CA Reims, ch.-1 civ. et com., 2 septembre 2025, n° 24/01633
REIMS
Arrêt
Autre
ARRET N°
du 02 septembre 2025
R.G : 24/01633 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FR4O
S.E.L.A.R.L. SELARL [L] [U]
c/
[P]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL FOSSIER NOURDIN
Me Pascal GUILLAUME
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2025
RENVOI DE CASSATION
Jugement Au fond du Tribunal de Commerce de REIMS, décision attaquée en date du 1er Juillet 2022, enregistrée sous le n° 2020006132
Arrêt Au fond de la Cour d'Appel de REIMS, décision attaquée en date du 17 Janvier 2023, enregistrée sous le n° 22/01360
Arrêt Au fond de la Cour de Cassation de [Localité 7], décision attaquée en date du 11 Septembre 2024, enregistrée sous le n° G23-13.393
DEMANDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE
S.E.L.A.R.L. [L] [U] prise en la personne de Me [L] [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL STP Champagne - Sciage Toutes Prestations
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS
DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE
Monsieur [O] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4] /FRANCE
Représenté par Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, et Me Véronique PIETRI, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
A l'audience du 16 juin 2025, Mme Sandrine PILON et Mme POZZO DI BORGO, conseillers, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Sandrine PILON, conseillère,
Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillère
M. Kevin LECLERE VUE, conseiller
GREFFIER :
Mme Jocelyne DRAPIER, greffière, lors des débats et Mme Lucie NICLOT, greffier, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
En présence de M. ZAKRAJZEK, Avocat général près la cour d'appel de REIMS.
DEBATS :
A l'audience publique du 16 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 septembre 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le 2 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Sandrine PILON, conseillère, et par Mme Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DES FAITS
La société STP Champagne-sciage toutes prestations (la société STP Champagne) était la filiale d'un groupe de sociétés comprenant la société holding Forbeton Est et 3 autres filiales STP Lorraine, STP Alsace et STP Bourgogne. M. [O] [P] était le gérant de ces sociétés à l'exception de la société STP Alsace.
Par jugement du 13 décembre 2016 la société STP Champagne a été placée en redressement judiciaire, la SCP Tirmant [U], en la personne de Me [U], étant désignée mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 13 juin 2015.
Le 20 décembre 2017 le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, la SELARL [U] étant désignée liquidateur.
Cette dernière a fait assigner M. [P] sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce aux fins de le voir condamner à lui payer ès qualités la somme de 191 751 euros en comblement de l'insuffisance d'actif.
Par jugement du 1er juillet 2022 le tribunal de commerce de Reims a :
- déclaré recevable l'assignation,
- débouté M. [P] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir,
- constaté un passif de 241 663 euros et un actif de 49 912 euros,
- constaté un montant de 191 751 euros en insuffisance d'actif,
- condamné M. [P] à payer à Me [U] ès qualités la somme de 120 000 euros en comblement de passif,
- condamné M. [P] à payer à Me [U] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par déclaration du 6 juillet 2022, M. [P] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 17 janvier 2023, cette cour a :
- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de son exception de procédure et de sa fin de non-recevoir et en ce qu'il a dit que ce dernier avait commis des fautes de gestion,
- infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- condamné M. [P] à payer à la SELARL [U] prise en la personne de Me [U] ès qualités de liquidateur de la SARL STP Champagne la somme de 102 655,70 euros au titre de l'insuffisance d'actif ainsi que la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] aux dépens de première instance et d'appel.
La société [U] en la personne de Me [U] ès qualités de liquidateur de la société STP Champagne a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 11 septembre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 entre les parties par la cour d'appel de Reims,
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Reims autrement composée,
- condamné M. [P] aux dépens et à payer à la société [L] [U] ès qualités de liquidateur la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [L] [U] ès qualités a, après cassation, saisi cette cour par acte du 30 octobre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 décembre 2024, elle demande à la cour de :
- débouter M. [P] de son exception de procédure tendant à l'annulation de l'assignation et de sa fin de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité de l'action pour défaut d'intérêt à agir,
- déclarer l'action recevable,
- juger que la liquidation judiciaire de la société STP Champagne révèle une insuffisance d'actif d'un montant de 192 656 euros,
- juger que M. [P] a commis des fautes de gestion en qualité de gérant de la société STP Champagne,
- en conséquence,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a limité le quantum de la condamnation à la somme de 120 000 euros,
- statuant à nouveau,
- condamner M. [P] à lui payer ès qualités la somme de 192 656 euros en comblement de l'insuffisance d'actifs,
- condamner M. [P] à lui payer ès qualités la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir que la cassation n'est motivée que par l'erreur manifeste commise par la cour d'appel dans la détermination de l'insuffisance d'actif et l'appréciation des pièces produites aux débats, notamment la pièce 44 du concluant qui démontrait, malgré les allégations de M. [P], que le crédit de TVA de la société STP Champagne avait bien été perçu par celle-ci et intégré au montant de l'actif ; qu'il n'y avait donc pas lieu de l'ajouter à l'actif sauf à le compter deux fois.
Elle soutient que la cassation ne saurait conduire la cour d'appel à modifier son appréciation des faits sur la recevabilité de son action ès qualités, sur l'existence d'une insuffisance d'actif et des fautes de gestion imputables à M. [P] lesquelles ont contribué à l'insuffisance d'actif et sur la condamnation de ce dernier à payer l'intégralité de l'insuffisance ainsi déterminée.
Elle indique que son action en sanction exercée ès qualités est recevable ; qu'elle prouve l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne à hauteur de la somme de 192 656 euros ainsi que les fautes de gestion commises par M. [P] en raison du retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements mais aussi du transfert du résultat et de la trésorerie de la société au profit d'autres sociétés du groupe, du détournement du résultat de la société et de l'absence de sincérité des comptes sociaux.
Elle plaide que l'ensemble des fautes de gestion a contribué à la naissance et à l'accroissement du passif de la société STP Champagne et à l'apparition de l'insuffisance d'actif de sorte que M. [P] doit être tenu de la totalité de cette insuffisance d'actif.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 24 février 2025, M. [P] demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- déclarer l'assignation nulle à son encontre pour défaut de qualité à agir,
- déclarer l'assignation irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir,
- à titre subsidiaire sur le fond,
- débouter la société [L] [U] de toutes ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les frais et dépens.
Il fait valoir que l'assignation délivrée par le liquidateur est nulle pour vice de fond puisque s'agissant d'une action en sanction il aurait dû agir en sa qualité de mandataire liquidateur et non ès qualités de liquidateur du débiteur ; que l'assignation a donc été délivrée par une personne dépourvue de qualité et d'intérêt à agir et sa fin de non-recevoir doit être acceuillie.
À titre subsidiaire il conclut au débouté de l'action en comblement de passif expliquant qu'il n'a commis aucune faute ; que la société STP Champagne est une filiale d'un groupe qui comprend 5 sociétés dont la société Forbeton est la société mère ; que les relations au sein du groupe étaient gérées par deux conventions de trésorerie autorisant les différentes sociétés à procéder à des mises à disposition de personnel et de répartition de chiffre d'affaires au gré des besoins de chaque structure et non pas dans l'intérêt unique de la société Forbeton.
Il indique que l'incohérence et l'incompréhension du fonctionnement de la société et plus généralement du groupe ne peuvent constituer des fautes de gestion et il appartient au liquidateur de démontrer le lien de causalité entre les fautes invoquées et l'insuffisance d'actif constaté ; qu'il a certes été un peu négligent dans la gestion mais a toujours oeuvré pour le maintien du groupe et ne s'est pas enrichi au détriment de la société STP Champagne.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 12 mai 2025.
Par arrêt du 13 mai 2025 la cour a, avant dire droit, révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats ainsi que la communication de la procédure au ministère public afin de satisfaire aux dispositions d'ordre public prévues par l'article 425 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2025 Mme la procureure générale demande à la cour de rejeter le moyen tiré de la nullité de l'assignation ainsi que la fin de non recevoir soulevée par M. [P] et de condamner ce dernier à payer la somme de 192 656 euros à la SELARL [U] ès qualités au regard des fautes de gestion commises par le dirigeant.
Les autres parties n'ont pas reconclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience 16 juin suivant.
En cours de délibéré la cour a demandé aux parties de produire aux débats l'assignation en sanction délivrée à M. [P] à la requête de la société [U].
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour de cassation a, dans son arrêt du 11 septembre 2024, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 par cette cour entre les parties. La présente juridiction se trouve donc saisie du litige tel qu'il se trouvait avant la décision rendue le 17 janvier 2023.
1- sur la nullité de l'assignation et la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir du liquidateur
En vertu de l'article 32 du code de procédure civile est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
L'article 117 du code du même code dispose :
'Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.'
L'article L. 651-2 du code de commerce prévoit une action en responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant d'une personne morale dont la liquidation judiciaire a fait apparaître une telle insuffisance. L'article L.651-3 précise qu'en pareil cas le tribunal est saisi par le liquidateur ou le ministère public.
En l'espèce il est constant que l'assignation en sanction sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce a été délivrée par Me [U] ès qualités de liquidateur. Ce dernier a ainsi agi en sa qualité de liquidateur en usant de la faculté qui lui est attribuée par sa fonction aux termes de l'article L.651-3 du code de commerce et non, comme l'indique à tort M. [P], afin d'exercer les droits de la société STP Champagne. Le moyen tiré de la nullité de l'assignation est donc mal fondé.
La fin de non recevoir soulevée par M. [P] tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de Me [U] ne peut pas non plus prospérer dès lors que Me [U] en sa qualité de liquidateur dispose en application des dispositions prévues par l'article L.651-3 du code de commerce de la qualité et de l'intérêt à agir en sanction contre le dirigeant de la société liquidée.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de procédure et la fin de non recevoir soulevées par M. [P].
2- sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
L'article L.651-2 du code de commerce dispose :
'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.'
L'action fondée sur ces dispositions nécessite, pour être accueillie favorablement, l'existence d'une ou de plusieurs fautes commise par le dirigeant dans le cadre de la gestion de la société avant l'ouverture de la procédure collective. Cette faute doit être grave, une simple négligence ne suffisant pas. Par ailleurs la faute doit avoir conduit à la création d'un préjudice qui se traduit par une insuffisance d'actif.
S'agissant du lien de causalité il suffit que la faute de gestion ait contribué à l'insuffisance d'actif sans qu'il soit nécessaire de déterminer quelle part de l'insuffisance est imputable à cette faute de sorte que le dirigeant peut être déclaré responsable pour le tout même si la faute de gestion n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et à l'origine que d'une partie des dettes. Enfin, le montant de la condamnation doit respecter le principe de proportionnalité.
2.1 - sur l'insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif (antérieur au jugement d'ouverture) admis et le montant de l'actif réalisé.
En l'espèce ainsi qu'il ressort de la pièce 23 du liquidateur, le passif de la société STP Champagne s'élève à la somme totale de 241 663,27euros. Au demeurant M. [P] ne conteste pas ce montant.
S'agissant de l'actif réalisé Me [U] explique que dans le cadre des opérations liquidatives il a pu recouvrer, hors prise en charge AGS, un actif de 106 418,71 euros et produit en pièce 41 la 'Reddition de compte'.
M. [P] conteste ce montant. Il soutient que la société STP Champagne a encaissé le 14 février 2018 la somme de 90 000 euros au titre du remboursement d'un crédit de TVA et que cette somme ne figure pas dans le récapitulatif de la reddition de compte qui ne mentionne qu'un remboursement de TVA de 10 118 euros.
L'examen des pièces produites par le liquidateur et notamment le relevé de compte de la société Themis banque du 15 mai 2018 annexé au document intitulé 'Reddition de compte' comporte l'indication du remboursement de 90 000 euros effectué par l'administration fiscale le 14 février 2018 lequel est donc inclus dans le solde créditeur de ce compte (soit 94 523,78 euros) reporté au crédit de la reddition des comptes du liquidateur.
Me [U] ès qualités justifie par ailleurs que les frais de procédure, hors paiements correspondant aux avances AGS reçues se sont élevés à la somme totale de 57 411,41 euros de sorte que le montant de l'actif réalisé est de 49 007,30 euros.
Dès lors l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 192 655,57 euros (passif 241 663,27euros - actif 49 007,30 euros).
2.2 - sur les fautes de gestion et leur contribution à l'insuffisance d'actif
Il est constant que M. [P] est le gérant de droit de la société STP Champagne. Il est aussi le gérant de droit des sociétés Forbeton Est et STP Lorraine et Bourgogne.
Le liquidateur lui reproche plusieurs fautes de gestion : l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, le transfert du résultat et de la trésorerie au profit d'autres sociétés du groupe, l'absence de déclaration de créance de la société au passif d'une autre société du groupe et l'absence de sincérité des comptes sociaux.
En application des dispositions prévues par l'article L. 640-4 du code de commerce l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiement s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
La société STP Champagne a été assignée en ouverture d'une procédure collective et par jugement du 13 décembre 2016 le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 juin 2015.
M. [P], qui n'a pas satisfait à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai requis, n'a pas remis en cause l'ancienneté de l'état de cessation des paiement. Il ne conteste pas cette faute mais soutient que le retard dans la déclaration n'a pas conduit à aggraver le passif.
Cette affirmation est contredite par les pièces produites aux débats par le liquidateur ( 42 à 50) puisque cette faute de gestion a contribué à aggraver le passif de la société lequel a fortement augmenté depuis le 13 juin 2015, le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements ne pouvant à l'évidence pas être qualifié de simple négligence. Ainsi plusieurs créances admises au passif n'existaient pas à cette date tel les créances Barat, Hilti, One Job 3, La Parisienne. Par ailleurs d'autres créances ont vu leur montant augmenter compte tenu de l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiement notamment celles de PRO BTP, PRS ou de l'URSSAF, cette dernière passant de 21 494 euros à 48 576 euros.
Il est ainsi démontré qu'en ne respectant pas l'obligation légale de déclaration de l'état de cessation des paiement M. [P], qui ne peut contester être un dirigeant de société aguerri, a aggravé le passif de la société STP Champagne qu'il dirigeait, cette faute ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
Il ressort par ailleurs des éléments de la procédure que la société STP Champagne, qui faisait partie d'un groupe comprenant 5 sociétés dont la société mère était la société Forbeton, a été sacrifiée au sein de ce groupe après le détournement de son résultat comptable et la ponction de sa trésorerie opérés grâce aux importantes facturations et refacturations qui lui ont été imposées par les autres sociétés du groupe. Celle-ci n'avait en réalité aucune autonomie commerciale, comptable et financière et était réduite au rang de succursale, ses bénéfices étant absorbés par le groupe.
Ainsi la société, qui réalisait un chiffre d'affaires de l'ordre de 730 000 euros, n'employait pourtant que 2 salariés alors qu'il est impossible dans le secteur du bâtiment de mener à bien des chantiers entraînant un tel résultat avec une si petite masse salariale.
Ce choix incohérent de ressources humaines a contraint la société STP Champagne à avoir recours au prêt de main d'oeuvre par les autres sociétés du groupe ce qui a permis de justifier fictivement les mouvements financiers au sein du groupe. Effectivement durant 4 années d'exercice (entre 2013 et 2016) la société a connu une perte de chiffre d'affaires à la baisse très importante allant jusqu'à une perte de 60 % en 2 ans tout en conservant un résultat à l'équilibre. L'absence de dégradation du résultat d'exploitation, malgré un tel écroulement du chiffre d'affaires et la constance d'un résultat net à l'équilibre parfait ne peuvent s'expliquer par un niveau anormalement élevé des charges variables. D'ailleurs la situation d'équilibre comptable a cessé brusquement dès l'ouverture de la procédure collective ce qui démontre le caractère artificiel de la situation d'équilibre liée notamment au fait que les sociétés du groupe, toutes dirigées par M. [P], adaptaient le niveau de facturation qu'elles faisaient subir à la société STP Champagne à ses résultats et à sa trésorerie disponible.
Il est ainsi démontré que les années où cette dernière connaissait un chiffre d'affaires plus élevé, son niveau de charges, et notamment la facturation par les sociétés du groupe, augmentait d'autant et qu'en réalité elle ne disposait d'aucune autonomie et était totalement soumise au groupe Forbeton Est qui, au gré des résultats, facturait plus ou moins sa filiale, au bénéfice de la holding ou des autres filiales afin de répartir tant les résultats que la trésorerie.
Les bénéfices que la société STP Champagne aurait dû réaliser étaient inexorablement absorbés par les facturations des autres sociétés du groupe sans que les convention de trésorerie produites par M. [P] n'apporte d'explication probante. À l'évidence en organisant sciemment et sur la durée un tel mode de fonctionnement, qui a eu pour conséquence de transformer la société en une structure dénuée de vocation lucrative au profit des autres sociétés du groupe, M. [P] a commis une faute de gestion en lien de causalité avec l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne.
Il résulte encore de l'examen du fonctionnement de la société STP Champagne que la société Forbeton Est lui facturait des frais de gestion pour des montant importants qui n'ont pas été justifiés, M. [P] ne fournissant aux organes de la procédure aucune convention de prestation justifiant ces frais ni explication sur la nature exacte des prestations facturées pour un montant hors taxes de 212 046 euros entre janvier 2009 et mai 2015. Au demeurant ces frais ont varié de manière totalement incohérente ce qui démontre une absence de correspondance avec les frais réellement supportés, ceux-ci servant manifestement à donner un semblant de justification aux remontées de trésoreries pratiquées.
L'étude des factures émises par la société STP Lorraine à la société STP Champagne démontre que ces deux sociétés étaient en relation d'affaires très régulière et importante puisque sur 5 exercices STP Lorraine lui a facturé un total de 758 681 euros hors taxes et qu'après une forte augmentation de ces facturations toute relation d'affaire a cessé brutalement à compter de février 2015 sans aucune explication. De plus ces factures, principalement de mise à disposition de personnel, ne portent pas l'entête de la société STP Lorraine, ni adresse ni numéro RCS et les chantiers auxquels elles sont censées se rapporter ne sont pas mentionnés.
Il est encore établi un assèchement de la trésorerie de la société STP Champagne par le fait que les sommes qui lui étaient dues par la société STP Lorraine ne lui ont jamais été remboursées et que cette dernière disposait curieusement dans les comptes de la société STP Champagne d'un compte courant d'associé alors que les deux structures n'avaient aucun lien capitalistique. La dette de la société STP Lorraine envers la société STP Champagne n'a pourtant cessé de croître mais n'a jamais été régularisée, cela grevant lourdement sa trésorerie et conduisant inéluctablement à sa faillite. Il est par ailleurs constant que la société STP Lorraine a, elle aussi, bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 28 septembre 2016 ; qu'à cette date la société STP Champagne disposait d'une importante créance inscrite en compte courant mais M. [P] n'a pas déclaré cette créance au passif de la société STP Lorraine, ce fait constituant une faute de gestion ayant aussi contribué à l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne.
Malgré les dénégations de M. [P] il est établi que les comptes de la société STP Champagne ne reflètent pas la situation économique et financière de celle-ci en particulier en ce qu'ils révèlent des incohérences manifestes entre la capacité d'autofinancement dont se prévaut la société et sa situation de trésorerie la conduisant à se trouver en état de cessation des paiements. Il a ainsi été mis à jour une absence de sincérité des comptes sociaux puisqu'il n'a pas été retrouvé en trésorerie les résultats comptables affichés.
Ces incohérences, sur lesquelles M. [P] ne donne aucune explication, ont été mises à jour au cours de la procédure de liquidation judiciaire par le premier président de cette cour qui, saisi d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, avait relevé que le passif fournisseur avait brusquement fondu sans motif valable et par la cour d'appel de renvoi désignée par la Cour de cassation qui a noté que 'les difficultés rencontrées par la société avec le factor ne permettent pas d'élucider le solde arrêté en 2017 et interrogent sur la fiabilité des comptes transmis et ce d'autant que l'opacité demeure sur les compensations effectuées avec la société soeur (la STP Lorraine) et sur lesquelles aucune explication n'est fournie'.
Ainsi l'absence de sincérité des comptes sociaux constitue aussi une faute de gestion en lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.
3 - sur la condamnation du dirigeant
Il ressort des développements précédents que les fautes de gestion commises par M. [P] ont toutes contribué à l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne-sciage qui s'élève à la somme de 192 655,57 euros.
M. [P] explique qu'il a été 'quelque peu négligent dans la gestion' et qu'il ne s'est pas enrichi au détriment de la société (page 16 de ses conclusions). Cependant l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est une action civile délictuelle qui ne suppose pas la démonstration d'un quelconque enrichissement de son dirigeant.
Enfin la gravité des fautes de gestion commises par M. [P] ne permettent pas de considérer qu'il a simplement fait preuve de négligence dans la gestion, celui-ci ayant mis en place un véritable système de gestion opaque entre les sociétés formant le groupe qu'il dirigeait et une stratégie consistant notamment à un transfert fautif du résultat de la société STP Champagne vers les autres sociétés du groupe ayant conduit cette dernière à la liquidation judiciaire avec une insuffisance d'actif à hauteur de 192 655,57 euros.
Le liquidateur est fondé à soutenir que M. [P] a véritablement sacrifié la société STP Champagne aux autres sociétés du groupe qu'il dirigeait. Il est toujours le dirigeant de la société Forbeton Est qui poursuit son activité. Il déclare par ailleurs bénéficier de revenus mensuels allant de 3 000 euros à 6 000 euros équivalent à 70 000 euros par an soit une moyenne mensuelle de 5 833 euros. Dans sa pièce 3 il déclare être propriétaire d'un appartement à [Localité 6] d'une valeur de 117 500 euros pour lequel il reste dû au titre du prêt immobilier un capital de 50 320 euros, détenteur de parts sociales de la société Forbeton et bénéficier d'une épargne financière de 21 598,77 euros. Il y mentionne encore la saisie d'un 'appartement [Adresse 5]' avec un solde de 35 100,40 euros, un 'remboursement ING' de 29 031, 61 euros et une 'contrainte Luxembourg' de 57 148,29 euros. Son avis d'imposition sur les revenus de 2023 (sa pièce 20) mentionne un revenu brut global annuel de 125 001 euros. Il justifie enfin de son état de santé fragile.
Dès lors c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le tribunal a condamné M. [P] à payer la somme de 120 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.
4- sur les frais de procédure et les dépens
M. [P] qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel et à payer à la société [U] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande faite à ce titre étant nécessairement mal fondée.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt rendu entre les parties par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 septembre 2024 ;
Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Reims le 1er juillet 2022 ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [P] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [P] à payer à la société [U] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le déboute de sa demande faite à ce titre.
Le greffier La conseillère
du 02 septembre 2025
R.G : 24/01633 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FR4O
S.E.L.A.R.L. SELARL [L] [U]
c/
[P]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL FOSSIER NOURDIN
Me Pascal GUILLAUME
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2025
RENVOI DE CASSATION
Jugement Au fond du Tribunal de Commerce de REIMS, décision attaquée en date du 1er Juillet 2022, enregistrée sous le n° 2020006132
Arrêt Au fond de la Cour d'Appel de REIMS, décision attaquée en date du 17 Janvier 2023, enregistrée sous le n° 22/01360
Arrêt Au fond de la Cour de Cassation de [Localité 7], décision attaquée en date du 11 Septembre 2024, enregistrée sous le n° G23-13.393
DEMANDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE
S.E.L.A.R.L. [L] [U] prise en la personne de Me [L] [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL STP Champagne - Sciage Toutes Prestations
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS
DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE
Monsieur [O] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4] /FRANCE
Représenté par Maître Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, et Me Véronique PIETRI, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
A l'audience du 16 juin 2025, Mme Sandrine PILON et Mme POZZO DI BORGO, conseillers, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Sandrine PILON, conseillère,
Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillère
M. Kevin LECLERE VUE, conseiller
GREFFIER :
Mme Jocelyne DRAPIER, greffière, lors des débats et Mme Lucie NICLOT, greffier, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
En présence de M. ZAKRAJZEK, Avocat général près la cour d'appel de REIMS.
DEBATS :
A l'audience publique du 16 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 septembre 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le 2 septembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Sandrine PILON, conseillère, et par Mme Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DES FAITS
La société STP Champagne-sciage toutes prestations (la société STP Champagne) était la filiale d'un groupe de sociétés comprenant la société holding Forbeton Est et 3 autres filiales STP Lorraine, STP Alsace et STP Bourgogne. M. [O] [P] était le gérant de ces sociétés à l'exception de la société STP Alsace.
Par jugement du 13 décembre 2016 la société STP Champagne a été placée en redressement judiciaire, la SCP Tirmant [U], en la personne de Me [U], étant désignée mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 13 juin 2015.
Le 20 décembre 2017 le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, la SELARL [U] étant désignée liquidateur.
Cette dernière a fait assigner M. [P] sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce aux fins de le voir condamner à lui payer ès qualités la somme de 191 751 euros en comblement de l'insuffisance d'actif.
Par jugement du 1er juillet 2022 le tribunal de commerce de Reims a :
- déclaré recevable l'assignation,
- débouté M. [P] de sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir,
- constaté un passif de 241 663 euros et un actif de 49 912 euros,
- constaté un montant de 191 751 euros en insuffisance d'actif,
- condamné M. [P] à payer à Me [U] ès qualités la somme de 120 000 euros en comblement de passif,
- condamné M. [P] à payer à Me [U] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par déclaration du 6 juillet 2022, M. [P] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 17 janvier 2023, cette cour a :
- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de son exception de procédure et de sa fin de non-recevoir et en ce qu'il a dit que ce dernier avait commis des fautes de gestion,
- infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- condamné M. [P] à payer à la SELARL [U] prise en la personne de Me [U] ès qualités de liquidateur de la SARL STP Champagne la somme de 102 655,70 euros au titre de l'insuffisance d'actif ainsi que la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] aux dépens de première instance et d'appel.
La société [U] en la personne de Me [U] ès qualités de liquidateur de la société STP Champagne a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 11 septembre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 entre les parties par la cour d'appel de Reims,
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Reims autrement composée,
- condamné M. [P] aux dépens et à payer à la société [L] [U] ès qualités de liquidateur la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [L] [U] ès qualités a, après cassation, saisi cette cour par acte du 30 octobre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 décembre 2024, elle demande à la cour de :
- débouter M. [P] de son exception de procédure tendant à l'annulation de l'assignation et de sa fin de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité de l'action pour défaut d'intérêt à agir,
- déclarer l'action recevable,
- juger que la liquidation judiciaire de la société STP Champagne révèle une insuffisance d'actif d'un montant de 192 656 euros,
- juger que M. [P] a commis des fautes de gestion en qualité de gérant de la société STP Champagne,
- en conséquence,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a limité le quantum de la condamnation à la somme de 120 000 euros,
- statuant à nouveau,
- condamner M. [P] à lui payer ès qualités la somme de 192 656 euros en comblement de l'insuffisance d'actifs,
- condamner M. [P] à lui payer ès qualités la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir que la cassation n'est motivée que par l'erreur manifeste commise par la cour d'appel dans la détermination de l'insuffisance d'actif et l'appréciation des pièces produites aux débats, notamment la pièce 44 du concluant qui démontrait, malgré les allégations de M. [P], que le crédit de TVA de la société STP Champagne avait bien été perçu par celle-ci et intégré au montant de l'actif ; qu'il n'y avait donc pas lieu de l'ajouter à l'actif sauf à le compter deux fois.
Elle soutient que la cassation ne saurait conduire la cour d'appel à modifier son appréciation des faits sur la recevabilité de son action ès qualités, sur l'existence d'une insuffisance d'actif et des fautes de gestion imputables à M. [P] lesquelles ont contribué à l'insuffisance d'actif et sur la condamnation de ce dernier à payer l'intégralité de l'insuffisance ainsi déterminée.
Elle indique que son action en sanction exercée ès qualités est recevable ; qu'elle prouve l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne à hauteur de la somme de 192 656 euros ainsi que les fautes de gestion commises par M. [P] en raison du retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements mais aussi du transfert du résultat et de la trésorerie de la société au profit d'autres sociétés du groupe, du détournement du résultat de la société et de l'absence de sincérité des comptes sociaux.
Elle plaide que l'ensemble des fautes de gestion a contribué à la naissance et à l'accroissement du passif de la société STP Champagne et à l'apparition de l'insuffisance d'actif de sorte que M. [P] doit être tenu de la totalité de cette insuffisance d'actif.
Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 24 février 2025, M. [P] demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- déclarer l'assignation nulle à son encontre pour défaut de qualité à agir,
- déclarer l'assignation irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir,
- à titre subsidiaire sur le fond,
- débouter la société [L] [U] de toutes ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les frais et dépens.
Il fait valoir que l'assignation délivrée par le liquidateur est nulle pour vice de fond puisque s'agissant d'une action en sanction il aurait dû agir en sa qualité de mandataire liquidateur et non ès qualités de liquidateur du débiteur ; que l'assignation a donc été délivrée par une personne dépourvue de qualité et d'intérêt à agir et sa fin de non-recevoir doit être acceuillie.
À titre subsidiaire il conclut au débouté de l'action en comblement de passif expliquant qu'il n'a commis aucune faute ; que la société STP Champagne est une filiale d'un groupe qui comprend 5 sociétés dont la société Forbeton est la société mère ; que les relations au sein du groupe étaient gérées par deux conventions de trésorerie autorisant les différentes sociétés à procéder à des mises à disposition de personnel et de répartition de chiffre d'affaires au gré des besoins de chaque structure et non pas dans l'intérêt unique de la société Forbeton.
Il indique que l'incohérence et l'incompréhension du fonctionnement de la société et plus généralement du groupe ne peuvent constituer des fautes de gestion et il appartient au liquidateur de démontrer le lien de causalité entre les fautes invoquées et l'insuffisance d'actif constaté ; qu'il a certes été un peu négligent dans la gestion mais a toujours oeuvré pour le maintien du groupe et ne s'est pas enrichi au détriment de la société STP Champagne.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 12 mai 2025.
Par arrêt du 13 mai 2025 la cour a, avant dire droit, révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats ainsi que la communication de la procédure au ministère public afin de satisfaire aux dispositions d'ordre public prévues par l'article 425 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2025 Mme la procureure générale demande à la cour de rejeter le moyen tiré de la nullité de l'assignation ainsi que la fin de non recevoir soulevée par M. [P] et de condamner ce dernier à payer la somme de 192 656 euros à la SELARL [U] ès qualités au regard des fautes de gestion commises par le dirigeant.
Les autres parties n'ont pas reconclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience 16 juin suivant.
En cours de délibéré la cour a demandé aux parties de produire aux débats l'assignation en sanction délivrée à M. [P] à la requête de la société [U].
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour de cassation a, dans son arrêt du 11 septembre 2024, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 par cette cour entre les parties. La présente juridiction se trouve donc saisie du litige tel qu'il se trouvait avant la décision rendue le 17 janvier 2023.
1- sur la nullité de l'assignation et la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir du liquidateur
En vertu de l'article 32 du code de procédure civile est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
L'article 117 du code du même code dispose :
'Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.'
L'article L. 651-2 du code de commerce prévoit une action en responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant d'une personne morale dont la liquidation judiciaire a fait apparaître une telle insuffisance. L'article L.651-3 précise qu'en pareil cas le tribunal est saisi par le liquidateur ou le ministère public.
En l'espèce il est constant que l'assignation en sanction sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce a été délivrée par Me [U] ès qualités de liquidateur. Ce dernier a ainsi agi en sa qualité de liquidateur en usant de la faculté qui lui est attribuée par sa fonction aux termes de l'article L.651-3 du code de commerce et non, comme l'indique à tort M. [P], afin d'exercer les droits de la société STP Champagne. Le moyen tiré de la nullité de l'assignation est donc mal fondé.
La fin de non recevoir soulevée par M. [P] tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de Me [U] ne peut pas non plus prospérer dès lors que Me [U] en sa qualité de liquidateur dispose en application des dispositions prévues par l'article L.651-3 du code de commerce de la qualité et de l'intérêt à agir en sanction contre le dirigeant de la société liquidée.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de procédure et la fin de non recevoir soulevées par M. [P].
2- sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
L'article L.651-2 du code de commerce dispose :
'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.'
L'action fondée sur ces dispositions nécessite, pour être accueillie favorablement, l'existence d'une ou de plusieurs fautes commise par le dirigeant dans le cadre de la gestion de la société avant l'ouverture de la procédure collective. Cette faute doit être grave, une simple négligence ne suffisant pas. Par ailleurs la faute doit avoir conduit à la création d'un préjudice qui se traduit par une insuffisance d'actif.
S'agissant du lien de causalité il suffit que la faute de gestion ait contribué à l'insuffisance d'actif sans qu'il soit nécessaire de déterminer quelle part de l'insuffisance est imputable à cette faute de sorte que le dirigeant peut être déclaré responsable pour le tout même si la faute de gestion n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et à l'origine que d'une partie des dettes. Enfin, le montant de la condamnation doit respecter le principe de proportionnalité.
2.1 - sur l'insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif (antérieur au jugement d'ouverture) admis et le montant de l'actif réalisé.
En l'espèce ainsi qu'il ressort de la pièce 23 du liquidateur, le passif de la société STP Champagne s'élève à la somme totale de 241 663,27euros. Au demeurant M. [P] ne conteste pas ce montant.
S'agissant de l'actif réalisé Me [U] explique que dans le cadre des opérations liquidatives il a pu recouvrer, hors prise en charge AGS, un actif de 106 418,71 euros et produit en pièce 41 la 'Reddition de compte'.
M. [P] conteste ce montant. Il soutient que la société STP Champagne a encaissé le 14 février 2018 la somme de 90 000 euros au titre du remboursement d'un crédit de TVA et que cette somme ne figure pas dans le récapitulatif de la reddition de compte qui ne mentionne qu'un remboursement de TVA de 10 118 euros.
L'examen des pièces produites par le liquidateur et notamment le relevé de compte de la société Themis banque du 15 mai 2018 annexé au document intitulé 'Reddition de compte' comporte l'indication du remboursement de 90 000 euros effectué par l'administration fiscale le 14 février 2018 lequel est donc inclus dans le solde créditeur de ce compte (soit 94 523,78 euros) reporté au crédit de la reddition des comptes du liquidateur.
Me [U] ès qualités justifie par ailleurs que les frais de procédure, hors paiements correspondant aux avances AGS reçues se sont élevés à la somme totale de 57 411,41 euros de sorte que le montant de l'actif réalisé est de 49 007,30 euros.
Dès lors l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 192 655,57 euros (passif 241 663,27euros - actif 49 007,30 euros).
2.2 - sur les fautes de gestion et leur contribution à l'insuffisance d'actif
Il est constant que M. [P] est le gérant de droit de la société STP Champagne. Il est aussi le gérant de droit des sociétés Forbeton Est et STP Lorraine et Bourgogne.
Le liquidateur lui reproche plusieurs fautes de gestion : l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, le transfert du résultat et de la trésorerie au profit d'autres sociétés du groupe, l'absence de déclaration de créance de la société au passif d'une autre société du groupe et l'absence de sincérité des comptes sociaux.
En application des dispositions prévues par l'article L. 640-4 du code de commerce l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiement s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
La société STP Champagne a été assignée en ouverture d'une procédure collective et par jugement du 13 décembre 2016 le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 juin 2015.
M. [P], qui n'a pas satisfait à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai requis, n'a pas remis en cause l'ancienneté de l'état de cessation des paiement. Il ne conteste pas cette faute mais soutient que le retard dans la déclaration n'a pas conduit à aggraver le passif.
Cette affirmation est contredite par les pièces produites aux débats par le liquidateur ( 42 à 50) puisque cette faute de gestion a contribué à aggraver le passif de la société lequel a fortement augmenté depuis le 13 juin 2015, le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements ne pouvant à l'évidence pas être qualifié de simple négligence. Ainsi plusieurs créances admises au passif n'existaient pas à cette date tel les créances Barat, Hilti, One Job 3, La Parisienne. Par ailleurs d'autres créances ont vu leur montant augmenter compte tenu de l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiement notamment celles de PRO BTP, PRS ou de l'URSSAF, cette dernière passant de 21 494 euros à 48 576 euros.
Il est ainsi démontré qu'en ne respectant pas l'obligation légale de déclaration de l'état de cessation des paiement M. [P], qui ne peut contester être un dirigeant de société aguerri, a aggravé le passif de la société STP Champagne qu'il dirigeait, cette faute ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
Il ressort par ailleurs des éléments de la procédure que la société STP Champagne, qui faisait partie d'un groupe comprenant 5 sociétés dont la société mère était la société Forbeton, a été sacrifiée au sein de ce groupe après le détournement de son résultat comptable et la ponction de sa trésorerie opérés grâce aux importantes facturations et refacturations qui lui ont été imposées par les autres sociétés du groupe. Celle-ci n'avait en réalité aucune autonomie commerciale, comptable et financière et était réduite au rang de succursale, ses bénéfices étant absorbés par le groupe.
Ainsi la société, qui réalisait un chiffre d'affaires de l'ordre de 730 000 euros, n'employait pourtant que 2 salariés alors qu'il est impossible dans le secteur du bâtiment de mener à bien des chantiers entraînant un tel résultat avec une si petite masse salariale.
Ce choix incohérent de ressources humaines a contraint la société STP Champagne à avoir recours au prêt de main d'oeuvre par les autres sociétés du groupe ce qui a permis de justifier fictivement les mouvements financiers au sein du groupe. Effectivement durant 4 années d'exercice (entre 2013 et 2016) la société a connu une perte de chiffre d'affaires à la baisse très importante allant jusqu'à une perte de 60 % en 2 ans tout en conservant un résultat à l'équilibre. L'absence de dégradation du résultat d'exploitation, malgré un tel écroulement du chiffre d'affaires et la constance d'un résultat net à l'équilibre parfait ne peuvent s'expliquer par un niveau anormalement élevé des charges variables. D'ailleurs la situation d'équilibre comptable a cessé brusquement dès l'ouverture de la procédure collective ce qui démontre le caractère artificiel de la situation d'équilibre liée notamment au fait que les sociétés du groupe, toutes dirigées par M. [P], adaptaient le niveau de facturation qu'elles faisaient subir à la société STP Champagne à ses résultats et à sa trésorerie disponible.
Il est ainsi démontré que les années où cette dernière connaissait un chiffre d'affaires plus élevé, son niveau de charges, et notamment la facturation par les sociétés du groupe, augmentait d'autant et qu'en réalité elle ne disposait d'aucune autonomie et était totalement soumise au groupe Forbeton Est qui, au gré des résultats, facturait plus ou moins sa filiale, au bénéfice de la holding ou des autres filiales afin de répartir tant les résultats que la trésorerie.
Les bénéfices que la société STP Champagne aurait dû réaliser étaient inexorablement absorbés par les facturations des autres sociétés du groupe sans que les convention de trésorerie produites par M. [P] n'apporte d'explication probante. À l'évidence en organisant sciemment et sur la durée un tel mode de fonctionnement, qui a eu pour conséquence de transformer la société en une structure dénuée de vocation lucrative au profit des autres sociétés du groupe, M. [P] a commis une faute de gestion en lien de causalité avec l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne.
Il résulte encore de l'examen du fonctionnement de la société STP Champagne que la société Forbeton Est lui facturait des frais de gestion pour des montant importants qui n'ont pas été justifiés, M. [P] ne fournissant aux organes de la procédure aucune convention de prestation justifiant ces frais ni explication sur la nature exacte des prestations facturées pour un montant hors taxes de 212 046 euros entre janvier 2009 et mai 2015. Au demeurant ces frais ont varié de manière totalement incohérente ce qui démontre une absence de correspondance avec les frais réellement supportés, ceux-ci servant manifestement à donner un semblant de justification aux remontées de trésoreries pratiquées.
L'étude des factures émises par la société STP Lorraine à la société STP Champagne démontre que ces deux sociétés étaient en relation d'affaires très régulière et importante puisque sur 5 exercices STP Lorraine lui a facturé un total de 758 681 euros hors taxes et qu'après une forte augmentation de ces facturations toute relation d'affaire a cessé brutalement à compter de février 2015 sans aucune explication. De plus ces factures, principalement de mise à disposition de personnel, ne portent pas l'entête de la société STP Lorraine, ni adresse ni numéro RCS et les chantiers auxquels elles sont censées se rapporter ne sont pas mentionnés.
Il est encore établi un assèchement de la trésorerie de la société STP Champagne par le fait que les sommes qui lui étaient dues par la société STP Lorraine ne lui ont jamais été remboursées et que cette dernière disposait curieusement dans les comptes de la société STP Champagne d'un compte courant d'associé alors que les deux structures n'avaient aucun lien capitalistique. La dette de la société STP Lorraine envers la société STP Champagne n'a pourtant cessé de croître mais n'a jamais été régularisée, cela grevant lourdement sa trésorerie et conduisant inéluctablement à sa faillite. Il est par ailleurs constant que la société STP Lorraine a, elle aussi, bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 28 septembre 2016 ; qu'à cette date la société STP Champagne disposait d'une importante créance inscrite en compte courant mais M. [P] n'a pas déclaré cette créance au passif de la société STP Lorraine, ce fait constituant une faute de gestion ayant aussi contribué à l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne.
Malgré les dénégations de M. [P] il est établi que les comptes de la société STP Champagne ne reflètent pas la situation économique et financière de celle-ci en particulier en ce qu'ils révèlent des incohérences manifestes entre la capacité d'autofinancement dont se prévaut la société et sa situation de trésorerie la conduisant à se trouver en état de cessation des paiements. Il a ainsi été mis à jour une absence de sincérité des comptes sociaux puisqu'il n'a pas été retrouvé en trésorerie les résultats comptables affichés.
Ces incohérences, sur lesquelles M. [P] ne donne aucune explication, ont été mises à jour au cours de la procédure de liquidation judiciaire par le premier président de cette cour qui, saisi d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, avait relevé que le passif fournisseur avait brusquement fondu sans motif valable et par la cour d'appel de renvoi désignée par la Cour de cassation qui a noté que 'les difficultés rencontrées par la société avec le factor ne permettent pas d'élucider le solde arrêté en 2017 et interrogent sur la fiabilité des comptes transmis et ce d'autant que l'opacité demeure sur les compensations effectuées avec la société soeur (la STP Lorraine) et sur lesquelles aucune explication n'est fournie'.
Ainsi l'absence de sincérité des comptes sociaux constitue aussi une faute de gestion en lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.
3 - sur la condamnation du dirigeant
Il ressort des développements précédents que les fautes de gestion commises par M. [P] ont toutes contribué à l'insuffisance d'actif de la société STP Champagne-sciage qui s'élève à la somme de 192 655,57 euros.
M. [P] explique qu'il a été 'quelque peu négligent dans la gestion' et qu'il ne s'est pas enrichi au détriment de la société (page 16 de ses conclusions). Cependant l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est une action civile délictuelle qui ne suppose pas la démonstration d'un quelconque enrichissement de son dirigeant.
Enfin la gravité des fautes de gestion commises par M. [P] ne permettent pas de considérer qu'il a simplement fait preuve de négligence dans la gestion, celui-ci ayant mis en place un véritable système de gestion opaque entre les sociétés formant le groupe qu'il dirigeait et une stratégie consistant notamment à un transfert fautif du résultat de la société STP Champagne vers les autres sociétés du groupe ayant conduit cette dernière à la liquidation judiciaire avec une insuffisance d'actif à hauteur de 192 655,57 euros.
Le liquidateur est fondé à soutenir que M. [P] a véritablement sacrifié la société STP Champagne aux autres sociétés du groupe qu'il dirigeait. Il est toujours le dirigeant de la société Forbeton Est qui poursuit son activité. Il déclare par ailleurs bénéficier de revenus mensuels allant de 3 000 euros à 6 000 euros équivalent à 70 000 euros par an soit une moyenne mensuelle de 5 833 euros. Dans sa pièce 3 il déclare être propriétaire d'un appartement à [Localité 6] d'une valeur de 117 500 euros pour lequel il reste dû au titre du prêt immobilier un capital de 50 320 euros, détenteur de parts sociales de la société Forbeton et bénéficier d'une épargne financière de 21 598,77 euros. Il y mentionne encore la saisie d'un 'appartement [Adresse 5]' avec un solde de 35 100,40 euros, un 'remboursement ING' de 29 031, 61 euros et une 'contrainte Luxembourg' de 57 148,29 euros. Son avis d'imposition sur les revenus de 2023 (sa pièce 20) mentionne un revenu brut global annuel de 125 001 euros. Il justifie enfin de son état de santé fragile.
Dès lors c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le tribunal a condamné M. [P] à payer la somme de 120 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.
4- sur les frais de procédure et les dépens
M. [P] qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel et à payer à la société [U] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande faite à ce titre étant nécessairement mal fondée.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt rendu entre les parties par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 septembre 2024 ;
Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Reims le 1er juillet 2022 ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [P] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [P] à payer à la société [U] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le déboute de sa demande faite à ce titre.
Le greffier La conseillère