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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 28 août 2025, n° 23/01914

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 23/01914

28 août 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01914 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I26J

NA

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

11 avril 2023

RG:20/01162

[C]

[I]

C/

[G]

[B]

S.C.P. [B] BORGIA [B] MORLON

Copie exécutoire délivrée

le

à Selarl Leonard Vezian

Selarl Sarlin Chabaud

SCP Divisia Chiarini

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 28 AOUT 2025

Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 11 Avril 2023, N°20/01162

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Août 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

M. [V] [C]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 14] (SENEGAL)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Alain GALISSARD, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Mme [D] [I] épouse [C]

née le [Date naissance 6] 1981 à [Localité 12] (57)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Alain GALISSARD, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉS :

Me [N] [G] Mandataire Judiciaire pris en sa qualité de liquidateur à la Liquidation judiciaire de La SARL ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION, au capital de 100.000 € immatriculée au RCS de TOULON sous le numéro 450 781 109, dont le siège est [Adresse 10], fonctions auxquelles il a été nommé suivant Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 16 octobre 2012.

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représenté par Me Jean-Marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me François COUTELIER de l'ASSOCIATION COUTELIER, Plaidant, avocat au barreau de TOULON

M. [T] [B]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représenté par Me Jean-Michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.C.P. [B] BORGIA [B] MORLON prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-Michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Juin 2025

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 28 Août 2025,par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [C], footballeur professionnel, a accepté, pour se constituer un actif immobilier en fin de carrière sportive, la proposition de Guillaume Gé Marketing, d'acquérir et restaurer un ensemble immobilier en quartier patrimonial remarquable, situé [Adresse 1] à [Localité 13] (PSMV approuvé), bénéficiant des dispositions fiscales de la "Loi Malraux" de 1962 et éligible à une subvention de l'ANAH de 600 000 euros, opération à confier à une association syndicale libre à créer (ASL) pour en décharger l'investisseur.

Maître [Y], avocat fiscaliste de M. [C], s'est vu confirmer par Maître [B], avocat bordelais spécialiste de ce type d'investissement, par lettre officielle du 27 juin 2008, l'accompagnement du projet d'investissement 'notamment du point de vue 'scal'.

Lors d'une assemblée générale du 1er août 2008 l'ASL Des Provinces située dans les locaux de la SCP [B] MORLON & Associés à BORDEAUX (ASL en charge également d'autres opérations à Avignon et La Rochelle) a été créée, la 4éme résolution de cette assemblée générale mentionnant la rémunération de 45 000 euros de Maître [B] pour sa mission de maîtrise d''uvre juridique, la 5ème résolution donnant mandat à Maître [B] de conclure le contrat avec un administrateur privé spécialisé pour l'ouverture et les modalités de fonctionnement du compte de l'ASL (ce contrat sera conclu dans un premier temps avec le cabinet TOURNY-GESTlON, puis avec l' EURL LACOMBES MAURANGES).

La 13ème résolution de l'assemblée générale de l'ASL en date du 15 septembre 2008 a stipulé que « l'administrateur de biens privés spécialisé ne dispose du pouvoir de régler les dépenses que dans la limite des budgets votés et sous le contrôle du cabinet [B] ».

Le 11 septembre 2008, un contrat de contractant général a été signé entre l'ASL et la société PONS EYRAUD, avec, s'agissant de la mission d'information de cette société, l'obligation de rendre compte de la marche des opérations (planning, dépenses, difficultés techniques...), et s'agissant de la mission administrative, celle de constituer les dossiers de demandes de subvention (ville, ANAH...), le prix du marché étant fixé à 2 568 500 euros TTC, la rémunération du contractant général étant à libérer par tranches et au fur et à mesure des appels de fond suivant planning, la durée prévue du marché étant de 18 mois à compter du démarrage des travaux.

La société ATELIER LEFEVRE ARCHITECTE a été chargée, pour un montant d'honoraires de 155 971,20 euros, de la maîtrise d''uvre technique c'est-à-dire du suivi des travaux de rénovation et des situations permettant, après vérification par le maître d''uvre juridique, le paiement des différentes "situations par l'administrateur des comptes de l'ASL, TOURNY GESTION.

Le 18 décembre 2008 les actes d'acquisition ont été passés en l'étude de Maître [S] [E] à [Localité 13], et les époux [C] sont devenus ainsi acquéreurs de deux lots immobiliers pour un prix l'un de 1 100 000 euros l'autre de 755 000 euros, suivant offre de crédit de la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) de 1 800 000 euros (acquisition) et de 2 640 000 euros (travaux).

Suivant consultation écrite du cabinet [B] du 23 décembre 2010 es époux, [C] ont réglé la totalité du 'nancement de leur opération.

Découvrant au mois d'octobre 2012 que les établissements PONS PEYRAUD avaient été placés en redressement puis en liquidation judiciaire, et qu'une part majeure des travaux restait à effectuer malgré le versement décidé par l'ASL et opéré par TOURNY GESTION de diverses sommes au titre de la rénovation de l'immeuble, les époux [C] ont fait assigner en référé expertise GUILLAUME GE MARKETING, la société PONS EYRAUD, Me [B], la SCP [B] MORLON & Associés, la société ATELIER LEFEVRE ARCHITECTE.

Par ordonnance du 20 mars 2013, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M. [Z] a'n de voir en particulier :

- établir la chronologie des actes de construction abandons de chantier et retards,

- relever les désordres malfaçons et non-façons,

- chiffrer le montant des travaux réalisés et de ceux restant à réaliser,

- se faire remettre tous documents et explications quant à la définition de la maîtrise d''uvre juridique confiée Maître [B] et décrire les diligences accomplies par celui-ci, et dire si celles-ci étaient conformes aux intérêts des époux [C] et sinon quels ont été les manquements et abstentions fautives du maître d''uvre juridique et du secrétariat de l'ASL.

L'expert a déposé son rapport complet le 18 mai 2016.

Déplorant 'une totale absence de vigilance et la carence manifeste particulièrement de la maîtrise d''uvre juridique de Me [B] et de son cabinet sur l'utilisation des fonds remis, les époux [C] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire d'Avignon M. GUlLLAUME GE en qualité de liquidateur amiable de la SARL GUlLLAUME GE MARKETING, la société PONS EYRAUD représentée par Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION, Maître [B], la SCP [B] MORLON & Associés, la société ATELIER LEFEVRE ARCHITECTE, pour sur le fondement des articles 1382 ancien et 1240 et suivants du code civil, et 1984 et suivants du code civil se voir indemnisés de l'ensemble des préjudices subis dans le cadre de cette opération.

M. GUlLLAUME GE en qualité de liquidateur amiable de la SARL GUlLLAUME GE MARKETING et la SARL ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION représentée par Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire ont été défaillants.

Par jugement réputé contradictoire en date du 11 avril 2023, le tribunal judiciaire d'Avignon a statué comme il suit :

RECOIT Mme [D] [I] et M. [V] [C] en leur action,

FIXE la créance des époux [C] a Ia liquidation judiciaire de la société PONS EYRAUD, représentée par Me [N] [G], mandataire judiciaire à sa liquidation, aux sommes de :

- 1 067 409, 00 € au titre du surcoût lié aux travaux d'achèvement de la réhabilitation de l'immeuble du [Adresse 1], outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 02/11/16, et ce avec anatocisme,

- 1 668 923,32 € au titre de la perte des fonds indûment perçus par la société PONS-EYRAUD,

> 207 300,00 € au titre de la perte de chance de louer les 14 appartements à la date de fin de chantier prévue,

- 319 970,00 € au titre de la perte de chance d'être indemnisé des pénalités de retard dues par le contractant général

- 50 000,00 € au titre du préjudice moral,

DEBOUTE du surplus des demandes,

CONDAMNE les parties aux dépens, la moitié à la charge des époux [C], l'autre moitié à la charge des défendeurs in solidum.

Le jugement dont appel expose que :

Sur la responsabilité de Maître [B] et de la SCP [B] MORLON & Associés :

- il est établi par l'expertise et non discuté que les travaux entièrement financés par les époux [C] sont largement inachevés et qu'il en est résulté donc pour eux un préjudice en l'espèce considérable,

- le débat porte sur la définition du périmètre du mandat d'intervention de Maître [B] étant rappelé que l'avocat ne peut pas se voir reprocher de ne pas avoir accompli une mission qui ne lui était pas spécifiquement confiée,

- il est constant que Maître [B] était chargé de la maîtrise d''uvre juridique du projet et il n'est pas contesté que l'aspect fiscal de l'opération entrait bien dans sa mission et qu'aucun reproche ne lui est fait à ce titre, pas plus qu'il ne lui est fait de reproche s'agissant de la constitution de l'ASL, de son objet et de ses statuts.

Les premiers juges précisent que ce qui est reproché à Maître [B] c'est que le règlement de travaux ait pu intervenir sans que les travaux réglés aient été effectués alors que Maître [B] aurait été tenu d'une obligation de suivi financier et de vérification des règlements effectués au bénéfice des intervenants à l'acte de construire et que se trouve ainsi caractérisé un défaut de vigilance et de réaction.

Les juges de première instance considèrent toutefois que Maître [B] ayant reçu le mandat de l'ASL de conclure le contrat avec un administrateur de droit privé spécialisé pour l'ouverture et les modalités du compte de l'association, la gestion du compte bancaire de l'ASL est ainsi revenue à cet administrateur de droit privé en l'occurrence la société TOURNY GESTION.

Ils ajoutent que la maîtrise d''uvre juridique ne saurait être confondue avec le contrôle du maître d''uvre du chantier de construction et que le contrôle attendu de Maître [B] ne saurait s'étendre à l'examen par ce dernier des situations de chantier que déclenchent contractuellement la libération de rémunérations du contractant général et ils rappellent que la maîtrise d''uvre technique du chantier a fait l'objet d'un contrat entre le contractant général PONS EYRAUD et l'ATELIER LEFEVRE ARCHITECTURE.

Les juges considèrent ainsi qu'il n'est pas du ressort de l'avocat chargé de la maîtrise d''uvre juridique de vérifier qu'il y a bien adéquation entre la réalité de l'évolution des travaux et les rémunérations libérées conformément aux conditions du contrat de contractant général et qu'il ne peut donc être reproché à Maître [B] d'avoir opéré ou laissé opérer des règlements de situations de travaux intervenant hors visa du maître d''uvre, hors décision ou résolution de l'ASL ou hors limite de budgets votés ou hors planning contractuel.

Les juges considèrent également qu'il ne peut davantage être reproché au cabinet [B] d'avoir participé au préjudice subi par les époux [C] en sollicitant dès le départ le versement du montant de la totalité de l'opération et ce même si ce versement a été perdu dans la mesure où ce n'est pas ce versement permettant de satisfaire aux objectifs fiscaux qui a entraîné le préjudice mais bien les règlements successivement intervenus de manière déconnectée car ne correspondant pas à l'état d'avancement du chantier lequel très en retard allait finir par être abandonné.

Sur la fixation de la créance des époux [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société PONS EYRAUD le jugement déféré y fait droit au titre du surcoût lié aux travaux d'achèvement de la réhabilitation de l'immeuble, au titre de la perte des fonds indûment perçus par la société PONS EYRAUD, au titre de la perte de chance de louer les 14 appartements à la date prévue pour la fin de chantier à hauteur de 50%, de la perte de chance d'être indemnisé des pénalités de retard dues par le contractant général et au titre du préjudice moral.

En revanche le tribunal judiciaire rejette la demande de fixation de créance à hauteur de 7 871 371,27 euros au titre du préjudice de l'impossibilité des prêts BPI et de la situation d'insolvabilité en résultant, dans la mesure où le remboursement des prêts était dû en tout état de cause et où tous les frais perdus et ceux exposés pour parachever l'opération sont déjà indemnisés.

M. [V] [C] et Mme [D] [I] épouse [C] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 6 juin 2023 à l'encontre de Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION, de M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/01914.

Par ordonnance du 9 décembre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 22 mai 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 10 juin 2025.

M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ont déposé des conclusions post-clôture le 26 mai 2025 en précisant avoir dû répondre aux écritures déposées le 21 mai 2025 par M. et Mme [C] et a sollicité le rabat de la clôture.

Après rabat la clôture a été fixée au 10 juin 2025 et l'affaire retenue à l'audience de plaidoirie du 20 mai 2025 a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 28 août 2025 .

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2025, les époux [C] demandent à la cour de :

Vu les articles 1382 ancien et 1240 et suivants du Code Civil, et 1984 et suivants du Code Civil :

DECLARER l'appel recevable.

Juger recevables et bien fondées les demandes présentées par Monsieur [V] [C] et Madame [D] [I] épouse [C].

REFORMER et INFIRMER le jugement dont appel :

sur les montants de la créance retenue à la liquidation judiciaire de la société PONS EYRAUD représentée par Me [N] [G] ;

en ce qu'il a débouté [V] [C] et [D] [I] épouse [C] de leurs autres demandes à savoir la condamnation solidaire au titre de la responsabilité de Maître [T] [B] et de la SCP [B], BORGIA, MORLON et associés ;

en ce qu'il a débouté [V] [C] et [D] [I] épouse [C] de leur demande formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés à la moitié des dépens de l'instance.

STATUANT à nouveau sur la responsabilité de Maître [T] [B] et la SCP ainsi que sur la fixation du préjudice subi par Monsieur et Madame [C].

Vu les articles R 6 22 -21 du code de commerce, 1205 et 13 41 -1 du Code civil

DEBOUTER Maître [N] [G] es qualité de liquidateur de la société Pons Eyraud des fins de son appel incident

JUGER recevable et fondé la demande de fixation de créances formulé par monsieur et Madame [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Pons Eyraud

FIXER la créance de Monsieur Madame [C] à la liquidation judiciaire de la société Pons Eyraud représentée par Maître [N] [G], mandataire judiciaire à sa liquidation somme ci-dessous énumérées au titre du préjudice des époux [C] les sommes suivantes :

- 7.871 371,27 € au titre du préjudice résultant de l'impossibilité les prêts BPI et la situation d'insolvabilité en résultant générant des poursuites de la part de ce créancier ;

- 1.067.409,00 € au titre du surcoût lié aux travaux d'achèvement de la réhabilitation de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 13], ladite somme étant majorée d'un intérêt au taux légal avec anatocisme à compter du 02/11/2016, date du dernier paiement effectué au profit de BATISOLUTION ;

- 414 600,00 € au titre de la perte des loyers devant être générés par la location des 14 logements créés dans l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 13].

- 1 668 923,32 € au titre de la perte des fonds indûment versés à la société Pons Eyraud majorée d'un intérêt au taux légal avec anatocisme à compter du 1er janvier 2009 ;

- 639.940,00 € au titre de la perte de chance d'être indemnisé des pénalités de retard dues par le contractant général ;

- 1.000 000 ,00 € en réparation de leur préjudice moral ;

- Assortir les condamnations pécuniaires d'un intérêt au taux légal avec anatocisme.''

Vu les articles 1382 ancien et 1240 et suivants du Code Civil, et 1984 et suivants du Code Civil :

a) CONDAMNER solidairement Maître [T] [B], et la SCP [B], Borgia, Morlon et associés, à payer à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

- 7.871 371,27 € au titre du préjudice résultant de l'impossibilité les prêts BPI et la situation d'insolvabilité en résultant générant des poursuites de la part de ce créancier ;

- 1.067.409,00 € au titre du surcoût lié aux travaux d'achèvement de la réhabilitation de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 13], ladite somme étant majorée d'un intérêt au taux légal avec anatocisme à compter du 02/11/2016, date du dernier paiement effectué au profit de BATISOLUTION ;

- 414 600,00 € au titre de la perte des loyers devant être générés par la location des 14 logements créés dans l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 13].

- 1 668 923,32 € au titre de la perte des fonds indûment versés à la société Pons Eyraud majorée d'un intérêt au taux légal avec anatocisme à compter du 1er janvier 2009 ;

- 639.940,00 € au titre de la perte de chance d'être indemnisé des pénalités de retard dues par le contractant général ;

- 1.000 000 ,00 € en réparation de leur préjudice moral ;

- Assortir les condamnations pécuniaires d'un intérêt au taux légal avec anatocisme.

b) DEBOUTER Maître [T] [B], et la SCP [B], Borgia, Morlon et associés et de leurs demandes, fins et prétentions.

'' CONDAMNER solidairement Maître [T] [B], et la SCP [B], Borgia, Morlon et associés, en tous dépens de la présente instance conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC, y compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire et de son sapiteur et les frais de constat exposés par les époux [C] et à la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2025 M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés demandent à la cour de :

A titre liminaire :

- ORDONNER le rabat de la clôture du 22 mai 2025 et DECLARER RECEVABLE les présentes écritures ;

A défaut,

- DECLARER IRRECEVABLES comme tardives les conclusions notifiées le 21 mai 2025 par les consorts [C] ;

A titre principal :

- CONFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire d'Avignon du 11 avril 2023 en ce qu'il a écarté la responsabilité de la SCP [B] et de Maitre [B] et a débouté les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes à leur encontre ;

Statuant à nouveau :

- JUGER que le cabinet [B] et Maitre [B] n'ont commis aucune faute dans le cadre de la mission qui leur était confiée ;

- JUGER que les consorts [C] ne justifie d'aucun préjudice en lien de causalité avec une faute du cabinet [B] et de Maitre [B] ;

Par conséquent :

- DEBOUTER les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre du cabinet [B] et de Maitre [B];

Subsidiairement :

- LIMITER la condamnation du cabinet [B] au seul préjudice en lien de causalité avec une faute ;

- APPRECIER le préjudice sous l'angle de la perte de chance

En tout état de cause :

- CONDAMNER in solidum les consorts [C] au paiement de la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- CONDAMNER in solidum les consorts [C] aux dépens

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024 Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION demande à la cour de :

REFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire d'Avignon en date du 11 avril 2023 en ce qu'il a procédé à des fixations de créances dans la procédure collective DES ETABLISSEMENTS PONS EYRAUD.

JUGER les demandes des consorts [C] autant irrecevables qu'infondées et en conséquence, LES DEBOUTER de toutes leurs fins, demandes, moyens et conclusions.

JUGER irrecevable la demande de fixation de créances des époux [C] faute de déclaration de créances.

JUGER irrecevable la demande des consorts [C] faute de qualité à agir.

JUGER irrecevable la demande des époux [C] du fait de l'autorité de la chose jugée attachée au rejet de la déclaration de créances de l'ASL LES PROVINCES.

A tout le moins,

REJETER les demandes de fixation de créances ainsi que d'application d'intérêts et d'anatocisme sur les créances fixées.

CONDAMNER tout succombant à payer à Maître [N] [G], ès qualités, la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la fixation des créances des époux [C] au passif de la liquidation de la SARL ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION :

Devant la cour Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION oppose que les époux [C] ne justifient pas avoir procédé à la déclaration de leur créance à la procédure de liquidation judiciaire de la société alors que la créance dont ils se prévalent à bien une origine antérieure à la liquidation judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD et même au redressement judiciaire. Le liquidateur judiciaire précise qu'en application de l'article R 622-21 du code de commerce le liquidateur doit aviser seulement les créanciers connus de ce qu'ils doivent déclarer leur créance à la procédure collective, et que les époux [C] ne peuvent être qualifiés de créanciers connus dans la mesure où ils n'ont aucun lien contractuel avec la société ETS PONS EYRAUD, le contrat général ayant été signé entre la société ETS PONS EYRAUD et la seule ASL DES PROVINCES.

Ainsi Maître [G] soutient qu'en l'absence de cette déclaration de créance les époux [C] ne peuvent prétendre à aucune fixation de leur créance au passif de la liquidation de la société ETS PONS EYRAUD.

Le liquidateur ajoute qu'en outre si les époux [C] avaient procédé à cette déclaration de créance ils se devaient d'attendre que le juge commissaire ait statué sur l'admission ou le rejet de la créance avant d'assigner la société directement.

Le liquidateur fait ensuite valoir qu'en tout état de cause même si les époux [C] avaient procédé à une déclaration de leur créance celle-ci n'aurait pu prospérer dans la mesure où il n'y a aucun lien de droit entre eux et la société ETS PONS EYRAUD et que la convention entre l'ASL DES PROVINCES et la société ETS PONS EYRAUD ne peut s'analyser comme une convention portant stipulation pour autrui.

En tout état de cause le liquidateur fait valoir que l'argumentation des époux [C] visant à se prévaloir de la déclaration de créance faite par l'ASL DES PROVINCES à la procédure de liquidation de la société ETS PONS EYRAUD se heurte à l'autorité de la chose jugée résultant de la décision en date du 20 mars 2018 aujourd'hui définitive de rejet de la déclaration de créance de l'ASL DES PROVINCES.

Enfin le liquidateur de la société ETS PONS EYRAUD expose que le jugement dont appel ne pouvait fixer au passif de la liquidation de la société la créance des époux [C] avec intérêt au taux légal et avec anatocisme dans la mesure où le jugement de redressement judiciaire puis le jugement de liquidation judiciaire ont eu pour effet d'arrêter le cours des intérêts pour les créances nées antérieurement aux procédures collectives.

En dernier lieu si la fixation de la créance des époux [C] au passif de la liquidation de la société ETS PONS EYRAUD devait être confirmée son liquidateur fait valoir que seules les sommes dont il serait justifié qu'elles ont été indûment versées à la société ETS PONS EYRAUD pourraient être portées au passif de la société et qu'en ce qui concerne la créance des époux [C] concernant le surcoût des travaux à terminer elle ne saurait être supérieure à la somme de 601 036, 17 euros HT soit 661 139,78 euros TTC évaluée par l'expert judiciaire.

Les époux [C] sur la recevabilité de leur demande de fixation de leur créance au passif de la société ETS PONS EYRAUD font valoir qu'en application de l'article R 622-21 du code de commerce, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire doit dans le délai de 15 jours du jugement d'ouverture avertir les créanciers, ce dont il n'est pas justifié, pas plus qu'il n'est démontré que les époux [C] n'auraient pas déclaré leur créance.

Ils ajoutent sur leur qualité à agir à l'encontre de la société ETS PONS EYRAUD que la convention de co-contractant général avec la société ETS PONS EYRAUD régularisée par l'ASL DES PROVINCES contient nécessairement une stipulation pour autrui en ce que les travaux n'avaient vocation à s'appliquer qu'au sein de l'immeuble dont les époux [C] étaient seuls propriétaires à [Localité 13].

Sur l'étendue de leur créance ils font valoir que celle-ci ne saurait être limitée aux seules sommes trop versées à la société ETS PONS EYRAUD mais bien comprendre l'intégralité de leur préjudice, que la défaillance de cette entreprise a entraîné de façon directe à savoir non seulement le surcoût des travaux à terminer mais également les difficultés rencontrées quant au remboursement des emprunts bancaires en raison de l'impossibilité de prise de possession de l'immeuble dans les délais initialement convenus.

Il sera rappelé que selon l'article L 621-40 du code de commerce : « Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II. - Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles.

III. - Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. ».

Il est constant en l'espèce que par jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 7 juin 2010 la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION a été placée en redressement judiciaire. Le 16 octobre 2012 le tribunal de commerce de Toulon a résolu le plan de redressement, prononcé la liquidation judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION, avec date de cessation des paiements au 16 octobre 2012 et désignation de Maître [G] en qualité de liquidateur.

Il n'est pas contesté par ailleurs par les époux [C] que les créances dont ils se prévalent ont leur origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION puisqu'elles ont pour origine la défaillance alléguée de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION dans l'exécution du contrat de cocontractant général signé entre elle et l'ASL DES PROVINCES le 11 septembre 2008.

Selon l'article L 622-4 du code de commerce à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance «est née» antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire «dans des délais fixés par décret en Conseil d'État». «Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision; ils sont alors réduits de moitié.» «Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.»

Les époux [C] à qui incombent la charge de la preuve de ce qu'ils ont en application des dispositions ci-dessus rappelées déclaré régulièrement leur créance sont défaillants sur ce point.

Si par ailleurs en application de l'article R 622-21 du code de commerce comme le font valoir les époux [C] le mandataire judiciaire, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai mentionné à l'article R 622-24 dudit code, cette obligation d'avertissement qui pèse sur le mandataire judiciaire est limitée aux créanciers connus or en l'espèce il n'est pas établi que le mandataire judiciaire avait connaissance de la qualité de créanciers de M. et Mme [C] dans la mesure où d'une part ces derniers n'ont aucun lien direct contractuel avec la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION la convention de cocontractant général n'ayant été passée qu'avec l'ASL DES PROVINCES et l'assignation en référé expertise laquelle n'est pas produite au débat étant insuffisante à établir la qualité de créanciers connus à M. et Mme [C].

Les époux [C] qui par conséquent ne justifient pas avoir régulièrement déclaré leur créance à la procédure collective ne peuvent pas non plus se prévaloir de la déclaration de créance faite par l'ASL DES PROVINCES en l'absence de stipulation pour autrui prévue dans la convention de cocontractant et la stipulation qui a un fondement contractuel, consacré par l'article 1205 du code civil, impliquant qu'elle ne saurait se déduire du silence des parties et qu'elle requiert une manifestation de volonté non équivoque. Enfin en toute état de cause ce moyen est inopérant dans la mesure où la déclaration de créance faite par l'ASL DES PROVINCES à la procédure collective de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION a été déclarée irrecevable par décision en date du 20 mars 2028, décision définitive.

Par conséquent le jugement donc appel sera infirmé en ce qu'il a fixé la créance de M. et Mme [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION et M. et Mme [C] seront déclarés irrecevables en leur demande de fixation de leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION.

Sur la responsabilité de M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés :

Pour voir retenue la responsabilité de M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés, M. et Mme [C] soutiennent que ces derniers spécialistes des opérations de défiscalisation et de montages juridiques d'opérations de restauration dans le cadre de la loi dite Loi Malraux n'avaient pas une simple mission d'assistance fiscale mais également celle plus générale de garantir l'efficacité de l'investissement qu'ils ont conseillé et organisé.

Les époux [C] reprochent ainsi à M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés :

- un défaut d'information et de conseil lors de la constitution de l'ASL DES PROVINCES,

- un défaut de conseil et de contrôle pendant le cours du fonctionnement de l'ASL,

- un défaut de contrôle des mandataires qu'elle a choisi de se substituer,

- un défaut de conseil et de contrôle lors de la souscription de la convention de cocontractant général,

- un défaut de contrôle de l'exécution financière de la convention de cocontractant général,

- un défaut de conseil lors de la décision de poursuite de la convention de cocontractant général,

- une absence de présentation des comptes de l'ASL,

- une absence de demande de subvention ANAH dans les meilleurs délais,

- un défaut de suivi de la procédure de vérification des créances de la société ETS PONS EYRAUD.

M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés opposent pour l'essentiel que leur mission était limitée à une mission fiscale visant à faire rentrer le projet immobilier dans le cadre fiscal dont l'avantage était recherché par les époux [C] et que ce cadre limité de la mission du cabinet [B] est démontré par les éléments suivants :

- l'investissement a été conseillé aux époux [C] par GE MARKETING,

- les époux [C] avaient leur propre avocat fiscaliste Maître [Y], du cabinet FIDAL tout au long de l'opération,

- tous les membres de l'ASL ont dû régler la totalité de leur investissement,

- l'ASL DES PROVINCES était seule maître de l'ouvrage, et c'est elle qui a choisi le contractant général la société ETS PONS EYRAUD,

- la mission de maîtrise d''uvre technique a été confiée à la société L'ATELIER LEFEVRE ARCHITECTE, (selon contrat du 3 novembre 2008)

- l'expert judiciaire conclut que l'architecte a validé une estimation des travaux et des situations de travaux ne correspondant pas à la réalité

- la société ETS PONS EYRAUD qui avait un contrat général était aussi responsable du suivi des travaux et des respects des plannings,

- M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés professionnels du droit n'ont pas de compétence technique,

- c'est l'ASL DES PROVINCES qui a procédé aux appels de fonds et au paiement des entreprises,

- l'ASL a procédé au paiement auprès des ETS PONS EYRAUD conformément au contrat général et la facture de 1 000 000 euros a été validée par M. [C] et porte aussi le nom du cabinet FIDAL,

- les paiements ont été validés par l'architecte qui a visé les récapitulatifs de situation et les demandes d'acompte.

Il est constant que les obligations de l'avocat dépendent de l'étendue du mandat qui lui a été confié et qu'il ne peut donc être reproché à un avocat de ne pas avoir accompli une mission qui ne lui avait pas été confiée.

En l'espèce il n'est pas contesté qu'il n'existe pas de contrat de maîtrise d''uvre juridique signé entre M. et Mme [C] d'une part et M. [T] [B] et/ou la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés d'autre part.

Il convient donc de rechercher l'existence d'un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée en l'espèce M. [T] [B] et/ou la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés et l'existence d'actes exécution.

Il est produit au débat une lettre officielle en date du 27 juin 2008 adressée par M. [T] [B] à Maître [Y] dans laquelle, Maître [B] « confirme avoir été sollicité pour valider et accompagner notamment du pont de vue fiscal le projet d'investissement de M. [C] à [Localité 13] [Adresse 15] qui doit se faire conformément aux dispositions du régime fiscal de faveur dit « Loi Maraux » de l'article 156-3° du code général des impôts » et Maître [B] ajoute : « Ma mission comporte également la maîtrise des sommes décaissées par M. [C] sur le compte de la future Association Syndicale Libre afin de régler ensuite les différentes entreprises conformément au marché de travaux tels qu'ils seront approuvés, puis en fonction de l'avancement du chantier. Actuellement l'Association Syndicale Libre n'est encore qu'à l'état de projet et son compte bancaire non encore déterminé.

Dès que nous aurons terminé nos opérations de validation et que M. [C] aura validé les différents marchés à travers l'assemblée générale de l'Association Syndicale Libre nous serons en mesure d'émettre la lettre de validation-mission et le relevé d'identité bancaire du compte de l'Association Syndicale Libre. »

A la lecture de ce courrier émanant de Maître [B] il apparaît que la mission de ce dernier et de son cabinet n'était pas strictement limité au seul montage fiscal de l'opération d'investissement de M. [C] ( emploi du mot notamment) l'avocat écrivant que sa mission comporte également la maîtrise des sommes décaissées par M. [C] sur le compte de l'ASL afin de régler les différentes entreprises conformément au marché de travaux tels qu'ils seront approuvés, puis en fonction de l'avancement du chantier.

Il est démontré au vu des pièces produites que M. [T] [B] et/ou la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ont accomplis par ailleurs une série d'actes à savoir :

- la rédaction des statuts de l'ASL DES PROVINCES, dont le siège a été fixé à la même adresse [Adresse 7] que celle du cabinet de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés,(le procès-verbal d'assemblée générale du 1er août 2008 précisant que Maître [B] a été mandaté en ce sens par les propriétaires de droit sur les immeubles désignés)

- la convocation des assemblées générales de l'ASL DES PROVINCES au cours desquelles Maître [B] a assuré les fonctions de secrétaires de l'assemblée,

- la proposition de l'administrateur de biens privé spécialisé à l'ASL,

- le virement le 25 mai 2009 par l'ASL DES PROVINCES d'une somme de 211 825 euros sur le compte CARPA de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés et le règlement via le même compte CARPA de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés le 26 mai 2009 de la somme de 211 825 euros au profit de GUILLAUME GE MARKETING,

- la déclaration de créance en qualité de mandataire de l'ASL DES PROVINCES au passif de la liquidation judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD pour 1 128 425 euros.

Il ressort également de la lecture des procès-verbaux des assemblées générales de l'ASL DES PROVINCES que Maître [T] [B] a reçu mandat de l'assemblée générale pour conclure le contrat avec un administrateur de biens privé spécialisé pour l'ouverture et les modalités de fonctionnement du compte de l'ASL ( résolution n°5 de l'assemblée générale du 1er août 2008), que l'administrateur de biens privé spécialisé de l'ASL ne dispose du pouvoir de régler les dépenses que dans la limite des budgets votés et sous le contrôle du cabinet [B], ( résolution n°13 de l'assemblée générale du 15 septembre 2008), que Maître [B] exerce un contrôle dans la libération des fonds par les membres de l'association ( résolution n°14 de l'assemblée générale du 15 septembre 2008).

Par conséquent contrairement à ce que soutiennent M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges la mission confiée au cabinet d'avocat n'était pas limitée au seul domaine fiscal de l'opération d'investissement réalisée par M. et Mme [C] puisqu'ils avaient aussi pour mission de rédiger les statuts de l'ASL, de convoquer les assemblées générales dont ils assuraient le secrétariat, de maîtriser les sommes décaissées par les investisseurs sur le compte de l'ASL, et de contrôler les sommes réglées pour le compte de l'ASL par l'administrateur de bien privé spécialisé de l'ASL choisi par la SCP [B].

A ce titre la SCP [B] était tenue d'un devoir d'information et de conseil vis-à-vis de M. et Mme [C] dans le cadre de l'opération dans son ensemble et pas uniquement au plan fiscal.

Ainsi même s'il n'est pas démontré, ni soutenu que la SCP [B] ait été en charge du choix du cocontractant général et de la rédaction de la convention de cocontractant général, l'avocat se devait d'informer ses clients sur le fait que le montage proposé pour pouvoir prétendre à l'avantage fiscal supposait une avance du versement des fonds par les investisseurs d'au moins 50 % et d'attirer leur attention sur ce risque et sur l'intérêt de bénéficier d'une caution ou d'une garantie bancaire de remboursement des fonds ou d'une garantie d'achèvement et ce même si une telle garantie à la date de l'opération n'était pas exigée par la loi ou les règlements.

Ce défaut de conseil et d'information est donc à l'origine d'une perte de chance pour M. et Mme [C] de renoncer à cette opération même si cette probabilité peut être considérée comme faible au regard de l'avantage fiscal de l'opération.

Par ailleurs Maître [B] qui avait comme il l'écrit dans la lettre officielle du 27 juin 2008 la mission de la maîtrise des sommes décaissées par M. et Mme [C] sur le compte de la future Association Syndicale Libre afin de régler ensuite les différentes entreprises conformément au marché de travaux, puis en fonction de l'avancement du chantier et qui comme cela a déjà été relevé ci-dessus exerçait en application des statuts un contrôle sur la libération des fonds et sur le règlement des dépenses par l'administrateur de biens privés de l'ASL, se devait de s'assurer que les fonds versés par les investisseurs à l'ASL pour régler les sommes dues en fonction de l'avancement du chantier correspondaient bien au paiement des travaux réellement exécutés sur le chantier et ce au besoin en s'entourant des conseils d'un architecte autre que celui lié contractuellement au cocontractant général.

Or il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] que les travaux ont commencé en juin 2010 et que le chantier s'est arrêté au mois de janvier 2012, l'entreprise générale ETS PONS EYRAUD n'ayant exécuté à cette date que 60 % des travaux prévus, alors qu'ils auraient dû être terminés, que la majorité des différents postes de travaux sont inachevés, et que les époux [C] ont versé la totalité des fonds de l'opération soit la somme de 2 640 000 euros et que le coût des travaux restant à réaliser peut-être évalué à 601 036,17 euros HT soit 661 139,78 euros TTC ( avec une TVA à 10%).

Ainsi il ressort de ces éléments que Maître [B] a commis une négligence fautive dans la mission qui était la sienne de maîtrise des sommes décaissées par M. [C] puisque ce dernier a décaissé l'intégralité de ses fonds au profit de l'ASL DES PROVINCES laquelle les a ensuite versés en totalité à la société ETS PONS EYRAUD alors que seulement 60 % des travaux prévus avaient été réalisés et étant rappelé que selon les statuts de l'ASL DES PROVINCES rédigés par le même cabinet [B] l'administrateur de biens privé de l'ASL ne disposait du pouvoir de régler les dépenses que sous le contrôle de Maître [B].

Cette négligence fautive dans la maîtrise des sommes décaissées par M. et Mme [C] ressort également de la chronologie des faits de l'espèce dans la mesure où dès le 7 juin 2020 soit dès l'ouverture du chantier la société ETS PONS EYRAUD était placée en redressement judiciaire ce qui aurait dû légitiment entraîner un contrôle accru des règlements effectués par l'ASL avec les fonds des investisseurs en l'occurrence avec les fonds de M. et Mme [C] en fonction de l'avancement réel du chantier.

Par conséquent si comme le soutient M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés l'avocat qui n'est pas un constructeur ne peut être déclaré responsable d'un retard de chantier ou d'un surcoût de construction ou de la mise en liquidation judiciaire de l'un des constructeurs pour autant lorsqu'il est chargé comme en l'espèce d'une mission de maîtrise générale des fonds décaissés par un investisseur ainsi que du contrôle des règlements opérés par l'administrateur d'une ASL il se doit de remplir ces missions en s'assurant notamment y compris par le recours à une maîtrise d''uvre technique du bon déroulement des opérations de construction et en conseillant les clients investisseurs afin de limiter les risques liés au paiement anticipé dans ce type d'opérations en cas de défaillances des entreprises et en particulier du cocontractant général.

Ainsi M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ont fait perdre à M. et Mme [C] une perte de chance dans la sécurisation de leur opération d'investissement, et dans la possibilité de voir leur investissement protégé malgré la défaillance du cocontractant général.

Sur l'évaluation de la perte de chance :

La perte de chance permet de réparer un large éventail de préjudices dès lors qu'il est possible de démontrer la disparition certaine d'une éventualité favorable, d'une chance d'obtenir un gain ou de limiter une perte.

L'indemnisation exclut à titre de principe toute demande à la hauteur de la totalité des pertes subies elle se limite à une certaine somme correspondant à la seule chance perdue.

En l'espèce comme exposé ci-dessus le défaut d'information et de conseil commis par M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés est à l'origine d'une perte de chance pour M. et Mme [C] de renoncer à cette opération d'investissement même si cette probabilité peut être considérée comme modérée au regard de l'avantage fiscal de l'opération et donc limitée à 30 %.

Par ailleurs le défaut de maîtrise et de surveillance des sommes décaissés par M. et Mme [C] commis par M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés a eu pour conséquence une perte de chance dans la sécurisation de leur opération d'investissement, et dans la possibilité de voir leur investissement protégé malgré la défaillance du cocontractant général, perte de chance qui peut être évaluée à 65 %.

Dans une telle hypothèse de concours entre une perte de chance résultant d'un défaut d'information et de conseil et une perte de chance résultant d'une faute dans la surveillance et la maîtrise des sommes décaissées par le client investisseur, il convient, pour fixer le taux global de la perte de chance subie par la victime, d'additionner, d'une part, le taux de sa perte de chance de se soustraire à l'opération, c'est-à-dire la probabilité qu'elle ait refusé l'opération financière d'investissement si elle avait été informée du risque qu'elle comportait et, d'autre part, le taux de sa perte de chance résultant de la faute de surveillance et de maîtrise dans le décaissement des sommes de l'investisseur au profit de l'ASL et des paiements réalisés par cette dernière, ce taux étant multiplié par la probabilité qu'elle ait accepté l'opération si elle avait été informée du risque qu'elle comportait.

La perte de chance résultant du défaut d'information étant de 30 %, la contrepartie nécessaire est une probabilité de 70 % que M. et Mme [C] aient accepté l'opération d'investissement s'ils avaient été valablement informés et conseillés. Dès lors que la perte de chance consécutive à la faute de défaut de surveillance et de maîtrise des fonds décaissés est soumise à la condition que M. et Mme [C] acceptent l'opération d'investissement, ce taux de perte de chance doit ainsi être multiplié par 70% avant de pouvoir calculer le taux global.

Compte tenu des taux de perte de chance précédemment fixés, il en résulte un taux global de 30 % + (70% x 65%) = 75 % .

Sur les préjudices de M. et Mme [C] :

Sur l'impossibilité de rembourser les prêts BPI et la situation d'insolvabilité en résultant :

M et Mme [C] sollicite en réparation de ce préjudice une somme de 7 871 371,27 euros exposant que les conséquences financières du retard dans l'achèvement des travaux se sont révélés dramatiques puisque les 14 logements créés dans le cadre de l'opération immobilière pour rapporter un revenu locatif auraient dus être terminés selon la convention de cocontractant général au 31 octobre 2010 alors qu'ils n'ont pu être achevés que fin 2015. Cette impossibilité pendant plus de 5 ans de louer les appartements non terminés a généré un défaut d'encaissement de loyers qui a mis en péril l'économie de l'opération et qui les a contraints à renégocier les modalités de remboursement de leurs emprunts avec la BPI ce qui n'a pas permis cependant d'éviter le versement à la BPI d'une somme de 850 000 euros dont 800 000 euros prélevée sur un contrat d'assurance vie ainsi que la vente sur adjudication d'une partie de leur patrimoine immobilier à la suite des procédures diligentées par la BPI.

Sur l'évaluation de leur préjudice M. et Mme [C] se fondent sur une analyse faite à leur demande par M. [F] [O] expert-comptable et commissaire aux comptes.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés opposent que ce qui a causé le préjudice aux époux [C] ce ne sont pas les appels de fonds opérés par l'ASL auprès de ses membres mais les paiements que l'ASL a fait aux entreprises malgré un défaut de contre-partie à savoir des travaux non réalisés ou mal réalisés, et que pour les problèmes de remboursement des prêts BPI et leurs conséquences il n'est pas démontré un lien de causalité direct avec les fautes qui leur sont reprochées et qu'en outre accueillir cette demande aboutirait à un enrichissement sans cause, soulignant en particulier que M. et Mme [C] ne peuvent à la fois demander le remboursement de toutes les sommes versées jusque-là, le règlement des prix de vente des biens acquis, le remboursement des crédits immobiliers ce qui aboutirait à ce qu'ils perçoivent tous les bénéfices de l'investissement sans avoir au final à débourser le moindre euro.

Il ressort des pièces produites que pour réaliser l'opération d'investissement du [Adresse 1] à [Localité 13] M. et Mme [C] ont contracté deux emprunts auprès de la Banque Patrimoine & Immobilier ( BPI) un emprunt numéro 210 8185 E de 1 800 000 euros pour l'acquisition de l'immeuble l'autre emprunt numéro 210 8086 F de 2 640 000 euros.

Si les appartements financés par cette opération étaient destinés à la location (location d'ailleurs obligatoires durant 9 ans dans le cadre de l'avantage fiscal de la Loi Malraux) et si les loyers ainsi obtenus devaient contribuer au plan de remboursement des emprunts BPI il apparaît toutefois que le prêt numéro 210 8185 E de 7ans prévoyait 24 échéances mensuelles de 7 200 euros et 60 échéances mensuelles de 35 023 euros et le prêt numéro 210 8086 F de 30 ans prévoyait 24 échéances mensuelles de 0 euro, 156 échéances mensuelles de 13 717 euros et 180 échéances mensuelles de 32 047 euros, soit des remboursements annuels allant de 86 400 euros pendant les 2 premières années jusqu'à 584 880 euros pendant les 7 années suivantes, puis de 164 604 euros pendant les 13 années suivantes et enfin de 384 564 euros pendant les 15 dernières années.

Il ressort des écritures même des époux [C] qu'ils évaluent les loyers que devaient leur rapporter la location des appartements à la somme annuelle de 81 060 euros si bien qu'il est d'évidence que l'équilibre financier de leur opération d'investissement et donc du remboursement des prêts BPI ne pouvait être assuré par ces loyers et que si le retard de chantier pendant 5 ans les privant de ce revenu locatif leur a causé un préjudice financier il n'existe pas un lien direct et suffisant entre ce retard et l'impossibilité de rembourser les prêts BPI avec les conséquences qui s'en sont suivies sur la solvabilité de M. et Mme [C]. De même si M. et Mme [C] exposent que le retard dans la rénovation des appartements a décalé d'autant leur mise en location et donc la potentialité de revendre leur bien immobilier dans la mesure où ils s'étaient engagés à louer les appartements pendant 9 ans il n'est donné aucun élément concret sur cette hypothétique revente et il n'est pas plus démontré l'existence d'un lien direct et certain avec les fautes retenues à l'encontre de

M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés.

Par conséquent M. et Mme [C] ne pourront qu'être déboutés des demandes à ce titre.

Le remboursement du 25 mai 2009 au profit de la société GUILLAUME GE MARKETING d'un montant de 211 825 euros :

M. et Mme [C] reprochent à M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés d'avoir effectué via leur compte CARPA et de façon particulièrement imprudente un virement de 211 825 euros en faveur de GUILLAUME GE MARKETING en détournant des sommes de leur destination et en le dissimulant aux membres de l'ASL DES PROVINCES par la présentation de comptes non sincères.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés opposent que le règlement de la facture de GUILLAUME GE MARKETING a été validé et même initié par le cabinet FIDAL conseil des époux [C] lequel a adressé les factures de GUILLAUME GE MARKETING et confirmé l'accord de règlement.

Il a déjà été exposé ci-dessus pour démontrer que la mission de M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ne s'était pas limitée à une mission strictement fiscale, que le 25 mai 2009 M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ont été destinataires sur leur compte CARPA d'un virement par l'ASL DES PROVINCES d'un montant de 211 825 euros et qu'ils ont effectué le règlement via le même compte CARPA le 26 mai 2009 de la somme de 211 825 euros au profit de GUILLAUME GE MARKETING.

Toutefois il ressort des pièces produites au débat et en particulier d'une télécopie en date du 14 mai 2009 qu'il n'est pas démontré un lien direct et suffisant entre ce virement en faveur de GUILLAUME GE MARKETING et le défaut de maîtrise et de surveillance des sommes décaissées par M. et Mme [C] dans cette opération dans la mesure où la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés a agi après avoir reçu du cabinet FIDAL avocat des époux [C] les factures de GUILLAUME GE MARKETING avec la précision de l'accord à l'effet de règlement.

Par conséquent M. et Mme [C] ne pourront qu'être déboutés de leur demande à ce titre.

Le coût supplémentaire des travaux d'achèvement:

M. et Mme [C] exposent que pour terminer les travaux qui n'avaient pas été achevés par l'entreprise PONS EYRAUD ils ont été contraints de signer un nouveau marché de travaux avec la société BATISOLUTION pour un montant de 800 000 euros TTC et qu'il a également était convenu que ce marché prévoyait de reverser à cette société les subventions versées par l'ANAH qui se sont élevées à 267 409 euros soit une somme totale de 1 067 409 euros dont ils sont légitimes à demander le remboursement.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ne contestent pas le montant du nouveau marché de travaux passé avec la société BATISOLUTION pour terminer les travaux non achevés par la société ETS PONS EYRAUD à hauteur de 800 000 euros TTC sauf à invoquer leur absence de responsabilité.

Par contre ils contestent le fait d'y ajouter la subvention versée par l'ANAH au motif que cette subvention est destinée à financer les travaux et qu'elle n'est pas destinée à être perçue par les propriétaires de l'immeuble rénové.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire qui ne fait pas l'objet de critique que d'une part M. et Mme [C] ont versé l'intégralité des fonds destinés à l'opération à savoir 2 640 000 euros lesquels ont été ensuite décaissés par l'ASL au profit des ETS PONS EYRAUD alors que selon le chiffrage du sapiteur économiste de la construction le coût des travaux effectués par le cocontractant général n'était que de 847 076,15 euros TTC.

Comme déjà développé ci-dessus M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés chargés d'une mission de maîtrise et de surveillance des fonds décaissés par M. et Mme [C] ont failli dans l'accomplissement de cette mission en ne prenant aucune initiative pour s'assurer que les décaissements effectués correspondaient au plus juste à l'avancement du chantier.

Il existe donc un lien direct et certain entre cette négligence fautive et le coût supplémentaire que M. et Mme [C] ont dû exposer pour pouvoir terminer les travaux de rénovation de leurs appartements en s'adressant à une nouvelle entreprise.

M. et Mme [C] justifie par la production de factures et de virements que ce coût supplémentaire a été de 800 000 euros TTC ce qui n'est pas en contradiction avec l'évaluation faite par le sapiteur économiste en construction et qui n'est d'ailleurs pas discuté par la partie adverse.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés sont donc tenus d'indemniser M. et Mme [C] pour le coût supplémentaire exposé.

En revanche si M. et Mme [C] versent au débat une facture en date du 2 novembre 2016 établie par la société BATISOLUTION faisant état des subventions accordées pour un total de 267 409 euros suite aux modifications faites par BATISOLUTION pour l'amélioration en énergie des appartements et qui ont été avancés financièrement par la société, rien ne vient justifier que ces subventions qui n'ont pas été décaissées par M. et Mme [C] mais versées par les pouvoirs publics soient au final supportées par M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés.

Par conséquent en application du taux de perte de chance M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés seront condamnés à payer à M. et Mme [C] la somme de 600 000 euros ( 800 000 euros x 75%).

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance celle-ci valant mise en demeure et avec capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année en application de l'article 1154 ancien du code civil.

Sur la perte de loyers :

M. et Mme [C] exposent que les appartements rénovés étaient destinés au moins pendant plusieurs années à la location comme cela est d'ailleurs inhérent au dispositif Malraux et que dans la mesure où les travaux de l'immeuble n'ont été achevés que fin 2015 alors qu'il était prévu qu'ils soient achevés au 31 octobre 2010 ils ont perdu le bénéfice de 5 années de loyers soit un revenu locatif annuel de 82 290 euros par an.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés au-delà d'opposer sur le principe toute absence de responsabilité font également valoir que d'une part il ne peut qu'être raisonné en termes de perte de chance et que d'autre part le seul élément produit pour justifier de la valeur locative est une attestation de location en date du 25 mars 2016 qui fait état d'un montant mensuel de 4 019 euros ce qui correspond donc pour 5 années à la somme de 241 140 euros et non à celle de 414 600 euros demandée par M. et Mme [C].

Il n'est pas discuté que le chantier de rénovation qui contractuellement selon la convention générale devait durer 18 mois aurait dû se terminer le 31 octobre 2010 alors que les travaux n'ont pu être achevés que fin 2015.

Comme déjà rappelé ci-dessus M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés chargés d'une mission de maîtrise et de surveillance des fonds décaissés par M. et Mme [C] ont failli à cette mission en ne s'assurant pas de l'état d'avancement du chantier et de la corrélation entre les règlements sollicités et les travaux réellement effectués et cette négligence fautive est en lien direct et certain avec le préjudice né du retard de 5 années dans l'achèvement et donc du défaut de perception des loyers des appartements durant cette période.

Pour justifier de la valeur locative des biens M. et Mme [C] produisent au débat une attestation de location établie par l'agence IMMO SUD qui atteste qu'au 25 mars 2016, 8 appartemants sur 14 sont loués pour un total mensuel de 4 019 euros et que le potentiel mensuel de location pour les 14 appartements peut être estimé à 7 043 euros, ces deux estimations étant complémentaires et n'étant contredites par aucune pièce adverse.

Par conséquent compte tenu du revenu locatif de 7 043 euros par mois que M. et Mme [C] étaient en droit d'espérer pour la location de leurs 14 appartements et compte tenu du retard de 5 années dans la réalisation des travaux de rénovation la perte locative peut être estimée selon le calcul suivant : 7 043 x 12 x 5= 422 580 euros.

Par conséquent en application du taux de perte de chance M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés seront condamnés à payer à M. et Mme [C] la somme de 316 935 euros ( 422 580 euros x 75%).

Sur la restitution des sommes trop versées à la société ETS PONS EYRAUD :

M. et Mme [C] exposent avoir versé à l'ASL la somme de

2 640 000 euros pour l'intégralité de l'opération laquelle fut versée ensuite par l'ASL à la société ETS PONS EYRAUD à hauteur de 1 723 787, 62 euros alors que selon l'expertise judiciaire le coût réel des travaux réalisés était de 802 915, 77 euros. Ils demandent donc la restitution de la somme de 1 783 787,62 euros de laquelle ils déduisent toutefois une somme de 89 000 euros remise à leur conseil soit une indemnisation sollicitée à hauteur de 1 668 923,32 euros.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés après avoir rappelé leur absence de faute dans les appels et les déblocages des fonds et l'absence de lien de causalité entre leurs supposés manquements et les préjudices allégués, opposent que ces paiements correspondent à des engagements contractuels et ont pour contre partie un avantage fiscal.

Comme déjà rappelé ci-dessus M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés chargés d'une mission de maîtrise et de surveillance des fonds décaissés par M. et Mme [C] ont failli à cette mission en ne s'assurant pas de l'état d'avancement du chantier et de la corrélation entre les règlements sollicités et les travaux réellement effectués et cette négligence fautive est en lien direct et certain avec le préjudice né des sommes versées en trop à la société ETS PONS EYRAUD au regard des travaux effectués.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le sapiteur économiste de la construction a évalué les travaux réellement exécutés à la somme de 847 076,15 euros TTC alors qu'il n'est pas discuté que sur la somme de 2 640 000 euros décaissée par M. et Mme [C] 1 783 787, 62 euros ont été réglés par l'intermédiaire de l'ASL DES PROVINCES à la société ETS PONS EYRAUD soit un trop versé de 936 711,47 euros duquel il convient de déduire la somme de 89 000 euros remise à l'avocat soit un trop versé de 847 711,47 euros, les époux [C] ne pouvant légitiment prétendre au remboursement des fonds décaissés ayant servi au paiement des travaux effectivement réalisés par l'entrepris ETS PONS EYRAUD sauf à s'enrichir.

Par conséquent en application du taux de perte de chance M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés seront condamnés à payer à M. et Mme [C] la somme de 635 783,60 euros (847 711,47 euros x 75 %).

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance celle-ci valant mise en demeure et non à compter du 1er janvier 2009 M. et Mme [C] ne s'expliquant d'ailleurs pas sur cette date et avec capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année en application de l'article 1154 ancien du code civil.

Sur la perte de chance d'obtenir des pénalités de retard contractuellement dues :

Les époux [C] exposent que la convention de cocontractant général prévoit des pénalités si les délais contractuels d'exécution du chantier ne sont pas respectés et que le défaut de contrôle de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés leur a fait perdre la chance d'avoir été en mesure d'obtenir des pénalités de retard qu'ils évaluent à la somme de 639 940 euros soit 70 euros/jour X 14 appartements X 653 jours ( du 1er janvier 2011 jusqu'à la veille du jugement déclaratif de l'entreprise ETS PONS EYRAYD).

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés opposent que d'une part ils n'ont été chargés d'aucun mandat d'agir en justice contre la société PONS EYRAUD pour obtenir le paiement de pénalités de retard et que d'autre part il n'existe aucune chance perdue dans la mesure où la société PONS EYRAUD a été placée en liquidation judiciaire et que donc elle n'aurait pas été en mesure de payer une quelconque somme à ce titre.

Il sera rappelé que la convention de cocontractant général qui prévoit les pénalités de retard sous certaines conditions et certaines modalités a été signée entre l'ASL DES PROVINCES et la société PONS EYRAUD si bien que M. et Mme [C] qui ne sont pas partis à cette convention n'exposent pas sur quel fondement juridique ils auraient été recevables à solliciter des pénalités de retard si bien qu'aucune perte de chance n'est démontrée pas plus qu'un lien direct et certain avec les fautes retenues à l'encontre de M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés.

M. et Mme [C] seront donc déboutés de leur demande à ce titre.

Sur le préjudice moral :

M. et Mme [C] exposent qu'ils ont été dans l'investissement qui leur avait été proposé mal conseillé, trompé et que leurs intérêts ont été bafoués, ce qui les a placés dans une situation particulièrement dommageable notamment au regard de la carrière professionnelle de sportif de haut niveau de M. [C] et que loin de pouvoir bénéficier de ces investissements leur situation financière menace la ruine ce qui est stressant et lourd à supporter psychologiquement.

M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés rappellent que M. et Mme [C] ne sont que membres de l'ASL et que les pertes dont ils font état ne reposent que sur les allégations.

Il sera rappelé que l'opération d'investissement et de défiscalisation envisagée par M. et Mme [C] avait pour but notamment de sécuriser l'avenir financier de la famille dans la situation particulière de M. [C] sportif professionnel. Il n'est pas contesté que pour réaliser cette opération M. et Mme [C] se sont entourés de précaution et d'assistance et en particulier de celle de M. [T] [B] et de la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés spécialisés dans ce type d'opérations, lesquels ont failli dans la mission qui leur était confiée.

Les fautes commises par M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés ont ainsi participé aux préjudices ci-dessus retenus et aux difficultés rencontrées par M. et Mme [C] lesquels ont dû faire face à de nombreuses tracasseries, diligenter des procédures et se sont trouvés fragilisés dans leur situation financière alors qu'ils espéraient au contraire la sécuriser ce qui a généré un préjudice moral certain.

Toutefois c'est pertinemment que la décision de première instance a évalué la réparation de ce préjudice moral à la somme de 50 000 euros, M. et Mme [C] ne démontrant pas en quoi la somme retenue en première instance serait insuffisante à réparer intégralement le préjudice moral subi.

Par conséquent M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés seront condamnés à payer à M. et Mme [C] la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement dont appel sera infirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Si l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION, M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés qui succombent au principal seront condamnés à payer à M. [V] [C] et Mme [D] [I] épouse [C] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel et à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance en ces derniers compris les frais d'expertise judiciaire et de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture et fixe la nouvelle clôture de la procédure au 10 juin 2025,

Infirme le jugement rendu le 11 avril 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon en toutes ses dispositions,

S'y substituant et y ajoutant,

Déclare M. [V] [C] et Mme [D] [I] épouse [C] irrecevables en leur demande de fixation de leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION,

Condamne M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés à payer à M. [V] [C] et Mme [D] [I] épouse [C] les sommes suivantes :

- 600 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année, au titre du surcoût des travaux d'achèvement de la rénovation de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 13],

- 316 935 euros au titre de la perte locative de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 13],

- 635 783,60 euros au titre de la perte des fonds trop versés à la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année,

- 50 000 euros au titre du préjudice moral,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [V] [C] et Mme [D] [I] épouse [C] de leurs plus amples demandes,

Déboute Maître [G] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ETS PONS EYRAUD PROMOTION CONSTRUCTION de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [B] et la SCP [B] BORGIA MORLON & Associés aux entiers dépens de la procédure de première instance en ces derniers compris les frais d'expertise judiciaire et de la procédure d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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