CA Chambéry, 1re ch., 2 septembre 2025, n° 22/02007
CHAMBÉRY
Autre
Autre
NH/SL
N° Minute
[Immatriculation 1]/450
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 02 Septembre 2025
N° RG 22/02007 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HELN
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 5] en date du 11 Mai 2022
Appelante
S.C.I. BATIMENT JVB, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL CHAMBET NICOLAS, avocats au barreau d'ANNECY
Intimées
Société SALSA, dont le siège social est situé [Adresse 2] (FRANCE)
Représentée par la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ANNECY
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES es qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SURL SALSA, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Sans avocat constitué
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Date de l'ordonnance de clôture : 31 Mars 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 mai 2025
Date de mise à disposition : 02 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Suivant acte sous seing privé du 28 Juin 2007, M. et Mme [D] ont consenti à la société Salsa, un bail commercial d'une durée de 9 années à compter du 1er Juillet 2007 et jusqu'au 30 juin 2016, portant sur des locaux sis dans un ensemble immobilier sur le territoire de la commune d'[Localité 6], [Adresse 8] situés au Sud du bâtiment portant le N°51 A, consistant en :
- un local sur deux niveaux, avec rez-de-chaussée de 120 m² et premier étage de 120 m², reliés par un escalier intérieur, avec sanitaires, salles d'eau et WC à chaque niveau,
- l'usage commun des parkings avec obligation de laisser libre le passage pour accéder aux autres parties du bâtiment à disposition des autres occupants de la clientèle.
Par acte d'huissier du 24 février 2017, la société Salsa a sollicité le renouvellement du bail commercial auprès de la SCI JVB venant aux droits des époux [D].
Par acte d'huissier du 7 novembre 2019, la SCI Bâtiment JVB, venant aux droits de la SCI JVB, a fait délivrer à la société Salsa un commandement visant l'article L.145-41 du code de commerce et la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail, et enjoignant à la locataire de :
- Retirer le bardage sur la casquette étanchéité installée sans autorisation afin que la SCI Bâtiment JVB puisse faire procéder aux travaux de réparation d'étanchéité
- Retirer l'intégralité du bardage de la façade installée sans autorisation
- Retirer la terrasse installée sans autorisation
- Payer la somme de 4.917,37 euros.
Par acte d'huissier du 6 décembre 2019, la société Salsa a assigné la SCI Bâtiment JVB devant le tribunal de grande instance d'Annecy, notamment aux fins de voir prononcer la nullité du commandement visant la clause résolutoire délivré le 7 novembre 2019.
Par jugement réputé contradictoire du 11 mai 2022, rendu en présence de la SELARL MJ Alpes appelé en cause en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Salsa, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire d'Annecy, a :
- Débouté la société Salsa de sa demande d'annulation du commandement du 7 novembre 2019 visant la clause résolutoire ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire ;
- Accordé à la société Salsa un délai de 12 mois pour se mettre en conformité ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause résolutoire du bail ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande en paiement de 8.776,68 euros ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de démontage de la terrasse ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de remise en état des grilles de protection au 1er étage ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de retrait de l'alarme volumétrique et de remise au bailleur d'un double des clés de la cage d'escalier de l'immeuble ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage en panneaux publicitaires vierges ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage installé sur la tranche de la casquette ;
- Ordonné le vidage du grenier par la société Salsa ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de ses demandes de condamnation sous astreinte ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB et la société Salsa de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples et contraires ;
- Ordonné le partage des dépens de l'instance par moitié entre la société Salsa et la SCI Bâtiment JVB ;
- Déclaré le jugement commun et opposable à la société MJ Alpes en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Salsa ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Au visa principalement des motifs suivants :
Aucune demande formelle de révision du loyer en application de l'article L 145-38 du code de commerce du loyer n'a été formée par les parties de sorte qu'à défaut d'accord entre elles, les demandes de la SCI Bâtiment JVB tendant au paiement des reliquats de loyer pour les mois de septembre et octobre 2019, de révision sur la base de l'indice ILC et de révision du dépôt de garantie n'apparaissent pas fondées ;
La SCI Bâtiment JVB ne justifie pas des sommes dont elle s'est acquittée au titre des ordures ménagères ;
S'il apparaît que la terrasse a été édifiée avant le renouvellement du bail, la mise en place d'un bardage plastique type « contrecollé Dibond » sur la façade et sur la casquette, constitue une transformation postérieure au renouvellement du bail qui n'a pas été autorisée par le bailleur qui est fondé à solliciter son retrait ;
Le commandement visant la clause résolutoire n'a en conséquence pas été délivré de mauvaise foi et aucune annulation ne peut intervenir.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 2 décembre 2022, intimant l'ensemble des parties, la SCI Bâtiment JVB a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- Débouté la société Salsa de sa demande d'annulation du commandement du 7 novembre 2019 visant la clause résolutoire ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage en panneaux publicitaires vierges ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage installé sur la tranche de la casquette ;
- Ordonné le vidage du grenier par la société Salsa ;
- Déclaré le jugement commun et opposable à la société MJ Alpes en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Salsa.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 18 mars 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Bâtiment JVB sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
- Constater la résiliation de plein droit du bail commercial en date du 28 juin 2007 à la date du 7 décembre 2019 ;
- Déclarer la société Salsa occupante sans droit ni titre depuis le 7 décembre 2019 ;
- Ordonner à la société Salsa ainsi qu'à tout occupant de son chef de quitter les lieux sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dire qu'à défaut par eux de le faire, ils pourront être expulsés par tous moyens de droit avec l'assistance de la force publique si besoin est,
- Ordonner que les objets mobiliers laissés dans les lieux seront transportés dans tel garde-meuble que paiera la bailleresse aux frais de l'expulsé,
Subsidiairement, vu les manquements graves et répétés de la société Salsa aux dispositions du bail,
- Prononcer la résolution judiciaire du bail en date du 28 juin 2007 ;
- Déclarer la société Salsa occupante sans droit ni titre des lieux ;
- Ordonner à la société Salsa ainsi qu'à tout occupant de son chef de quitter les lieux sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et dire qu'à défaut par eux de le faire, ils pourront être expulsés par tous moyens de droit avec l'assistance de la force publique si besoin est ;
- Ordonner que les objets mobiliers laissés dans les lieux seront transportés dans le tel garde-meuble que paiera la bailleresse aux frais de l'expulsé ;
En toute hypothèse,
- Condamner la société Salsa à lui payer les sommes suivantes :
- 1.680,85 euros au titre de la TOM, outre intérêts de droit à compter du 7 décembre 2019,
- 8.720,88 euros au titre des pénalités contractuelles, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir ;
- Juger que l'indice du coût de la construction (ICC) doit s'appliquer à la révision du loyer à compter du 24 février 2017 ;
Par conséquent,
- Condamner la société Salsa à lui payer les sommes suivantes :
- 26.980,60 euros au titre des arriérés des loyers, outre intérêts de droit à compter du 7 décembre 2019,
- 3.226,08 euros au titre du dépôt de garantie ;
A défaut,
- Juger que l'indice des loyers commerciaux (ILC) s'applique à la révision de loyer à compter du 24 février 2017 ;
Par conséquent,
- Condamner la société Salsa à lui verser les sommes suivantes :
- 15.105,98 euros au titre des arriérés des loyers, outre intérêts de droit à compter du 7 décembre 2019,
- 2.146,02 euros au titre du dépôt de garantie ;
- Ordonner à la société Salsa de :
- Procéder à la remise en place des grilles de protection de la porte au premier étage,
- Procéder au démontage la terrasse,
- Procéder à la libération de l'escalier du bâtiment, à l'enlèvement de l'alarme volumétrique et à la remise des clés de la porte extérieure donnant sur l'escalier ;
- Condamner la société Salsa à procéder à ces remises en l'état ainsi qu'à celles prévues dans le jugement du 11 mai 2022 (démontage du bardage en panneaux publicitaires vierges, démontage du bardage installé sur la tranche de la casquette, vidage du grenier) sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification par voie d'huissier à intervenir ;
- Débouter la société Salsa de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner la société Salsa à lui verser la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner enfin la même aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Bâtiment JVB fait notamment valoir que :
La société Salsa a commis divers manquements : défaut de paiement des loyers incluant indexation, défaut de paiement de la taxe sur les ordures ménagères, pose d'un bardage et d'une terrasse sans autorisation et occupation des combles, qui justifient la mise en oeuvre de la clause résolutoire et à tout le moins le prononcé de la résiliation du bail,
Ces manquements lui ont par ailleurs causé d'importants préjudices dont elle est fondée à demander réparation.
Par dernières écritures du 27 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Salsa demande à la cour de :
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande en la nullité du commandement visant la clause résolutoire délivré le 7 novembre 2019 ;
- Débouter la SCI Bâtiment JVB de l'ensemble de ses demandes, moyens de défense et de son appel ;
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI Bâtiment JVB de ses demandes :
- En dommages et intérêts,
- En paiement de la somme de 8.776,68 euros,
- En démontage de la terrasse,
- En remise en état des grilles de protection au 1er étage,
- En retrait de l'alarme volumétrique et de remise au bailleur d'un double des clefs de la cage d'escalier de l'immeuble,
- En condamnation sous astreinte,
- En constatation de la clause résolutoire,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a ordonné :
- le démontage du bardage en panneaux publicitaires vierges,
- le démontage du bardage sur la tranche de dalle,
- le vidage du grenier ;
- En tout état de cause, débouter la SCI Bâtiment JVB de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et lui accorder, un délai de 12 mois pour lever les griefs qui seraient retenus à son encontre ;
- Débouter la SCI Bâtiment JVB de sa demande en résiliation judiciaire du bail ;
- Condamner la SCI Bâtiment JVB à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la même aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Salsa fait notamment valoir que :
Les causes du commandement délivré visant la clause résolutoire sont infondées dès lors que le bardage est démontable de sorte que sa pose ne nécessitait pas d'autorisation, que l'installation de la terrasse a été validée par le propriétaire et est en tout état de cause antérieure au renouvellement du bail, que le bardage est conforme à celui posé par les autres commerces occupant le même bâtiment et que les sommes réclamées ne sont pas justifiées ;
Le commandement a été délivré de mauvaise foi par la SCI Bâtiment JVB sous des prétextes fallacieux ;
L'acquisition de la clause résolutoire serait excessive au regard des griefs formulés à son encontre, et elle doit pouvoir bénéficier d'un délai pour régulariser et lever les griefs allégués s'il y a lieu.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 31 mars 2025 a clôturé l'instruction de la procédure et l'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2025.
Motifs de la décision
I - Sur la demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'
Le bail liant les parties comporte une clause résolutoire prévoyant 'qu'à défaut de paiement d'un seul terme à son échéance exacte ou d'exécution d'une seule de ses clauses et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécuter, rappelant la présente clause et resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur (...)'.
Le commandement litigieux, délivré le 7 novembre 2019 rappelle les dispositions précitées et les termes de la clause résolutoire et fait commandement à la locataire de:
'- retirer le bardage sur la casquette étanchéité installée sans autorisation afin que la société Bâtiment JVB puisse faire procéder aux travaux de réparation d'étanchéité,
- de retirer l'intégralité du bardage de la façade installé sans autorisation,
- de retirer la terrasse installée sans autorisation,
- de payer au requérant la somme de :
~ principal : 4729 euros
~ coût du présent acte : 188,09 euros'
A) Sur le bardage
Le bail liant les parties énonce en page 4 sous l'intitulé 'Enseigne' que 'le preneur ne pourra modifier et poser aucune enseigne, plaque, ou tout autre objet sur les façades de l'immeuble, sans avoir obtenu le consentement préalable exprès et par écrit du bailleur'.
Si la SARL Salsa ne justifie pas d'un tel accord exprès et écrit, il résulte sans ambiguïté du courrier de la SCI JVB en date du 2 avril 2013, par lequel celle-ci lui demande de lui adresser les factures des entreprises intervenues pour les travaux réalisés en 2007 concernant notamment 'l'installation d'un bardage sur la façade', que le bailleur a consenti aux dits travaux de pose de bardage, réalisés dès 2007. Cette réalisation fait écho aux termes du bail selon lesquels 'le bailleur a d'ores et déjà autorisé la réalisation de travaux à effectuer par le preneur pour son installation'.
La pose du bardage, intervenue dès la prise à bail en 2007, est par ailleurs connue de la société bailleresse et entérinée par cette dernière au moment du renouvellement du bail intervenu en février 2017.
Au besoin, il peut être relevé que dans son courrier du 27 août 2018 faisant suite aux travaux d'étanchéité de la casquette, la SCI JVB admet que le bardage doit être 'reposé'et donne les directives pour ce faire en ce compris un schéma faisant apparaître tant le bardage en rive de casquette, que le bardage se trouvant sur la façade du bâtiment. Ce courrier confirme non seulement la connaissance de ce bardage mais également l'acceptation du bailleur qui fixe les règles pour la repose de cet élément.
Dès lors que la pose du bardage a été validée par le bailleur et entérinée par le renouvellement du bail, il importe peu que le bardage ait ensuite été repris dans une autre qualité, la société Bâtiment JVB ne justifiant d'aucune exigence en la matière sinon de couleur, respectée, et le bardage étant en tout état de cause démontable en fin de bail au besoin.
Dès lors, ni la dépose du bardage de la casquette -dont il peut surabondamment être constaté qu'il ne nuit pas à l'étanchéité à dire d'expert-, ni la dépose du bardage en façade, ne peut être exigée de la société Salsa et ne pouvait l'être lors de la délivrance du commandement du 7 novembre 2019.
B) Sur la terrasse
Alors qu'elle a une connaissance certaine de l'existence de cette terrasse depuis sa réalisation en 2012 et à tout le moins depuis son courrier du 2 avril 2013, il est particulièrement surprenant de lire sous la plume de la bailleresse dans un courrier adressé à sa locataire le 28 juillet 2017, qu'elle s'est 'rendue compte à notre grande surprise que vous vous étiez permise d'édifier une terrasse en bois de 18m de long par 2,70m de large sans autorisation aucune et en contravention avec les clauses de votre bail'. Ce courrier traduit sur ce point une mauvaise foi certaine.
Il résulte du courrier du 2 avril 2013 déjà visé ci-avant, que la terrasse en bois édifiée le long de la vitrine du magasin Salsa, a été réalisée au plus tard courant 2012, ce même courrier validant la réalisation dont rien ne permet d'affirmer qu'elle est postérieure au renouvellement du bail, la mention 'fin 2012" dans ce courrier pouvant s'appliquer aux seules modifications des enseignes.
La présence de cette terrasse, par ailleurs démontable en fin de bail et disposant d'une trappe d'accès aux compteurs et canalisations ainsi que l'établit le procès-verbal de constat du 26 juillet 2022, ne pouvait donc fonder le commandement délivré le 7 novembre 2019.
C) Sur les sommes dues à la date de délivrance du commandement
Ce commandement vise les sommes suivantes :
- reliquat loyer septembre : 61,27 euros,
- reliquat loyer octobre : 61,27 euros,
- révision loyer ILC : 51,67 euros
- révision dépôt de garantie : 1.313, 91 euros
- TOM : 134,73 euros,
- loyer de novembre 2019 : 2.925,26 euros.
Il résulte de l'examen de l'ordre de virement produit en pièce 11 par l'intimée, qu'elle a procédé au paiement du loyer de novembre 2019 le 6 novembre 2019 soit avant délivrance du commandement et avec seulement un jour de retard sur le délai contractuel, pour un montant de 2.845,67 euros de sorte qu'était due tout au plus à la délivrance du commandement, la somme de 61,27 euros correspondant au 'reliquat' dont il sera traité ci-après.
S'agissant de la taxe sur les ordures ménagères, sa prise en charge par le preneur est bien prévue par le bail commercial liant les parties. Si la société JVB produit en cause d'appel l'avis d'impôt 2019 concernant la taxe foncière, force est de constater que le montant de la taxe sur les ordures ménagères est globale pour l'ensemble du bâtiment. Elle opère certes un prorata tenant compte de la surface louée (240m²) mais rien ne permet à la cour de connaître la surface totale du bâtiment, dont on peut observer qu'elle augmente en 2020 sur le tableau récapitulatif produit en pièce 46 bis, passant de 1113 m² à 1196 m², sans explication sur ce point. De la même manière on peut noter qu'alors que deux autres locataires occupent le rez de chaussée et que la bailleresse évoque un lieu d'accueil d'enfants au deuxième étage, les lots donnant lieu à imposition à compter de 2022 sont seulement au nombre de trois (51A, 51B et 51C).Pour autant, alors que le même prorata est appliqué en 2020, la locataire s'est acquittée de la somme réclamée de sorte que la clef de calcul peut être retenue pour 2019.
S'agissant de la TOM 2019 -distincte de la redevance spéciale d'enlèvement des ordures ménagères évoquée par la société Salsa- son paiement a été appelé pour la première fois par courrier daté du 7 octobre 2019 dont la date de réception n'est pas déterminable, la bailleresse s'en étant elle même acquittée le 6 octobre 2019, de sorte que, si elle était bien due au 7 novembre 2019, cette taxe, d'un montant de 134,73 euros soit 4,6% du montant du loyer mensuel, ne pouvait de bonne foi donner lieu à commandement de payer visant la clause résolutoire.
Les autres sommes visées au commandement correspondent à des reliquats liés à l'application de l'indexation du loyer et s'élèvent à un total de 174,21 euros s'agissant des loyers et 1.313,91 euros s'agissant du dépôt de garantie (outre 61,27 euros au titre du loyer de novembre 2019).
Le contrat de bail prévoit à cet égard que 'le loyer sera révisé chaque année, à la date anniversaire de l'entrée en jouissance du présent bail, en fonction de la variation annuelle en plus ou en moins, de l'indice national du coût de la construction tel qu'il est établi par l'Institut [7] de la statistique et des Etudes économiques (...)'. Si la loi du 18 juin 2014 a substitué à cet indice, celui du coût des loyers pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, elle ne prévoit pas pour autant que l'application de l'ILC serait d'ordre public et interdirait aux parties d'appliquer l'ICC, qui n'a pas disparu. Il est par ailleurs indéniable qu'en 2019, le bail avait été renouvelé pour la dernière fois en 2012, soit avant l'entrée en vigueur de cette loi et n'était pas soumis à l'ILC. Il peut à cet égard être constaté que la bailleresse avait fait application de l'ICC pour l'indexation survenue en 2018, portant le loyer à 2.845,60 euros, montant dont la locataire s'est acquittée sans contester le calcul de l'indexation, ni manifestement, des précédentes calculées depuis 2014 selon le même mode.
L'application de l'ICC pour le calcul de l'indexation annuelle des loyers , distincte de la révision triennale invoquée en vain par la société Salsa, résulte du contrat librement souscrit par les parties et n'a pas été remise en cause entre 2014 et 2019, témoignant de leur accord qui ne peut être contesté à l'occasion du changement de propriétaire du bien.
Dès lors, il était dû, à compter du loyer de juillet 2019, la somme mensuelle de 2906,94 euros. La société Salsa ne conteste pas qu'en septembre et octobre 2019, elle ne s'est acquittée que de la somme de 2.845,67 euros, correspondant au loyer 2018/2019. Elle était dès lors débitrice, à la date de délivrance du commandement, de la somme de 122,54 euros (2.906,94-2.845,67 = 61,27 x 2). La société Salsa était avisée de ce nouveau montant dès le 24 juin 2019, date d'émission de la facture de révision du loyer comportant le calcul de l'indexation, complétée par le courriel du 2 août 2019 lui rappelant le montant désormais dû et elle en était dès lors parfaitement informée au moment de s'acquitter des loyers de septembre et octobre, dont les factures transmises les 17 août et 25 septembre, comportaient le montant résultant de l'indexation expliquée en juin. Elle n'était cependant pas débitrice de la somme de 51,67 euros, correspondant à l'indexation sur la base de l'ILC. Elle restait par ailleurs redevable du même reliquat de 61,27 euros au titre du loyer de novembre acquitté à hauteur de 2.845,67 euros.
L'application de l'ICC au dépôt de garantie afin que ce dernier correspondent à 3 mois de loyer conformément au contrat, conduit à un montant de 7.267,42 euros (6.000 x 1.703/1406) et donc une somme due de 1.267,42 euros et non pas 1.313,91 euros qui correspond à l'application de l'ILC.
Ainsi, à la date de délivrance du commandement, la société Salsa était débitrice de la somme totale de 1.585,96 euros (134,73 + 183,81 + 1.267,42) et non pas 4.729,28 euros.
S'il est acquis que l'erreur sur le montant de la créance n'entraîne pas la nullité du commandement, il est également de jurisprudence constante que le commandement délivré de mauvaise foi ne produit aucun effet ( 3e Civ., 13 mai 1997, pourvoi n° 95-17.172, Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 22-16.216, Cass. civ. 3, 25 octobre 2018, n° 17-17.384, Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-25.087).
Il a été retenu ci-avant que les manquements allégués tenant à la mise en place d'un bardage et d'une terrasse, étaient sans fondement et que la bailleresse en avait connaissance depuis leur mise en oeuvre, les avait autorisés et à tout le moins validés par le renouvellement du bail soit au moins 4 ans avant la délivrance du commandement. S'agissant des sommes réclamées, elles n'étaient dues que dans la limite du tiers d'entre elles, le loyer de novembre, avait été payé à la date du commandement, depuis le 6 novembre alors que le bailleur lui-même avait pu indiquer par mail souhaiter un règlement au 10 du mois indépendamment des clauses du bail, en outre, à l'exclusion des 183,81 euros correspondant à la révision du loyer, les autres sommes réclamées n'avaient été sollicitées que par courriers du 14 octobre 2019, soit trois semaines avant la délivrance du commandement alors que dans le même temps, le loyer courant, tel que résultant de l'indexation 2018, était réglé et qu'il n'est justifié d'aucun manquement ou retard antérieur et qu'une discussion était en cours entre les parties sur le calcul de l'indexation.
Ces éléments, pris ensemble, permettent de retenir que le commandement a été délivré de mauvaise foi et dès lors, il ne peut produire effet. En conséquence, les demandes tendant à voir constater la résiliation du bail et les demandes subséquentes, ne peuvent qu'être rejetées.
II - Sur la demande de résiliation judiciaire du bail
En application des dispositions de l'article 1224 du code civil, la résolution du contrat peut être prononcée par le juge en cas d'inexécution suffisamment grave de ses obligations par l'une des parties.
Il est rappelé que les manquements invoqués concernant le bardage et la terrasse ne sont pas constitués.
S'agissant de l'occupation des combles/grenier, dont il n'est pas contesté qu'ils ne font pas partie des locaux loués, la société Bâtiment JVB produit aux débats des photographies, non authentifiées (pièce 18) dont elle indique qu'elles auraient été prises 'lors de son acquisition' qui font apparaître divers cartons et appareils pouvant être des radiateurs électriques, dans les combles, en périphérie, l'espace central étant vide. Le procès-verbal de constat en date du 5 mars 2021, permet de constater que les cartons ne sont plus présents à la différence des radiateurs et que des blocs de matériau isolant sont également visibles. Le procès-verbal de constat produit par la société Salsa, dressé le 26 juillet 2022, fait apparaître que les combles ont été vidés, seuls apparaissant sur les photographies les blocs de matériau isolant dont rien ne permet de retenir qu'ils ont été entreposés par la société Salsa.
S'agissant du retrait des grilles de protection qui paraient les fenêtres à la prise de jouissance en 2007, les diverses photographies et constats produits par les parties permettent de constater, ainsi que l'a relevé le premier juge, qu'il était connu du bailleur depuis l'origine et est intervenu en tout état de cause avant le renouvellement du bail, le bardage initialement posé couvrant d'ailleurs ses ouvertures, de sorte que la société Bâtiment JVB ne peut plus s'en prévaloir.
Concernant l'escalier, le bail indique qu'il porte sur 'un local sur deux niveaux, avec rez de chaussée de 120 m² et premier étage de 120 m², reliés par un escalier intérieur, avec sanitaires, salles d'eau et wc à chaque niveau'. Contrairement aux affirmations de la société Bâtiment JVB, l'escalier est clairement qualifié d'intérieur et non d'extérieur. Le procès-verbal de constat (pièce appelante 31) dressé le 5 mars 2021permet en outre de constater qu'une seule porte se trouve sur le pallier du 1er étage, qui donne par ailleurs accès aux combles non utilisés et qualifiés de techniques par la société Bâtiment JVB, de sorte que l'on peine à comprendre quels locaux elle occuperait personnellement au deuxième étage et dont l'accès lui serait interdit par la société Salsa. Il n'est du reste justifié d'aucune difficulté ou interdiction d'accès aux combles, ni même d'une demande en ce sens de la part de JVB qui se serait heurtée à une difficulté. Le manquement allégué n'est pas démontré.
S'agissant des loyers, il a été retenu ci-avant qu'ils étaient indexables sur la base de l'indice du coût de la construction. Ainsi, le montant des loyers s'établit comme suit :
- de juillet 2019 à juin 2020, indice 1703 : 2.906,94 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 34.883,28 euros
- de juillet 2020 à juin 2021, indice 1769 : 3.019,60 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 36.235,20 euros
- de juillet 2021 à juin 2022, indice 1795 : 3.063,98 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 36.767,77 euros
- de juillet 2022 à juin 2023, indice 1886 : 3.219,31 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 38.631,72 euros
- de juillet 2023 à juin 2024, indice 2052 : 3.502,66 euros TTC, soit un total pour les douze mois de 42.031,92 euros
- de juillet 2024 à mars 2025, indice 2162 : 3.690,42 euros TTC, soit un total pour les 9 mois de 33.213,78 euros,
Ainsi, pour la période ayant couru du mois de juillet 2019 au mois de mars 2025 inclus, la société Salsa était redevable de loyers à hauteur de 221.763,67 euros.
Dans le même temps, la société Salsa dont l'ensemble des paiements allégués est pris en compte dans le décompte de la société Bâtiment JVB (pièce 51 bis), a réglé pour les loyers, un total de 194.783,40 euros.
Il reste dès lors dû, en règlement des loyers, la somme de 26.980,27 euros.
Concernant la taxe sur les ordures ménagères, la société Salsa justifie avoir adressé à son bailleur, le 23 mars 2025, un courrier comportant une contestation des surfaces prises en compte s'agissant de l'espace de stationnement et un calcul correctif à l'issue duquel la société locataire a établi et transmis des chèques des montants dont elle s'estime redevable. La société Bâtiment JVB ne s'explique pas sur cette contestation, n'indique pas que les chèques auraient été non provisionnés mais ne prend pas en compte pour autant les paiements intervenus. Ces éléments, qui s'ajoutent à ceux déjà relevés par la cour concernant l'imputation de la taxe foncière, rendent la créance à cet égard incertaine et aucun manquement lié au défaut de paiement allégué de la TOM ne peut être retenu.
Ainsi, peut être reproché à la société Salsa le défaut de paiement de la somme de 26.980,27 euros au titre des loyers, sur une période de 4 ans et 6 mois, étant observé que le décompte est au plus tard arrêté au 18 mars 2025 (date de la notification des écritures et pièces) de sorte que pour ce mois, la réalité du retard est incertaine. Il n'est pas contestable que le paiement des loyers constitue l'obligation principale du locataire et que le défaut de paiement est donc un manquement grave aux obligations nées du bail. Cependant, il peut être relevé que la société Salsa, à l'exclusion des mois de mars, avril et mai 2020 qui n'ont été payés qu'en avril 2021, règle une part importante du loyer, correspondant au montant non indexé, au mois le mois ou avec un retard très limité. Par ailleurs, une partie conséquente de l'arriéré soit 25.424,17 euros, correspond à l'indexation en litige entre les parties depuis l'introduction de l'instance de sorte que, alors que le premier juge a considéré qu'aucune indexation ne pouvait s'appliquer, aucun manquement ne peut s'évincer du défaut de paiement correspondant à ladite indexation.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement grave n'est démontré qui justifierait de prononcer la résiliation du bail et la société JVB Bâtiment sera déboutée de sa demande de ce chef.
VI - Sur les demandes en paiement
1) Au titre des loyers
Ainsi qu'il a été vu ci-avant, la société salsa est débitrice d'un arriéré de loyer, arrêté à 26.980,60 euros au mois de mars 2025. Elle sera condamnée au paiement de cette somme en deniers et quittance et outre intérêts à compter du présent arrêt qui retient pour la première fois l'indexation applicable.
2) Au titre du dépôt de garantie
Le contrat prévoit que le dépôt de garantie doit correspondre à 3 mois de loyer afin de protéger le bailleur du risque d'impayé et de dégradations. Le dépôt de garantie devrait s'élever à 3 mois de loyers hors taxes soit 3 x 3.075,35 euros soit 9.226,08 euros et seuls 6.000 euros ont été versés, la société Salsa sera donc condamnée à verser à sa propriétaire la somme de 3.226,08 euros outre intérêts à compter du présent arrêt.
3) Au titre de la taxe sur les ordures ménagères
Les développements ci-avant conduisent à rejeter la demande de la société Bâtiment JVB au titre de la taxe sur les ordures ménagères.
4) Au titre des pénalités contractuelles
Le contrat de bail prévoit une telle pénalité en cas de constat de la résolution du fait de la mise en oeuvre de la clause résolutoire ou en cas de prononcé de la résiliation aux torts du preneur. Les conditions contractuelles n'étant pas remplies, la demande ne peut aboutir.
VII - Sur les demandes de remise en état, retrait et démontage
En l'absence de manquement de la société Salsa ainsi qu'il a été constaté ci-avant, ces demandes ne peuvent prospérer.
VIII - Sur les mesures accessoires
La société Bâtiment JVB qui succombe pour l'essentiel en son appel, supportera la charge des dépens. Chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- Débouté la société Salsa de sa demande d'annulation du commandement du 7 novembre 2019 visant la clause résolutoire ;
- Accordé à la société Salsa un délai de 12 mois pour se mettre en conformité ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage en panneaux publicitaires vierges ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage installé sur la tranche de la casquette ;
- Rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples et contraires ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que le commandement en date du 7 novembre 2019 ne peut produire effet à l'encontre de la société Salsa,
Déboute la SCI Bâtiment JVB de sa demande tendant au prononcé de la résiliation du bail liant les parties,
Dit que le loyer est indexé sur la base de l'indice du coût de la construction,
Condamne la SARL Salsa à payer à la SCI Bâtiment JVB, en deniers et quittances :
- 26.980,60 euros au titre de l'arriéré locatif à la date du mois de mars 2025 (loyer de mars inclus)
- 3.226,08 euros au titre du dépôt de garantie indexé,
Dit que ces condamnations produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute la SARL Bâtiment JVB de toutes ses autres demandes,
Ajoutant,
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SCI Bâtiment JVB aux dépens d'appel.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie simple et exécutoire délivrée le 02 septembre 2025
à
la SELARL CHAMBET [V]
la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES
N° Minute
[Immatriculation 1]/450
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 02 Septembre 2025
N° RG 22/02007 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HELN
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 5] en date du 11 Mai 2022
Appelante
S.C.I. BATIMENT JVB, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL CHAMBET NICOLAS, avocats au barreau d'ANNECY
Intimées
Société SALSA, dont le siège social est situé [Adresse 2] (FRANCE)
Représentée par la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ANNECY
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES es qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SURL SALSA, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Sans avocat constitué
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 31 Mars 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 mai 2025
Date de mise à disposition : 02 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Suivant acte sous seing privé du 28 Juin 2007, M. et Mme [D] ont consenti à la société Salsa, un bail commercial d'une durée de 9 années à compter du 1er Juillet 2007 et jusqu'au 30 juin 2016, portant sur des locaux sis dans un ensemble immobilier sur le territoire de la commune d'[Localité 6], [Adresse 8] situés au Sud du bâtiment portant le N°51 A, consistant en :
- un local sur deux niveaux, avec rez-de-chaussée de 120 m² et premier étage de 120 m², reliés par un escalier intérieur, avec sanitaires, salles d'eau et WC à chaque niveau,
- l'usage commun des parkings avec obligation de laisser libre le passage pour accéder aux autres parties du bâtiment à disposition des autres occupants de la clientèle.
Par acte d'huissier du 24 février 2017, la société Salsa a sollicité le renouvellement du bail commercial auprès de la SCI JVB venant aux droits des époux [D].
Par acte d'huissier du 7 novembre 2019, la SCI Bâtiment JVB, venant aux droits de la SCI JVB, a fait délivrer à la société Salsa un commandement visant l'article L.145-41 du code de commerce et la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail, et enjoignant à la locataire de :
- Retirer le bardage sur la casquette étanchéité installée sans autorisation afin que la SCI Bâtiment JVB puisse faire procéder aux travaux de réparation d'étanchéité
- Retirer l'intégralité du bardage de la façade installée sans autorisation
- Retirer la terrasse installée sans autorisation
- Payer la somme de 4.917,37 euros.
Par acte d'huissier du 6 décembre 2019, la société Salsa a assigné la SCI Bâtiment JVB devant le tribunal de grande instance d'Annecy, notamment aux fins de voir prononcer la nullité du commandement visant la clause résolutoire délivré le 7 novembre 2019.
Par jugement réputé contradictoire du 11 mai 2022, rendu en présence de la SELARL MJ Alpes appelé en cause en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Salsa, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire d'Annecy, a :
- Débouté la société Salsa de sa demande d'annulation du commandement du 7 novembre 2019 visant la clause résolutoire ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire ;
- Accordé à la société Salsa un délai de 12 mois pour se mettre en conformité ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause résolutoire du bail ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande en paiement de 8.776,68 euros ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de démontage de la terrasse ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de remise en état des grilles de protection au 1er étage ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de sa demande de retrait de l'alarme volumétrique et de remise au bailleur d'un double des clés de la cage d'escalier de l'immeuble ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage en panneaux publicitaires vierges ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage installé sur la tranche de la casquette ;
- Ordonné le vidage du grenier par la société Salsa ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB de ses demandes de condamnation sous astreinte ;
- Débouté la SCI Bâtiment JVB et la société Salsa de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples et contraires ;
- Ordonné le partage des dépens de l'instance par moitié entre la société Salsa et la SCI Bâtiment JVB ;
- Déclaré le jugement commun et opposable à la société MJ Alpes en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Salsa ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Au visa principalement des motifs suivants :
Aucune demande formelle de révision du loyer en application de l'article L 145-38 du code de commerce du loyer n'a été formée par les parties de sorte qu'à défaut d'accord entre elles, les demandes de la SCI Bâtiment JVB tendant au paiement des reliquats de loyer pour les mois de septembre et octobre 2019, de révision sur la base de l'indice ILC et de révision du dépôt de garantie n'apparaissent pas fondées ;
La SCI Bâtiment JVB ne justifie pas des sommes dont elle s'est acquittée au titre des ordures ménagères ;
S'il apparaît que la terrasse a été édifiée avant le renouvellement du bail, la mise en place d'un bardage plastique type « contrecollé Dibond » sur la façade et sur la casquette, constitue une transformation postérieure au renouvellement du bail qui n'a pas été autorisée par le bailleur qui est fondé à solliciter son retrait ;
Le commandement visant la clause résolutoire n'a en conséquence pas été délivré de mauvaise foi et aucune annulation ne peut intervenir.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 2 décembre 2022, intimant l'ensemble des parties, la SCI Bâtiment JVB a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :
- Débouté la société Salsa de sa demande d'annulation du commandement du 7 novembre 2019 visant la clause résolutoire ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage en panneaux publicitaires vierges ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage installé sur la tranche de la casquette ;
- Ordonné le vidage du grenier par la société Salsa ;
- Déclaré le jugement commun et opposable à la société MJ Alpes en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Salsa.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 18 mars 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Bâtiment JVB sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :
- Constater la résiliation de plein droit du bail commercial en date du 28 juin 2007 à la date du 7 décembre 2019 ;
- Déclarer la société Salsa occupante sans droit ni titre depuis le 7 décembre 2019 ;
- Ordonner à la société Salsa ainsi qu'à tout occupant de son chef de quitter les lieux sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dire qu'à défaut par eux de le faire, ils pourront être expulsés par tous moyens de droit avec l'assistance de la force publique si besoin est,
- Ordonner que les objets mobiliers laissés dans les lieux seront transportés dans tel garde-meuble que paiera la bailleresse aux frais de l'expulsé,
Subsidiairement, vu les manquements graves et répétés de la société Salsa aux dispositions du bail,
- Prononcer la résolution judiciaire du bail en date du 28 juin 2007 ;
- Déclarer la société Salsa occupante sans droit ni titre des lieux ;
- Ordonner à la société Salsa ainsi qu'à tout occupant de son chef de quitter les lieux sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et dire qu'à défaut par eux de le faire, ils pourront être expulsés par tous moyens de droit avec l'assistance de la force publique si besoin est ;
- Ordonner que les objets mobiliers laissés dans les lieux seront transportés dans le tel garde-meuble que paiera la bailleresse aux frais de l'expulsé ;
En toute hypothèse,
- Condamner la société Salsa à lui payer les sommes suivantes :
- 1.680,85 euros au titre de la TOM, outre intérêts de droit à compter du 7 décembre 2019,
- 8.720,88 euros au titre des pénalités contractuelles, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir ;
- Juger que l'indice du coût de la construction (ICC) doit s'appliquer à la révision du loyer à compter du 24 février 2017 ;
Par conséquent,
- Condamner la société Salsa à lui payer les sommes suivantes :
- 26.980,60 euros au titre des arriérés des loyers, outre intérêts de droit à compter du 7 décembre 2019,
- 3.226,08 euros au titre du dépôt de garantie ;
A défaut,
- Juger que l'indice des loyers commerciaux (ILC) s'applique à la révision de loyer à compter du 24 février 2017 ;
Par conséquent,
- Condamner la société Salsa à lui verser les sommes suivantes :
- 15.105,98 euros au titre des arriérés des loyers, outre intérêts de droit à compter du 7 décembre 2019,
- 2.146,02 euros au titre du dépôt de garantie ;
- Ordonner à la société Salsa de :
- Procéder à la remise en place des grilles de protection de la porte au premier étage,
- Procéder au démontage la terrasse,
- Procéder à la libération de l'escalier du bâtiment, à l'enlèvement de l'alarme volumétrique et à la remise des clés de la porte extérieure donnant sur l'escalier ;
- Condamner la société Salsa à procéder à ces remises en l'état ainsi qu'à celles prévues dans le jugement du 11 mai 2022 (démontage du bardage en panneaux publicitaires vierges, démontage du bardage installé sur la tranche de la casquette, vidage du grenier) sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification par voie d'huissier à intervenir ;
- Débouter la société Salsa de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner la société Salsa à lui verser la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner enfin la même aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Bâtiment JVB fait notamment valoir que :
La société Salsa a commis divers manquements : défaut de paiement des loyers incluant indexation, défaut de paiement de la taxe sur les ordures ménagères, pose d'un bardage et d'une terrasse sans autorisation et occupation des combles, qui justifient la mise en oeuvre de la clause résolutoire et à tout le moins le prononcé de la résiliation du bail,
Ces manquements lui ont par ailleurs causé d'importants préjudices dont elle est fondée à demander réparation.
Par dernières écritures du 27 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Salsa demande à la cour de :
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande en la nullité du commandement visant la clause résolutoire délivré le 7 novembre 2019 ;
- Débouter la SCI Bâtiment JVB de l'ensemble de ses demandes, moyens de défense et de son appel ;
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI Bâtiment JVB de ses demandes :
- En dommages et intérêts,
- En paiement de la somme de 8.776,68 euros,
- En démontage de la terrasse,
- En remise en état des grilles de protection au 1er étage,
- En retrait de l'alarme volumétrique et de remise au bailleur d'un double des clefs de la cage d'escalier de l'immeuble,
- En condamnation sous astreinte,
- En constatation de la clause résolutoire,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a ordonné :
- le démontage du bardage en panneaux publicitaires vierges,
- le démontage du bardage sur la tranche de dalle,
- le vidage du grenier ;
- En tout état de cause, débouter la SCI Bâtiment JVB de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et lui accorder, un délai de 12 mois pour lever les griefs qui seraient retenus à son encontre ;
- Débouter la SCI Bâtiment JVB de sa demande en résiliation judiciaire du bail ;
- Condamner la SCI Bâtiment JVB à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la même aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Salsa fait notamment valoir que :
Les causes du commandement délivré visant la clause résolutoire sont infondées dès lors que le bardage est démontable de sorte que sa pose ne nécessitait pas d'autorisation, que l'installation de la terrasse a été validée par le propriétaire et est en tout état de cause antérieure au renouvellement du bail, que le bardage est conforme à celui posé par les autres commerces occupant le même bâtiment et que les sommes réclamées ne sont pas justifiées ;
Le commandement a été délivré de mauvaise foi par la SCI Bâtiment JVB sous des prétextes fallacieux ;
L'acquisition de la clause résolutoire serait excessive au regard des griefs formulés à son encontre, et elle doit pouvoir bénéficier d'un délai pour régulariser et lever les griefs allégués s'il y a lieu.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 31 mars 2025 a clôturé l'instruction de la procédure et l'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2025.
Motifs de la décision
I - Sur la demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'
Le bail liant les parties comporte une clause résolutoire prévoyant 'qu'à défaut de paiement d'un seul terme à son échéance exacte ou d'exécution d'une seule de ses clauses et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécuter, rappelant la présente clause et resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur (...)'.
Le commandement litigieux, délivré le 7 novembre 2019 rappelle les dispositions précitées et les termes de la clause résolutoire et fait commandement à la locataire de:
'- retirer le bardage sur la casquette étanchéité installée sans autorisation afin que la société Bâtiment JVB puisse faire procéder aux travaux de réparation d'étanchéité,
- de retirer l'intégralité du bardage de la façade installé sans autorisation,
- de retirer la terrasse installée sans autorisation,
- de payer au requérant la somme de :
~ principal : 4729 euros
~ coût du présent acte : 188,09 euros'
A) Sur le bardage
Le bail liant les parties énonce en page 4 sous l'intitulé 'Enseigne' que 'le preneur ne pourra modifier et poser aucune enseigne, plaque, ou tout autre objet sur les façades de l'immeuble, sans avoir obtenu le consentement préalable exprès et par écrit du bailleur'.
Si la SARL Salsa ne justifie pas d'un tel accord exprès et écrit, il résulte sans ambiguïté du courrier de la SCI JVB en date du 2 avril 2013, par lequel celle-ci lui demande de lui adresser les factures des entreprises intervenues pour les travaux réalisés en 2007 concernant notamment 'l'installation d'un bardage sur la façade', que le bailleur a consenti aux dits travaux de pose de bardage, réalisés dès 2007. Cette réalisation fait écho aux termes du bail selon lesquels 'le bailleur a d'ores et déjà autorisé la réalisation de travaux à effectuer par le preneur pour son installation'.
La pose du bardage, intervenue dès la prise à bail en 2007, est par ailleurs connue de la société bailleresse et entérinée par cette dernière au moment du renouvellement du bail intervenu en février 2017.
Au besoin, il peut être relevé que dans son courrier du 27 août 2018 faisant suite aux travaux d'étanchéité de la casquette, la SCI JVB admet que le bardage doit être 'reposé'et donne les directives pour ce faire en ce compris un schéma faisant apparaître tant le bardage en rive de casquette, que le bardage se trouvant sur la façade du bâtiment. Ce courrier confirme non seulement la connaissance de ce bardage mais également l'acceptation du bailleur qui fixe les règles pour la repose de cet élément.
Dès lors que la pose du bardage a été validée par le bailleur et entérinée par le renouvellement du bail, il importe peu que le bardage ait ensuite été repris dans une autre qualité, la société Bâtiment JVB ne justifiant d'aucune exigence en la matière sinon de couleur, respectée, et le bardage étant en tout état de cause démontable en fin de bail au besoin.
Dès lors, ni la dépose du bardage de la casquette -dont il peut surabondamment être constaté qu'il ne nuit pas à l'étanchéité à dire d'expert-, ni la dépose du bardage en façade, ne peut être exigée de la société Salsa et ne pouvait l'être lors de la délivrance du commandement du 7 novembre 2019.
B) Sur la terrasse
Alors qu'elle a une connaissance certaine de l'existence de cette terrasse depuis sa réalisation en 2012 et à tout le moins depuis son courrier du 2 avril 2013, il est particulièrement surprenant de lire sous la plume de la bailleresse dans un courrier adressé à sa locataire le 28 juillet 2017, qu'elle s'est 'rendue compte à notre grande surprise que vous vous étiez permise d'édifier une terrasse en bois de 18m de long par 2,70m de large sans autorisation aucune et en contravention avec les clauses de votre bail'. Ce courrier traduit sur ce point une mauvaise foi certaine.
Il résulte du courrier du 2 avril 2013 déjà visé ci-avant, que la terrasse en bois édifiée le long de la vitrine du magasin Salsa, a été réalisée au plus tard courant 2012, ce même courrier validant la réalisation dont rien ne permet d'affirmer qu'elle est postérieure au renouvellement du bail, la mention 'fin 2012" dans ce courrier pouvant s'appliquer aux seules modifications des enseignes.
La présence de cette terrasse, par ailleurs démontable en fin de bail et disposant d'une trappe d'accès aux compteurs et canalisations ainsi que l'établit le procès-verbal de constat du 26 juillet 2022, ne pouvait donc fonder le commandement délivré le 7 novembre 2019.
C) Sur les sommes dues à la date de délivrance du commandement
Ce commandement vise les sommes suivantes :
- reliquat loyer septembre : 61,27 euros,
- reliquat loyer octobre : 61,27 euros,
- révision loyer ILC : 51,67 euros
- révision dépôt de garantie : 1.313, 91 euros
- TOM : 134,73 euros,
- loyer de novembre 2019 : 2.925,26 euros.
Il résulte de l'examen de l'ordre de virement produit en pièce 11 par l'intimée, qu'elle a procédé au paiement du loyer de novembre 2019 le 6 novembre 2019 soit avant délivrance du commandement et avec seulement un jour de retard sur le délai contractuel, pour un montant de 2.845,67 euros de sorte qu'était due tout au plus à la délivrance du commandement, la somme de 61,27 euros correspondant au 'reliquat' dont il sera traité ci-après.
S'agissant de la taxe sur les ordures ménagères, sa prise en charge par le preneur est bien prévue par le bail commercial liant les parties. Si la société JVB produit en cause d'appel l'avis d'impôt 2019 concernant la taxe foncière, force est de constater que le montant de la taxe sur les ordures ménagères est globale pour l'ensemble du bâtiment. Elle opère certes un prorata tenant compte de la surface louée (240m²) mais rien ne permet à la cour de connaître la surface totale du bâtiment, dont on peut observer qu'elle augmente en 2020 sur le tableau récapitulatif produit en pièce 46 bis, passant de 1113 m² à 1196 m², sans explication sur ce point. De la même manière on peut noter qu'alors que deux autres locataires occupent le rez de chaussée et que la bailleresse évoque un lieu d'accueil d'enfants au deuxième étage, les lots donnant lieu à imposition à compter de 2022 sont seulement au nombre de trois (51A, 51B et 51C).Pour autant, alors que le même prorata est appliqué en 2020, la locataire s'est acquittée de la somme réclamée de sorte que la clef de calcul peut être retenue pour 2019.
S'agissant de la TOM 2019 -distincte de la redevance spéciale d'enlèvement des ordures ménagères évoquée par la société Salsa- son paiement a été appelé pour la première fois par courrier daté du 7 octobre 2019 dont la date de réception n'est pas déterminable, la bailleresse s'en étant elle même acquittée le 6 octobre 2019, de sorte que, si elle était bien due au 7 novembre 2019, cette taxe, d'un montant de 134,73 euros soit 4,6% du montant du loyer mensuel, ne pouvait de bonne foi donner lieu à commandement de payer visant la clause résolutoire.
Les autres sommes visées au commandement correspondent à des reliquats liés à l'application de l'indexation du loyer et s'élèvent à un total de 174,21 euros s'agissant des loyers et 1.313,91 euros s'agissant du dépôt de garantie (outre 61,27 euros au titre du loyer de novembre 2019).
Le contrat de bail prévoit à cet égard que 'le loyer sera révisé chaque année, à la date anniversaire de l'entrée en jouissance du présent bail, en fonction de la variation annuelle en plus ou en moins, de l'indice national du coût de la construction tel qu'il est établi par l'Institut [7] de la statistique et des Etudes économiques (...)'. Si la loi du 18 juin 2014 a substitué à cet indice, celui du coût des loyers pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, elle ne prévoit pas pour autant que l'application de l'ILC serait d'ordre public et interdirait aux parties d'appliquer l'ICC, qui n'a pas disparu. Il est par ailleurs indéniable qu'en 2019, le bail avait été renouvelé pour la dernière fois en 2012, soit avant l'entrée en vigueur de cette loi et n'était pas soumis à l'ILC. Il peut à cet égard être constaté que la bailleresse avait fait application de l'ICC pour l'indexation survenue en 2018, portant le loyer à 2.845,60 euros, montant dont la locataire s'est acquittée sans contester le calcul de l'indexation, ni manifestement, des précédentes calculées depuis 2014 selon le même mode.
L'application de l'ICC pour le calcul de l'indexation annuelle des loyers , distincte de la révision triennale invoquée en vain par la société Salsa, résulte du contrat librement souscrit par les parties et n'a pas été remise en cause entre 2014 et 2019, témoignant de leur accord qui ne peut être contesté à l'occasion du changement de propriétaire du bien.
Dès lors, il était dû, à compter du loyer de juillet 2019, la somme mensuelle de 2906,94 euros. La société Salsa ne conteste pas qu'en septembre et octobre 2019, elle ne s'est acquittée que de la somme de 2.845,67 euros, correspondant au loyer 2018/2019. Elle était dès lors débitrice, à la date de délivrance du commandement, de la somme de 122,54 euros (2.906,94-2.845,67 = 61,27 x 2). La société Salsa était avisée de ce nouveau montant dès le 24 juin 2019, date d'émission de la facture de révision du loyer comportant le calcul de l'indexation, complétée par le courriel du 2 août 2019 lui rappelant le montant désormais dû et elle en était dès lors parfaitement informée au moment de s'acquitter des loyers de septembre et octobre, dont les factures transmises les 17 août et 25 septembre, comportaient le montant résultant de l'indexation expliquée en juin. Elle n'était cependant pas débitrice de la somme de 51,67 euros, correspondant à l'indexation sur la base de l'ILC. Elle restait par ailleurs redevable du même reliquat de 61,27 euros au titre du loyer de novembre acquitté à hauteur de 2.845,67 euros.
L'application de l'ICC au dépôt de garantie afin que ce dernier correspondent à 3 mois de loyer conformément au contrat, conduit à un montant de 7.267,42 euros (6.000 x 1.703/1406) et donc une somme due de 1.267,42 euros et non pas 1.313,91 euros qui correspond à l'application de l'ILC.
Ainsi, à la date de délivrance du commandement, la société Salsa était débitrice de la somme totale de 1.585,96 euros (134,73 + 183,81 + 1.267,42) et non pas 4.729,28 euros.
S'il est acquis que l'erreur sur le montant de la créance n'entraîne pas la nullité du commandement, il est également de jurisprudence constante que le commandement délivré de mauvaise foi ne produit aucun effet ( 3e Civ., 13 mai 1997, pourvoi n° 95-17.172, Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 22-16.216, Cass. civ. 3, 25 octobre 2018, n° 17-17.384, Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-25.087).
Il a été retenu ci-avant que les manquements allégués tenant à la mise en place d'un bardage et d'une terrasse, étaient sans fondement et que la bailleresse en avait connaissance depuis leur mise en oeuvre, les avait autorisés et à tout le moins validés par le renouvellement du bail soit au moins 4 ans avant la délivrance du commandement. S'agissant des sommes réclamées, elles n'étaient dues que dans la limite du tiers d'entre elles, le loyer de novembre, avait été payé à la date du commandement, depuis le 6 novembre alors que le bailleur lui-même avait pu indiquer par mail souhaiter un règlement au 10 du mois indépendamment des clauses du bail, en outre, à l'exclusion des 183,81 euros correspondant à la révision du loyer, les autres sommes réclamées n'avaient été sollicitées que par courriers du 14 octobre 2019, soit trois semaines avant la délivrance du commandement alors que dans le même temps, le loyer courant, tel que résultant de l'indexation 2018, était réglé et qu'il n'est justifié d'aucun manquement ou retard antérieur et qu'une discussion était en cours entre les parties sur le calcul de l'indexation.
Ces éléments, pris ensemble, permettent de retenir que le commandement a été délivré de mauvaise foi et dès lors, il ne peut produire effet. En conséquence, les demandes tendant à voir constater la résiliation du bail et les demandes subséquentes, ne peuvent qu'être rejetées.
II - Sur la demande de résiliation judiciaire du bail
En application des dispositions de l'article 1224 du code civil, la résolution du contrat peut être prononcée par le juge en cas d'inexécution suffisamment grave de ses obligations par l'une des parties.
Il est rappelé que les manquements invoqués concernant le bardage et la terrasse ne sont pas constitués.
S'agissant de l'occupation des combles/grenier, dont il n'est pas contesté qu'ils ne font pas partie des locaux loués, la société Bâtiment JVB produit aux débats des photographies, non authentifiées (pièce 18) dont elle indique qu'elles auraient été prises 'lors de son acquisition' qui font apparaître divers cartons et appareils pouvant être des radiateurs électriques, dans les combles, en périphérie, l'espace central étant vide. Le procès-verbal de constat en date du 5 mars 2021, permet de constater que les cartons ne sont plus présents à la différence des radiateurs et que des blocs de matériau isolant sont également visibles. Le procès-verbal de constat produit par la société Salsa, dressé le 26 juillet 2022, fait apparaître que les combles ont été vidés, seuls apparaissant sur les photographies les blocs de matériau isolant dont rien ne permet de retenir qu'ils ont été entreposés par la société Salsa.
S'agissant du retrait des grilles de protection qui paraient les fenêtres à la prise de jouissance en 2007, les diverses photographies et constats produits par les parties permettent de constater, ainsi que l'a relevé le premier juge, qu'il était connu du bailleur depuis l'origine et est intervenu en tout état de cause avant le renouvellement du bail, le bardage initialement posé couvrant d'ailleurs ses ouvertures, de sorte que la société Bâtiment JVB ne peut plus s'en prévaloir.
Concernant l'escalier, le bail indique qu'il porte sur 'un local sur deux niveaux, avec rez de chaussée de 120 m² et premier étage de 120 m², reliés par un escalier intérieur, avec sanitaires, salles d'eau et wc à chaque niveau'. Contrairement aux affirmations de la société Bâtiment JVB, l'escalier est clairement qualifié d'intérieur et non d'extérieur. Le procès-verbal de constat (pièce appelante 31) dressé le 5 mars 2021permet en outre de constater qu'une seule porte se trouve sur le pallier du 1er étage, qui donne par ailleurs accès aux combles non utilisés et qualifiés de techniques par la société Bâtiment JVB, de sorte que l'on peine à comprendre quels locaux elle occuperait personnellement au deuxième étage et dont l'accès lui serait interdit par la société Salsa. Il n'est du reste justifié d'aucune difficulté ou interdiction d'accès aux combles, ni même d'une demande en ce sens de la part de JVB qui se serait heurtée à une difficulté. Le manquement allégué n'est pas démontré.
S'agissant des loyers, il a été retenu ci-avant qu'ils étaient indexables sur la base de l'indice du coût de la construction. Ainsi, le montant des loyers s'établit comme suit :
- de juillet 2019 à juin 2020, indice 1703 : 2.906,94 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 34.883,28 euros
- de juillet 2020 à juin 2021, indice 1769 : 3.019,60 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 36.235,20 euros
- de juillet 2021 à juin 2022, indice 1795 : 3.063,98 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 36.767,77 euros
- de juillet 2022 à juin 2023, indice 1886 : 3.219,31 euros TTC, soit un total pour les 12 mois de 38.631,72 euros
- de juillet 2023 à juin 2024, indice 2052 : 3.502,66 euros TTC, soit un total pour les douze mois de 42.031,92 euros
- de juillet 2024 à mars 2025, indice 2162 : 3.690,42 euros TTC, soit un total pour les 9 mois de 33.213,78 euros,
Ainsi, pour la période ayant couru du mois de juillet 2019 au mois de mars 2025 inclus, la société Salsa était redevable de loyers à hauteur de 221.763,67 euros.
Dans le même temps, la société Salsa dont l'ensemble des paiements allégués est pris en compte dans le décompte de la société Bâtiment JVB (pièce 51 bis), a réglé pour les loyers, un total de 194.783,40 euros.
Il reste dès lors dû, en règlement des loyers, la somme de 26.980,27 euros.
Concernant la taxe sur les ordures ménagères, la société Salsa justifie avoir adressé à son bailleur, le 23 mars 2025, un courrier comportant une contestation des surfaces prises en compte s'agissant de l'espace de stationnement et un calcul correctif à l'issue duquel la société locataire a établi et transmis des chèques des montants dont elle s'estime redevable. La société Bâtiment JVB ne s'explique pas sur cette contestation, n'indique pas que les chèques auraient été non provisionnés mais ne prend pas en compte pour autant les paiements intervenus. Ces éléments, qui s'ajoutent à ceux déjà relevés par la cour concernant l'imputation de la taxe foncière, rendent la créance à cet égard incertaine et aucun manquement lié au défaut de paiement allégué de la TOM ne peut être retenu.
Ainsi, peut être reproché à la société Salsa le défaut de paiement de la somme de 26.980,27 euros au titre des loyers, sur une période de 4 ans et 6 mois, étant observé que le décompte est au plus tard arrêté au 18 mars 2025 (date de la notification des écritures et pièces) de sorte que pour ce mois, la réalité du retard est incertaine. Il n'est pas contestable que le paiement des loyers constitue l'obligation principale du locataire et que le défaut de paiement est donc un manquement grave aux obligations nées du bail. Cependant, il peut être relevé que la société Salsa, à l'exclusion des mois de mars, avril et mai 2020 qui n'ont été payés qu'en avril 2021, règle une part importante du loyer, correspondant au montant non indexé, au mois le mois ou avec un retard très limité. Par ailleurs, une partie conséquente de l'arriéré soit 25.424,17 euros, correspond à l'indexation en litige entre les parties depuis l'introduction de l'instance de sorte que, alors que le premier juge a considéré qu'aucune indexation ne pouvait s'appliquer, aucun manquement ne peut s'évincer du défaut de paiement correspondant à ladite indexation.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement grave n'est démontré qui justifierait de prononcer la résiliation du bail et la société JVB Bâtiment sera déboutée de sa demande de ce chef.
VI - Sur les demandes en paiement
1) Au titre des loyers
Ainsi qu'il a été vu ci-avant, la société salsa est débitrice d'un arriéré de loyer, arrêté à 26.980,60 euros au mois de mars 2025. Elle sera condamnée au paiement de cette somme en deniers et quittance et outre intérêts à compter du présent arrêt qui retient pour la première fois l'indexation applicable.
2) Au titre du dépôt de garantie
Le contrat prévoit que le dépôt de garantie doit correspondre à 3 mois de loyer afin de protéger le bailleur du risque d'impayé et de dégradations. Le dépôt de garantie devrait s'élever à 3 mois de loyers hors taxes soit 3 x 3.075,35 euros soit 9.226,08 euros et seuls 6.000 euros ont été versés, la société Salsa sera donc condamnée à verser à sa propriétaire la somme de 3.226,08 euros outre intérêts à compter du présent arrêt.
3) Au titre de la taxe sur les ordures ménagères
Les développements ci-avant conduisent à rejeter la demande de la société Bâtiment JVB au titre de la taxe sur les ordures ménagères.
4) Au titre des pénalités contractuelles
Le contrat de bail prévoit une telle pénalité en cas de constat de la résolution du fait de la mise en oeuvre de la clause résolutoire ou en cas de prononcé de la résiliation aux torts du preneur. Les conditions contractuelles n'étant pas remplies, la demande ne peut aboutir.
VII - Sur les demandes de remise en état, retrait et démontage
En l'absence de manquement de la société Salsa ainsi qu'il a été constaté ci-avant, ces demandes ne peuvent prospérer.
VIII - Sur les mesures accessoires
La société Bâtiment JVB qui succombe pour l'essentiel en son appel, supportera la charge des dépens. Chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- Débouté la société Salsa de sa demande d'annulation du commandement du 7 novembre 2019 visant la clause résolutoire ;
- Accordé à la société Salsa un délai de 12 mois pour se mettre en conformité ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage en panneaux publicitaires vierges ;
- Ordonné le démontage par la société Salsa du bardage installé sur la tranche de la casquette ;
- Rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples et contraires ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que le commandement en date du 7 novembre 2019 ne peut produire effet à l'encontre de la société Salsa,
Déboute la SCI Bâtiment JVB de sa demande tendant au prononcé de la résiliation du bail liant les parties,
Dit que le loyer est indexé sur la base de l'indice du coût de la construction,
Condamne la SARL Salsa à payer à la SCI Bâtiment JVB, en deniers et quittances :
- 26.980,60 euros au titre de l'arriéré locatif à la date du mois de mars 2025 (loyer de mars inclus)
- 3.226,08 euros au titre du dépôt de garantie indexé,
Dit que ces condamnations produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute la SARL Bâtiment JVB de toutes ses autres demandes,
Ajoutant,
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SCI Bâtiment JVB aux dépens d'appel.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie simple et exécutoire délivrée le 02 septembre 2025
à
la SELARL CHAMBET [V]
la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES