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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 2 septembre 2025, n° 24/01167

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 24/01167

2 septembre 2025

GS/SL

N° Minute

[Immatriculation 3]/461

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 02 Septembre 2025

N° RG 24/01167 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HRSR

Décision attaquée : Ordonnance du Juge de la mise en état d'[Localité 9] en date du 26 Juillet 2024

Appelants

M. [G] [E] [S]

né le 15 Octobre 1951 à [Localité 12] (PORTUGAL), demeurant [Adresse 4]

Mme [J] [X] [S]

née le 03 Janvier 1977 à [Localité 10], demeurant [Adresse 11] PORTUGAL

M. [N] [L] [S]

né le 26 Septembre 1983 à [Localité 10], demeurant [Adresse 1]

SCI BANFORA, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentés par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentés par la SELARL C. & D. PELLOUX, avocats plaidants au barreau d'ANNECY

Intimés

M. [O] [M], demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Lionel FALCONNET, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Syndicat des copropriétaires DU [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice, la Société HELLO SYNDIC, demeurant [Adresse 8]

Sans avocat constitué

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Date de l'ordonnance de clôture : 05 Mai 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 juin 2025

Date de mise à disposition : 02 septembre 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

La SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] sont propriétaires de divers lots au sein d'un immeuble situé [Adresse 5] à Annecy (74000), soumis au statut de la copropriété.

Suivant exploit en date du 15 juillet 2022, la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice la société Azur Immobilier, et M. [M] devant le tribunal judiciaire d'Annecy afin notamment de voir prononcer l'annulation des résolutions n°13, 16, 26, 52, 53, 54, 57 et 58 votées lors de l'assemblée générale du 29 avril 2022.

Par ordonnance du 26 juillet 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy a :

- Prononcé la nullité de l'assignation signifiée le 15 juillet 2022 ;

- Condamné in solidum la SCI Banfora, M. [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] aux entiers dépens ;

- Dit que chacune des parties conservera la charge des frais exposés au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] Annecy, la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Constaté la clôture de la présente procédure.

Au visa principalement des motifs suivants :

' le syndicat des copropriétaires assigné est dépourvu de syndic dès lors que si, dans le cadre du syndicat coopératif mis en place, M. [M] a été désigné en qualité de membre du conseil syndical, ce dernier n'est pas valablement constitué et n'a élu aucun syndic parmi ses membres ;

' à défaut de désignation par le président du tribunal judiciaire d'un syndic, le syndicat des copropriétaires ne peut valablement être assigné en justice puisque s'il est doté de la personnalité juridique, il n'a pas la capacité d'ester en justice et doit être représenté par un syndic à cette fin.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 8 août 2024, la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S], M. [N] [S] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de leurs dernières écritures du 9 septembre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique et signifiées au syndicat des copropriétaires par acte d'huissier du 24 septembre 2024, la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S], M. [N] [S] sollicitent l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

- Débouter le syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] de ses demandes tendant à la nullité de l'assignation pour vice de fond ;

- Juger recevable l'assignation du syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] ;

- Condamner le syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] à leur payer la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] aux entiers dépens de l'Incident et de l'instance d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Bollonjeon, avocat ;

- Juger qu'ils seront, en application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure dans le cadre de l'Incident dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.

Au soutien de leurs prétentions, la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] font notamment valoir que :

' lors de l'assemblée générale du 29 avril 2022, aucun Conseil Syndical n'a été désigné puisque c'est M. [M] qui a empêché cette constitution en votant systématiquement contre la désignation d'autres copropriétaires que lui-même aux fonctions de membre du Conseil Syndical ;

' la mention de l'identité du représentant d'une personne morale ne constitue pas une formalité substantielle imposée à peine de nullité de l'assignation;

' la procédure a été régularisée en cause d'appel puisque le syndicat des copropriétaires se trouve désormais valablement représenté par son syndic en exercice, désigné lors de l'assemblée générale du 17 juin 2024.

Par dernières écritures du 2 octobre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [M] demande à la cour de :

- Lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur l'appel interjeté par la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [X] [S] et M. [N] [S] contre l'Ordonnance rendue par Madame le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire d'Annecy le 26 juillet 2024 ;

- Condamner in solidum la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [X] [S] et M. [N] [S] à lui payer une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, M. [M] fait notamment valoir que :

' La nullité de l'assignation avait été soulevée en première instance par le syndicat des copropriétaires ;

' Aucune demande n'est formée à son encontre.

Régulièrement cité à sa personne, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, la société Hello Syndic, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Motifs de la décision

I - Sur la nullité de l'assignation

Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, « constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice ».

L'article 17 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant la statut de la copropriété des immeubles bâtis rend par ailleurs obligatoire la désignation d'un syndic. Il est ainsi de jurisprudence constante que s'il est bien doté de la personnalité juridique, le syndicat des copropriétaires ne dispose pas de la capacité d'ester en justice, ni donc de se défendre, s'il ne se trouve pas valablement représenté par un syndic.

En l'espèce, l'assignation du 15 juillet 2022 a été délivrée par les requérants au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5], représenté par la société Azur Immobilier, désignée comme étant son syndic en exercice. Or, il est constant qu'à cette date, cette société n'avait plus la qualité de syndic puisqu'elle avait démissionné de ses fonctions lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 29 avril 2022.

Cette même assemblée générale a, aux termes de ses résolutions n°16 et n°17, adopté un mode de fonctionnement sous la forme d'un syndicat coopératif, tel qu'il se trouve prévu à l'article 17-1 de la loi du 10 juillet 1965, qui dispose que « dans le cas où l''administration de la copropriété est confiée à un syndicat coopératif, la constitution d'un conseil syndical est obligatoire et le syndic est élu par les membres de ce conseil et choisi parmi ceux-ci. Il exerce de plein droit les fonctions de président du conseil syndical ».

Force est de constater, cependant, qu'au cours de cette assemblée générale, seul M. [O] [M] a été désigné en qualité de membre du conseil syndical. Or, il est de jurisprudence constante qu'un tel organe, de nature collégiale, doit être composé d'au moins trois membres. Aucun syndic n'a du reste été désigné lors de l'assemblée générale du 29 avril 2022, ni ne pouvait l'être.

C'est ce qui a conduit les appelants, qui souhaitaient agir en nullité de certaines résolutions adoptées à cette date, à saisir le président du tribunal judiciaire d'Annecy d'une requête tendant à obtenir la désignation d'un syndic judiciaire le 9 juin 2022. Cette demande a cependant été rejetée, sans motivation, par une ordonnance du 13 juin 2022.

Il se déduit nécessairement de ces constatations que, comme l'a retenu le premier juge, le syndicat des copropriétaires était dépourvu de syndic et donc de capacité d'ester et de se défendre en justice lorsque l'assignation du 15 juillet 2022 lui a été délivrée, ce qui est de nature à entacher cet acte de procédure d'une nullité de fond.

A cet égard, il convient d'observer que l'argumentation qui est exposée par les appelants, se prévalant de ce que la mention de l'identité du représentant d'une personne morale ne constitue pas une formalité substantielle imposée à peine de nullité de l'assignation, est manifestement inopérante, dès lors qu'en l'espèce, la nullité de l'assignation a été prononcée par le premier juge non pas en considération d'un défaut de pouvoir de la société Azur Immobilier, ancien syndic, mais en raison d'un défaut de capacité de la partie assignée.

Par contre l'article 121 du code de procédure civile prévoit que « dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Il est de jurisprudence constante qu'une telle régularisation peut intervenir y compris en cause d'appel, à la condition que la nullité soit couverte de manière efficiente.

Si la loi ne précise nullement les situations dans lesquelles une nullité de fond est susceptible d'être couverte au sens de ces dispositions, il a notamment été jugé que l'intervention en cause d'appel du représentant d'un incapable majeur condamné par le premier juge en l'absence de son tuteur, ajouté aux conclusions à titre personnel devant la cour d'appel de l'intéressé ayant recouvré la personnalité civile, font disparaître la cause de nullité de la procédure de première instance (Cour de cassation, Civ 1ère, 20 janvier 2004, n°00-19.577, bull n°22) ou encore que la nullité tirée du défaut d'assignation de l'administrateur judiciaire d'une société en procédure collective peut être régularisée en cause d'appel (Cour de cassation, Civ 2ème, 22 mars 2018, n°16-27.562).

Il convient d'observer qu'en l'espèce, la déclaration d'appel a été régulièrement signifiée au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5], représenté par son nouveau syndic en exercice, la société Hello Syndic, désigné à cette fin lors de l'assemblée générale du 17 juin 2024. Le syndicat des copropriétaires a donc recouvré sa capacité d'ester et de se défendre en justice au jour où la cour statue.

La cour relève enfin que dénier aux requérants la possibilité de procéder à une telle régularisation de leur procédure conduirait à les priver, en l'espèce, de l'accès au juge qui leur est garanti notamment par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dès lors qu'ils ne disposaient d'aucune autre possibilité, suite au rejet de leur demande de désignation d'un syndic judiciaire, que d'assigner l'ancien syndic, puisque leur action en nullité devait être engagée dans le délai de deux mois prévu à l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Il convient, au regard de ces considérations, de constater que la cause de la nullité a été couverte en cause d'appel et de rejeter par conséquent la demande de nullité de l'assignation du 15 juillet 2022.

II - Sur les autres demandes

Aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, « le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige ».

En l'espèce, les appelants demandent à être dispensés de toute participation commune aux frais de procédure sur le fondement de ces dispositions. Cependant, leurs prétentions n'ont pas encore été examinées au fond et par ailleurs, l'incident soulevé par le syndicat des copropriétaires était initialement bien fondé. De sorte que cette demande ne pourra qu'être rejetée.

En tant que partie perdante, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction, pour ceux d'appel, au profit de la Selurl Bollonjeon, avocat associé,

Les demandes qui sont formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront enfin rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance rendue le 26 juillet 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy en ce qu'elle a :

- prononcé la nullité de l'assignation signifiée le 15 juillet 2022 ;

- condamné in solidum la SCI Banfora, M. [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] aux entiers dépens ;

- constaté la clôture de la présente procédure.

Statuant à nouveau,

Constate que la nullité de fond affectant l'assignation du 15 juillet 2022 a été couverte en cause d'appel,

Rejette la demande de nullité de l'assignation du 15 juillet 2022 formée par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5],

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Rejette la demande formée par la SCI Banfora, M. [G] [E] [S], Mme [J] [S] et M. [N] [S] au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 5] aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ceux d'appel au profit de la Selurl Bollonjeon, avocat associé,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la procédure n°RG 22/01401 se poursuivra devant le tribunal judiciaire d'Annecy.

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 02 septembre 2025

à

la SELARL BOLLONJEON

Me Lionel FALCONNET

Copie exécutoire délivrée le 02 septembre 2025

à

la SELARL BOLLONJEON

Me Lionel FALCONNET

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