositions du jugement querellé ayant':
- dit et jugé que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. [T] et la société Paon du Jour à la société Polymer Loop est irrégulière,
- dit et jugé que cette irrégularité cause un grief à la société Polymer Loop,
- prononcé la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la société Polymer Loop par M. [T] et la société Paon du Jour le 23 décembre 2020,
- dit et jugé irrecevable pour défaut du droit d'agir l'action engagée par M. [T] et la société Paon du Jour à l'encontre de la société Polymer Loop.
1- Sur la recevabilité de l'action ut singuli':
Aux termes de l'article L. 225-252 du code de commerce, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixée par décret en Conseil d'Etat, intenter une action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages et intérêts sont alloués.
Selon l'article L. 227-8 de ce même code, les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.
L'action ut singuli et l'action ut universi sont deux modalités distinctes d'exercice de l'action en justice au sein d'une société, notamment lorsqu'il s'agit de défendre l'intérêt social ou de réparer un préjudice causé à la société par ses dirigeants. Leur mise en 'uvre obéit à des conditions et à des finalités différentes.
L'action ut universi est exercée par les organes sociaux représentant la société (gérant, conseil d'administration, directoire ou président), en vertu de leurs pouvoirs statutaires ou légaux, pour défendre les intérêts de la société. L'action ut singuli permet quant à elle à un ou plusieurs associés d'agir en justice au nom et pour le compte de la société, lorsque cette dernière, par l'intermédiaire de ses organes, s'abstient d'agir contre des dirigeants ayant causé un préjudice à la société.
Il s'agit d'une action subsidiaire, ouverte aux associés pour suppléer l'inertie de la société. Elle ne peut être exercée qu'à titre individuel en réparation d'un préjudice causé à la seule société. Elle vise à faire condamner le dirigeant fautif au profit de la société, non au profit personnel de l'associé demandeur.
Aucune disposition légale ni principe jurisprudentiel n'exige que les associés mettent préalablement en demeure les dirigeants d'agir avant d'exercer une action ut singuli s'agissant d'une prérogative propre à chaque associé ou groupe d'associés, quelque soit la fraction du capital qu'il détient, qui peut être exercée indépendamment du comportement ou de l'inaction des dirigeants en place.
C'est donc à bon droit que les premiers juges, considérant que l'action ut singuli visait à pallier le défaut d'action des organes sociaux, sans obligation de les mettre en demeure au préalable, a déclaré recevable l'action ut singuli des appelants. Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur les fautes':
La responsabilité des dirigeants sociaux implique une faute de gestion commise délibérément, ou résultant d'une imprudence ou d'une abstention. La faute de gestion a pour origine l'obligation générale de compétence, de diligence, de bonne foi qui incombe aux dirigeants. Ceux-ci doivent, en toute circonstance, agir dans l'intérêt de la société et non dans leur intérêt personnel.
Cette faute peut être caractérisée par une infraction aux dispositions législatives ou réglementaires, par la violation des statuts ou, plus généralement, par un écart de conduite apprécié en fonction du standard du dirigeant diligent qui doit agir dans l'intérêt de la société, le dirigeant étant tenu de défendre l'intérêt de la société et d'en développer l'activité.
Le dirigeant est tenu d'un devoir général de loyauté envers les associés.
1/ Les appelants reprochent en premier lieu à MM. [N] et [E] d'avoir fait obstacle au développement de l'activité de la société [V] en Europe en changeant de stratégie pour favoriser leur société Polymer Loop.
M. [T] et la société Paon du jour affirment que le développement en Europe fait partie de l'objet social de la société [V] se référant à l'article 3 de ses statuts (pièce 5-3 des intimés) :« la société'a pour objet en France et à l'étranger le recyclage de déchets de toute nature'».
Ils visent également, pour attester de l'accord de MM. [N] et [E] pour un tel développement, l'article 7 alinéa 4 du pacte d'actionnaires (pièce 6 de ces derniers) qui précise que «'d'une manière générale, les parties conviennent que la société est destinée à développer l'activité des entreprises GENEPOL et TYRMA non seulement en France mais également dans l'ensemble du territoire européen'».
Ils renvoient en outre au contrat de licence de savoir-faire (pièce 7 des intimés) liant ces deux sociétés espagnoles à la société [V] qui stipule en préambule (page 2) que «'les parties se sont déclarées intéressées par ce partenariat, l'objectif poursuivi étant de développer ce savoir-faire et cette technologie par l'intermédiaire de la société [V], tant en France que sur l'ensemble du territoire européen'».
Est également produit un business plan/vision établi par M. [T] transmis à MM. [E] et [N] le 13 mai 2014 faisant état du potentiel de plastique à recycler en Europe de la société [V].
Cependant, si l'objet social de la société [V] autorise son développement en Europe, il ne le rend pas obligatoire. En effet, le pacte d'actionnaires ne contient qu'une déclaration d'intention. Par ailleurs, le business plan établi par M. [T] est un acte que celui-ci a établi seul et qui n'engage pas les autres actionnaires de la société [V].
Les stipulations du contrat de licence de savoir faire, d'assistance technique et de coopération industrielle conclu entre, d'une part, les sociétés espagnoles Tyrma et Genepol et, d'autre part, la société [V] le 13 décembre 2013, qui déterminent le territoire sur lequel cette dernière est autorisée à exploiter ladite licence, ne peuvent avoir pour effet d'ériger en obligation pour les associés de développer l'activité de la société en Europe, quand bien même elle ne l'interdirait pas.
De telles stipulations engagent leurs souscripteurs les uns envers les autres, mais non envers la société dont ils sont actionnaires.
Au surplus, il résulte de la convention de financement conclu entre la société [V] et l'agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie le 26 septembre 2014 (pièce 8-1 de MM. [N] et [E]), que «'l'opération envisagée consiste dans le cadre du projet dénomme'[V] à créer en France une première usine de recyclage des films plastiques ménagers issus de la collecte sélective ainsi que des films agricoles'» (...) «'L'objectif du projet est d'adapter en France les solutions techniques déjà développées en Espagne pour construire une industrie du recyclage des films polyéthylène ('). Il s'agit d'adapter le procédé au contexte et au gisement français'». Cela établit que la ligne de recyclage de l'usine de la société [V] a été conçue et financée pour traiter le plastique français.
Dès lors, la démonstration éventuelle d'un manquement d'un ou de plusieurs actionnaires à leur pacte par son opposition à un développement des activités de la société en Europe ne saurait caractériser, en elle-même, une atteinte à l'intérêt social de la société [V] et par là même une faute de MM. [E] et [N].
Par ailleurs, M [T] et la société Paon du jour échouent à rapporter la preuve que MM. [E] et [N] auraient nui à l'intérêt social de la société [V] en faisant obstacle à son développement en Belgique alors qu'elle aurait eu une chance sérieuse de connaître un tel développement.
En effet, le rejet au mois de juillet 2019 de la candidature de la société [V], initiée par M. [T] (pièce 16-1 de MM. [N] et [E]) en mai 2019, à un appel d'offres lancé par Fostplus (organisme privé chargé de la collecte sélective, du tri et du recyclage des déchets d'emballages ménagers en Belgique) pour l'octroi de 6 lots de plastique belge sur la période 2019-2021 (contrat Fostplus 2 ans) a été motivé par Fostplus, lui-même, ainsi (pièce 16-5 de MM. [N] et [E] -page 5-) : «'l'offre de [V] a été faite avec un sérieux insuffisant. Cela se traduit par un prix impossible sur le bordereau des prix ' compte tenu des conditions du marché, une valeur positive pour ce matériau est manifestement irréaliste ' et du fait que l'offre de [V] ne contient aucun élément concret en ce qui concerne le traitement des déchets belges et qu'elle est limitée par fournir une copie d'une demande de licence. La frivolité avec laquelle [V] a soumis son offre ressort également du fait qu'après ouverture des offres, [V] a annoncé par courrier le 7 juin 2019 qu'elle retirerait son offre pour 4 des 6 lots. Cette offre n'est donc pas acceptée et est totalement exclue de la participation à la présente procédure'».
Cet organisme a également indiqué qu'un des motifs de rejet de la candidature de la société [V] tenait dans son incapacité technique à recycler le plastique belge compte tenu de sa qualité générale, ce qui explique le retrait partiel de son offre pour 4 des 6 lots proposés.
A ce titre, M. [T] écrivait le 26 novembre 2018 à M. [E] (pièce 13-2 de ce dernier) : «'Je pense qu'on ne peut pas continuer avec le plastique belge sans changer les conditions commerciales vu le stock gigantesque de plastique belge qu'on a et qui a tellement de mal à passer en ligne'».
Dans le cadre de l'appel d'offre Fostplus 2 ans, M. [T] a accepté de recevoir 5 camions de déchets belges à titre de test, lesquels se sont révélés de mauvaise qualité. Dans un courrier électronique du 17 octobre 2019, Fostplus a interrogé M. [E] en ces termes : «'Peut-être votre usine en Espagne est plus robuste ''» (pièce 13-12 de MM. [E] et [N]).
Aucune intervention de MM. [E] et [N] n'est donc en cause dans le rejet de cette candidature de sorte qu'aucune faute ne peut leur être imputée.
S'agissant de l'appel à projet de la SRIW aux fins de financement partiel pour l'implantation d'une usine de recyclage en Belgique, il est établi qu'aucun des 6 projets sélectionnés n'a finalement été retenu.
En tout état de cause, MM. [E] et [N] sont fondés à soutenir que la société Machon ne pouvait bénéficier de cet appel à projet et donc d'un financement public pour la construction d'une usine en Belgique alors qu'elle n'était pas en capacité de traiter correctement le plastique belge. La participation de la société Polymer Loop à l'appel à projet de la SRIW ne peut donc être regardée comme un acte de concurrence déloyale portant atteinte à l'intérêt social de la société [V].
En outre, les appelants justifient que les sociétés Tyrma et Genepol, qui ont concédé à la société [V] une licence de savoir-faire spécifique dans le secteur industriel du recyclage de déchets de toute nature et en particulier les déchets en matière plastique, avaient elles-mêmes reçu la concession de ladite licence de la société Polymer Loop pour une partie de l'Espagne et du Portugal et pour la France, uniquement.
La réalité de la détention du savoir-faire par la société Polymer Loop résulte d'un rapport établi par Ingenium-Ingenieria consulting (sa pièce 1), dont il résulte que cette société a développé depuis sa constitution en 2004 des connaissances techniques relatives à la fabrication, l'installation, l'assemblage et la mise en service de procédés industriels exhaustifs au sein d'usines de recyclage de matières premières plastiques issues de déchets de films plastiques provenant des déchets solides urbains. Il y est précisé (page 6 et 7) : «'le développement de ces connaissances et techniques de production (qui se sont améliorées au fil des ans) constitue un ensemble d'informations secrètes, propriété de Polymer Loop SL, qui s'avère déterminant pour la réussite commerciale et la performance des entreprises sous licence. Les améliorations qui ont été apportées à cet ensemble de connaissances et de techniques, et qui ont été développées et mises en 'uvre dans les différentes usines sous licence, sont la propriété exclusive de Polymer Loop SL'».
Il n'est donc absolument pas démontré que ce sont les sociétés Tyrma et Genepol qui disposaient des compétences techniques et donc qu'il n'existait aucun obstacle au développement de l'activité de la société [V] en Europe sur le fondement du contrat de licence de savoir-faire conclu entre ces trois sociétés.
Par voie de conséquence, il n'était donc pas fautif de la part de M. [E] d'informer la SRIW, par courrier électronique du 27 septembre 2019 (pièce 87 des appelants) de la participation de la société Polymer Loop à l'appel d'offre (Fostplus 9 ans) et de ce que la société [V] avait reçu en exclusivité de la société Polymer Loop la technologie spécialisée dans le recyclage de plastique souple pour le territoire de la France.
M [T] et la société Paon du jour ne sauraient sérieusement l'analyser comme un détournement du savoir-faire de la société [V] alors que, précisément, le savoir-faire en cause était apporté par la société Polymer Loop.
Ils ne peuvent davantage faire reproche à MM. [E] et [N] d'avoir opéré un revirement stratégique brutal alors qu'ils auraient été parfaitement d'accord avec la stratégie initiale consistant à faire de la société [V] le véhicule de développement de l'activité en Belgique alors que la réalité et l'immédiateté d'une telle stratégie ne résulte ni de l'objet social de la société, ni du pacte d'actionnaires et que ces conditions n'étaient manifestement pas réunies dans l'immédiat, puisqu'il a été établi que la société n'avait pas même la capacité technique de traiter les plastiques en provenance de Belgique.
Au demeurant, il est constant (pièce 17-2 de MM. [N] et [E]) que le contrat Fostplus 9 ans a été attribué à 2 sociétés tierces, qui exploitaient déjà des sites industriels de recyclage de déchets en Belgique, de sorte que la société [V] ne subit aucun préjudice du fait de la participation de la société Polymer Loop à l'appel d'offre en cause.
Concernant le marché italien, les appelants soutiennent avoir découvert que MM. [E] et [N], par l'intermédiaire de la société Polymer Loop, avaient acquis une usine en Italie au premier semestre 2019, ce qui constituerait, selon eux, un acte de concurrence déloyale de la part des dirigeants sociaux dès lors que cette création intervient sur le même marché que celui de la société [V].
Cependant, ils ne versent aucune pièce attestant de ce que la société Polymer Loop serait venue supplanter la société [V] sur ce territoire par l'ouverture notamment d'une usine, les pièces 102 et 144 auxquels ils se réfèrent étant sans lien avec ce supposé développement en Italie, d'autant que cette société justifie (sa pièce 6) qu'elle n'y a jamais eu d'activité opérationnelle. Les projets de déploiement évoqués dans ce pays de la société [V] ne sont pas davantage étayés.
S'agissant du marché allemand, de la même façon que pour le marché italien, aucune pièce, et notamment aucune étude de marché, ne vient attester d'une quelconque démarche en [A] de l'implantation d'une usine de la société [V] sur ce territoire, le courriel interne de M. [T], par lequel il fait part à MM. [E] et [N] d'une potentielle marque d'intérêt pour le marché allemand, étant insuffisant pour prouver une perspective réelle de développement de la société [V].
Par ailleurs, le déploiement incriminé de la société Polymer Loop en Allemagne est conforme à son savoir-faire et aucune interdiction ne pèse sur elle de créer des filiales en Europe pour exploiter ce savoir-faire. Le détournement, par le biais de cette société, d'informations essentielles au développement de la société [V] en Allemagne, dont se prévaut les appelants, n'est pas démontré pas plus que le fait qu'elle aurait supporté le coût du développement des sociétés espagnoles en Allemagne. Au demeurant, la société Polymer Loop justifie (sa pièce 5) qu'elle n'a pas eu d'activité en Allemagne à la date du 6 mai 2020 et a cessé depuis son activité (sa pièce 6).
Aucune faute, résultant d'une violation de leur obligation de loyauté ou d'un détournement d'information, ne peut donc être retenue contre MM. [N] et [E] concernant ces deux marchés.
2/ Les appelants invoquent également les incidences de la résiliation de la convention de prestation de services conclue le 3 avril 2018 entre les sociétés [V] et Paon du jour.
Il est constant que celle-ci a été résiliée par le président de la société [V] à compter du 31 juillet 2019.
Les appelants se bornent à critiquer le jugement querellé en ce qu'il a, selon eux, repris l'argumentation de MM. [E] et [N] concernant les fautes de la société Paon du Jour ayant justifié la résiliation du contrat en cause alors que le tribunal de commerce de Paris, dans son jugement du 24 septembre 2021 (pièce 21-3 de MM. [E] et [N]), a jugé fautive cette résiliation unilatérale. Ils échouent cependant à démontrer que cette dernière aurait causé grief à la société [V] en impactant son activité.
En effet, il n'est pas démenti par M. [T] et sa société que le chiffre d'affaires et le résultat net de la société [V], tels que présentés par MM. [N] et [E], n'ont cessé de croître depuis 2017 passant, respectivement, de 1 496 611 euros à 20 467 953 euros et de 197 783 euros à 1 443 931 euros, ce qui contredit toute conséquence dommageable de la résiliation du contrat sur l'activité de la société [V].
Par ailleurs, il résulte du rapport d'étude établi par la mission de conseil réalisée par la banque publique d'investissement (BPI) France le 3 juin 2021 (pièce 36-1 de MM. [E] et [N]) dans le but de faire un état des lieux de la situation de l'entreprise, d'identifier les enjeux prioritaires de celle-ci et de partager des plans d'action que «'l'entreprise [V] se développe fortement grâce à un positionnement sur un marché de niche porteur mais dépendant des réglementations européennes et locales. Elle s'appuie sur plusieurs atouts notables, dont en particulier un leadership de sa direction, soutenu par une structure Groupe internationales et un management impliqué et compétent. Le procédé industriel est maîtrisé et automatisé, l'entreprise a mené d'importants travaux de restructuration notamment RH et projette de déployer à moyen-terme une 3ème ligne pour poursuivre sa croissance sans contrainte de capacité. Les principaux enjeux portent essentiellement sur l'environnement externe et sur la capacité de l'entreprise à renforcer sa proposition de valeur pour développer ses ventes auprès d'acteurs parfois réfractaires vis-à-vis du LDPE downcycle (...)'».
Il s'en déduit que la résiliation en cause n'a aucunement affecté le développement de la société [V] et aucun lien n'est démontré entre celle-ci et un supposé acte de concurrence déloyale de MM. [N] et [E] à son détriment.
3/ Les appelants reprochent ensuite à MM. [N] et [E] leur participation à une fraude au recyclage.
M. [T] et la société Paon du jour évoquent la passation d'un contrat le 1er septembre 2019 au nom de la société [V] avec un opérateur de tri espagnols chargé de gérer les déchets (la société Ecoembes) avec facturation fictive de prestations sans qu'aucun déchet en provenance d'Espagne n'arrive en France. Ils affirment également que les déchets ont été enfouis en Espagne et que les sociétés Genepol et Tyrma ont facturé des prestations de transport fictives à hauteur de 54 euros la tonne à la société [V] pour un montant de 924 996 euros en 2019 en absorbant la quasi totalité du chiffre d'affaires que cette dernière société réalisait avec la société Ecoembes.
M. [T] justifie avoir demandé par mail du 11 février 2019 adressé à ses co actionnaires (sa pièce 113) de mettre fin à «'la situation'» si elle n'est pas «'conforme'». Aucune précision n'est toutefois apportée sur la non-conformité en cause.
Les appelants affirment, par ailleurs, que ce système frauduleux d'envergure au préjudice de la société Ecoembes fait encourir un risque considérable à la société [V] en l'appauvrissement à hauteur de plus de un million euros sur la seule année 2019.
Ils se réfèrent à des factures envoyées par la société [V] à la société Ecoembes en 2019 pour du plastique issu des centres de tri espagnol qui aurait dû être traité par la première (leur pièce 182), et des factures envoyées par les sociétés espagnoles à la société [V] pour des services de transport liés aux centres de tri (leurs pièces 183 et 184). Ils produisent également un article de presse espagnol (leur pièce 191).
Il est cependant constant que l'action pénale engagée concernant ces faits a été classée sans suite pour preuve insuffisante et absence d'infraction le 31 octobre 2022. Les appelants, qui se bornent à souligner que les autorités espagnoles ont mis à jour des fraudes de grande ampleur analogues à ces montages, ne justifient d'aucune information judiciaire ou investigations en cours.
Il est par ailleurs établi au vu des échanges entre les parties (pièce 13-2 de MM. [E] et [N]) que le marché en cause a été passé pour sécuriser l'approvisionnement des lignes de la société [V] afin d'éviter toute rupture dans la chaîne de recyclage.
M. [T] a ensuite été régulièrement avisé, aux termes du rapport présenté lors de l'assemblée générale ordinaire du 25 juillet 2020, sur les conventions de prestations réalisées en 2019 entre la société [V] et les sociétés dans lesquelles ses dirigeants ont des intérêts (pièce 5-9 des intimés), que tous les déchets, devenus trop nombreux, allaient être transportés à l'usine de Tyrma pour son recyclage, cette société facturant à la société [V] pour 90 % de ce qu'elle facturait à la société Ecoembes, ladite facturation étant de 93 843 euros en 2019.
Les appelants ne font pas la preuve de l'enfouissement des déchets allégué au delà des 9 % autorisés par la société Ecoembes. Dès lors que la plus grande partie de ceux-ci a bien été recyclée, et même à supposer qu'elle ne l'a pas été par la société [V], la fraude au recyclage n'est pas démontrée.
Il ressort en outre du document établi par la direction de la société [V] joint à l'attestation du commissaire aux comptes établie le 8 octobre 2021 (pièce 26-9 des intimés) que sur la période 2017-2020, les contrats passés avec la société Ecoembes ont permis à la société [V] de générer un bénéfice de 155226 euros, après déduction des factures émises par les sociétés Genepol et Tyrma, sur un montant total facturé de 1 398 382 euros. L'appauvrissement prétendu de la société [V] n'est donc aucunement établi. Le commissaire aux comptes n'a par ailleurs relevé aucune anomalie dans la gestion du contrat avec la société Ecoembes.
Il s'en déduit qu'aucune faute ne peut être imputée à MM. [E] et [N] à ce titre.
4/ Les appelants reprochent encore à MM. [E] et [N] des facturations fictives et excessives au profit de leurs sociétés espagnoles'au titre de prestations adminsitratives, comptables et commerciales ainsi que d'avoir ponctionné des fonds appartenant à la société [V].
Ils affirment que le coût des prestations comptables de la société Polymer Loop a augmenté de 157 % entre janvier et décembre 2019, en se prévalant d'un tableau (leur pièce 188), tandis que les factures pour les prestations techniques adressées par la société Genepol apparaissent aléatoires selon la même période concernée (leur pièce 141). Ils se prévalent du triplement du coût de la facturation entre l'installation de la première ligne et de la seconde ligne de production dans l'usine de la société alors qu'elles ont la même capacité.
Il résulte cependant de l'attestation du commissaire aux comptes de la société [V] du 25 novembre 2021 (sa pièce 26) que les sommes facturées par les sociétés Polymer Loop, Genepol et Tyrma à cette dernière pour un total de 571 761 euros ont été intégralement réglées entre août 2016 et juin 2018, sous la procuration bancaire de M. [T]. Il s'en déduit que ces facturations étaient justifiées et validées par ce dernier.
Ce même commissaire aux comptes, sollicité pour avis (pièce 69 de la société [V]) sur les montants versés, au titre des années 2019 à 2022 incluse, aux trois sociétés espagnoles dans le cadre de prestations de traitement de plastique ou de détachements de travailleurs, indique, le 26 mars 2025, après avoir pris connaissance des conventions réglementées signées entre les parties, avoir effectué des rapprochements nécessaires entre ces informations et la comptabilité, qu'il «'n'a pas d'observation à formuler sur les informations figurant dans le document joint'». Le document joint présentait une synthèse des flux financiers entre les sociétés concernées pour cette période, incluant la totalité des montants contestés par les appelants.
Dans ce contexte, ces derniers ne peuvent valablement se prévaloir de sur-facturations ou de facturations fictives initiées par les intimés au détriment de la société [V] pour caractériser leur faute.
La ponction qu'ils allèguent des fonds appartenant à la société [V] à hauteur de 5 585 871 euros entre 2018 et 2023 par MM. [N] et [E], directement ou par le biais de leurs sociétés n'est pas davantage établie à la lecture des divers avis du commissaire aux comptes.
Au demeurant, les appelants ne formulent aucune demande indemnitaire consécutivement à ces facturations fictives et ces prélèvements indus.
Quant à la rémunération de M. [N], à hauteur de 240 000 euros par an, dont l'importance est contestée par les appelants «'en rapport avec le travail réellement réalisé'»', il apparaît qu'elle a été approuvée par l'assemblée générale de la société [V] pour les années 2022 et 2023 conformément à l'article 15-1 des statuts de celle-ci (sa pièce 3) et il n'est pas établi qu'elle concourt à la caractérisation d'un comportement déloyal de sa part.
Quoi qu'il en soit d'éventuels manquements de MM. [N] et [E] à leurs engagements résultant du pacte d'actionnaires, force est de constater qu'il n'est pas démontré que l'intérêt social de la société [V] en aurait été atteint puisque sa situation financière s'est améliorée depuis 2020 et qu'il n'est pas établi que sa pérennité serait en cause.
M. [T] et la société Paon du jour invoquent des difficultés économiques de la société en 2020, mais il ressort d'un rapport intitulé «'comité stratégique [V] SAS Janvier-Juin 2020'» (pièce 23-2 de MM. [N] et [E]), réunissant les actionnaires de cette société, que la crise du Covid a entraîné un manque de plastique en France et une baisse de la demande de LDPE recyclé. La direction a décidé d'arrêter en partie une ligne pendant la première vague de Covid pour manque de personnel et mettre une partie du personnel au chômage technique. Les deux lignes sont reparties fin juin, avant qu'une ligne soit de nouveau arrêtée au mois de septembre pour limiter les pertes.
Une aide financière a été accordée à la société [V] par l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) à la fin de l'année 2020 compte tenu de l'impact économique de la crise sanitaire liée au coronavirus (baisse des commandes en France, qui a imposé de les vendre en Chine à un prix fortement réduit et à supporter le coût d'un transport à prix plus élevé, réduisant la marge opérationnelle de la société). Le but de ce financement était de garantir le lancement de la 2ème ligne de production mise à l'arrêt.
Dans ces conditions, M [T] et la société Paon du Jour ne peuvent valablement soutenir que MM. [N] et [E] auraient porté atteinte à l'intérêt social de la société [V] en mettant celle-ci en état de quasi sommeil se traduisant par l'arrêt de la 2ème ligne de production et la mise au chômage partiel d'une grande partie du personnel.
En outre, la situation économique de la société [V] s'est améliorée en 2021 en dépit des conséquences de la crise sanitaire en 2020 et de façon continue depuis lors.
Ainsi, il est indiqué dans le rapport de BPI France (Banque Publique d'Investissement) daté du 3 juin 2021 (pièce 36-1 de MM. [N] et [E]- page 4), que l'activité de la société [V] génère un chiffre d'affaires en 2020 de près de 7,3 millions d'euros en forte croissance avec 1,5 millions de chiffres d'affaires en 2017, 5 millions en 2018 et 6,7 millions en 2019.
Il est certes mentionné que l'objectif initial qui portait sur l'ouverture de 4 lignes de production en région parisienne et 2 en région lyonnaise a été revu et consiste désormais à atteindre 15 millions d'euros de chiffres d'affaires avec trois lignes de production automatisées sur le site de [Localité 11], mais cela résulte non d'une mauvaise gestion mais de la forte baisse du prix de la tonne de polyéthylène vierge, qui a directement impacté les prix de vente de l'entreprise.
Le compte de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2021 (pièce 35-4 des intimés) fait apparaître un bénéfice de 927 662 euros, en hausse par rapport à celui de l'exercice clos le 31 décembre 2020 qui n'était bénéficiaire que de 35'212 euros (après avoir été déficitaire de 31 708 euros au 30 juin 2020, preuve encore que les mesures prises pour faire face aux difficultés précédemment évoquées ont été utiles).
De même, la production de la société [V] est en hausse en 2021 et elle rembourse ses emprunts plus rapidement.
Il est par ailleurs établi que la société [V] a embauché 8 personnes en 2021, portant le nombre de ses salariés de 52 à 60 (pièce 35-2 des intimés), la société comptant 70 salariés en 2023, et qu'elle a obtenu une subvention de plus de 156 000 euros de la région Grand Est le 3 mai 2021 (pièce 36-2 des intimés) ce qui atteste de son assise financière et de la confiance qu'elle dégage.
La SA Banque CIC Est, la banque Kolb et la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ont établi des attestations en juillet 2021 (pièces 36-3, 36-4 et 36-5 des intimés) dont il résulte que les comptes de la société [V] fonctionnent à la satisfaction de ces établissements, sans irrégularités, ni incident de paiement et que l'ensemble des financements octroyés, par l'une d'elles, sont remboursés dans le respect des échéanciers établis.
Cette amélioration de la situation de la société [V] est intervenue alors que le mandat de directeur général de M [T] a été révoqué le 26 octobre 2020, ce qui tend à démentir l'affirmation de celui-ci selon laquelle la pérennité de cette société ne peut être assurée que par lui.
C'est donc par une juste appréciation des éléments en cause que les premiers juges, considérant qu'aucune faute n'avait été commise par MM. [N] et [E] ont rejeté l'ensemble des demandes présentées par les appelants. Le jugement est confirmé.
3- Sur la demande de MM. [E] et [N] au titre de la procédure abusive :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas en soi constitutif d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, MM. [E] et [N] ne versent aucun élément permettant de caractériser l'éventuelle malice, mauvaise foi ou erreur grossière dont les appelants auraient pu faire preuve de sorte que le caractère abusif de leur action n'est pas caractérisé.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande présentée de ce chef. Le jugement querellé est confirmé.
4- Sur les frais de procédure et les dépens':
La décision entreprise est confirmée s'agissant des dépens de première instance et concernant les frais de procédure.
M. [T] et la société Paon du Jour, qui succombent en leur recours, sont condamnés aux dépens d'appel sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Ils ne peuvent par ailleurs prétendre à l'allocation d'une indemnité pour leurs frais irrépétibles.
L'équité justifie d'allouer à chacun des intimés la somme de 5 000 euros.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions soumises à la cour';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour aux dépens d'appel sous le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour à payer à MM. [P] [N], d'une part, et à M. [P] [E] [B], d'autre part, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour à payer à la SAS [V] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [S] [T] et la société Paon du Jour à payer à la société Polymer Loop la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Les déboute de leur demande formée à ce titre.
Le greffier La conseillère