CA Grenoble, ch. soc. - A, 2 septembre 2025, n° 23/01862
GRENOBLE
Arrêt
Autre
C4
N° RG 23/01862
N° Portalis DBVM-V-B7H-L2GD
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale - Section A
ARRÊT DU MARDI 02 SEPTEMBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG F 21/00320)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Valence
en date du 07 avril 2023
suivant déclaration d'appel du 12 mai 2023
APPELANTE :
SAS LOG FOR YOU, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Sandrine DELOGU-BONAN, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE :
Madame [O] [B] [K]
née le 03 novembre 1991 [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
non représentée
déclaration d'appel signifiée le 05/07/2023 par PV 659
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Mme Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 mai 2025
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Mme Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu le représentant de la partie appelante en ses conclusions et sa plaidoirie, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 septembre 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la cour.
L'arrêt a été rendu le 02 septembre 2025.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [O] [B] [K] a été engagée le 15 juillet 2019 par la société par actions simplifiées (SAS) Log For You par contrat de travail à durée déterminée qui s'est poursuivi pour une durée indéterminée, en qualité d'assistante d'exploitation.
Mme [B] [K] et la société Log For You ont signé une rupture conventionnelle, laquelle a été homologuée le 21 octobre 2020 avec effet au 10 novembre 2020.
Le 15 décembre 2020, M. [U] [E], responsable d'exploitation et membre titulaire du comité social et économique (CSE) a déposé une plainte pour diffusion de messages violents pornographiques attentatoires à la dignité, au motif que plusieurs salariés de la société avaient fait circuler des photos à caractère pornographiques qui lui étaient attribuées comme ayant été adressées à une ancienne employée de la société.
Suite à cette plainte, plusieurs salariés de la société ont été convoqués et entendus par les services d'enquête, dont Mme [B] [K].
Par courriel en date du 5 janvier 2021, Mme [B] [K] a indiqué à Mme [X], directrice des ressources humaines, qu'elle avait elle-même été témoin et victime d'agissements harcelants imputés à M. [E].
Le 11 janvier 2021, Mme [X] a informé individuellement les membres du CSE de ce signalement.
Lors de la réunion du 2 février 2021, le CSE a voté à l'unanimité l'intervention d'un prestataire extérieur spécialisé afin de mener une enquête.
M. [E] a été licencié pour faute grave par lettre en date du 28 juin 2021.
Par requête en date du 18 octobre 2021 Mme [B] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins de voir prononcer la nullité, pour vice du consentement, de la rupture conventionnelle et obtenir paiement de différentes créances indemnitaires et salariales.
La société Log For You s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 7 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Valence, en formation de départage, a :
Jugé que Mme [O] [B] [K] a été victime de harcèlement moral,
Condamné la société Log For You à lui verser la somme de 7500 € au titre du préjudice subi du fait dudit harcèlement moral,
Jugé que la rupture conventionnelle signée entre la société Log For You et Mme [O] [B] [K] homologuée le 21 octobre 2020 prenant effet au 10 novembre 2020 minuit est affectée d'un vice du consentement,
Prononcé la nullité de ladite rupture conventionnelle intervenue à cette date,
Jugé que la rupture du contrat de travail de Mme [O] [B] [K] doit s'analyser en un licenciement nul,
Fixé, suivant accord des parties, le salaire brut mensuel moyen de Mme [O] [B] [K] sur les 12 derniers mois précédant la rupture du contrat de travail (hors arrêt de travail), à la somme de 2 230,50€,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 15 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 697 € à titre d'indemnité de licenciement,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 2230,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 223 € à titre d'indemnité de congés payés afférentes,
Débouté Mme [O] [B] [K] de sa demande de rappel de salaire et de l'indemnité de congés payés afférentes,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 2500 € au titre du manquement à son obligation de sécurité,
Ordonné la soustraction de l'indemnité de licenciement perçue par l'intéressée au titre de la rupture conventionnelle de la somme présentement octroyée à la même à ce titre,
Ordonné la rectification des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, bulletin de paie de novembre 2020, certificat de travail) conformément aux termes de la présente décision (montant et date),
Débouté Mme [O] [B] [K] de sa demande d'indemnisation pour travail dissimulé,
Ordonné le remboursement par la société Log For You aux organismes intéressés des sommes versées à la salariée au titre des indemnités de chômage du jour de la rupture de son contrat de travail jusqu'au 3e mois suivant ladite rupture,
Débouté la société Log For You de l'ensemble de ses demandes,
Jugé n'y avoir lieu à sortir les présentes condamnations d'une astreinte,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Log For You aux entiers dépens,
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 13 avril 2023 pour la société Log For You et le 14 avril 2023 pour Mme [B] [K].
Par déclaration en date du 12 mai 2023, la SAS Log For You a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2023, la société Log For You sollicite de la cour de :
« Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence rendu le 7 avril 2023 en ce qu'il a :
- Jugé que Mme [O] [B] [K] a été victime de harcèlement moral
- Condamné la société à lui verser la somme de 7.500 € au titre du préjudice subi du fait dudit harcèlement moral
- Jugé que la rupture conventionnelle signée entre les parties était affectée d'un vice du consentement
- Prononcé la nullité de ladite rupture conventionnelle
- Jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 697 € à titre de l'indemnité de licenciement ;
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 2.230,50 à titre de d'indemnités de congés payés afférents,
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 2.500 € à titre du manquement de l'obligation de sécurité et de santé
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 1.500 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a débouté Mme [B] [K] du surplus de ses demandes.
En conséquence, et statuant à nouveau :
À titre principal,
Dire et juger que la société Log For You n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [B] [K] ;
Dire et juger qu'aucun manquement de l'employeur n'est caractérisé dans la situation de harcèlement moral déclaré par Mme [B] [K] ;
Dire et juger que la rupture conventionnelle homologuée sollicitée et signée par Mme [B] [K] n'est entachée d'aucun vice de son consentement ;
Dire et juger qu'aucune intention de la société de frauder dans la mise en place du dispositif d'activité partielle ;
Dire et juger que Mme [B] [K] a été remplie de ses droits au titre du paiement de sa rémunération, de ces heures supplémentaires et documents de fin de sortie rectifiée ;
En conséquence,
Débouter Mme [B] [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait du harcèlement moral ;
Débouter Mme [B] [K] D de ses demandes de dommages et intérêts pour la nullité du licenciement ;
Débouter Mme [B] [K] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
Débouter Mme [B] [K] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
Débouter Mme [B] [K] de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire pour la période du 15 octobre au 10 novembre 2020 et congés payés afférents ;
Débouter Mme [B] [K] de ses demandes de complément d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents ;
Débouter Mme [B] [K] de toutes ses demandes aux termes de ses conclusions ;
À titre reconventionnel,
Condamner Mme [B] [K] à verser à la société Log For You la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
Mme [B] [K] s'est vue signifier la déclaration d'appel et les conclusions de la société intimé par actes de commissaires de justice signifiés selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile respectivement le 5 juillet 2023 et le 1er septembre 2023. Elle n'a pas constitué avocat.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter au jugement déféré aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 avril 2025.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 12 mai 2025, a été mise en délibéré au 2 septembre 2025.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire la cour rappelle que conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dernier alinéa, Mme [B] [K] est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.
Aussi, il y a lieu d'observer au visa des articles 542 et 562 du code de procédure civile que Mme [B] [K] n'a pas fait appel incident des chefs du jugement qui l'ont déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et de sa demande en paiement de rappel de salaire pour la période du 15 octobre 10 novembre 2020 de sorte que ces dispositions sont définitives et hors du périmètre de l'appel et n'ont pas à être confirmées comme le demande la société Log For You.
1 ' Sur le harcèlement moral
L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L 1154-1 du code du travail relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral et du harcèlement sexuel énonce :
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1
à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou
le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
Au cas d'espèce, s'appropriant les motifs du jugement déféré, Mme [B] [K] avance, comme faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral, les éléments suivants :
- elle a été victime des agissements de son supérieur hiérarchique, M. [E], avec lequel elle partageait un bureau isolé, en étant placée dans une situation de manipulation et d'isolement,
- elle a subi une modification de son activité et de ses conditions de travail,
- elle s'est trouvée contrainte de travailler pendant une période d'activité partielle,
- elle a été soumise à des chantages divers et à une pression constante.
La matérialité de ces faits n'est pas discutée par les parties.
Il convient de relever que la salariée n'avance pas, contrairement aux affirmations de la société Log For You, que le délai de réaction de l'employeur à ses dénonciations du 5 janvier 2021 participent aux agissements de harcèlement subis.
Il ressort du courriel en date du 5 janvier 2021 que Mme [B] [K] a signalé les atteintes subies à son intégrité psychique en indiquant notamment :
s'être vue imposer des modifications de ses pointages,
avoir subi du chantage aux congés,
s'être vue imposer des modifications d'horaires répétés sans respect du délai de prévenance,
avoir été menacée de se voir retirer certaines missions,
avoir subi des propos agressifs, violents et humiliants.
Et il est acquis aux débats, tel que relevé par le jugement frappé d'appel, que :
- plusieurs autres salariés ont été témoins de multiples brimades et comportements verbaux violents et répétés de M. [E] sur Mme [B] [K] ainsi que du fort retentissement psychique de ces actes sur la salariée,
- les notes d'information des membres du CSE de l'entreprise sur le projet de licenciement de M. [E] révèlent que Mme [B] [K] comme d'autres salariés ont alerté l'entreprise des faits de harcèlement dont ils ont été victimes, postérieurement au 5 janvier 2021,
- les enquêtes diligentées ont relevé les agissements suivants imputés à M. [E] : falsification des éléments de paye et des relevés d'heures réalisées ; décision discrétionnaire d'éléments de paye, mission ou congés ; traitement différencié des salariés par détournement du pouvoir d'organisation ; modification arbitraire des conditions de travail et ordres de mission ; affirmation du pouvoir de sanction par détournement du pouvoir de direction.
Aussi, concernant les agissements subis par la salariée, la société Log For You confirme dans ses écritures les conclusions du rapport d'enquête du 23 mars 2021 relevant que :
« Mme [B] a eu un investissement important professionnel au point de considérer certaines tâches comme sa prérogative et toute évolution perçue comme défavorable générant une frustration.
A ce titre les sollicitations hors travail sont aussi entretenues par Mme [B] par cet investissement.
Le lieu de travail laisse manifestement se mélanger les considérations personnelles de vie privée et professionnelle créant une situation propice à un impact fort de toute contrariété professionnelle.
En l'état des informations recueillies et analysées, la gestion managériale de Mme [B] par M. [E], mis en cause, est anormale notamment dans les sollicitations régulières hors temps de travail.
Des éléments récurrents semblent relever d'un abus du pouvoir de direction (sous réserve de confirmation des données administratives : chômage partiel, semaine de cp été 2020, accident travail).
On soulignera une régulation managériale insuffisante de l'encadrement intermédiaire par la Direction concernant la gestion du personnel et des propos circulants qui concourent au sentiment de harcèlement. »
La société Log For You précise également que « le 29 avril 2021, l'inspection du Travail de [Localité 4] confirmait à la Direction disposer des éléments de preuve sur les sollicitations de Mme [B] [K] durant la période de chômage partiel. »
L'employeur produit encore la note d'information des membres élus du CSE sur le projet de licenciement de M. [U] [E] en date du 19 mai 2021 dont il ressort qu'au titre des agissements de harcèlement moral subi par Mme [B] [K], il était retenu que la salariée avait été contrainte de travailler pendant la période de confinement de chômage partiel, et qu'elle s'était vue refuser l'octroi de deux semaines de congés au cours de l'été pour ne bénéficier que d'une seule semaine de congés, contrairement aux autres collaborateurs de l'entreprise, outre des modifications inopportunes et répétées de ses badgeages la privant d'éléments de rémunérations et des droits afférents par une utilisation arbitraire, frauduleuse et abusive de la badgeuse.
Et la société Log For You verse aux débats la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [E] datée du 28 juin 2021, laquelle vise notamment les agissements dénoncés par Mme [B] [K] dans son courrier du 5 janvier 2021 et les enquêtes diligentées, y compris le fait d'avoir « modifié de façon arbitraire les conditions de travail et ordres de missions en dehors des périodes de travail autorisées de Mme [O] [B] pendant une période de chômage partiel » et en retenant notamment que M. [E] avait notamment « modifié à 17 reprises les heures de sortie de Mme [B] très majoritairement en la défaveur de la salariée, d'autres salariés étant avantagés au contraire ['] ».
Par ailleurs, il n'est pas discuté que ces agissements ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail de la salariée, de porter atteintes à ses droits, et d'altérer sa santé psychique.
Il en résulte que la salariée établit des faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement à son encontre.
En réponse la société Log For You allègue des éléments suivants pour soutenir que les éléments de fait retenus sont étrangers à tout agissement de harcèlement moral.
En premier lieu, c'est par un moyen inopérant qu'elle objecte qu'aucun agissement anormal n'avait été signalé par la salariée durant les deux années de relations contractuelles.
En second lieu, elle fait valoir que la direction de la société n'avait pas été informée de la situation avant son départ des effectifs, sans toutefois s'expliquer sur les agissements subis par la salariée pendant l'exécution de son contrat de travail.
Ainsi l'employeur échoue à établir que les griefs avancés par la salariée s'expliquent par des considérations étrangères à tout harcèlement.
Eu égard aux éléments de fait pris dans leur globalité matériellement établis par Mme [B] [K] auxquels la société Log For You n'a pas apporté de justifications suffisantes, il convient, par confirmation du jugement déféré, de dire que Mme [B] [K] a fait l'objet de harcèlement moral.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi précédemment décrites, la salariée partageant le bureau de M. [E] et étant soumise à sa hiérarchie directe en rapport quotidien avec celui-ci, de sa durée pendant plus d'une année, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Mme [B] [K], telles qu'elles ressortent des éléments produits décrivant un fort retentissement psychique, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 7 500 euros net à titre de dommages-intérêts, par confirmation du jugement entrepris.
2 ' Sur l'obligation de sécurité
L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Et selon l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Il convient de rappeler qu'il incombe, en cas de litige, à l'employeur, tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
Au titre de l'obligation de sécurité, l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur le salarié.
Aussi il est jugé que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. (Soc., 1 juin 2016, pourvoi n° 14-19.702).
En l'espèce, Mme [B] [K] est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré selon lequel la société a laissé prospérer au sein de son entreprise des agissements constitutifs de harcèlement moral durant un temps certain et n'a admis n'avoir pris des mesures de nature à préserver ses salariés que postérieurement au départ de la salariée en licenciant M. [E] sans justifier d'aucune mesure préventive antérieure aux interpellations de l'inspection du travail.
Or la société Log For You conteste tout manquement à ses obligations sans alléguer ni justifier d'actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral ni de mesures prises dans l'organisation du travail pour identifier et prévenir les risques liés au harcèlement moral alors que la charge de cette preuve lui incombe.
En effet l'employeur se limite à expliciter les mesures engagées suite au signalement transmis par Mme [B] [K] le 5 janvier 2021.
A ce titre, il est notamment établi que la directrice des ressources humaines a informé individuellement les membres du CSE du signalement transmis par Mme [B] [K] le 5 janvier 2021, que Mme [G], juriste, a convoqué les membres du CSE le 2 février 2021 afin de diligenter une enquête interne, et qu'elle a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de M. [E], salarié protégé, lequel a été convoqué à un entretien préalable le 19 mars 2021 et s'est vu notifier son licenciement pour faute grave le 28 juin 2021.
Pour autant, ces mesures prises postérieurement à la rupture du contrat de travail et au signalement du 5 janvier 2021, ne permettent pas à l'employeur de justifier des dispositions prises en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral au sein de l'entreprise pendant l'exécution du contrat.
Au demeurant la cour relève que le rapport d'enquête en date du 5 mars 2021 produit par l'employeur indique notamment que : « Le pilotage d'ensemble par la direction présente des insuffisances d'action par dispersion des informations et interlocuteurs, et parfois en termes de neutralité, confidentialité et communication interne. Les mécanismes de régulation apparaissent insuffisants, notamment l'interface avec la médecine du travail comme lieu d'orientation pour els salariés et appui à la prévention qui apparaît insuffisamment mobilisée ».
En conséquence la société Log For You a manqué à son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de Mme [B] [K].
C'est par une juste analyse des circonstances de l'espèce que la cour adopte que les premiers juges ont estimé la réparation due au titre du préjudice résultant de ce manquement à la somme de 2 500 euros net. Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
3 ' Sur la contestation de la rupture conventionnelle
Aux termes de l'article L.1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Ainsi la rupture conventionnelle homologuée doit garantir la liberté de consentement des parties et être exempte de fraude sous peine de nullité.
L'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture. Toutefois, conformément à la théorie générale des contrats, leur consentement ne doit pas être vicié.
Il est ainsi jugé qu'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L.1237-11 du code du travail. (Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.550)
En l'espèce, la salariée s'approprie les motifs du jugement déféré selon lesquels elle se trouvait, à la date de la signature de la rupture conventionnelle dans un état de détresse psychologique du fait des agissements subis, qui la plaçait dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en ont découlés, de sorte qu'elle ne percevait la rupture de son contrat de travail que comme étant la seule issue possible.
Quoique Mme [B] [K] n'ait pas fait état des agissements subis au moment de la signature de la rupture conventionnelle le 21 octobre 2020, il s'évince des éléments retenus que son consentement a été recueilli dans un contexte de harcèlement moral qui persistait depuis plusieurs mois, alors que la salariée reprenait son poste après une période d'arrêt de travail pour maladie, qu'elle avait précédemment été contrainte de travailler pendant la période de confinement de chômage partiel, qu'elle ne s'était vu refuser deux semaines de congés d'été contrairement aux autres collaborateurs de l'entreprise, et qu'elle travaillait au quotidien dans le même bureau que son supérieur hiérarchique subissant des pressions et menaces.
Aussi il ressort de son courriel du 5 janvier 2021 qu'elle indiquait expressément avoir sollicité une rupture conventionnelle du contrat de travail en raison des agissements de M. [E]. Ainsi elle expliquait notamment avoir adressé une première lettre de demande de rupture conventionnelle après avoir « décidé de partir pour [sa] santé mentale », précisant que M. [E] lui avait indiqué « j'espère que tu n'as pas dit à [J] que c'était ma faute si tu voulais partir ». Elle ajoutait « la journée devenant pesante et difficile pour moi j'ai pris mon téléphone et t'ai appelée en te faisant part de mon réel souhait de partir très vite », puis « on vient à la déception de me dire que j'ai quitté un emploi que j'ai mis en CDI juste par peur de parler ».
Et le rapport d'enquête en date du 23 avril 2021 relève qu'au cours de l'enquête interne Mme [B] [K] a affirmé que les raisons de son départ étaient liées aux agissements de M. [E].
En outre, il ressort de la note d'information des membres élus du CSE sur le projet de licenciement de M. [U] [E] en date du 6 avril 2021 qu'au titre des faits de harcèlement à l'égard de Mme[B] [K], l'employeur a décrit les griefs et le préjudice allégué par la salariée en indiquant « mal-être, elle invoque notamment son AT : vertige et vomissements du 15/07/200, contrainte de demander une rupture conventionnelle ».
Et c'est par un moyen inopérant que la société Log For You objecte que la salariée a remercié M. [E] à l'occasion de son départ.
Ces éléments précis et concordants sont corroborés par les circonstances du harcèlement précédemment décrites et démontrent suffisamment que la salariée se trouvait, au moment de la signature de la rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral dont elle était victime, et des troubles psychologiques qui en ont résulté.
Dès lors, le vice du consentement est caractérisé, et la convention de rupture doit être annulée.
Au visa de l'article L 1152-3 du code du travail, la rupture du contrat de travail liant les parties, intervenue à la suite d'une convention de rupture conventionnelle annulée du fait d'un vice du consentement provoqué par une situation de harcèlement moral, emporte les effets d'un licenciement nul.
Le jugement déféré est donc confirmé de ces chefs.
Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit d'une part, aux indemnités de rupture et d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Log For You à verser à Mme [B] [K] une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, dont les montants ne font l'objet d'aucune critique utile par l'employeur, à savoir :
697 euros à titre d'indemnité de licenciement
2 230,50 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis
223 euros brut à titre d'indemnité de congés payés afférents.
Aussi l'article L.1235-3-1 du code du travail écarte l'application du barème d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par l'article précédent, lorsque comme en l'espèce, le licenciement est entaché de nullité pour harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée pendant les six derniers mois, de son ancienneté, et du fait qu'elle était âgée de plus de 30 ans au jour de la rupture, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de fixer à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement nul due à Mme [B] [K].
4 ' Sur les demandes accessoires
La société Log For You, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les dépens de première instance par confirmation du jugement déféré, y ajoutant les dépens d'appel.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Log For You à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts en première instance, la société étant déboutée de sa demande formulée au titre de cet article en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt de défaut prononcé dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DEBOUTE la société Log For You de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société Log For You aux entiers dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Carole Colas, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Conseillère faisant fonction de Présidente
N° RG 23/01862
N° Portalis DBVM-V-B7H-L2GD
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale - Section A
ARRÊT DU MARDI 02 SEPTEMBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG F 21/00320)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Valence
en date du 07 avril 2023
suivant déclaration d'appel du 12 mai 2023
APPELANTE :
SAS LOG FOR YOU, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Sandrine DELOGU-BONAN, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE :
Madame [O] [B] [K]
née le 03 novembre 1991 [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
non représentée
déclaration d'appel signifiée le 05/07/2023 par PV 659
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Mme Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 mai 2025
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente en charge du rapport et Mme Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu le représentant de la partie appelante en ses conclusions et sa plaidoirie, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 septembre 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la cour.
L'arrêt a été rendu le 02 septembre 2025.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [O] [B] [K] a été engagée le 15 juillet 2019 par la société par actions simplifiées (SAS) Log For You par contrat de travail à durée déterminée qui s'est poursuivi pour une durée indéterminée, en qualité d'assistante d'exploitation.
Mme [B] [K] et la société Log For You ont signé une rupture conventionnelle, laquelle a été homologuée le 21 octobre 2020 avec effet au 10 novembre 2020.
Le 15 décembre 2020, M. [U] [E], responsable d'exploitation et membre titulaire du comité social et économique (CSE) a déposé une plainte pour diffusion de messages violents pornographiques attentatoires à la dignité, au motif que plusieurs salariés de la société avaient fait circuler des photos à caractère pornographiques qui lui étaient attribuées comme ayant été adressées à une ancienne employée de la société.
Suite à cette plainte, plusieurs salariés de la société ont été convoqués et entendus par les services d'enquête, dont Mme [B] [K].
Par courriel en date du 5 janvier 2021, Mme [B] [K] a indiqué à Mme [X], directrice des ressources humaines, qu'elle avait elle-même été témoin et victime d'agissements harcelants imputés à M. [E].
Le 11 janvier 2021, Mme [X] a informé individuellement les membres du CSE de ce signalement.
Lors de la réunion du 2 février 2021, le CSE a voté à l'unanimité l'intervention d'un prestataire extérieur spécialisé afin de mener une enquête.
M. [E] a été licencié pour faute grave par lettre en date du 28 juin 2021.
Par requête en date du 18 octobre 2021 Mme [B] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins de voir prononcer la nullité, pour vice du consentement, de la rupture conventionnelle et obtenir paiement de différentes créances indemnitaires et salariales.
La société Log For You s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 7 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Valence, en formation de départage, a :
Jugé que Mme [O] [B] [K] a été victime de harcèlement moral,
Condamné la société Log For You à lui verser la somme de 7500 € au titre du préjudice subi du fait dudit harcèlement moral,
Jugé que la rupture conventionnelle signée entre la société Log For You et Mme [O] [B] [K] homologuée le 21 octobre 2020 prenant effet au 10 novembre 2020 minuit est affectée d'un vice du consentement,
Prononcé la nullité de ladite rupture conventionnelle intervenue à cette date,
Jugé que la rupture du contrat de travail de Mme [O] [B] [K] doit s'analyser en un licenciement nul,
Fixé, suivant accord des parties, le salaire brut mensuel moyen de Mme [O] [B] [K] sur les 12 derniers mois précédant la rupture du contrat de travail (hors arrêt de travail), à la somme de 2 230,50€,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 15 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 697 € à titre d'indemnité de licenciement,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 2230,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 223 € à titre d'indemnité de congés payés afférentes,
Débouté Mme [O] [B] [K] de sa demande de rappel de salaire et de l'indemnité de congés payés afférentes,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 2500 € au titre du manquement à son obligation de sécurité,
Ordonné la soustraction de l'indemnité de licenciement perçue par l'intéressée au titre de la rupture conventionnelle de la somme présentement octroyée à la même à ce titre,
Ordonné la rectification des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, bulletin de paie de novembre 2020, certificat de travail) conformément aux termes de la présente décision (montant et date),
Débouté Mme [O] [B] [K] de sa demande d'indemnisation pour travail dissimulé,
Ordonné le remboursement par la société Log For You aux organismes intéressés des sommes versées à la salariée au titre des indemnités de chômage du jour de la rupture de son contrat de travail jusqu'au 3e mois suivant ladite rupture,
Débouté la société Log For You de l'ensemble de ses demandes,
Jugé n'y avoir lieu à sortir les présentes condamnations d'une astreinte,
Condamné la société Log For You à payer à Mme [O] [B] [K] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Log For You aux entiers dépens,
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 13 avril 2023 pour la société Log For You et le 14 avril 2023 pour Mme [B] [K].
Par déclaration en date du 12 mai 2023, la SAS Log For You a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2023, la société Log For You sollicite de la cour de :
« Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence rendu le 7 avril 2023 en ce qu'il a :
- Jugé que Mme [O] [B] [K] a été victime de harcèlement moral
- Condamné la société à lui verser la somme de 7.500 € au titre du préjudice subi du fait dudit harcèlement moral
- Jugé que la rupture conventionnelle signée entre les parties était affectée d'un vice du consentement
- Prononcé la nullité de ladite rupture conventionnelle
- Jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 697 € à titre de l'indemnité de licenciement ;
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 2.230,50 à titre de d'indemnités de congés payés afférents,
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 2.500 € à titre du manquement de l'obligation de sécurité et de santé
- Condamné la société à verser à Mme [B] [K] la somme de 1.500 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a débouté Mme [B] [K] du surplus de ses demandes.
En conséquence, et statuant à nouveau :
À titre principal,
Dire et juger que la société Log For You n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [B] [K] ;
Dire et juger qu'aucun manquement de l'employeur n'est caractérisé dans la situation de harcèlement moral déclaré par Mme [B] [K] ;
Dire et juger que la rupture conventionnelle homologuée sollicitée et signée par Mme [B] [K] n'est entachée d'aucun vice de son consentement ;
Dire et juger qu'aucune intention de la société de frauder dans la mise en place du dispositif d'activité partielle ;
Dire et juger que Mme [B] [K] a été remplie de ses droits au titre du paiement de sa rémunération, de ces heures supplémentaires et documents de fin de sortie rectifiée ;
En conséquence,
Débouter Mme [B] [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait du harcèlement moral ;
Débouter Mme [B] [K] D de ses demandes de dommages et intérêts pour la nullité du licenciement ;
Débouter Mme [B] [K] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
Débouter Mme [B] [K] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
Débouter Mme [B] [K] de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire pour la période du 15 octobre au 10 novembre 2020 et congés payés afférents ;
Débouter Mme [B] [K] de ses demandes de complément d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents ;
Débouter Mme [B] [K] de toutes ses demandes aux termes de ses conclusions ;
À titre reconventionnel,
Condamner Mme [B] [K] à verser à la société Log For You la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
Mme [B] [K] s'est vue signifier la déclaration d'appel et les conclusions de la société intimé par actes de commissaires de justice signifiés selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile respectivement le 5 juillet 2023 et le 1er septembre 2023. Elle n'a pas constitué avocat.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter au jugement déféré aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 avril 2025.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 12 mai 2025, a été mise en délibéré au 2 septembre 2025.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire la cour rappelle que conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile dernier alinéa, Mme [B] [K] est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.
Aussi, il y a lieu d'observer au visa des articles 542 et 562 du code de procédure civile que Mme [B] [K] n'a pas fait appel incident des chefs du jugement qui l'ont déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et de sa demande en paiement de rappel de salaire pour la période du 15 octobre 10 novembre 2020 de sorte que ces dispositions sont définitives et hors du périmètre de l'appel et n'ont pas à être confirmées comme le demande la société Log For You.
1 ' Sur le harcèlement moral
L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L 1154-1 du code du travail relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral et du harcèlement sexuel énonce :
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1
à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou
le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
Au cas d'espèce, s'appropriant les motifs du jugement déféré, Mme [B] [K] avance, comme faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral, les éléments suivants :
- elle a été victime des agissements de son supérieur hiérarchique, M. [E], avec lequel elle partageait un bureau isolé, en étant placée dans une situation de manipulation et d'isolement,
- elle a subi une modification de son activité et de ses conditions de travail,
- elle s'est trouvée contrainte de travailler pendant une période d'activité partielle,
- elle a été soumise à des chantages divers et à une pression constante.
La matérialité de ces faits n'est pas discutée par les parties.
Il convient de relever que la salariée n'avance pas, contrairement aux affirmations de la société Log For You, que le délai de réaction de l'employeur à ses dénonciations du 5 janvier 2021 participent aux agissements de harcèlement subis.
Il ressort du courriel en date du 5 janvier 2021 que Mme [B] [K] a signalé les atteintes subies à son intégrité psychique en indiquant notamment :
s'être vue imposer des modifications de ses pointages,
avoir subi du chantage aux congés,
s'être vue imposer des modifications d'horaires répétés sans respect du délai de prévenance,
avoir été menacée de se voir retirer certaines missions,
avoir subi des propos agressifs, violents et humiliants.
Et il est acquis aux débats, tel que relevé par le jugement frappé d'appel, que :
- plusieurs autres salariés ont été témoins de multiples brimades et comportements verbaux violents et répétés de M. [E] sur Mme [B] [K] ainsi que du fort retentissement psychique de ces actes sur la salariée,
- les notes d'information des membres du CSE de l'entreprise sur le projet de licenciement de M. [E] révèlent que Mme [B] [K] comme d'autres salariés ont alerté l'entreprise des faits de harcèlement dont ils ont été victimes, postérieurement au 5 janvier 2021,
- les enquêtes diligentées ont relevé les agissements suivants imputés à M. [E] : falsification des éléments de paye et des relevés d'heures réalisées ; décision discrétionnaire d'éléments de paye, mission ou congés ; traitement différencié des salariés par détournement du pouvoir d'organisation ; modification arbitraire des conditions de travail et ordres de mission ; affirmation du pouvoir de sanction par détournement du pouvoir de direction.
Aussi, concernant les agissements subis par la salariée, la société Log For You confirme dans ses écritures les conclusions du rapport d'enquête du 23 mars 2021 relevant que :
« Mme [B] a eu un investissement important professionnel au point de considérer certaines tâches comme sa prérogative et toute évolution perçue comme défavorable générant une frustration.
A ce titre les sollicitations hors travail sont aussi entretenues par Mme [B] par cet investissement.
Le lieu de travail laisse manifestement se mélanger les considérations personnelles de vie privée et professionnelle créant une situation propice à un impact fort de toute contrariété professionnelle.
En l'état des informations recueillies et analysées, la gestion managériale de Mme [B] par M. [E], mis en cause, est anormale notamment dans les sollicitations régulières hors temps de travail.
Des éléments récurrents semblent relever d'un abus du pouvoir de direction (sous réserve de confirmation des données administratives : chômage partiel, semaine de cp été 2020, accident travail).
On soulignera une régulation managériale insuffisante de l'encadrement intermédiaire par la Direction concernant la gestion du personnel et des propos circulants qui concourent au sentiment de harcèlement. »
La société Log For You précise également que « le 29 avril 2021, l'inspection du Travail de [Localité 4] confirmait à la Direction disposer des éléments de preuve sur les sollicitations de Mme [B] [K] durant la période de chômage partiel. »
L'employeur produit encore la note d'information des membres élus du CSE sur le projet de licenciement de M. [U] [E] en date du 19 mai 2021 dont il ressort qu'au titre des agissements de harcèlement moral subi par Mme [B] [K], il était retenu que la salariée avait été contrainte de travailler pendant la période de confinement de chômage partiel, et qu'elle s'était vue refuser l'octroi de deux semaines de congés au cours de l'été pour ne bénéficier que d'une seule semaine de congés, contrairement aux autres collaborateurs de l'entreprise, outre des modifications inopportunes et répétées de ses badgeages la privant d'éléments de rémunérations et des droits afférents par une utilisation arbitraire, frauduleuse et abusive de la badgeuse.
Et la société Log For You verse aux débats la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [E] datée du 28 juin 2021, laquelle vise notamment les agissements dénoncés par Mme [B] [K] dans son courrier du 5 janvier 2021 et les enquêtes diligentées, y compris le fait d'avoir « modifié de façon arbitraire les conditions de travail et ordres de missions en dehors des périodes de travail autorisées de Mme [O] [B] pendant une période de chômage partiel » et en retenant notamment que M. [E] avait notamment « modifié à 17 reprises les heures de sortie de Mme [B] très majoritairement en la défaveur de la salariée, d'autres salariés étant avantagés au contraire ['] ».
Par ailleurs, il n'est pas discuté que ces agissements ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail de la salariée, de porter atteintes à ses droits, et d'altérer sa santé psychique.
Il en résulte que la salariée établit des faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement à son encontre.
En réponse la société Log For You allègue des éléments suivants pour soutenir que les éléments de fait retenus sont étrangers à tout agissement de harcèlement moral.
En premier lieu, c'est par un moyen inopérant qu'elle objecte qu'aucun agissement anormal n'avait été signalé par la salariée durant les deux années de relations contractuelles.
En second lieu, elle fait valoir que la direction de la société n'avait pas été informée de la situation avant son départ des effectifs, sans toutefois s'expliquer sur les agissements subis par la salariée pendant l'exécution de son contrat de travail.
Ainsi l'employeur échoue à établir que les griefs avancés par la salariée s'expliquent par des considérations étrangères à tout harcèlement.
Eu égard aux éléments de fait pris dans leur globalité matériellement établis par Mme [B] [K] auxquels la société Log For You n'a pas apporté de justifications suffisantes, il convient, par confirmation du jugement déféré, de dire que Mme [B] [K] a fait l'objet de harcèlement moral.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi précédemment décrites, la salariée partageant le bureau de M. [E] et étant soumise à sa hiérarchie directe en rapport quotidien avec celui-ci, de sa durée pendant plus d'une année, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Mme [B] [K], telles qu'elles ressortent des éléments produits décrivant un fort retentissement psychique, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 7 500 euros net à titre de dommages-intérêts, par confirmation du jugement entrepris.
2 ' Sur l'obligation de sécurité
L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Et selon l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Il convient de rappeler qu'il incombe, en cas de litige, à l'employeur, tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité et de prévention mise à sa charge par les dispositions précitées du code du travail, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
Au titre de l'obligation de sécurité, l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur le salarié.
Aussi il est jugé que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. (Soc., 1 juin 2016, pourvoi n° 14-19.702).
En l'espèce, Mme [B] [K] est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré selon lequel la société a laissé prospérer au sein de son entreprise des agissements constitutifs de harcèlement moral durant un temps certain et n'a admis n'avoir pris des mesures de nature à préserver ses salariés que postérieurement au départ de la salariée en licenciant M. [E] sans justifier d'aucune mesure préventive antérieure aux interpellations de l'inspection du travail.
Or la société Log For You conteste tout manquement à ses obligations sans alléguer ni justifier d'actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral ni de mesures prises dans l'organisation du travail pour identifier et prévenir les risques liés au harcèlement moral alors que la charge de cette preuve lui incombe.
En effet l'employeur se limite à expliciter les mesures engagées suite au signalement transmis par Mme [B] [K] le 5 janvier 2021.
A ce titre, il est notamment établi que la directrice des ressources humaines a informé individuellement les membres du CSE du signalement transmis par Mme [B] [K] le 5 janvier 2021, que Mme [G], juriste, a convoqué les membres du CSE le 2 février 2021 afin de diligenter une enquête interne, et qu'elle a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de M. [E], salarié protégé, lequel a été convoqué à un entretien préalable le 19 mars 2021 et s'est vu notifier son licenciement pour faute grave le 28 juin 2021.
Pour autant, ces mesures prises postérieurement à la rupture du contrat de travail et au signalement du 5 janvier 2021, ne permettent pas à l'employeur de justifier des dispositions prises en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral au sein de l'entreprise pendant l'exécution du contrat.
Au demeurant la cour relève que le rapport d'enquête en date du 5 mars 2021 produit par l'employeur indique notamment que : « Le pilotage d'ensemble par la direction présente des insuffisances d'action par dispersion des informations et interlocuteurs, et parfois en termes de neutralité, confidentialité et communication interne. Les mécanismes de régulation apparaissent insuffisants, notamment l'interface avec la médecine du travail comme lieu d'orientation pour els salariés et appui à la prévention qui apparaît insuffisamment mobilisée ».
En conséquence la société Log For You a manqué à son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de Mme [B] [K].
C'est par une juste analyse des circonstances de l'espèce que la cour adopte que les premiers juges ont estimé la réparation due au titre du préjudice résultant de ce manquement à la somme de 2 500 euros net. Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
3 ' Sur la contestation de la rupture conventionnelle
Aux termes de l'article L.1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Ainsi la rupture conventionnelle homologuée doit garantir la liberté de consentement des parties et être exempte de fraude sous peine de nullité.
L'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture. Toutefois, conformément à la théorie générale des contrats, leur consentement ne doit pas être vicié.
Il est ainsi jugé qu'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L.1237-11 du code du travail. (Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.550)
En l'espèce, la salariée s'approprie les motifs du jugement déféré selon lesquels elle se trouvait, à la date de la signature de la rupture conventionnelle dans un état de détresse psychologique du fait des agissements subis, qui la plaçait dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en ont découlés, de sorte qu'elle ne percevait la rupture de son contrat de travail que comme étant la seule issue possible.
Quoique Mme [B] [K] n'ait pas fait état des agissements subis au moment de la signature de la rupture conventionnelle le 21 octobre 2020, il s'évince des éléments retenus que son consentement a été recueilli dans un contexte de harcèlement moral qui persistait depuis plusieurs mois, alors que la salariée reprenait son poste après une période d'arrêt de travail pour maladie, qu'elle avait précédemment été contrainte de travailler pendant la période de confinement de chômage partiel, qu'elle ne s'était vu refuser deux semaines de congés d'été contrairement aux autres collaborateurs de l'entreprise, et qu'elle travaillait au quotidien dans le même bureau que son supérieur hiérarchique subissant des pressions et menaces.
Aussi il ressort de son courriel du 5 janvier 2021 qu'elle indiquait expressément avoir sollicité une rupture conventionnelle du contrat de travail en raison des agissements de M. [E]. Ainsi elle expliquait notamment avoir adressé une première lettre de demande de rupture conventionnelle après avoir « décidé de partir pour [sa] santé mentale », précisant que M. [E] lui avait indiqué « j'espère que tu n'as pas dit à [J] que c'était ma faute si tu voulais partir ». Elle ajoutait « la journée devenant pesante et difficile pour moi j'ai pris mon téléphone et t'ai appelée en te faisant part de mon réel souhait de partir très vite », puis « on vient à la déception de me dire que j'ai quitté un emploi que j'ai mis en CDI juste par peur de parler ».
Et le rapport d'enquête en date du 23 avril 2021 relève qu'au cours de l'enquête interne Mme [B] [K] a affirmé que les raisons de son départ étaient liées aux agissements de M. [E].
En outre, il ressort de la note d'information des membres élus du CSE sur le projet de licenciement de M. [U] [E] en date du 6 avril 2021 qu'au titre des faits de harcèlement à l'égard de Mme[B] [K], l'employeur a décrit les griefs et le préjudice allégué par la salariée en indiquant « mal-être, elle invoque notamment son AT : vertige et vomissements du 15/07/200, contrainte de demander une rupture conventionnelle ».
Et c'est par un moyen inopérant que la société Log For You objecte que la salariée a remercié M. [E] à l'occasion de son départ.
Ces éléments précis et concordants sont corroborés par les circonstances du harcèlement précédemment décrites et démontrent suffisamment que la salariée se trouvait, au moment de la signature de la rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral dont elle était victime, et des troubles psychologiques qui en ont résulté.
Dès lors, le vice du consentement est caractérisé, et la convention de rupture doit être annulée.
Au visa de l'article L 1152-3 du code du travail, la rupture du contrat de travail liant les parties, intervenue à la suite d'une convention de rupture conventionnelle annulée du fait d'un vice du consentement provoqué par une situation de harcèlement moral, emporte les effets d'un licenciement nul.
Le jugement déféré est donc confirmé de ces chefs.
Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit d'une part, aux indemnités de rupture et d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Log For You à verser à Mme [B] [K] une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, dont les montants ne font l'objet d'aucune critique utile par l'employeur, à savoir :
697 euros à titre d'indemnité de licenciement
2 230,50 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis
223 euros brut à titre d'indemnité de congés payés afférents.
Aussi l'article L.1235-3-1 du code du travail écarte l'application du barème d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par l'article précédent, lorsque comme en l'espèce, le licenciement est entaché de nullité pour harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée pendant les six derniers mois, de son ancienneté, et du fait qu'elle était âgée de plus de 30 ans au jour de la rupture, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de fixer à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement nul due à Mme [B] [K].
4 ' Sur les demandes accessoires
La société Log For You, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les dépens de première instance par confirmation du jugement déféré, y ajoutant les dépens d'appel.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Log For You à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts en première instance, la société étant déboutée de sa demande formulée au titre de cet article en première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt de défaut prononcé dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DEBOUTE la société Log For You de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société Log For You aux entiers dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Carole Colas, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Conseillère faisant fonction de Présidente