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Décisions

CA Reims, ch.-1 civ. et com., 2 septembre 2025, n° 24/01230

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 24/01230

2 septembre 2025

ARRET N°

du 02 septembre 2025

R.G : N° RG 24/01230 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQ3E

S.A.S. PAVILLONS ILE DE FRANCE

c/

[U] [F]

[C] [K] [E]

Formule exécutoire le :

à :

Me Sabah LABCIR

la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 10 avril 2024 par le tribunal judiciaire de Chalons-en-Champagne

S.A.S. Pavillons Île de France

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître Sabah LABCIR, avocat au barreau de REIMS et Maître Btissam DAFIA de la SELARL DAFIA et SEIZOVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

1°) Madame [F] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Damien MOITTIE de la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

2°) Monsieur [E] [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître Damien MOITTIE de la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND, avocat inscrit au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Mme Anne POZZO DI BORGO et M. Kevin LECLERE VUE, conseillers, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Ils en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Sandrine PILON, conseillère,

Mme Anne POZZO DI BORGO, conseillère

M. Kevin LECLERE VUE, conseiller

GREFFIERS :

Mme Jocelyne DRAPIER, greffière, lors des débats et Mme Lucie NICLOT, greffier, lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 17 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 septembre 2025,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 02 septembre 2025 et signé par Mme Sandrine PILON, conseillère, et Mme Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous-seing privé du 10 octobre 2016, M. [E] [C] [K] et Mme [F] [U] ont confié à la SAS Pavillons d'île de France la construction d'une maison individuelle située [Adresse 1] à [Localité 4] moyennant le prix de 233 439 euros toutes taxes comprises.

Les 10 octobre 2016 et 27 février 2017, les parties ont conclu deux avenants pour un montant 4 916 euros.

Par acte sous-seing privé du 11 mars 2019, les parties ont conclu un protocole d'accord transactionnel sur les désordres suivants :

« inesthétisme général de la couverture, malgré une mise en 'uvre suivant les règles de l'art,

absence des renforts dans cloison pour 2 meubles colonnes suspendues dans la salle de douche rez-de-chaussée initialement prévue dans l'avenant n°2,

mécontentement sur le manque de conseils sur la conception du projet,

mécontentement sur des défauts mineurs de réalisation ».

Il a été convenu qu'« en dédommagement de ces 4 points ('), la société s'engage à livrer, en fourniture seule, la charpente, les liteaux, les tuiles et accessoires pour le garage conformément aux plans de permis de construire fournis par vos soins.

A la suite de ce qui a été cité précédemment, plus aucun point de litige ne subsistera et le maître d'ouvrage se déclare entièrement satisfait par la présente transaction ».

Le 29 avril 2019, les parties ont réceptionné les travaux en formulant les réserves suivantes :

« pose sous face volet roulant,

interrupteur local technique,

raccordement moteur porte garage,

travaux rectificatifs couverture suivant rapport Pipa,

réglage PE + joint +changement 'crédence' ,

remplacement porte de service,

guide porte coulissante,

grille anti-moustiques à fournir ».

M. [C] [K] et Mme [U] ont payé la somme de 227 437,60 euros.

Par lettre recommandée distribuée le 2 avril 2021, le cabinet Safir, mandaté par la société Pavillons d'île de France, a mis vainement en demeure M. [C] [K] et Mme [U] de payer la somme de 11 389,40 euros correspondant au solde du marché.

Suivant exploit délivré le 27 avril 2021, la société Pavillons d'île de France a fait assigner M. [C] [K] et Mme [U] devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne aux fins de leur condamnation au paiement du solde demeuré impayé.

Par jugement contradictoire du 10 avril 2025, le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :

débouté la société Pavillons d'île de France de sa demande de condamnation solidaire de M. [C] [K] et Mme [U] au paiement de la somme de 11 389 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 1er avril 2021,

condamné la société Pavillons d'île de France à réaliser les travaux de remise en état et/ ou de conformité, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision,

débouté M. [C] [K] et Mme [U] de leur demande de condamnation de la société Pavillon d'île de France à la somme de 5 000 euros en réparation de leur trouble de jouissance,

condamné la société Pavillons d'île de France à payer à M. [C] [K] et Mme [U] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Pavillons d'île de France aux dépens sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

débouté la société Pavillons d'île de France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

rappelé l'exécution provisoire du présent jugement,

débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Par déclaration du 17 juillet 2024, la société Pavillon d'île de France a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 octobre 2025, la société Pavillons d'île de France demande à la cour de :

débouter M. [C] [K] et Mme [U] de leurs prétentions,

infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [C] [K] et Mme [U] de leur demande de condamnation à la somme de 5 000 euros dirigée à son encontre en réparation de leur préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau,

condamner M. [C] [K] et Mme [U] à lui payer la somme de 11 389 euros au titre du solde des travaux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2021, date de la mise en demeure,

condamner M. [C] [K] et Mme [U] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle soutient sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1792-6 du code civil, ainsi que L. 111-20-2 et R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation, avoir levé les réserves formulées le 29 avril 2019 lors de la réception du chantier et que pour s'opposer au paiement de l'intégralité de sa facture, les intimés se prévalent de malfaçons et de désordres qui n'avaient pas été signalés. Elle indique qu'il incombe aux maîtres de l'ouvrage de rapporter la preuve que les désordres non signalés n'étaient pas apparents au moment de la réception. Elle expose que rien ne prouve que la laine de verre n'a pas été retirée par le plombier et que le désordre affectant la porte à galandage n'était pas apparent au moment de la réception du chantier. Elle ajoute qu'il a été mis fin aux contestations de ces désordres dans un protocole d'accord conclu avant la réception du chantier. Elle précise que le défaut d'étanchéité n'est pas causé par les travaux qu'elle a réalisés mais par ceux que les intimés s'étaient réservés.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 août 2024, M. [C] [K] et Mme [U] demandent à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

condamner la société Pavillons d'île de France à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Pavillons d'île de France aux dépens sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

En défense, ils font valoir sur le fondement des articles 1353 et 1792-6 du code civil que l'appelante n'a pas mis fin aux réserves relevées le 19 avril 2019. Ils indiquent que de nouveaux désordres sont apparus après la réception des travaux tels que le défaut d'étanchéité des menuiseries extérieures et d'isolation d'un mur de la salle de bain. Ils précisent qu'en dépit de leurs sollicitations, l'appelante n'a pas remédié aux désordres, qui sont les suivants : absence de laine de verre dans les cloisons de la salle de bains, absence de guide sur la porte à galandage ; porte à galandage non conforme à la commande faute de vitrage ; porte d'entrée dont les ventaux ne sont pas posés ; défaut de pose d'un coffre de volet roulant. Ils objectent que le protocole d'accord ne concernait pas les désordres qui ont fait l'objet des réserves à la réception du chantier.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2025 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries le 17 juin suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour relève qu'en application des articles 562, 909 et 954 du code de procédure civile, en l'absence d'appel incidemment relevé par M. [C] [K] et Mme [U] à l'encontre du chef du dispositif du jugement les ayant déboutés de leur demande de condamnation de la société Pavillon d'île de France à la somme de 5 000 euros en réparation de leur trouble de jouissance, elle n'en est pas saisie.

I. Sur la demande principale de la société Pavillons d'île de France

Selon l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.

Aux termes de l'article 1353 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article 1219 de ce code, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de réception du chantier dressé contradictoirement le 29 avril 2019, les réserves suivantes :

« pose sous face volet roulant,

interrupteur local technique,

raccordement moteur porte garage,

travaux rectificatifs couverture suivant rapport Pipa,

réglage PE + joint +changement 'crédence' ,

remplacement porte de service,

guide porte coulissante,

grille anti-moustiques à fournir »

Les intimés produisent au débat un courrier adressé à la société Pavillons d'île de France le 25 juillet 2019 aux termes duquel ils se sont plaints de ce que tous les intervenants n'étaient pas venus et que demeuraient donc les désordres suivants :

'- la porte du garage n'est toujours pas motorisée,

- la porte d'entrée est toujours mal réglée,

- des fenêtres qui ferment mal,

- un volet roulant qui ne fonctionne pas,

- le cache d'un volet roulant d'une baie vitrée n'est pas posé - a été posé depuis mais ne tient pas' (pièce n°6).

Ils versent également un procès-verbal de constat dressé le 9 septembre 2019 par Me [W] [O], huissier de justice à Sézanne, qui relève, appuyée par des clichés photographiques, que la porte du garage n'est pas motorisée, que la porte à galandage dans la salle de séjour ne comporte pas de guide au sol et que le cache coffre du volet roulant de la fenêtre de la cuisine n'est pas correctement posé (pèce n°9).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les maîtres de l'ouvrage rapportent la preuve que trois au moins des désordres réservés lors de la réception, et qui ne sont pas compris dans le périmètre du protocole d'accord transactionnel, n'ont pas été réparés par le maître d'oeuvre. Pas plus que devant le premier juge, le constructeur ne rapporte la preuve à hauteur de cour qu'il a mis fin aux malfaçons et non façons litigueuses, qui lui sont imputables. Or, et indépendamment de tout désordre qui serait apparu postérieurement à la réception de l'ouvrage, le fait de ne pas mettre fin aux seuls désordres qui ont fait l'objet de réserves constitue incontestablement un manquement grave du constructeur à ses obligations contractuelles. Les maîtres de l'ouvrage sont ainsi fondés, en défense, à opposer au constructeur l'exception d'inexécution.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté la société Pavillons d'île de France de sa prétention relative au paiement du solde du marché.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

II. Sur la demande reconventionnelle de M. [C] [K] et Mme [U]

Selon l'article 1221 du code civil, le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

L'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

En l'espèce aux termes de leurs conclusions les intimés demandent à la cour de 'confirmer le jugement en toutes ses dispositions'. Ce faisant les intimés réclament donc la confirmation de cette décision en ce qu'elle a 'condamné la société Pavillons d'île de France à réaliser les travaux de remise en état et/ ou de conformité, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision' tandis que l'appelante en demande l'infirmation. Force est cependant de constater que les intimés n'indiquent pas quels sont les travaux de remise en état et/ ou de conformité dont ils demandent qu'ils soient mis à la charge de la société appelante. Dès lors leur demande indéterminée ne peut qu'être rejetée, le jugement étant infirmé en ce sens.

III. Sur les prétentions accessoires

La société Pavillons d'île de France, qui succombe au principal, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à verser M. [C] [K] et Mme [U] une somme qu'il est équitable de fixer à 2 500 euros.

Le jugement sera en outre confirmé du chef des dépens.

Par ces motifs

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement des chefs soumis à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Pavillons d'île de France à réaliser les travaux de remise en état et/ ou de conformité, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision,

Statuant à nouveau du chef ainsi infirmé et y ajoutant,

Déboute M. [E] [C] [K] et Mme [F] [U] de leur prétention visant à condamner la société Pavillons d'île de France à réaliser les travaux de remise en état et/ ou de conformité, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision,

Condamne la SAS Pavillons d'île de France aux dépens de l'instance d'appel sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Pavillons d'île de France à verser à M. [E] [C] [K] et Mme [F] [U] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La conseillère

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