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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 2 septembre 2025, n° 24/19128

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/19128

2 septembre 2025

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

N° RG 24/19128 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLVP

Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle

Date de l'acte de saisine : 13 novembre 2024

Date de saisine : 26 novembre 2024

Nature de l'affaire : Autres demandes relatives à la vente

Décision attaquée : n° 2023074225 rendue par le Tribunal de commerce de PARIS le 7 mars 2024

Demanderesse :

S.A.S. E.S.E.M. HOLDING, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 , assistée de Me Angélique LAFFINEUR de la SELARL GWL, avocate au barreau de PARIS, toque : L0118,

Défenderesses :

S.A.S. CMG CONSULTING GROUP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056,

S.A. KEYRUS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056,

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LA PRÉSIDENTE

(n° /2025 , 3 pages)

Nous, Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Assistée de Yvonne TRINCA, greffière,

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 15 juin 2022, la SAS Esem Holding a cédé la totalité de sa participation dans la SAS CMG Consulting Group à la SA Keyrus.

Un différend étant né relativement au complément de prix de cession réclamé par la société Esem Holding à la société Keyrus, la première a fait assigner la seconde en procédure accélérée au fond devant le président du tribunal de commerce de Paris pour voir désigner un expert en application de l'article 1843-4 du code civil

Par jugement du 7 mars 2024, le président du tribunal de commerce de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond et au visa de l'article 1843-4 du code civil, a désigné M.[J], avec pour mission de déterminer le complément de prix exigible en appliquant les modalités prévues par la convention d'acquisition du 15 juin 2022 à l'article 3.3 et l'annexe 3.3 ce qui suppose d'établir les comptes consolidés 2022 selon la méthode prévue à l'annexe 1.

Par un second jugement du 11 octobre 2024, statuant sur une requête en interprétation présentée par la société Esem Holding, le tribunal a précisé que la mission de l'expert consistera à déterminer le complément de prix en appliquant les modalités prévues par la Convention d'acquisition du 15 juin 2022 à l'article 3.3 et l'Annexe 3.3 afférente, ce qui supposera d'établir les comptes consolidés 2022 selon la méthode prévue à l'annexe 1, c'est à dire en tenant compte non seulement des 9 points de retraitement mais également des trois précisions méthodologiques prévues en bas de page de sorte que la contribution de la société CMG CONSULTING GROUP aux comptes consolidés 2022 devra être opérée en établissant une situation comptable des quatre premiers mois de 2022 pour l'ajouter à celle des huit derniers mois de 2022 (et non en pratiquant une extrapolation).

Suivant déclaration du 13 novembre 2024, les sociétés CMG Consulting Group et Keyrus ont relevé appel nullité à l'encontre des jugements rendus les 7 mars 2024 et 11 octobre 2024.

L'appel a été orienté en circuit court.

La société Esem Holding a saisi le président de la chambre d'un incident tendant à voir déclarer irrecevable l'appel nullité formé par les sociétés CMG Consulting Group et Keyrus.

L'incident a été fixé pour être plaidé le 10 juin 2025, puis renvoyé au 24 juin suivant.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 juin 2025, la société Esem Consulting demande au président de la chambre de:

- débouter les sociétés Keyrus et CMG Consulting Group de toutes leurs demandes, fins et prétentions, de se déclarer compétent pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel nullité interjeté à l'encontre du jugement du 7 mars 2024,

- juger irrecevable l'appel nullité pour excés de pouvoir, interjeté par les sociétés Keyrus et CMG Consulting Group à l'encontre du jugement du 7 mars 2024,

- juger irrecevable l'appel nullité pour excés de pouvoir, interjeté par les sociétés Keyrus et CMG Consulting Group à l'encontre du jugement du 11 octobre 2024,

- condamner les sociétés Keyrus et CMG Consulting Group in solidum à lui payer une indemnité de 25.000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et une indemnité procédurale de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Dans leurs conclusions en réponse sur incident déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 juin 2025, les sociétés CMG Consulting Group et Keyrus demandent au président de la chambre de :

- à titre principal, se déclarer incompétent au profit de la cour d'appel pour statuer sur la demande d'irrecevabilité de l'appel nullité interjeté le 13 novembre 2024, débouter en conséquence la société Esem Holding de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- à titre subsidiaire, juger recevables les appels nullité pour excès de pouvoir, qu'ils ont interjeté à l'encontre des jugements des 7 mars 2024 et 11 octobre 2024, en conséquence, débouter la société Esem Holding de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, en conséquence:

- débouter les société Esem Holding de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- annuler pour excés de pouvoir le jugement du 7 mars 2024, en ce qu'il a désigné M.[J] avec la mission de déterminer le complément de prix en appliquant les modalités prévues par la convention d'acquisition du 15 juin 2022 à l'article 3.3 et l'annexe 3.3, ce qui suppose d'établir les comptes consolidés 2022 selon la méthode prévue à l'annexe 1, débouté les sociétés CMH Consulting Group et Keyrus de leurs autres demandes et laissé les dépens par moitié entre les parties,

- annuler pour excés de pouvoir le jugement interprétatif du 11 octobre 2024 en ce qu'il a fait droit à la requête en interprétation de la société Esem Holding et de ce fait interprété les termes de la convention d'acquisition du 15 juin 2022 et dit en indiquant que la mission de l'expert consistera à déterminer le complément de prix en appliquant les modalités prévues par la convention d'acquisition du 15 juin 2022 à l'article 3.3 et l'annexe 3.3 afférente, ce qui supposera d'établir les comptes consolidés 2022 selon la méthode prévue à l'annexe 1, c'est à dire en tenant compte non seulement des 9 points de retraitement mais également des trois précisions méthodologiques prévues en bas de page de sorte que la contribution de la société CMG Consulting Group aux comptes consolidés 2022 devra être opérée en établissant une situation comptable des quatre premiers mois de 2022 pour l'ajouter à celle des huit derniers mois de 2022 ( et non en pratiquant une extrapolation.),

- les déclarer de nuls effets,

- condamner la société Esem Holding à régler à chacune d'elles une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

SUR CE,

Il n'est pas contesté par les appelants que le jugement du 7 mars 2024 qui a été rendu au visa de l'article 1843-4 du code civil et partant le jugement interprétatif du 11 octobre 2024 sont insusceptibles d'appel, de sorte, comme l'indique la déclaration d'appel, que le recours formé par les sociétés CMG Consulting Group et Keyrus est un appel-nullité fondé sur l'allégation d'un excès de pouvoir du tribunal.

La société Esem Holding, qui conteste tout excès de pouvoir du tribunal, demande au président de la chambre de déclarer l'appel nullité irrecevable. Elle demande au président de la chambre de retenir sa compétence au visa de l'article 906-3 du code de procédure civile.

Les sociétés CMG Consulting Group et Keyrus soulèvent l'incompétence du président de la chambre saisie de l'appel pour statuer sur la demande d'irrecevabilité de leur appel nullité, dès lors que de même que le juge la Cour de cassation (Com.22 novembre 2023 21-24-839) relativement aux pouvoirs dévolus au conseiller de la mise en état, il doit être retenu en circuit court, en matière d'appel nullité fondé sur l'excès de pouvoir, que seule la cour est compétente.

L'article 906-3 du code de procédure civile confère au président de la chambre saisie certains des pouvoirs dévolus au conseiller de la mise en état dans le circuit long. Ainsi ce texte dispose que le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président est seul compétent, jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers de avocats, pour statuer sur: 1° L'irrecevabilité de l'appel ou des interventions en appel. [...].

Cependant, ce pouvoir conféré au président de la chambre de statuer sur la recevabilité de l'appel ne saurait s'étendre à l'examen de la recevabilité de l'appel-nullité qui repose sur un excès de pouvoir, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela entrainerait l'annulation du jugement entrepris, ce qui aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel et donc de porter atteinte à la compétence dévolue à la cour pour annuler (ou infirmer) un jugement.

Il convient en conséquence de juger que l'incident dont la société Esem Holding a saisi le président de la chambre excède les pouvoirs juridictionnels de ce dernier et d'inviter la société Esem Holding à mieux se pourvoir.

La présente décision ne se prononçant pas sur la recevabilité de l'appel nullité, la société Esem Holding sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Les dépens de l'incident seront supportés par la société Esem Holding. Il n'y a pas lieu à ce stade de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS,

Disons que la demande de la société Esem Holding de voir juger irrecevable l'appel nullité formé par les sociétés CMG Consulting Group et Keyrus à l'encontre des jugements des 7 mars 2024 et 11 octobre 2024 excède les pouvoirs juridictionnels du président de la chambre,

Renvoyons la société Esem Holding à mieux se pourvoir,

Déboutons la société Esem Holding de sa demande de dommages et intérêts,

Déboutons les parties de leurs demandes en paiement d'indemnités procédurales,

Condamnons la société Esem Holding aux dépens de l'incident.

Ordonnance rendue par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre assistée de Liselotte FENOUIL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 2 septembre 2025

Le greffier La présidente

Copie au dossier

Copie aux avocats

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