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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 2 septembre 2025, n° 22/00301

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 22/00301

2 septembre 2025

NH/SL

N° Minute

1C25/449

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 02 Septembre 2025

N° RG 22/00301 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G5NW

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 31 Janvier 2022

Appelants - Intervenants volontaires

Mme [B] [A]

demeurant [Adresse 5]

Mme [N] [A] épouse [P]

demeurant [Adresse 8]

Mme [S] [A]

demeurant [Adresse 9]

M. [F] [A]

demeurant [Adresse 3]

Tous venant aux droits de Mme [D] [U] [L], décédée le 25 Avril 2024

Représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représenté par Me Jacques SAMUEL, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

Intimées

S.A.R.L. MONT DE GRANGE, dont le siège social est situé Sherpa Alimentation [Adresse 7]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL JACK CANNARD, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

Syndicat des copropriétaires [Adresse 6], représenté par son syndic, la SOCIETE IMMOBILIERE DU VAL, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représenté par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représenté par la SELARL CABINET MEROTTO, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

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Date de l'ordonnance de clôture : 03 Mars 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 mai 2025

Date de mise à disposition : 02 septembre 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Suivant acte sous seing privé en date du 12 septembre 1996, Mme [D] [L] épouse [A] a consenti à la SARL Mont de Grange un bail commercial portant sur un local situé [Adresse 1], à [Localité 4], à usage de magasin et entrepôt d'une superficie de 400 m² environ.

Ce bail a été renouvelé à compter du 12 septembre 2005 et une demande de renouvellement du bail a été signifiée à [D] [L] le 13 mai 2014. Le 14 mai 2014, la société Mont de Grange faisait constater par huissier de justice, des infiltrations au niveau du plafond de la réserve. Un dégât des eaux était constaté le 19 mai 2017. Deux nouveaux constat étaient établis le 20 décembre 2017 confirmant une forte humidité et des infiltrations dans les réserves et la chambre froide et des problèmes d'étanchéité affectant également la surface de vente.

Parallèlement le 15 mars 2018, la Direction Départementale de la Protection des Populations a opéré un contrôle dans les locaux et a constaté, dans le local de stockage des denrées alimentaires, l'absence de plusieurs carreaux de carrelage au sol et sur une plinthe, un plafond vétuste présentant des traces visibles d'humidité et d'infiltration d'eau et la présence de plusieurs flaques d'eau stagnante dans le couloir principal du local.

Suite à ce contrôle, la société Mont de Grange a été destinataire d'un courrier recommandé de la Direction Départementale de la Protection des Populations aux termes duquel il était constaté un défaut de respect des règles générales liées à l'hygiène de l'établissement et de conservation des denrées.

Par ordonnance du 4 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, sur saisine de la société Mont de Grange, a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de [D] [L]. L'expert a déposé son rapport le 31 mars 2019, retenant un défaut d'entretien au niveau de la toiture et du gros oeuvre et une ouverture non conforme entre les garages 3 et 4 constituant la zone de la réserve.

Par acte d'huissier des 24 et 25 avril 2019, la société Mont de Grange a assigné Mme [D] [L], Mme [D] [L] représentée par sa tutrice Mme [Y] [W] et le Syndicat des copropriétaires de l' immeuble [Adresse 6], devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains notamment aux fins de voir condamner Mme [L] à lui régler les sommes de 111.089,32 euros au titre des travaux de terrassement et de couverture, 17.599 euros au titre des travaux effectués à ses frais avancés, 1.540,38 euros au titre des frais de location d'un bungalow outre frais de procédure.

Par ordonnance du 23 juillet 2019, l'ATMP de Haute Savoie a été désigné en qualité de tuteur, en remplacement de Mme [W]. L'ATMP de la Haute Savoie est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 31 janvier 2022, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, a :

- Déclaré l'intervention volontaire de l'ATMP de Haute-Savoie recevable, en qualité de tutrice de [D] [L], désignée en remplacement de Mme [W] ;

- Rejeté l'exception de nullité soulevée par Mme [D] [A] née [L] ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 111.089,32 euros TTC au titre du coût des travaux de terrassement et de couverture ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 17.599 euros TTC au titre des travaux effectués aux frais avancés de ladite société ;

- Déclaré le jugement commun et opposable au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] représenté par la société Immobilière Val D'abondance, son syndic ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à verser à la société Mont de Grange la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, de constats d'huissier mais non de procédure de référé ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Au visa principalement des motifs suivants :

Le bail commercial conclu entre [D] [L] et la société Mont de Grange ayant été renouvelé le 12 septembre 2014, l'article R 145-35 du code de commerce tel qu'instauré dans le cadre de la loi Pinel n'est pas applicable ;

Les clauses du bail qui mettent expressément à la charge de la société Mont de Grange les travaux correspondants aux grosses réparations , sont claires et précises et ne sauraient être déclarées non écrites;

Le bail prévoit en outre que les travaux prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du preneur ;

Cependant, Mme [L] a manqué à son obligation de délivrer un local en état de servir pour l'usage prévu contractuellement et le bail ne saurait faire peser sur la locataire la réfection totale de la toiture et du gros oeuvre.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 22 février 2022, [D] [L] et l'ATMP de Haute-Savoie, en qualité de tuteur de [D] [L] ont interjeté appel de la décision ence qu'elle a :

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 111.089,32 euros TTC au titre du coût des travaux de terrassement et de couverture ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 17.599 euros TTC au titre des travaux effectués aux frais avancés de ladite société ;

- Déclaré le jugement commun et opposable au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] représenté par la société Immobilière Val D'abondance, son syndic ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à verser à la société Mont de Grange la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, de constats d'huissier mais non de procédure de référé ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Mme [D] [L] est décédée le 25 avril 2024. Mmes [N], [B] et [S] [A] et M. [F] [A] venant aux droits de Mme [D] [L] sont intervenus volontairement à l'instance.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 10 décembre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mmes [N], [B] et [S] [A] et M. [F] [A] venant aux droits de Mme [D] [L] demandent à la cour de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Condamné [D] [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 111.089,32 euros TTC au titre du coût des travaux de terrassement et de couverture ;

- Condamné [D] [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 17.599 euros TTC au titre des travaux effectués aux frais avancés de ladite société ;

- Condamné [D] [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à verser à la société Mont de Grange la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- Débouter la société Mont de Grange de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la société Mont de Grange à réaliser les travaux de remise en état déterminés par l'expert judiciaire à savoir les travaux de terrassement, drainage et étanchéité du mur de la réserve côté Est suivant offre de prix Benand & Cie et les travaux de réfection de la couverture étanchéité de la réserve suivant offre de prix EFG ;

- La condamner à leur verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Ils font valoir en substance :

' les clauses claires et précises du bail qui mettent les travaux d'entretien et de réparation de toute nature à la charge du preneur, ne se heurtent à aucune disposition d'ordre public et sont pleinement valables et il ne peut y être dérogé en se fondant sur l'obligation de délivrance conforme ;

' l'expert a relevé que les désordres constatés sur la toiture et le mur extérieur sont liés à un défaut d'entretien, alors que c'est la locataire qui en avait la charge ;

' l'ouverture réalisée entre les garages 3 et 4 ne l'a pas été par Mme [L] mais plus sûrement par la société intimée et elle n'existait pas jusqu'à la prise de possession des lieux par la société Mont de Grange ; elle n'a en tout état de cause pas entravé l'usage des locaux pour l'exploitation du fonds.

Par dernières écritures du 23 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Mont de Grange demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en date du 31 janvier 2022 en ce qu'il a :

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné [D] [L] représentée par l'ATMP de Haute Savoie aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, de constats d'huissier mais non de procédure de référé ;

Et, statuant à nouveau,

- Débouter [D] [L], représentée par son tuteur l'ATMP de Haute Savoie, de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre ;

- Condamner [D] [L], représentée par son tuteur l'ATMP de Haute Savoie, à lui régler la somme de 1.540,38 euros TTC au titre des frais de location d'un bungalow ;

- Condamner [D] [L], représentée par son tuteur l'ATMP de Haute Savoie, aux dépens de la procédure de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, de constats d'huissier ainsi que de procédure de référé ;

- Condamner [D] [L], représentée par son tuteur l'ATMP de Haute Savoie, à régler la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner [D] [L], représentée par son tuteur l'ATMP de Haute Savoie, à régler les dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Forquin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

' les clauses du bail retirant toute responsabilité au bailleur sont rédigées en termes généraux et doivent être déclarées non écrites ;

' en l'absence de clause concernant les travaux ordonnés par l'administration, ils sont à la charge du bailleur,

' le défaut d'entretien ne peut lui être imputé qu'en ce qu'il est postérieur à son entrée en jouissance étant observé que Mme [A] a elle-même été la première locataire, et les conséquences des atteintes à la structure du bâtiment imputables à la bailleresse doivent être supportées par cette dernière.

Par dernières écritures du 14 novembre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 31 janvier 2022 en ce qu'il lui a déclaré la décision commune et opposable ;

En tout état de cause,

- Lui donner acte et sur l'argumentation des consorts [A] venant aux droits de [D] [A], de ce qu'il s'en rapporte à Justice sur le mérite des demandes de la société Mont de Grange et des consorts [A] ;

- Débouter la société Mont de Grange, les consorts [A] venant aux droits de [D] [L] et l'ATMP de Haute-Savoie ès qualités, de l'ensemble de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- Condamner qui il appartiendra à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Forquin.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 3 mars 2025 a clôturé l'instruction de la procédure et l'affaire a été plaidée à l'audience du 27 mai 2025.

Motifs de la décision

En application des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être appliquées de bonne foi.

Le bail liant les parties a été signé en 1996 et renouvelé pour la dernière fois avant le litige en cours, à compter du 12 septembre 2014. La loi du 18 juin 2014 et son décret d'application du 3 novembre 2014, qui fixe les règles de répartition des charges entre propriétaire et locataire en matière commerciale (article R145-35 du code de commerce) n'est applicable qu'aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014 et le contrat liant les parties est donc soumis au droit commun du louage ainsi qu'en conviennent désormais les parties.

L'article 1719 du code civil énonce que le bailleur est tenu d'assurer l'obligation de délivrance, l'obligation d'entretien de la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et l'obligation d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail. L'article 1720 du même code définit la notion de délivrance en précisant qu'elle se caractérise par la mise à disposition de la chose louée 'en bon état de réparation de toute espèce'et définit l'obligation d'entretien en posant le principe selon lequel le bailleur doit faire dans les locaux loués 'pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives'.

L'article 1754 opère une répartition entre les grosses réparations, supportées par le bailleur et les réparations locatives et de menu entretien qui sont laissées à la charge du preneur avec la précision posée à l'article 1755 aux termes duquel les réparations réputées locatives ne sont pas à la charge du preneur quand elles ne sont occasionnées que par la vétusté ou la force majeure.

Ces règles de répartition présentent cependant un caractère supplétif et peuvent être écartées par des clauses contraires contractuellement prévues et qui doivent être précises, sont d'interprétation stricte (Civ. 3ème, 29 septembre 2010, n°09-69.337) et ne peuvent exonérer le bailleur de toute obligation de délivrance (Civ. 3ème, 5 juin 2002, Bull. civ. I, no 123).

Il ne peut en effet être dérogé à l'obligation de délivrance conforme, qui s'analyse en la mise à disposition du bien au bénéfice du locataire afin que ce dernier puisse jouir de la chose selon la destination convenue ( Civ 3ème, 19 décembre 2012, pourvoi n° 11-28.170).

En l'espèce, seul le bail renouvelé en 2005 est versé aux débats mais il précise reprendre les dispositions du bail initial. Il comporte en son paragraphe 'Charges et conditions' les clauses de répartition suivantes :

'1. La société preneuse prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger de la bailleresse, à quelque époque que ce soit pendant la durée du bail, aucune réparation, amélioration ou remplacement quelles qu'en soient la cause, la nature et l'importance, ni aucune réduction de loyer de ce chef.

2. La société preneuse s'engage à tenir les lieux loués en bon état de réparations pendant toute la durée du bail et effectuer le cas échéant, toutes réparations petites ou grosses, sans distinction, y-compris celles prévues à l'article 606 du Code civil, de telle sorte que les lieux soient restitués en fin de jouissance en parfait état de réparation et d'entretien.

Les travaux et réparations visés à l'article 606 du Code civil seront pris en charge par la société preneuse, sans recours ni répétition contre la bailleresse, et sans pouvoir opérer aucune compensation de leur montant avec les sommes dues à la bailleresse à titre quelconque, sous forme de complément spécifique du loyer.

La société preneuse s'engage à entretenir et remplacer à ses frais, quelle que soit l'importance des travaux et réparations (fut-ce par vétusté) toutes installations, canalisations, appareils, fermetures et plus généralement tous les éléments garnissant ou composant les lieux loués sans exception.

(...)

11. La société preneuse remplira vis à vis de toutes administrations publiques, toutes formalités légales ou réglementaires qui sont prescrites ou viendraient à être prescrites en raison de son occupation et de son exploitation et elle obtiendra aux mêmes les autorisations administratives nécessaires, de manière que la bailleresse ne soit pas recherchée à ce sujet, cette dernière ne pouvant encourir aucune responsabilité en cas de refus ou de retard dans l'obtention de ces nouvelles autorisations. La société preneuse supportera seule les taxes, redevances ou impôts liés à son activité, même s'ils étaient établis au nom de la bailleresse.

La société preneuse fera effectuer à ses frais, risques et périls et conservera à sa charge, tous les travaux, aménagements, installations et constructions qui seraient prescrits ou viendraient à être prescrits par une législation ou une réglementation quelconque, notamment en matière de protection de l'environnement, d'hygiène ou de sécurité des ateliers, magasins et bureaux, de façon que la bailleresse ne soit jamais inquiétée à ce sujet.'

Ainsi que l'a retenu le premier juge, ces clauses dérogatoires au droit commun du bail sont claires et précises, permettent au preneur de connaître l'étendue de ses obligations en visant notamment les dispositions de l'article 606 du Code civil et elles ne sont nullement rédigées en termes généraux mais sont au contraire détaillées et inventorient l'ensemble des travaux et charges qui incombent au preneur. Ces clauses ne sauraient dès lors être réputées non écrites et elles s'imposent aux parties dont la société Mont de Grange.

Elles transfèrent expressément à la société Mont de Grange, tous les travaux d'entretien et de réparation, y compris les gros travaux concernant les murs et la toiture listés par l'article 606 du Code civil et peuvent valablement être invoquées par les appelants.

L'expertise permet de constater que les désordres affectant le bâtiment tiennent au défaut d'étanchéité de la toiture, au défaut d'étanchéité du mur côté Est, tous deux attribués à un défaut d'entretien, et à l'ouverture non conforme entre les garages 3 et 4.

Sur ce dernier point, les attestations produites par les appelants permettent de retenir que l'ouverture n'a pas été pratiquée par Mme [L] et ses ayants droits ne peuvent donc être recherchés de ce fait.

L'obligation d'entretien dont le défaut a engendré des défauts d'étanchéité, est contractuellement mise à la charge du preneur par le contrat de bail.

Il peut être constaté en outre, que le bail initial a été conclu en septembre 1996 et que les premiers griefs concernant des infiltrations n'ont été formulés qu'en mai 2014 soit près de 18 ans plus tard alors que si l'expert retient un défaut d'entretien du bâtiment ayant conduit à un défaut d'étanchéité de la toiture et l'absence d'intervention et d'entretien de l'étanchéité et du drainage du mur côté Est, il est notable que la toiture, le drainage et l'étanchéité étaient satisfaisants lors de la prise de possession et pendant de nombreuses années après, et que la société Mont de Grange s'est abstenue de tout entretien ou réparation permettant à ces éléments de continuer à remplir leur office. (Civ 3ème 28 mai 2020, 19-14.230). Aucun manquement de Mme [L] à son obligation de délivrance conforme ne peut donc être constaté et la société Mont de Grange ne peut prospérer en ses demandes.

Le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [L] à payer à la société Mont de Grange la somme de 111.089,32 euros TTC au titre du coût des travaux de terrassement et de couverture et la somme de 17.599 euros TTC au titre des travaux effectués aux frais avancés par cette société. La locataire supportera le coût des travaux de remise en état tels que déterminés par l'expert judiciaire soit terrassement, drainage, étanchéité du mur côté Est et maçonnerie divers

et réfection de la toiture étanchéité, sans qu'il y ait lieu à condamnation de ce chef, la cour ne disposant d'aucune information sur l'état actuel du bien, la réalisation des travaux et la poursuite du bail.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 6]',au sein duquel se situe le local commercial objet du bail, a été valablement attrait à la procédure et le premier juge a, à bon droit indiqué que le jugement rendu lui était opposable, tout comme l'est le présent arrêt.

La société Mont de Grange supportera les dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise et les dépens d'appel , elle versera aux appelants, ensemble, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la somme de 1.000 euros au syndicat des copropriétaires sur le même fondement.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement querellé en ce qu'il a :

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 111.089,32 euros TTC au titre du coût des travaux de terrassement et de couverture ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à payer à la société Mont de Grange la somme de 17.599 euros TTC au titre des travaux effectués aux frais avancés de ladite société ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, à verser à la société Mont de Grange la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [A] née [L], représentée par l'ATMP de Haute-Savoie, aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, de constats d'huissier mais non de procédure de référé ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute la SARL Mont de Grange de toutes ses demandes,

Dit que la SARL Mont de Grange supportera le coût des travaux de remise en état tels que déterminés par l'expert judiciaire soit terrassement, drainage, étanchéité du mur côté Est et maçonnerie divers et réfection de la toiture étanchéité,

Condamne la SARL Mont de Grange aux dépens de première instance, comportant les frais d'expertise judiciaire,

Ajoutant,

Dit que le présent arrêt est commun et opposable au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 6]',

Condamne la SARL Mont de Grange aux dépens d'appel ;

Condamne la SARL Mont de Grange à payer à Mmes [N], [B] et [S] [A] et M. [F] [A] venant aux droits de Mme [D] [L], ensemble, la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL Mont de Grange à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 6]' la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 02 septembre 2025

à

Me Clarisse DORMEVAL

Me Christian FORQUIN

Copie exécutoire délivrée le 02 septembre 2025

à

Me Clarisse DORMEVAL

Me Christian FORQUIN

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