CA Lyon, 1re ch. civ. b, 2 septembre 2025, n° 22/02009
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 22/02009 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OFZR
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 02 mars 2022
RG : 19/01952
ch n°9 cab 09 F
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 02 Septembre 2025
APPELANTE :
la société IMMO21 anciennement dénommée société HABIGESTION
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
ayant pour avocat plaidant Me Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [E] [U]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant
Mme [W] [L]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillante
Mme [R] [K]
née le 21 Octobre 1973 à [Localité 12]
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813
ayant pour avocat plaidant Me Philippe CHASTEAU de la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
Société ISIS MOLIERE
[Adresse 11]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PVBF, avocat au barreau de LYON, toque : 704
ayant pour avocat plaidant Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE,
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 10 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Mai 2025
Date de mise à disposition : 1er juillet 2025 prorogée au 02 Septembre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Arrêt rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
La société Habigestion, devenue la société Immo21, est propriétaire de trois lots au sein d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 7] :
- le lot n°168 (appartement n°403), acquis le 23 février 2017,
- le lot n°143 (appartement n°210), acquis le 3 juillet 2017 auprès de M. [O] [U] et Mme [W] [L],
- le lot n°182 (appartement n°507) acquis le 3 juillet 2017 auprès de Mme [R] [K].
Au moment de chaque acquisition, ces lots ont été loués en vertu de baux commerciaux, originairement souscrits auprès de la société Victory gestion.
La société Isis Molière (la société Isis) a acquis le fonds de commerce de la société Victory gestion le 1er juin 2017.
Par ordonnance de référé du 8 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a, sur demande de la société Immo21 :
- constaté la résiliation de plein droit des baux suivants, portant sur des locaux au sein de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 8] :
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°143,
- bail commercial du 29 mars 2017 portant sur le lot n°168,
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°182,
- ordonné l'expulsion immédiate et sans délai de corps et de bien de la société Isis ainsi que de tous occupants de son chef des locaux dont il s'agit, au besoin avec le concours de la force publique,
- dit que jusqu'à son départ effectif des locaux, la société Isis sera tenue au versement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers ayant résiliation du bail commercial,
- condamné la société Isis à verser à la société Immo21 la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Isis aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement du 20 février 2018.
Sur appel de la société Isis, par arrêt du 7 mai 2019, la cour d'appel de Lyon a :
- dit que la déclaration d'appel n'est entachée d'aucune nullité et que la cour est valablement saisie des 5 chefs de l'ordonnance critiqués par la société Isis,
- infirmé la décision déférée,
Statuant à nouveau :
- dit n'y avoir lieu à référé,
- dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens par elle engagés et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires,
- dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par actes introductifs d'instance des 4 janvier 2019, 16 janvier 2019 et 12 février 2019 la société Isis a assigné la société Habigestion, Mme [K], M. [U] et Mme [L] en demandant l'annulation des ventes intervenues portant sur les lots 182 et 143.
Par jugement contradictoire du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- dit que l'action était recevable,
- constaté que la notification prévue à l'article L146-45-I du code de commerce n'a pas été faite,
- annulé la vente intervenue entre Mme [K] et la société Habitagestion le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné : le lot n°182 (appartement n°507) dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- annulé la vente intervenue entre M. [U] et Mme [L] et la société Immo21, le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné: le lot n°143 (appartement n°210) dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- dit que du fait de l'annulation les parties seront placées dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente,
- rejeté la demande reconventionnelle et le surplus des demandes,
- condamné la société Habitat gestion à payer à la société Isis à la somme de 1.500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 15 mars 2022, la société Habitagestion a interjeté appel.
La société Habigestion est devenue la société Immo21.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2025, la société Immo21 demande à la cour de :
- déclarer bien fondé son appel à l'encontre du jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il :
- a constaté que la notification prévue à l'article L146-45-1 du code de commerce n'a pas été faite,
- a annulé la vente intervenue entre Mme [K] et elle-même le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné : le lot n°182 (appartement n°507), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- a annulé la vente intervenue entre M. [U] et Mme [L] et elle-même le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné: le lot n°143 (appartement n°210), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- a dit que du fait de l'annulation les parties seront placées dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente,
- a rejeté la demande reconventionnelle et le surplus des demandes,
- l'a condamnée à payer à la société Isis à la somme de 1.500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance,
- l'infirmer de ces chefs,
Et statuant à nouveau,
Sur les cessions du 3 juillet 2017,
À titre principal,
- constater que les locaux objets des baux litigieux sont à usage d'habitation, et donc exclus du champ du droit de préférence bénéficiant au preneur d'un local à usage commercial et artisanal,
À titre subsidiaire,
- constater que les cessions des lots n° 143 et 182 ont été opérées alors que'elle était déjà copropriétaire de l'ensemble immobilier, et qu'en conséquence, il est fait exception au droit de préférence du preneur,
À titre encore plus subsidiaire,
- constater que la société Isis Molière a exécuté ses obligations envers le nouveau bailleur, la concluante, en renonçant tacitement à se prévaloir de la prétendue nullité,
En toute hypothèse,
- débouter la société Isis de ses demandes de nullité des ventes ainsi que de l'intégralité de ses prétentions comme infondées,
Sur la résolution des contrats de bail avec la société Isis
- constater qu'au 20 mars 2018, la société Isis n'a pas déféré aux termes de la sommation visant la clause résolutoire délivrée par huissier de justice le 20 février 2018,
- constater la résiliation de plein droit des baux suivants, portant sur des locaux au sein de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 6] :
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°143,
- bail commercial du 29 mars 2017 portant sur le lot n°168,
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°182,
ce, par application de la clause résolutoire prévue à chacun de ces baux,
- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de corps et de bien de la société Isis ainsi que de tous occupants de son chef des locaux dont il s'agit, au besoin avec le concours de la force publique,
- dire et juger que jusqu'au départ effectif des locaux, la société Isis sera tenue au versement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers avant résiliation du bail commercial et la condamner à ce titre,
En tout état de cause
- condamner la société Isis à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, en ce compris notamment les frais de constat d'huissier à hauteur de 2.095,56 euros,
- rejeter toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires,
- condamner la société Isis à lui payer la somme de 8.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Isis aux entiers dépens.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2025, Mme [K] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 2 mars 2022,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que le local objet de la vente entre elle et la société Habigestion est un local à usage d'habitation, et en conséquence, juger que l'article L.145-46-1 relatif au droit de préférence ne peut trouver application,
A titre subsidiaire,
- juger que la vente est intervenue alors que la société Habigestion était déjà copropriétaire de l'ensemble immobilier, et en conséquence, juger que l'article L.145-46-1 relatif au droit de préférence ne peut trouver application,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que la société Isis a renoncé tacitement à se prévaloir de la prétendue nullité en exécutant ses obligations envers la société Habigestion,
En tout état de cause,
- débouter la société Isis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Isis à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Isis à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Isis aux entiers dépens, ces derniers distraits au profit de la SAS TW & associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2022, la société Isis demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon,
Sur le droit de préférence
- confirmer le jugement entrepris,
- constater que les assignations en nullité ont régulièrement été publiées aux services de la publicité foncière,
- juger recevable son action,
- juger bienfondées ses demandes,
- annuler par conséquent la vente intervenue entre Mme [K] et la société Immo21, le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné : le lot n°182 (appartement n°507), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- annuler par conséquent la vente intervenue entre M. [U] et Mme [L] et la société Immo21, le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné: le lot n°143 (appartement n°210), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
Sur l'absence d'acquisition de la clause résolutoire
- confirmer le jugement entrepris,
- juger qu'elle respecte les obligations stipulées au bail, précisément s'agissant de la fourniture des services,
- débouter par conséquent la société Immo21 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Subsidiairement
- suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais rétroactifs correspondant aux dates de régularisation des manquements,
- constater que la clause résolutoire n'a pas joué,
Sur la demande de dommages et intérêts
- confirmer le jugement entrepris,
- rejeter la demande de la société Immo21,
- condamner chacune des parties à lui payer la somme de 3.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
M. [U] et Mme [L], à qui la déclaration d'appel a été signifiée à étude par actes du 18 mai 2022, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour relève de manière liminaire que le moyen tiré l'irrecevabilité de la demande au visa de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955, écarté en première instance, n'est pas repris en appel.
Sur le droit de préférence
La société Immo 21 soutient que :
- la procédure a été engagée pour faire diversion à la mise en jeu de la clause résolutoire, 18 mois après la naissance du litige, par une assignation commune alors que les parties aux ventes ne sont pas identiques,
- le droit de préférence d'application stricte ne s'applique qu'en cas de projet de vente d'un local à usage commercial ou artisanal ; les locaux à usage d'habitation en sont exclus y compris lorsqu'ils en est fait une exploitation commerciale même s'ils sont l'objet d'un bail commercial, ils sont expressément des 'logements avec parties communes' et non des locaux à usage commercial ; l'activité du preneur ne doit donc pas être confondue avec les caractéristiques du local pour le propriétaire, et les fins commerciales ne transforment pas l'usage du local,
- ce droit comporte des exceptions notamment en cas de cession d'un ensemble commercial, tel est le cas en l'espèce puisqu'elle était déjà propriétaire du lot 168 et copropriétaire de l'ensemble immobilier, les cessions entrent dans les exceptions au droit de préférence, le jugement a ignoré cet argument,
- la nullité tirée du droit de préférence du locataire est relative et peut être couverte par la confirmation, soit par l'exécution volontaire du contrat en connaissance de cause de la nullité qui vaut confirmation; en l'espèce, la locataire n'a pu ignorer les cessions intervenues, et a exécuté volontairement les baux en connaissance de cause, le droit de préférence n'a été invoqué qu'à hauteur d'appel sur référé.
La société Isis rétorque que :
- l'immeuble est une résidence hôtelière à l'origine exploitée par la société Victory gestion et chaque propriétaire au sein de l'immeuble est lié à l'exploitant par un bail commercial ; elle-même est devenue titulaire des baux commerciaux et a notifié les cessions aux bailleurs,
- les deux ventes sont intervenues au mépris des dispositions de l'article L 145-46-1 du Code de Commerce qui prévoit la nécessité de purger le droit de priorité du locataire commercial et cette obligation d'ordre public est sanctionnée par la nullité de la vente,
- la reconnaissance de l'existence de fonds de commerce exploités par les résidences-services/résidences de tourisme a conduit à l'application de l'ensemble du statut des baux commerciaux aux relations locatives liant le propriétaire des murs à l'exploitant d'une telle résidence ; l'activité de location meublée qui s'accompagne de services devient commerciale lorsqu'elle comprend la mise à disposition de locaux, de meubles, et la fourniture de prestations au service d'un établissement d'hébergement, expressément qualifié de « commercial » par l'article D 321-1 du Code de tourisme,
- les parties ont volontairement convenu de soumettre un bail aux dispositions du statut des baux commerciaux, et il importe peu que les prestations para-hôtelières caractérisant la commercialité de l'activité aient un caractère accessoire ; la soumission au statut, conventionnelle ou légale, emporte soumission à toutes les dispositions impératives du statut,
- le terme « usage » ne renvoie pas exclusivement à la commercialité par nature d'un local, auquel cas les « locaux commerciaux ou artisanaux » auraient été visés par la loi, mais à l'usage auquel il est destiné,,
- l'exploitation qui en faite et celle d'une résidence de tourisme expressément qualifiée d'activité commerciale d'hébergement génératrice d'un fonds de commerce pour l'application du statut, les locaux d'exploitation sont nécessairement des locaux «à usage commercial » et ne sont donc pas visés par l'exclusion légale,
- la nullité n'a pas été couverte par l'exécution volontaire du contrat ; elle n'était pas partie aux ventes litigieuses, il n'est pas demandé la nullité des baux et il était normal qu'elle ait continué à exécuter le bail en sa qualité de locataire.
Mme [K] fait valoir que :
- les locaux n'ayant un usage ni commercial, ni artisanal n'imposent pas un droit de préférence, y compris si le local à usage d'habitation reçoit une exploitation commerciale comme en l'espèce puisque en dépit du bail commercial, ils sont qualifiés de « logements avec partie commune » et non de locaux à usage commercial ou artisanal ; c'est la nature du local pour le propriétaire qui détermine l'applicabilité ou non de l'article L.145.46-1 du Code de Commerce et non l'exploitation qui en est faite par le preneur qui n'entraîne pas un changement de destination du local,
- l'article L.145-46-1 prévoit une exception en cas de cession d'un local au copropriétaire d'un ensemble commercial et la résidence [Adresse 13] a un caractère commercial ; la société Habigestion était, antérieurement aux acquisitions litigieuses, déjà copropriétaire du lot n°168 depuis le 23 février 2017 et l'acquisition du lot 182 doit être considérée comme une cession de local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial,
- la nullité est relative et l'action en nullité irrecevable ; la mise en 'uvre est codifiée aux articles 1181 et 1182 du code civil ; l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ; la société Isis a introduit l'action 18 mois après la naissance du litige et a tacitement renoncé à cette nullité auparavant, elle ne peut soutenir qu'elle ignorait les cessions intervenues dans la mesure où elle a notifié à l'acquéreur son acquisition du fonds de commerce, a répondu aux mises en demeure de la société Habigestion, a réglé les loyers à celle-ci et n'a pas soulevé sa prétention relative au droit de préférence devant le juge des référés, exécutant volontairement le bail la liant à la société Habigestion ce qui vaut confirmation au sens de l'article 1182 du Code Civil et elle aurait dû se prévaloir du droit de préférence dès qu'elle a eu connaissance de la vente intervenue,
- en tout état de cause, elle avait informé la société Victory Gestion de la vente de son bien laquelle devait en informer son repreneur.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 145-46-1 du code de commerce, « Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification. (') »
« Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint».
Selon les articles 1180 et 1181 du code civil, 'La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public. Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat'.
'La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Elle peut être couverte par la confirmation. Si l'action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche pas les autres d'agir'.
En l'espèce, c'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, sans qu'il ne soit nécessaire de les paraphraser, que les premiers juges ont retenu que :
- les dispositions de l'article L 145-46-1 sont applicables en cas de vente par un propriétaire bailleur d'un local dans lequel une activité industrielle, artisanale ou commerciale est exercée,
- les dispositions sur le droit de préférence sont d'ordre public et s'appliquent en l'espèce puisque si, selon le règlement de copropriété qui a valeur contractuelle entre les copropriétaires, les lots sont affectés à l'usage d'habitation, ils étaient exploités par la société Isis en vertu de baux commerciaux, l'occupation des locaux était convenue entre les parties à des fins commerciales (services para-hôteliers consistant en une sous-location meublée des lots en conformité avec les termes du bail commercial soumis à TVA),
- les actes de vente ne mentionnent pas que l'information relative à la cession envisagée ait été portée à la connaissance de la société Isis Molière par les bailleurs de sorte qu'il n'est pas établi que les exigences de l'article susvisé aient été respectées,
- si le règlement de copropriété définit le bien comme un studio à usage d'habitation, dans les rapports entre les parties, le droit concédé est un droit d'exploitation commerciale sous bail commercial à des fins de sous-location meublée de nature commerciale, ce qui est conforme au règlement de copropriété stipulant que les logements étaient destinés à être pris à bail par un exploitant commercial (p41),
- en qualité de locataire commerciale, la société Isis a ainsi été privée de l'exercice de son droit de préférence et les ventes conclues sont donc nulles, le fait d'être propriétaire d'autres lots en copropriété à usage de logement également sous bail commercial ne permet pas d'éviter le droit de préemption et il en est de même du fait que la société d'exploitation ait régularisé le bail avec elle.
Pour confirmer le jugement, répondant aux moyens d'appel, la cour ajoute que :
- il résulte des textes susvisés que c'est la réalité de l'activité exercée qui est le critère déterminant de l'application de l'article L 145-46-1 et l'activité commerciale ne fait pas débat en l'espèce nonobstant les termes du règlement de copropriété ; la nature de cette activité a été contractuellement définie par les parties elles-mêmes, lesquelles ont expressément soumis le bail au statut des baux commerciaux de sorte que les dispositions impératives du statut s'appliquent en conséquence,
- il est inopérant pour la société Immo 21 de faire valoir qu'elle est propriétaire d'un autre lot, ne s'agissant ni d'une cession unique, ni d'une vente à un copropriétaire d'un ensemble commercial caractérisé,
- sur la nullité relative qui serait couverte par l'exécution volontaire du contrat en connaissance de cause, la société Isis n'est pas partie au contrat de vente et par ailleurs, quelque soient ses doléances et sa connaissance du transfert de propriété, elle avait l'obligation de continuer parallèlement à exécuter les clauses du bail de sorte que l'appelante et Mme [K] en peuvent se prévaloir d'une exécution tacite du contrat couvrant le droit de préférence.
C'est en conséquence à juste titre et en application des dispositions impératives susvisées que le tribunal judiciaire a annulé les ventes intervenues d'une part entre Mme [N] et la SNC Habigestion et d'autre part entre les consorts [U] [L] et la société Habigestion, la cour confirmant les dispositions du jugement sur ces annulations et leurs modalités.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
La société Immo 21 fait valoir que :
- l'acquisition de la clause résolutoire porte tant sur les locaux dont la nullité de la cession est demandée que sur le local acquis le 23 février 2017 ; elle est d'application automatique ; le juge ne peut apprécier la gravité du manquement ou refuser de constater son acquisition,
- chacun des baux la liant à la société Isis contient une clause résolutoire, et cette dernière a manqué à ses obligations contractuelles ( fourniture du petit déjeuner, nettoyage des locaux, fourniture de linge de maison et accueil, dans les conditions prévues par l'article 261D du Code Général des Impôts et par l'instruction DGI du 11 avril 1991 permettant l'assujettissement des loyers du présent bail à la TVA),
- la société Isis ne conteste pas n'avoir pas assuré le service petit-déjeuner, la fourniture de linge de maison et le ménage intérieur, ce que les locataires confirment ; que lesdits services ne sont pas visés par les contrats de bail des occupants, que ce soit dans l'article 6 ' décrivant le loyer et les services non compris ' ou dans l'article 16 ' intitulé « Liste des options et pénalités », et ; sur le ménage dans les parties communes qu'il a été confirmé, par trois constats d'huissier successifs, que cette prestation n'était pas assurée ; qu'aucun progrès n'a été fait quant au ménage des parties communes entre la fin d'année 2017 et le 10 décembre 2018 alors que cette prestation est expressément comprise dans les loyers perçus par la société Isis' dont le montant intègre précisément : « l'entretien des parties communes », « les frais de fonctionnement du personnel attaché à la résidence ».
- les nombreux manquements de la société Isis sont ainsi incontestables et intolérables mais le tribunal a surtout fait le choix d'avoir une lecture de ses pièces contraire à ce qu'elles expriment,
- les défaillances non réparées dans le délai du commandement, l'ont exposée à un fort risque de redressement fiscal, (réponse de l'administration fiscale) ; la société Isis n'a pas exécuté ses obligations spécifiques et expressément reconnues comme déterminantes - même si elle en a perçu la rémunération- elle n'a apporté aucune réponse sérieuse au commandement d'exécuter lesdites obligations et visant la clause résolutoire ni proposé de remédier à ses inexécutions.
La société Isis affirme que :
- le bailleur a tenté de résilier le bail de manière amiable et anticipée, ce qu'elle a refusé, venant d'acquérir le fonds de commerce pour un prix conséquent ; face à ce refus, le bailleur a mandaté un huissier « afin de faire constater la réalité des services proposés dans la résidence service »,
- la société Habigestion a ensuite acquis deux autres appartements à son insu, puis, lui a signifié que, à sa connaissance, les services à la clientèle n'étaient pas effectivement réalisés et que faute de respecter cette obligation dans un délai de 30 jours, « les Baux Commerciaux seraient résiliés de plein droit ['] » ; elle a répondu que les services étaient effectivement réalisés,
- le bailleur lui a réclamé de prétendus arriérés loyers, alors que ceux du seul lot dont elle avait connaissance étaient payés ; il était normal que les loyers afférents aux deux autres lots ne soient pas réglés ;
- sur le commandement de respecter les obligations tirées du nées du bail, les pièces adverses sont peu probantes et ne rapportent pas la preuve de l'absence de réalisation effective des prestations litigieuses, l'huissier a été 'piloté' dans les lieux, le gestionnaire n'a pas l'entretien des parties communes, les seuls locataires interrogés sont ceux occupant un logement appartenant à la société Habigestion.
- le rescrit fiscal ne peut être pris en compte, la réponse de l'administration repose sur des éléments adverses incomplets,
- en tout état de cause, le constat d'huissier du 26 octobre 2018 justifie de la fourniture des services, et il convient de suspendre la clause résolutoire et d'accorder des délais rétroactifs correspondant aux dates de régularisation des manquements pour constater que les délais ont été respectés et que la clause n'a pas joué.
Réponse de la cour
Selon l'article 145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.
En l'espèce, le tribunal a, à juste titre, retenu que s'agissant des locaux dont les ventes sont annulées, la clause résolutoire mise en oeuvre par l'acquéreur ne pouvait recevoir application.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Le commandement de payer délivré le 20 février 2018 et concernant les trois lots, portait, s'agissant du lot 168, non pas sur le non paiement de loyers mais uniquement sur l'absence de fourniture de services, ce commandement ayant pour base deux constats d'huissier dressés les 12 juin 2017 et 22 décembre 2017.
S'agissant du local acquis le 23 février 2017, et dont la régularité de la vente n'est donc pas remise en cause (lot 168), le bail comporte une clause résolutoire stipulant que 'en cas de non exécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements, et notamment en cas de non-paiement des loyers à l'une des échéances au delà de deux mois, le bailleur aura la faculté de résilier de plein droit le présent contrat. Cette résiliation interviendra après une mise en demeure ou une sommation restée sans effet pendant une durée d'un mois, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice. Aucune indemnité d'éviction ne sera due'.
Il prévoyait dans son article 3 que le preneur devait fournir en plus de l'hébergement trois des quatre services ou prestations à la clientèle suivants :
- nettoyage régulier des locaux communs ou privatifs
- distribution de petits déjeuners
- fourniture de linge de maison
- réception de la clientèle
ce, dans les conditions de l'article 261D du code général des impôts pour que la location soit soumise à la TVA.
Il est rappelé qu'il résulte des termes de l'article 261 D du Code général des Impôts que :
« Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :
(')
4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.
Toutefois, l'exonération ne s'applique pas :
(')
b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle'.
Les deux constats d'huissier, venant au soutien de la demande d'acquisition de la clause résolutoire ont été dressés afin de faire constater la réalité des services proposés dans la résidence étudiante. Le constat du 12 juin 2017 est composé de photographies commentées illustrant selon l'appelante la vétusté des lieux et l'absence de services (pas d'horaires d'ouverture sur le bureau de la réception, pas de tarifs affichés pour le petit déjeuner et salle de petit déjeuner vide selon les commentaires accompagnant les photographies). Le constat suivant comporte, outre de nouvelles photographies des lieux, le recueil du témoignage de deux occupants affirmant n'avoir reçu aucune proposition de service depuis leur arrivée en juin et septembre 2017.
Le premier constat s'avère toutefois trop succinct et comporte des incertitudes sur l'intégralité des lieux visités.
Concernant le second constat, les témoignages concernent deux locataires d'Habigestion et les questions ne sont pas précisément retranscrites de même que les réponses.
Le non respect par la locataire des obligations du bail commercial au moment de la délivrance du commandement visant la clause résolutoire n'est donc pas clairement établi par ces pièces.
Par ailleurs, il est justifié par la locataire d'un bail contenant un livret d'accueil et prévoyant un service de location de linge de maison et un service de nettoyage d'appartement, et un constat produit pas la société Isis et dressé le 26 octobre 2018 dans une période proche des nouveaux constats dressés sur demande de l'appelante établit la présence d'une réception présentant des signes d'activité avec notamment des horaires d'ouverture et la présence d' un salarié embauché depuis plusieurs années (contrat de travail à l'appui), un contrat de location de linge et un local de blanchisserie, un affichage concernant les petits-déjeuners, le fait que les résidents n'y fassent pas appel ne remettant pas en cause le fait que le service est proposé, une facture de nettoyage des communs et des justificatifs des dépenses d'entretien des parties communes relevant de la copropriété et remis par le syndic, enfin des attestations des résidents (25), lesquels précisent ne pas solliciter les services de petit déjeuner, ni le nettoyage des parties privatives, et l'entretien du linge, outre la confirmation de l'ouverture de la réception aux heures indiquées.
Ces pièces contredisent les éléments adverses et notamment le constat d'huissier du 10 décembre 2018 comportant le seul témoignage d'un occupant déjà entendu le 14 décembre 2017 et des photographies et il découle de l'ensemble de ces éléments que les manquements affirmés par le bailleur ne sont pas confirmés de manière non équivoque par les productions de chacun.
En conséquence, le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a dit, concernant le lot 168, qu'il n'y avait pas lieu de retenir que la clause résolutoire contenue au contrat de bai était invoquée à juste titre et a rejeté la demande de constat de la résiliation de plein droit du bail par jeu de cette clause résolutoire.
Sur les demandes de dommages intérêts
Mme [K] fait valoir un stress important généré par la contestation de la vente tandis que la société Immo 21 fait valoir le risque de redressement fiscal et la stratégie de la société Isis Molière visant à instrumentaliser la voie judiciaire pour échapper à ses obligations.
Réponse de la cour
Compte tenu de ce qui a été jugé supra, les prétentions de la société Isis sont justifiées de sorte qu'aucun comportement fautif préjudiciable à ses adversaires ne justifie les demandes en paiement de dommages intérêts de ces dernières et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les condamnations de première instance à ce titre sont confirmées.
Les dépens d'appel sont à la charge de la société Immo 21, appelante, laquelle succombe sur ses prétentions.
L'équité commande de la condamner à payer à la société Isis la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à rejeter les autres demandes formées en appel sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Immo 21 aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice des conseils en ayant fait la demande,
Condamne la société Immo 21 à payer à la société Isis Molière la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les autres demandes sur le même fondement.
La greffière, La Présidente,
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 02 mars 2022
RG : 19/01952
ch n°9 cab 09 F
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 02 Septembre 2025
APPELANTE :
la société IMMO21 anciennement dénommée société HABIGESTION
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
ayant pour avocat plaidant Me Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [E] [U]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant
Mme [W] [L]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillante
Mme [R] [K]
née le 21 Octobre 1973 à [Localité 12]
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813
ayant pour avocat plaidant Me Philippe CHASTEAU de la SELARL CHASTEAU AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
Société ISIS MOLIERE
[Adresse 11]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PVBF, avocat au barreau de LYON, toque : 704
ayant pour avocat plaidant Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE,
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 10 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Mai 2025
Date de mise à disposition : 1er juillet 2025 prorogée au 02 Septembre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Arrêt rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
La société Habigestion, devenue la société Immo21, est propriétaire de trois lots au sein d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 7] :
- le lot n°168 (appartement n°403), acquis le 23 février 2017,
- le lot n°143 (appartement n°210), acquis le 3 juillet 2017 auprès de M. [O] [U] et Mme [W] [L],
- le lot n°182 (appartement n°507) acquis le 3 juillet 2017 auprès de Mme [R] [K].
Au moment de chaque acquisition, ces lots ont été loués en vertu de baux commerciaux, originairement souscrits auprès de la société Victory gestion.
La société Isis Molière (la société Isis) a acquis le fonds de commerce de la société Victory gestion le 1er juin 2017.
Par ordonnance de référé du 8 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a, sur demande de la société Immo21 :
- constaté la résiliation de plein droit des baux suivants, portant sur des locaux au sein de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 8] :
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°143,
- bail commercial du 29 mars 2017 portant sur le lot n°168,
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°182,
- ordonné l'expulsion immédiate et sans délai de corps et de bien de la société Isis ainsi que de tous occupants de son chef des locaux dont il s'agit, au besoin avec le concours de la force publique,
- dit que jusqu'à son départ effectif des locaux, la société Isis sera tenue au versement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers ayant résiliation du bail commercial,
- condamné la société Isis à verser à la société Immo21 la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Isis aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement du 20 février 2018.
Sur appel de la société Isis, par arrêt du 7 mai 2019, la cour d'appel de Lyon a :
- dit que la déclaration d'appel n'est entachée d'aucune nullité et que la cour est valablement saisie des 5 chefs de l'ordonnance critiqués par la société Isis,
- infirmé la décision déférée,
Statuant à nouveau :
- dit n'y avoir lieu à référé,
- dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens par elle engagés et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires,
- dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par actes introductifs d'instance des 4 janvier 2019, 16 janvier 2019 et 12 février 2019 la société Isis a assigné la société Habigestion, Mme [K], M. [U] et Mme [L] en demandant l'annulation des ventes intervenues portant sur les lots 182 et 143.
Par jugement contradictoire du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- dit que l'action était recevable,
- constaté que la notification prévue à l'article L146-45-I du code de commerce n'a pas été faite,
- annulé la vente intervenue entre Mme [K] et la société Habitagestion le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné : le lot n°182 (appartement n°507) dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- annulé la vente intervenue entre M. [U] et Mme [L] et la société Immo21, le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné: le lot n°143 (appartement n°210) dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- dit que du fait de l'annulation les parties seront placées dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente,
- rejeté la demande reconventionnelle et le surplus des demandes,
- condamné la société Habitat gestion à payer à la société Isis à la somme de 1.500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 15 mars 2022, la société Habitagestion a interjeté appel.
La société Habigestion est devenue la société Immo21.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2025, la société Immo21 demande à la cour de :
- déclarer bien fondé son appel à l'encontre du jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il :
- a constaté que la notification prévue à l'article L146-45-1 du code de commerce n'a pas été faite,
- a annulé la vente intervenue entre Mme [K] et elle-même le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné : le lot n°182 (appartement n°507), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- a annulé la vente intervenue entre M. [U] et Mme [L] et elle-même le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné: le lot n°143 (appartement n°210), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- a dit que du fait de l'annulation les parties seront placées dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente,
- a rejeté la demande reconventionnelle et le surplus des demandes,
- l'a condamnée à payer à la société Isis à la somme de 1.500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance,
- l'infirmer de ces chefs,
Et statuant à nouveau,
Sur les cessions du 3 juillet 2017,
À titre principal,
- constater que les locaux objets des baux litigieux sont à usage d'habitation, et donc exclus du champ du droit de préférence bénéficiant au preneur d'un local à usage commercial et artisanal,
À titre subsidiaire,
- constater que les cessions des lots n° 143 et 182 ont été opérées alors que'elle était déjà copropriétaire de l'ensemble immobilier, et qu'en conséquence, il est fait exception au droit de préférence du preneur,
À titre encore plus subsidiaire,
- constater que la société Isis Molière a exécuté ses obligations envers le nouveau bailleur, la concluante, en renonçant tacitement à se prévaloir de la prétendue nullité,
En toute hypothèse,
- débouter la société Isis de ses demandes de nullité des ventes ainsi que de l'intégralité de ses prétentions comme infondées,
Sur la résolution des contrats de bail avec la société Isis
- constater qu'au 20 mars 2018, la société Isis n'a pas déféré aux termes de la sommation visant la clause résolutoire délivrée par huissier de justice le 20 février 2018,
- constater la résiliation de plein droit des baux suivants, portant sur des locaux au sein de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 6] :
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°143,
- bail commercial du 29 mars 2017 portant sur le lot n°168,
- bail commercial du 15 mars 2011 portant sur le lot n°182,
ce, par application de la clause résolutoire prévue à chacun de ces baux,
- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de corps et de bien de la société Isis ainsi que de tous occupants de son chef des locaux dont il s'agit, au besoin avec le concours de la force publique,
- dire et juger que jusqu'au départ effectif des locaux, la société Isis sera tenue au versement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers avant résiliation du bail commercial et la condamner à ce titre,
En tout état de cause
- condamner la société Isis à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, en ce compris notamment les frais de constat d'huissier à hauteur de 2.095,56 euros,
- rejeter toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires,
- condamner la société Isis à lui payer la somme de 8.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Isis aux entiers dépens.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2025, Mme [K] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 2 mars 2022,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que le local objet de la vente entre elle et la société Habigestion est un local à usage d'habitation, et en conséquence, juger que l'article L.145-46-1 relatif au droit de préférence ne peut trouver application,
A titre subsidiaire,
- juger que la vente est intervenue alors que la société Habigestion était déjà copropriétaire de l'ensemble immobilier, et en conséquence, juger que l'article L.145-46-1 relatif au droit de préférence ne peut trouver application,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que la société Isis a renoncé tacitement à se prévaloir de la prétendue nullité en exécutant ses obligations envers la société Habigestion,
En tout état de cause,
- débouter la société Isis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Isis à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Isis à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Isis aux entiers dépens, ces derniers distraits au profit de la SAS TW & associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2022, la société Isis demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon,
Sur le droit de préférence
- confirmer le jugement entrepris,
- constater que les assignations en nullité ont régulièrement été publiées aux services de la publicité foncière,
- juger recevable son action,
- juger bienfondées ses demandes,
- annuler par conséquent la vente intervenue entre Mme [K] et la société Immo21, le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné : le lot n°182 (appartement n°507), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
- annuler par conséquent la vente intervenue entre M. [U] et Mme [L] et la société Immo21, le 3 juillet 2017 et portant sur la pleine propriété de l'immeuble ci-après désigné: le lot n°143 (appartement n°210), dans l'ensemble immobilier [Adresse 13] situé à [Adresse 14],
Sur l'absence d'acquisition de la clause résolutoire
- confirmer le jugement entrepris,
- juger qu'elle respecte les obligations stipulées au bail, précisément s'agissant de la fourniture des services,
- débouter par conséquent la société Immo21 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Subsidiairement
- suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais rétroactifs correspondant aux dates de régularisation des manquements,
- constater que la clause résolutoire n'a pas joué,
Sur la demande de dommages et intérêts
- confirmer le jugement entrepris,
- rejeter la demande de la société Immo21,
- condamner chacune des parties à lui payer la somme de 3.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
M. [U] et Mme [L], à qui la déclaration d'appel a été signifiée à étude par actes du 18 mai 2022, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour relève de manière liminaire que le moyen tiré l'irrecevabilité de la demande au visa de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955, écarté en première instance, n'est pas repris en appel.
Sur le droit de préférence
La société Immo 21 soutient que :
- la procédure a été engagée pour faire diversion à la mise en jeu de la clause résolutoire, 18 mois après la naissance du litige, par une assignation commune alors que les parties aux ventes ne sont pas identiques,
- le droit de préférence d'application stricte ne s'applique qu'en cas de projet de vente d'un local à usage commercial ou artisanal ; les locaux à usage d'habitation en sont exclus y compris lorsqu'ils en est fait une exploitation commerciale même s'ils sont l'objet d'un bail commercial, ils sont expressément des 'logements avec parties communes' et non des locaux à usage commercial ; l'activité du preneur ne doit donc pas être confondue avec les caractéristiques du local pour le propriétaire, et les fins commerciales ne transforment pas l'usage du local,
- ce droit comporte des exceptions notamment en cas de cession d'un ensemble commercial, tel est le cas en l'espèce puisqu'elle était déjà propriétaire du lot 168 et copropriétaire de l'ensemble immobilier, les cessions entrent dans les exceptions au droit de préférence, le jugement a ignoré cet argument,
- la nullité tirée du droit de préférence du locataire est relative et peut être couverte par la confirmation, soit par l'exécution volontaire du contrat en connaissance de cause de la nullité qui vaut confirmation; en l'espèce, la locataire n'a pu ignorer les cessions intervenues, et a exécuté volontairement les baux en connaissance de cause, le droit de préférence n'a été invoqué qu'à hauteur d'appel sur référé.
La société Isis rétorque que :
- l'immeuble est une résidence hôtelière à l'origine exploitée par la société Victory gestion et chaque propriétaire au sein de l'immeuble est lié à l'exploitant par un bail commercial ; elle-même est devenue titulaire des baux commerciaux et a notifié les cessions aux bailleurs,
- les deux ventes sont intervenues au mépris des dispositions de l'article L 145-46-1 du Code de Commerce qui prévoit la nécessité de purger le droit de priorité du locataire commercial et cette obligation d'ordre public est sanctionnée par la nullité de la vente,
- la reconnaissance de l'existence de fonds de commerce exploités par les résidences-services/résidences de tourisme a conduit à l'application de l'ensemble du statut des baux commerciaux aux relations locatives liant le propriétaire des murs à l'exploitant d'une telle résidence ; l'activité de location meublée qui s'accompagne de services devient commerciale lorsqu'elle comprend la mise à disposition de locaux, de meubles, et la fourniture de prestations au service d'un établissement d'hébergement, expressément qualifié de « commercial » par l'article D 321-1 du Code de tourisme,
- les parties ont volontairement convenu de soumettre un bail aux dispositions du statut des baux commerciaux, et il importe peu que les prestations para-hôtelières caractérisant la commercialité de l'activité aient un caractère accessoire ; la soumission au statut, conventionnelle ou légale, emporte soumission à toutes les dispositions impératives du statut,
- le terme « usage » ne renvoie pas exclusivement à la commercialité par nature d'un local, auquel cas les « locaux commerciaux ou artisanaux » auraient été visés par la loi, mais à l'usage auquel il est destiné,,
- l'exploitation qui en faite et celle d'une résidence de tourisme expressément qualifiée d'activité commerciale d'hébergement génératrice d'un fonds de commerce pour l'application du statut, les locaux d'exploitation sont nécessairement des locaux «à usage commercial » et ne sont donc pas visés par l'exclusion légale,
- la nullité n'a pas été couverte par l'exécution volontaire du contrat ; elle n'était pas partie aux ventes litigieuses, il n'est pas demandé la nullité des baux et il était normal qu'elle ait continué à exécuter le bail en sa qualité de locataire.
Mme [K] fait valoir que :
- les locaux n'ayant un usage ni commercial, ni artisanal n'imposent pas un droit de préférence, y compris si le local à usage d'habitation reçoit une exploitation commerciale comme en l'espèce puisque en dépit du bail commercial, ils sont qualifiés de « logements avec partie commune » et non de locaux à usage commercial ou artisanal ; c'est la nature du local pour le propriétaire qui détermine l'applicabilité ou non de l'article L.145.46-1 du Code de Commerce et non l'exploitation qui en est faite par le preneur qui n'entraîne pas un changement de destination du local,
- l'article L.145-46-1 prévoit une exception en cas de cession d'un local au copropriétaire d'un ensemble commercial et la résidence [Adresse 13] a un caractère commercial ; la société Habigestion était, antérieurement aux acquisitions litigieuses, déjà copropriétaire du lot n°168 depuis le 23 février 2017 et l'acquisition du lot 182 doit être considérée comme une cession de local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial,
- la nullité est relative et l'action en nullité irrecevable ; la mise en 'uvre est codifiée aux articles 1181 et 1182 du code civil ; l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ; la société Isis a introduit l'action 18 mois après la naissance du litige et a tacitement renoncé à cette nullité auparavant, elle ne peut soutenir qu'elle ignorait les cessions intervenues dans la mesure où elle a notifié à l'acquéreur son acquisition du fonds de commerce, a répondu aux mises en demeure de la société Habigestion, a réglé les loyers à celle-ci et n'a pas soulevé sa prétention relative au droit de préférence devant le juge des référés, exécutant volontairement le bail la liant à la société Habigestion ce qui vaut confirmation au sens de l'article 1182 du Code Civil et elle aurait dû se prévaloir du droit de préférence dès qu'elle a eu connaissance de la vente intervenue,
- en tout état de cause, elle avait informé la société Victory Gestion de la vente de son bien laquelle devait en informer son repreneur.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 145-46-1 du code de commerce, « Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification. (') »
« Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint».
Selon les articles 1180 et 1181 du code civil, 'La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public. Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat'.
'La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Elle peut être couverte par la confirmation. Si l'action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche pas les autres d'agir'.
En l'espèce, c'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, sans qu'il ne soit nécessaire de les paraphraser, que les premiers juges ont retenu que :
- les dispositions de l'article L 145-46-1 sont applicables en cas de vente par un propriétaire bailleur d'un local dans lequel une activité industrielle, artisanale ou commerciale est exercée,
- les dispositions sur le droit de préférence sont d'ordre public et s'appliquent en l'espèce puisque si, selon le règlement de copropriété qui a valeur contractuelle entre les copropriétaires, les lots sont affectés à l'usage d'habitation, ils étaient exploités par la société Isis en vertu de baux commerciaux, l'occupation des locaux était convenue entre les parties à des fins commerciales (services para-hôteliers consistant en une sous-location meublée des lots en conformité avec les termes du bail commercial soumis à TVA),
- les actes de vente ne mentionnent pas que l'information relative à la cession envisagée ait été portée à la connaissance de la société Isis Molière par les bailleurs de sorte qu'il n'est pas établi que les exigences de l'article susvisé aient été respectées,
- si le règlement de copropriété définit le bien comme un studio à usage d'habitation, dans les rapports entre les parties, le droit concédé est un droit d'exploitation commerciale sous bail commercial à des fins de sous-location meublée de nature commerciale, ce qui est conforme au règlement de copropriété stipulant que les logements étaient destinés à être pris à bail par un exploitant commercial (p41),
- en qualité de locataire commerciale, la société Isis a ainsi été privée de l'exercice de son droit de préférence et les ventes conclues sont donc nulles, le fait d'être propriétaire d'autres lots en copropriété à usage de logement également sous bail commercial ne permet pas d'éviter le droit de préemption et il en est de même du fait que la société d'exploitation ait régularisé le bail avec elle.
Pour confirmer le jugement, répondant aux moyens d'appel, la cour ajoute que :
- il résulte des textes susvisés que c'est la réalité de l'activité exercée qui est le critère déterminant de l'application de l'article L 145-46-1 et l'activité commerciale ne fait pas débat en l'espèce nonobstant les termes du règlement de copropriété ; la nature de cette activité a été contractuellement définie par les parties elles-mêmes, lesquelles ont expressément soumis le bail au statut des baux commerciaux de sorte que les dispositions impératives du statut s'appliquent en conséquence,
- il est inopérant pour la société Immo 21 de faire valoir qu'elle est propriétaire d'un autre lot, ne s'agissant ni d'une cession unique, ni d'une vente à un copropriétaire d'un ensemble commercial caractérisé,
- sur la nullité relative qui serait couverte par l'exécution volontaire du contrat en connaissance de cause, la société Isis n'est pas partie au contrat de vente et par ailleurs, quelque soient ses doléances et sa connaissance du transfert de propriété, elle avait l'obligation de continuer parallèlement à exécuter les clauses du bail de sorte que l'appelante et Mme [K] en peuvent se prévaloir d'une exécution tacite du contrat couvrant le droit de préférence.
C'est en conséquence à juste titre et en application des dispositions impératives susvisées que le tribunal judiciaire a annulé les ventes intervenues d'une part entre Mme [N] et la SNC Habigestion et d'autre part entre les consorts [U] [L] et la société Habigestion, la cour confirmant les dispositions du jugement sur ces annulations et leurs modalités.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
La société Immo 21 fait valoir que :
- l'acquisition de la clause résolutoire porte tant sur les locaux dont la nullité de la cession est demandée que sur le local acquis le 23 février 2017 ; elle est d'application automatique ; le juge ne peut apprécier la gravité du manquement ou refuser de constater son acquisition,
- chacun des baux la liant à la société Isis contient une clause résolutoire, et cette dernière a manqué à ses obligations contractuelles ( fourniture du petit déjeuner, nettoyage des locaux, fourniture de linge de maison et accueil, dans les conditions prévues par l'article 261D du Code Général des Impôts et par l'instruction DGI du 11 avril 1991 permettant l'assujettissement des loyers du présent bail à la TVA),
- la société Isis ne conteste pas n'avoir pas assuré le service petit-déjeuner, la fourniture de linge de maison et le ménage intérieur, ce que les locataires confirment ; que lesdits services ne sont pas visés par les contrats de bail des occupants, que ce soit dans l'article 6 ' décrivant le loyer et les services non compris ' ou dans l'article 16 ' intitulé « Liste des options et pénalités », et ; sur le ménage dans les parties communes qu'il a été confirmé, par trois constats d'huissier successifs, que cette prestation n'était pas assurée ; qu'aucun progrès n'a été fait quant au ménage des parties communes entre la fin d'année 2017 et le 10 décembre 2018 alors que cette prestation est expressément comprise dans les loyers perçus par la société Isis' dont le montant intègre précisément : « l'entretien des parties communes », « les frais de fonctionnement du personnel attaché à la résidence ».
- les nombreux manquements de la société Isis sont ainsi incontestables et intolérables mais le tribunal a surtout fait le choix d'avoir une lecture de ses pièces contraire à ce qu'elles expriment,
- les défaillances non réparées dans le délai du commandement, l'ont exposée à un fort risque de redressement fiscal, (réponse de l'administration fiscale) ; la société Isis n'a pas exécuté ses obligations spécifiques et expressément reconnues comme déterminantes - même si elle en a perçu la rémunération- elle n'a apporté aucune réponse sérieuse au commandement d'exécuter lesdites obligations et visant la clause résolutoire ni proposé de remédier à ses inexécutions.
La société Isis affirme que :
- le bailleur a tenté de résilier le bail de manière amiable et anticipée, ce qu'elle a refusé, venant d'acquérir le fonds de commerce pour un prix conséquent ; face à ce refus, le bailleur a mandaté un huissier « afin de faire constater la réalité des services proposés dans la résidence service »,
- la société Habigestion a ensuite acquis deux autres appartements à son insu, puis, lui a signifié que, à sa connaissance, les services à la clientèle n'étaient pas effectivement réalisés et que faute de respecter cette obligation dans un délai de 30 jours, « les Baux Commerciaux seraient résiliés de plein droit ['] » ; elle a répondu que les services étaient effectivement réalisés,
- le bailleur lui a réclamé de prétendus arriérés loyers, alors que ceux du seul lot dont elle avait connaissance étaient payés ; il était normal que les loyers afférents aux deux autres lots ne soient pas réglés ;
- sur le commandement de respecter les obligations tirées du nées du bail, les pièces adverses sont peu probantes et ne rapportent pas la preuve de l'absence de réalisation effective des prestations litigieuses, l'huissier a été 'piloté' dans les lieux, le gestionnaire n'a pas l'entretien des parties communes, les seuls locataires interrogés sont ceux occupant un logement appartenant à la société Habigestion.
- le rescrit fiscal ne peut être pris en compte, la réponse de l'administration repose sur des éléments adverses incomplets,
- en tout état de cause, le constat d'huissier du 26 octobre 2018 justifie de la fourniture des services, et il convient de suspendre la clause résolutoire et d'accorder des délais rétroactifs correspondant aux dates de régularisation des manquements pour constater que les délais ont été respectés et que la clause n'a pas joué.
Réponse de la cour
Selon l'article 145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.
En l'espèce, le tribunal a, à juste titre, retenu que s'agissant des locaux dont les ventes sont annulées, la clause résolutoire mise en oeuvre par l'acquéreur ne pouvait recevoir application.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Le commandement de payer délivré le 20 février 2018 et concernant les trois lots, portait, s'agissant du lot 168, non pas sur le non paiement de loyers mais uniquement sur l'absence de fourniture de services, ce commandement ayant pour base deux constats d'huissier dressés les 12 juin 2017 et 22 décembre 2017.
S'agissant du local acquis le 23 février 2017, et dont la régularité de la vente n'est donc pas remise en cause (lot 168), le bail comporte une clause résolutoire stipulant que 'en cas de non exécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements, et notamment en cas de non-paiement des loyers à l'une des échéances au delà de deux mois, le bailleur aura la faculté de résilier de plein droit le présent contrat. Cette résiliation interviendra après une mise en demeure ou une sommation restée sans effet pendant une durée d'un mois, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice. Aucune indemnité d'éviction ne sera due'.
Il prévoyait dans son article 3 que le preneur devait fournir en plus de l'hébergement trois des quatre services ou prestations à la clientèle suivants :
- nettoyage régulier des locaux communs ou privatifs
- distribution de petits déjeuners
- fourniture de linge de maison
- réception de la clientèle
ce, dans les conditions de l'article 261D du code général des impôts pour que la location soit soumise à la TVA.
Il est rappelé qu'il résulte des termes de l'article 261 D du Code général des Impôts que :
« Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :
(')
4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.
Toutefois, l'exonération ne s'applique pas :
(')
b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle'.
Les deux constats d'huissier, venant au soutien de la demande d'acquisition de la clause résolutoire ont été dressés afin de faire constater la réalité des services proposés dans la résidence étudiante. Le constat du 12 juin 2017 est composé de photographies commentées illustrant selon l'appelante la vétusté des lieux et l'absence de services (pas d'horaires d'ouverture sur le bureau de la réception, pas de tarifs affichés pour le petit déjeuner et salle de petit déjeuner vide selon les commentaires accompagnant les photographies). Le constat suivant comporte, outre de nouvelles photographies des lieux, le recueil du témoignage de deux occupants affirmant n'avoir reçu aucune proposition de service depuis leur arrivée en juin et septembre 2017.
Le premier constat s'avère toutefois trop succinct et comporte des incertitudes sur l'intégralité des lieux visités.
Concernant le second constat, les témoignages concernent deux locataires d'Habigestion et les questions ne sont pas précisément retranscrites de même que les réponses.
Le non respect par la locataire des obligations du bail commercial au moment de la délivrance du commandement visant la clause résolutoire n'est donc pas clairement établi par ces pièces.
Par ailleurs, il est justifié par la locataire d'un bail contenant un livret d'accueil et prévoyant un service de location de linge de maison et un service de nettoyage d'appartement, et un constat produit pas la société Isis et dressé le 26 octobre 2018 dans une période proche des nouveaux constats dressés sur demande de l'appelante établit la présence d'une réception présentant des signes d'activité avec notamment des horaires d'ouverture et la présence d' un salarié embauché depuis plusieurs années (contrat de travail à l'appui), un contrat de location de linge et un local de blanchisserie, un affichage concernant les petits-déjeuners, le fait que les résidents n'y fassent pas appel ne remettant pas en cause le fait que le service est proposé, une facture de nettoyage des communs et des justificatifs des dépenses d'entretien des parties communes relevant de la copropriété et remis par le syndic, enfin des attestations des résidents (25), lesquels précisent ne pas solliciter les services de petit déjeuner, ni le nettoyage des parties privatives, et l'entretien du linge, outre la confirmation de l'ouverture de la réception aux heures indiquées.
Ces pièces contredisent les éléments adverses et notamment le constat d'huissier du 10 décembre 2018 comportant le seul témoignage d'un occupant déjà entendu le 14 décembre 2017 et des photographies et il découle de l'ensemble de ces éléments que les manquements affirmés par le bailleur ne sont pas confirmés de manière non équivoque par les productions de chacun.
En conséquence, le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a dit, concernant le lot 168, qu'il n'y avait pas lieu de retenir que la clause résolutoire contenue au contrat de bai était invoquée à juste titre et a rejeté la demande de constat de la résiliation de plein droit du bail par jeu de cette clause résolutoire.
Sur les demandes de dommages intérêts
Mme [K] fait valoir un stress important généré par la contestation de la vente tandis que la société Immo 21 fait valoir le risque de redressement fiscal et la stratégie de la société Isis Molière visant à instrumentaliser la voie judiciaire pour échapper à ses obligations.
Réponse de la cour
Compte tenu de ce qui a été jugé supra, les prétentions de la société Isis sont justifiées de sorte qu'aucun comportement fautif préjudiciable à ses adversaires ne justifie les demandes en paiement de dommages intérêts de ces dernières et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les condamnations de première instance à ce titre sont confirmées.
Les dépens d'appel sont à la charge de la société Immo 21, appelante, laquelle succombe sur ses prétentions.
L'équité commande de la condamner à payer à la société Isis la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à rejeter les autres demandes formées en appel sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Immo 21 aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice des conseils en ayant fait la demande,
Condamne la société Immo 21 à payer à la société Isis Molière la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les autres demandes sur le même fondement.
La greffière, La Présidente,