CA Versailles, ch. com. 3-2, 2 septembre 2025, n° 25/00757
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DB
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 SEPTEMBRE 2025
N° RG 25/00757 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W72W
AFFAIRE :
S.A.S. HBCI DEVELOPPEMENT
C/
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2025 par le Tribunal des Activités Economiques de VERSAILLES
N° Chambre : 06
N° RG : 2024L00330
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. HBCI DEVELOPPEMENT
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2575388 -
Plaidant : Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES, vestiaire : C105
****************
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS Prise en la personne de Maître [O] [U], agissant en qualité de liquidateur de la Société JADE MC INVEST, fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 28 novembre 2023.
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE,avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80 - N° du dossier 15.881
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président chargé du rapport et Monsieur Ronan GUERLOT, président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 26 juin 2023, la société Jade MC Invest a cédé à la société HBCI Développement ses participations dans les sociétés Freeway 77, BG Family et Malraux. Le même jour, les sociétés Jade MC Invest et HBCI Développement procédé à la compensation du prix de cette vente avec une dette de la première envers la seconde au titre de son compte courant d'associé et de factures impayées.
Le 3 octobre 2023, le tribunal de commerce de Versailles a placé la société Jade MC Invest en redressement judiciaire et a fixé définitivement la date de cessation des paiements au 3 avril 2022.
Le 28 novembre 2023, ce tribunal a converti la procédure collective en liquidation judiciaire et nommé la société ML Conseils, en la personne de M. [U], en qualité de liquidateur.
Le 4 mars 2024, le liquidateur a assigné la société HBCI Développement devant ce tribunal en annulation de la compensation comme intervenue en période suspecte.
Le 14 janvier 2025, par jugement contradictoire, cette juridiction, devenu le tribunal des activités économiques de Versailles, a :
- prononcé la nullité de l'acte de compensation de paiement intervenu le 26 juin 2023 ;
- condamné la société HBCI Développement à payer à la société ML Conseils, prise en la personne de M. [U], la somme de 728 969 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2024 ;
- débouté la société HBCI Développement de toutes ses demandes ;
- condamné la société HBCI Développement à payer à la société ML Conseils, prise en la personne de M. [U], la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société HBCI Développement aux entiers dépens.
Le 27 janvier 2025, la société HBCI Développement a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 15 mai 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement du 14 janvier 2025 et,
Statuant à nouveau,
- juger que la compensation de créances intervenue entre elle et la société Jade MC Invest par acte de compensation du 26 juin 2023 n'a pas opéré paiement, mais extinction des obligations réciproques des parties et donc des créances respectives ;
A défaut,
- juger n'y avoir lieu à prononcer la nullité de l'acte de compensation de créances conclu le 26 Juin 2023 entre elle et la société Jade MC Invest, ni donc n'y avoir lieu à la condamner à porter et payer à la société ML Conseils la somme de 728 696 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2024 ;
En conséquence,
- débouter la société ML Conseils de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A défaut,
- juger que la nullité de l'acte de compensation de créances conclu le 26 juin 2023 entre elle et la société Jade MC Invest ne peut entraîner sa condamnation qu'à concurrence de la somme de 660 106,14 euros et rejeter toute demande plus ample et contraire ;
En tout état de cause,
- condamner la société ML Conseils à porter et lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société ML Conseils aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 23 mai 2025, le liquidateur demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter la société HBCI Développement de toutes ses demandes ;
Y ajoutant,
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de condamnation formulée à son encontre à hauteur de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens ;
- condamner la société HBCI Développement à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 juin 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur la validité de la compensation
L'appelante soutient qu'il résulte de la réforme du droit des obligations opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 que la compensation n'est pas un paiement au sens de l'article L. 632-2 du code de commerce ni au sens de l'article L. 632-1, I, 3° et 4°, de ce code ; qu'en effet, l'ordonnance de 2016 distingue clairement le paiement de la compensation, ainsi que le montre M. [A] [N], professeur agrégé, dans la consultation qu'elle produit ; qu'ainsi, la compensation litigieuse ne peut être annulée comme réalisée au cours de la période suspecte. Il prétend qu'en tout cas, l'annulation de la compensation en cause, qui n'est qu'une faculté pour le juge, n'est pas opportune.
Le liquidateur expose que l'expression " paiements effectués " figurant à l'article L. 632-2 du code de commerce doit être entendue dans un sens large et comprend la compensation, assimilée de longue date à un paiement ; qu'une telle compensation, opérée en période suspecte, rompt l'égalité entre les créanciers par le traitement préférentiel du créancier compensant ; qu'en l'espèce, toutes les conditions prévues à l'article L. 632-2 du code de commerce sont réunies, ce qui implique l'annulation de la compensation litigieuse. Subsidiairement, le liquidateur soutient que la nullité est de droit en application de l'article L. 632-1, 3°, du code de commerce, dès lors que la dette de la société débitrice envers la société HBCI Développement au titre de son compte courant d'associé n'était pas exigible, le bilan faisant mention d'abandons en compte courant.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement d'ouverture emporte interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Ce texte reprend à l'identique l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
L'article L. 632-2 du code de commerce dispose en son premier alinéa qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.
L'article 1342 du code civil dispose, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
Le paiement est l'exécution volontaire de la prestation due.
Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.
Il libère le débiteur à l'égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier.
Aux termes du premier alinéa de l'article 1347 du même code, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.
En droit commun, une jurisprudence séculaire a considéré la compensation comme un mode de paiement.
En droit des procédures collectives, cette assimilation résulte des termes mêmes de l'article 33 de la loi de 1985, devenu l'article L. 622-7 précité.
Elle résulte encore de la jurisprudence de la Cour de cassation (Com, 28 mai 1996, n° 94-10.688, publié ; 9 mai 2018, n°16-24.065, publié).
Aucune des dispositions du code civil issues de l'ordonnance du 10 février 2016 n'est de nature à remettre en cause cette solution, les fonctions de la compensation n'ayant pas été modifiées par la réforme.
Si le professeur [N] soutient dans sa consultation du 6 mai 2025 que la compensation n'est pas un paiement au sens des articles L. 632-1, I, 3° et 4°, et L. 632-2 du code de commerce, au regard de la rédaction des articles 1342 et 1347 du code civil issus de l'ordonnance du 10 février 2016, il précise lui-même que son analyse va " au rebours d'une certaine tradition doctrinale ".
Or cette tradition majoritaire assimilant la compensation à un paiement en droit commun (illustrée par [I], [G] et [S], [M], [T], [R], [W], cités par M. [N] lui-même), mais aussi dans le droit des procédures collectives, et la jurisprudence qui en est l'expression, constituent le droit positif.
La compensation intervenue en période suspecte constitue un paiement même lorsqu'elle est intervenue après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 (Com, 12 juin 2024, n°23-13.360, publié).
Enfin, si la compensation n'était pas un paiement, elle serait assurément un acte à titre onéreux au sens de l'article L. 632-2 du code de commerce, ce sur quoi l'appelante s'abstient de conclure.
La période suspecte s'étend ici du 3 avril 2022 au 3 octobre 2023.
L'appelante ne conteste pas qu'elle avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société débitrice, ce qui s'évince à l'évidence du fait que les sociétés Jade MC Invest et HBCI Développement étaient dirigées par la même personne physique, M. [C], et que la société HBCI Développement était l'associée majoritaire de la société Jade MC Invest, sa filiale, à qui elle facturait des management fees.
La compensation opérée le 26 juin 2023, par un acte sous seing privé signé pour la société HBCI Développement comme pour la société Jade MC Invest par le même M. [C], constitue un paiement.
Cette opération, ayant pour objet de neutraliser financièrement pour la société mère le transfert à son profit des actifs de la société Jade MC Invest et pour effet d'aggraver le passif de celle-ci au détriment de tous ses créanciers, présente un aspect frauduleux.
Le jugement entrepris ne peut en conséquence qu'être confirmé en ce qu'il l'a annulée.
Sur le montant de la condamnation
L'appelante soutient que l'annulation de la compensation ne peut entraîner sa condamnation à payer davantage que ce qui a été compensé, c'est-à-dire la somme de 660 106,14 euros.
Le liquidateur expose que les sociétés HBCI Développement et Jade MC Invest ont décidé de compenser leurs créances respectives de 660 106,14 euros et de 728 969 euros, mais que le solde de
68 862,86 euros en faveur de la société débitrice n'a jamais été acquitté par sa société mère.
Réponse de la cour
L'acte de compensation litigieux du 26 juin 2023 prévoit le paiement du solde de 68 862,86 euros dû à la société Jade MC Invest en 48 mensualités à compter de janvier 2024.
L'appelante n'allègue pas avoir effectué un seul de ces règlements.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande en totalité.
Sur les demandes accessoires
L'appel étant manifestement dilatoire, l'équité commande d'allouer au liquidateur l'intégralité de l'indemnité de procédure qu'il réclame.
PAR CES MOTIFS,
la cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la société HBCI Développement aux dépens d'appel ;
Condamne la société HBCI Développement à payer à la société ML Conseils, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DB
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 SEPTEMBRE 2025
N° RG 25/00757 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W72W
AFFAIRE :
S.A.S. HBCI DEVELOPPEMENT
C/
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2025 par le Tribunal des Activités Economiques de VERSAILLES
N° Chambre : 06
N° RG : 2024L00330
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.S. HBCI DEVELOPPEMENT
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2575388 -
Plaidant : Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES, vestiaire : C105
****************
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS Prise en la personne de Maître [O] [U], agissant en qualité de liquidateur de la Société JADE MC INVEST, fonction à laquelle elle a été désignée par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 28 novembre 2023.
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE,avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80 - N° du dossier 15.881
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président chargé du rapport et Monsieur Ronan GUERLOT, président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Le 26 juin 2023, la société Jade MC Invest a cédé à la société HBCI Développement ses participations dans les sociétés Freeway 77, BG Family et Malraux. Le même jour, les sociétés Jade MC Invest et HBCI Développement procédé à la compensation du prix de cette vente avec une dette de la première envers la seconde au titre de son compte courant d'associé et de factures impayées.
Le 3 octobre 2023, le tribunal de commerce de Versailles a placé la société Jade MC Invest en redressement judiciaire et a fixé définitivement la date de cessation des paiements au 3 avril 2022.
Le 28 novembre 2023, ce tribunal a converti la procédure collective en liquidation judiciaire et nommé la société ML Conseils, en la personne de M. [U], en qualité de liquidateur.
Le 4 mars 2024, le liquidateur a assigné la société HBCI Développement devant ce tribunal en annulation de la compensation comme intervenue en période suspecte.
Le 14 janvier 2025, par jugement contradictoire, cette juridiction, devenu le tribunal des activités économiques de Versailles, a :
- prononcé la nullité de l'acte de compensation de paiement intervenu le 26 juin 2023 ;
- condamné la société HBCI Développement à payer à la société ML Conseils, prise en la personne de M. [U], la somme de 728 969 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2024 ;
- débouté la société HBCI Développement de toutes ses demandes ;
- condamné la société HBCI Développement à payer à la société ML Conseils, prise en la personne de M. [U], la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société HBCI Développement aux entiers dépens.
Le 27 janvier 2025, la société HBCI Développement a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Par dernières conclusions du 15 mai 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement du 14 janvier 2025 et,
Statuant à nouveau,
- juger que la compensation de créances intervenue entre elle et la société Jade MC Invest par acte de compensation du 26 juin 2023 n'a pas opéré paiement, mais extinction des obligations réciproques des parties et donc des créances respectives ;
A défaut,
- juger n'y avoir lieu à prononcer la nullité de l'acte de compensation de créances conclu le 26 Juin 2023 entre elle et la société Jade MC Invest, ni donc n'y avoir lieu à la condamner à porter et payer à la société ML Conseils la somme de 728 696 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2024 ;
En conséquence,
- débouter la société ML Conseils de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A défaut,
- juger que la nullité de l'acte de compensation de créances conclu le 26 juin 2023 entre elle et la société Jade MC Invest ne peut entraîner sa condamnation qu'à concurrence de la somme de 660 106,14 euros et rejeter toute demande plus ample et contraire ;
En tout état de cause,
- condamner la société ML Conseils à porter et lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société ML Conseils aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 23 mai 2025, le liquidateur demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter la société HBCI Développement de toutes ses demandes ;
Y ajoutant,
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de condamnation formulée à son encontre à hauteur de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens ;
- condamner la société HBCI Développement à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 juin 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur la validité de la compensation
L'appelante soutient qu'il résulte de la réforme du droit des obligations opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 que la compensation n'est pas un paiement au sens de l'article L. 632-2 du code de commerce ni au sens de l'article L. 632-1, I, 3° et 4°, de ce code ; qu'en effet, l'ordonnance de 2016 distingue clairement le paiement de la compensation, ainsi que le montre M. [A] [N], professeur agrégé, dans la consultation qu'elle produit ; qu'ainsi, la compensation litigieuse ne peut être annulée comme réalisée au cours de la période suspecte. Il prétend qu'en tout cas, l'annulation de la compensation en cause, qui n'est qu'une faculté pour le juge, n'est pas opportune.
Le liquidateur expose que l'expression " paiements effectués " figurant à l'article L. 632-2 du code de commerce doit être entendue dans un sens large et comprend la compensation, assimilée de longue date à un paiement ; qu'une telle compensation, opérée en période suspecte, rompt l'égalité entre les créanciers par le traitement préférentiel du créancier compensant ; qu'en l'espèce, toutes les conditions prévues à l'article L. 632-2 du code de commerce sont réunies, ce qui implique l'annulation de la compensation litigieuse. Subsidiairement, le liquidateur soutient que la nullité est de droit en application de l'article L. 632-1, 3°, du code de commerce, dès lors que la dette de la société débitrice envers la société HBCI Développement au titre de son compte courant d'associé n'était pas exigible, le bilan faisant mention d'abandons en compte courant.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement d'ouverture emporte interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Ce texte reprend à l'identique l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
L'article L. 632-2 du code de commerce dispose en son premier alinéa qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.
L'article 1342 du code civil dispose, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
Le paiement est l'exécution volontaire de la prestation due.
Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.
Il libère le débiteur à l'égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier.
Aux termes du premier alinéa de l'article 1347 du même code, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.
En droit commun, une jurisprudence séculaire a considéré la compensation comme un mode de paiement.
En droit des procédures collectives, cette assimilation résulte des termes mêmes de l'article 33 de la loi de 1985, devenu l'article L. 622-7 précité.
Elle résulte encore de la jurisprudence de la Cour de cassation (Com, 28 mai 1996, n° 94-10.688, publié ; 9 mai 2018, n°16-24.065, publié).
Aucune des dispositions du code civil issues de l'ordonnance du 10 février 2016 n'est de nature à remettre en cause cette solution, les fonctions de la compensation n'ayant pas été modifiées par la réforme.
Si le professeur [N] soutient dans sa consultation du 6 mai 2025 que la compensation n'est pas un paiement au sens des articles L. 632-1, I, 3° et 4°, et L. 632-2 du code de commerce, au regard de la rédaction des articles 1342 et 1347 du code civil issus de l'ordonnance du 10 février 2016, il précise lui-même que son analyse va " au rebours d'une certaine tradition doctrinale ".
Or cette tradition majoritaire assimilant la compensation à un paiement en droit commun (illustrée par [I], [G] et [S], [M], [T], [R], [W], cités par M. [N] lui-même), mais aussi dans le droit des procédures collectives, et la jurisprudence qui en est l'expression, constituent le droit positif.
La compensation intervenue en période suspecte constitue un paiement même lorsqu'elle est intervenue après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 (Com, 12 juin 2024, n°23-13.360, publié).
Enfin, si la compensation n'était pas un paiement, elle serait assurément un acte à titre onéreux au sens de l'article L. 632-2 du code de commerce, ce sur quoi l'appelante s'abstient de conclure.
La période suspecte s'étend ici du 3 avril 2022 au 3 octobre 2023.
L'appelante ne conteste pas qu'elle avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société débitrice, ce qui s'évince à l'évidence du fait que les sociétés Jade MC Invest et HBCI Développement étaient dirigées par la même personne physique, M. [C], et que la société HBCI Développement était l'associée majoritaire de la société Jade MC Invest, sa filiale, à qui elle facturait des management fees.
La compensation opérée le 26 juin 2023, par un acte sous seing privé signé pour la société HBCI Développement comme pour la société Jade MC Invest par le même M. [C], constitue un paiement.
Cette opération, ayant pour objet de neutraliser financièrement pour la société mère le transfert à son profit des actifs de la société Jade MC Invest et pour effet d'aggraver le passif de celle-ci au détriment de tous ses créanciers, présente un aspect frauduleux.
Le jugement entrepris ne peut en conséquence qu'être confirmé en ce qu'il l'a annulée.
Sur le montant de la condamnation
L'appelante soutient que l'annulation de la compensation ne peut entraîner sa condamnation à payer davantage que ce qui a été compensé, c'est-à-dire la somme de 660 106,14 euros.
Le liquidateur expose que les sociétés HBCI Développement et Jade MC Invest ont décidé de compenser leurs créances respectives de 660 106,14 euros et de 728 969 euros, mais que le solde de
68 862,86 euros en faveur de la société débitrice n'a jamais été acquitté par sa société mère.
Réponse de la cour
L'acte de compensation litigieux du 26 juin 2023 prévoit le paiement du solde de 68 862,86 euros dû à la société Jade MC Invest en 48 mensualités à compter de janvier 2024.
L'appelante n'allègue pas avoir effectué un seul de ces règlements.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande en totalité.
Sur les demandes accessoires
L'appel étant manifestement dilatoire, l'équité commande d'allouer au liquidateur l'intégralité de l'indemnité de procédure qu'il réclame.
PAR CES MOTIFS,
la cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la société HBCI Développement aux dépens d'appel ;
Condamne la société HBCI Développement à payer à la société ML Conseils, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT