CA Colmar, ch. 2 a, 1 septembre 2025, n° 22/04184
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 390/2025
Copie exécutoire
aux avocats
Le 1er septembre 2025
Le cadre greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/04184 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6RS
Décision déférée à la cour : 20 Octobre 2022 par le tribunal judiciaire
de [Localité 4]
APPELANT :
Monsieur [B] [N]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [J]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN ET ASSOCIES, avocat à la cour.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Juin 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente de chambre,
Mme Céline [O], conseillère,
M. Christophe LAETHIER, vice-président placé,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Jérôme BIERMANN
ARRÊT Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Monsieur [B] [N] et Monsieur [Y] [J] sont propriétaires de parcelles contiguës, situées sur la commune de [Localité 3].
Par courrier du 17 octobre 2017, transmis par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [J] a mis en demeure Monsieur [N] de cesser immédiatement et durablement toute immixtion dans sa propriété, alléguant de multiples atteintes à son droit de propriété, ainsi que de toute dégradation de celle-ci.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 novembre 2017, Monsieur [J] a réitéré sa mise en demeure à Monsieur [N], sollicitant en outre la prise en charge des frais afférents à la réparation de sa grange, évalués à la somme de 27 136,31 euros.
Par courrier en date du 3 janvier 2018, Monsieur [N], par l'intermédiaire de son conseil, a contesté être à l'origine des désordres affectant la grange appartenant à M. [J].
Par ordonnance de référé du 5 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné une expertise à la requête de Monsieur [J] et a commis en qualité d'expert Monsieur [G] [W].
Ce dernier a déposé son rapport définitif le 30 décembre 2020.
Par acte de commissaire de justice en date du 20 octobre 2021, Monsieur [Y] [J] a assigné Monsieur [B] [N] devant le tribunal judicaire de Strasbourg aux fins de le voir condamner à lui payer une somme de 23 200 euros à titre de dommages et intérêts, une somme de 3 000 euros pour résistance abusive sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du jugement à intervenir et une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des frais et dépens de la procédure y compris de l'ensemble des frais d'expertise et relatifs à la procédure de référé.
Bien que régulièrement constitué, M. [B] [N] n'a pas conclu dans les délais impartis.
Par jugement du 21 juillet 2022, sa demande de réouverture des débats a été rejetée.
Par jugement contradictoire rendu le 20 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- débouté [B] [N] de sa demande en rabat de l'ordonnance de clôture ;
- l'a condamné à payer à [Y] [J] la somme de 23 200 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
- l'a condamné à lui payer la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
- l'a condamné aux dépens et à payer à [Y] [J] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [B] [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 16 novembre 2022.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 15 février 2023, il demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,
- infirmer le jugement du 20 octobre 2022 rendu par le tribunal judicaire de Strasbourg en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- condamner Monsieur [J] à payer à Monsieur [N] la somme de 12 500 euros au titre de l'effondrement de son mur séparatif ;
- condamner Monsieur [J] à payer à Monsieur [N] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- condamner Monsieur [J] en tous les frais et dépens.
Il indique que courant 2016, il a réalisé des travaux de construction- rénovation de sa maison d'habitation ; qu'à cette occasion, son voisin Monsieur [J] lui a demandé d'enlever la toiture attenante à sa grange car il projetait de refaire le mur en colombages abîmé ainsi que la toiture ; qu'il a constaté que des Velux qui étaient entreposés dans son grenier avaient été fixés sur la nouvelle toiture de Monsieur [J], générant des vues illégales qu'il l'a sommé de supprimer ; qu'il a ultérieurement été contraint de lui rappeler que l'absence de gouttières sur le toit de la grange avait pour conséquence un ruissellement des eaux pluviales sur son terrain occasionnant une dégradation du revêtement fraîchement posé ; qu'il l'a enfin informé que dans la nuit du 11 au 12 décembre 2017, le mur séparatif arrière de sa propriété s'était écroulé, en raison de la poussée exercée par les arbres de Monsieur [J].
Il fait valoir que la demande de Monsieur [J] fondée sur les articles 1792 et suivants du code civil relatifs à la responsabilité décennale du constructeur d'ouvrage ne peut prospérer, en ce qu'il n'a pas la qualité de constructeur d'ouvrage au sens des dispositions précitées.
Sur la demande au titre de la responsabilité délictuelle, il fait valoir que les parties sont propriétaires de terrains contigus sur lesquels est édifiée une grange et qu'une dépendance, édifiée sur son terrain était adossée à cette grange ; qu'il a procédé, en juin 2016, à la démolition de cette dépendance, permettant ainsi à M. [J] d'entreprendre des travaux de réfection sur la couverture de sa partie de grange et du mur commun ; que toutefois, la grange étant d'un seul tenant, les travaux réalisés unilatéralement par l'intimé ont endommagé la couverture lui appartenant ; que comme l'établit le rapport d'expertise (planches photographiques à l'appui), ces travaux ont ouvert la couverture de sa partie de grange, la laissant exposée aux intempéries ; que ce faisant, l'intimé a également exposé un mur en torchis, déjà dégradé, aux infiltrations, et que ce mur, situé initialement à l'intérieur de la grange, est devenu un mur extérieur en raison de la disparition de la couverture qui le protégeait ; que l'intimé cherche aujourd'hui à lui imputer la responsabilité des désordres affectant ce mur, ce qui constitue une démarche manifestement abusive ; qu'il est constant que l'origine des désordres ne réside pas dans la démolition par lui de la dépendance, comme l'a indiqué à tort l'expert ; qu'en effet, la simple démolition d'un ouvrage appartenant exclusivement à l'appelant ne peut être regardée comme le fait générateur des dommages litigieux, faute de lien de causalité direct et certain, au sens de l'article 1240 du code civil.
Il rappelle qu'il avait accédé à la demande de l'intimé de démolir la dépendance attenante, afin de lui permettre de rénover le mur à colombages et la couverture de sa grange ; que ce sont en réalité les travaux de couverture réalisés par l'intimé, sans précaution ni concertation, qui ont endommagé la toiture de l'appelant et exposé le mur en torchis aux intempéries pendant près d'un an ; qu'il est singulier de constater que lui seul a pris des mesures de protection du mur pignon, alors que Monsieur [J] est resté totalement passif ; qu'en outre, l'état préalable de vétusté du mur en torchis ainsi que la présence d'un bac acier posé à l'horizontale, incliné vers le mur, ont aggravé les désordres ; qu'il n'a jamais réalisé de travaux d'étanchéité sur cette partie, n'ayant entrepris aucune amélioration ou rénovation de cette structure vétuste ; qu'il a été contraint de démolir le reste de sa grange en raison de sa vétusté et des dommages causés par les travaux de Monsieur [J] ; qu'en définitive, les désordres affectant le mur en torchis trouvent leur origine exclusive dans les travaux mal réalisés par Monsieur [J] et non dans ses agissements.
Il critique la somme réclamée par Monsieur [J] au titre des désordres affectant son mur, au motif qu'une telle condamnation aurait pour effet d'améliorer l'état initial de la grange et constituerait une plus-value, ce qui contrevient au principe de la réparation intégrale du préjudice.
Il fait valoir qu'il est fondé à obtenir réparation du préjudice subi au titre de la réfection du mur séparatif.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, Monsieur [Y] [J] demande à la cour de :
- déclarer l'appel formé par Monsieur [B] [N] irrecevable et en tout état de cause mal fondé ;
Par conséquent,
- confirmer le jugement du tribunal judicaire de Strasbourg du 20 octobre 2022 en l'ensemble de ses dispositions ;
- débouter Monsieur [N] de l'ensemble de ses fins et prétentions formulées à hauteur de cour ;
- condamner Monsieur [N] à payer à Monsieur [J] un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [N] à l'ensemble des frais et dépens de la procédure y compris de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire ainsi que ceux relatifs à la procédure de référé RG 18/595 introduite devant le tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un expert judicaire.
Il fait valoir que les désordres initiaux sont exposés de manière précise et objective dans le constat dressé par Me [D] [Z] en date du 4 juillet 2017 ; que le bien-fondé de la demande est corroboré par de nombreux éléments probants notamment des planches photographiques, des correspondances de la commune, des attestations et des échanges de courriels ; que dans son rapport du 30 décembre 2020, l'expert judiciaire, Monsieur [W], procède à une analyse détaillée des désordres, de leur origine, des travaux urgents à réaliser, de leur coût, ainsi que de leur imputabilité ; qu'il a relevé que l'appelant a entrepris des travaux incohérents et inadaptés sans concertation préalable ; qu'à la page 23 du rapport, l'expert indique expressément que les désordres causés par l'appelant sont susceptibles de porter rapidement atteinte à la solidité de l'ouvrage, justifiant l'application du régime de responsabilité prévu aux articles 1792 et suivants du code civil ; que sa demande est subsidiairement fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ; que les désordres et travaux à reprendre sont évalués à 23 200 euros TTC ; que depuis le dépôt du rapport d'expertise, les désordres se sont aggravés notamment en raison des conditions climatiques particulièrement rigoureuses de l'hiver et du printemps derniers ; que l'attitude de l'appelant relève d'une résistance abusive, qui lui est lourdement préjudiciable ; que les travaux de toiture qu'il a réalisés en 2016 ont été rendus nécessaires par la démolition des dépendances et le retrait de tuiles effectués de manière unilatérale par l'appelant ; que face à cette situation, il a, par mesure de précaution, posé une planche de rive en anticipation, afin de protéger son bien ; que contrairement aux allégations de l'appelant, le mur prétendument exposé à l'humidité était encore, à cette époque, un mur intérieur ; que l'appelant tente ainsi de détourner la réalité des faits pour se décharger de sa responsabilité ; que l'appelant soutient également, à tort, avoir été contraint de détruire la couverture ; qu'il s'est abstenu de solliciter une contre-expertise judiciaire, ce qui fragilise sa contestation ; que les travaux de démolition de la toiture de la grange de l'appelant ont été réalisés neuf mois après les travaux de réparation de toiture engagés par l'intimé, et qu'il disposait donc largement du temps nécessaire pour se conformer aux exigences administratives, notamment le dépôt d'une demande de permis de construire ; que l'expert judiciaire a retenu une responsabilité exclusive de Monsieur [N] et non une responsabilité partagée.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
Conformément aux articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation, chacun devant prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention conformément à la loi.
Il sera relevé à titre liminaire que bien que Monsieur [N] ne conclut pas, aux termes du dispositif de ses écritures d'appel, au rejet des demandes de Monsieur [J], il sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, lequel a fait droit aux prétentions du demandeur et qu'il ne saisit la cour que de demandes tendant à la condamnation de l'intimé à lui payer divers montants, de sorte que le rejet des demandes de Monsieur [J] à son encontre est implicite.
Sur les demandes de Monsieur [J]
Il résulte en l'espèce des éléments du dossier que sur les parcelles des parties est implantée une grange dont le corps de bâtiment situé de part et d'autres était mitoyen et jointif ; qu'une partie annexe « dépendance » couvre la totalité de la longueur de la grange des deux parties ; que courant juin 2016, Monsieur [N] a démoli la partie dépendance à l'arrière de la grange ; qu'à l'été 2016, Monsieur [J] a réalisé la réfection complète de la toiture de sa grange située latéralement, ainsi que la réfection de la partie basse de cette grange dont la dépendance avait été démolie ; que courant juin 2017, Monsieur [N] a démoli la toiture de la grange en sa partie inclinée et l'a recouverte à l'horizontale ; qu'il a par la suite construit un abri en ossature bois à environ 80 centimètres du mur de la grange de Monsieur [J], à l'emplacement de l'ancienne dépendance mais sur 50 % de sa surface initiale, apposant un bac acier pour le recouvrir ; qu'en février 2018, Monsieur [N] a poursuivi la démolition de la partie basse et a réalisé en septembre 2018 une ossature et une charpente bois posée sur une dalle béton, dont l'ossature se situe entre 30 et 50 centimètres du mur pignon de Monsieur [J].
Aucune pièce ne justifie les affirmations de Monsieur [N] selon lesquelles il a entrepris ses travaux de démolition de la toiture de sa partie de grange à la demande de Monsieur [J].
Dans son rapport d'expertise datée du 30 septembre 2020, Monsieur [W], expert judiciaire, relève que les travaux de démolition réalisée par Monsieur [N] ont entraîné des désordres de toiture et des murs de la grange de Monsieur [J] qui se sont trouvés exposés aux intempéries.
Il met notamment en évidence que la démolition de la partie arrière dépendance a fractionné la toiture qui était à l'origine d'un seul tenant, de sorte que les eaux de pluie ne sont plus recueillies et que le mur de Monsieur [J], rempli à l'aide de torchis et à l'origine mur intérieur, se retrouvait comme un mur extérieur non protégé, ce d'autant qu'aucune gouttière n'a été mise en place ; que des chevrons de toit commun ont de même été sectionnés ; que les travaux de démolition de la partie de la grange de Monsieur [N] ont fractionné la toiture de l'immeuble ; que le bac acier mis en 'uvre par Monsieur [N] pour assurer l'étanchéité de son garage a été posé à l'horizontale, mais penté vers le mur de la grange de Monsieur [J], de sorte que l'eau ruisselle sur le bac acier et vient abîmer les murs en torchis dans la partie basse.
L'expert pointe l'absence de concertation technique entre les propriétaires avant la réalisation des différentes interventions, alors que la forte imbrication des bâtiments nécessitait la réalisation de travaux cohérents pour garantir l'étanchéité et la conservation des bâtiments. Il a de même relevé qu'un bon nombre de pièces de bois de la structure colombage de la grange de Monsieur [J] étaient fortement abîmées, en partie en raison de l'âge du bâtiment et parfois en raison de la présence de champignons rendant la structure porteuse fragile ; que des renforts locaux ou des étaiements étaient à réaliser très rapidement ; que cet état de la structure n'était pas lié aux travaux de démolition de Monsieur [N], bien qu'ils puissent y contribuer si la situation devait rester en état trop longtemps.
Il conclut qu'une part importante de la responsabilité doit être imputée sur le plan technique à Monsieur [N], en raison des démolitions qu'il a entreprises, mais également dans une moindre mesure à Monsieur [J] en raison de raccordement, même provisoire, inadéquat au niveau de la toiture de la grange de Monsieur [N], la démolition complète de la grange par Monsieur [N] sans précautions particulières et sans protection ad hoc du mur pignon de Monsieur [J] parachevant les désordres constatés.
En l'absence de réception des travaux, qui n'ont consisté qu'en la démolition d'ouvrages appartenant à Monsieur [N], l'intimé n'est pas fondé à solliciter indemnisation de son préjudice sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil qui ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce et sa demande doit être examinée sur le fondement subsidiaire de l'article 1240 du même code, aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La responsabilité de Monsieur [N] dans les dommages causés à l'immeuble de Monsieur [J] par la démolition sans précaution d'une partie de la grange est établie par le rapport d'expertise judiciaire, que ne saurait utilement contredire le rapport d'expertise privée dressé établi le 16 avril 2018 par Monsieur [O] à la demande de l'assureur en protection juridique de l'appelant, en l'absence de Monsieur [J], en ce qu'il se borne globalement à reprendre les arguments et affirmations de Monsieur [N] et retient essentiellement que le démontage réalisé par l'assuré n'a permis que de mettre en avant le manque d'entretien de l'ouvrage propriété de Monsieur [J] et que la responsabilité de l'assuré ne peut être recherchée, les infiltrations ayant généré des dommages étant antérieures à l'acquisition du bien par Monsieur [N].
Au contraire, les conclusions documentées de l'expert judiciaire, qui ont donné lieu à discussion et dire des parties, permettent d'établir clairement le lien de causalité entre les démolitions effectuées par l'appelant et les désordres causés à l'immeuble [J], qui ne résultent pas, ainsi que le soutient sans fondement Monsieur [N], des travaux de rénovation de la couverture de la grange de Monsieur [J] que ce dernier aurait réalisés en dehors des règles de l'art.
La remise en état des désordres occasionnés à l'immeuble [J] a été chiffrée à la somme de 5555 € concernant le côté dépendance, à 12 500 € concernant le côté grange, outre une somme de 3000 € au titre de frais de maîtrise d''uvre, soit un total de 23 200 €.
Cette estimation est faite hors travaux de consolidation de l'immeuble incombant exclusivement Monsieur [J], en raison de la vétusté de l'ouvrage, de sorte que l'appelant ne peut soutenir qu'il en résulterait une plus-value pour l'intimé.
Il convient toutefois de tenir compte du fait que lors de l'exécution de travaux de toiture de sa grange, Monsieur [J] n'a pas réalisé une jonction correcte et étanche avec la toiture de Monsieur [N], étant toutefois relevé que Monsieur [N] a démoli la toiture de la grange neuf mois plus tard.
Au vu de ces éléments, il convient de laisser à la charge de Monsieur [J] un huitième du montant des travaux, Monsieur [P] étant condamné en définitive au paiement d'une somme de 23 200 x 7/8 = 20 300 euros, le jugement déféré étant infirmé quant au montant de la condamnation en paiement du défendeur.
C'est par ailleurs à juste titre, par une disposition qui sera confirmée, que le premier juge a retenu l'existence d'une résistance abusive de Monsieur [N], alors qu'il avait connaissance depuis le 30 décembre 2020 du rapport d'expertise soulignant l'urgence à accomplir les travaux de mise en sécurité du mur afin d'éviter une aggravation des dommages et a fixé à 1000 € la réparation du préjudice ainsi subi par Monsieur [J].
Sur les demandes de Monsieur [N]
L'appelant sollicite condamnation de l'intimé au paiement d'une somme de 12 500 € au titre de l'effondrement de son mur séparatif.
Il fait valoir que ce mur s'est effondré en raison des fortes poussées exercées par les arbres plantés par Monsieur [J].
Il se prévaut du rapport d'expertise protection juridique établi le 16 avril 2018 par Monsieur [O], qui affirme que les arbres plantés en limite de propriété ont exercé de fortes poussées sur le mur, observant que les troncs des arbres ont pris l'empreinte du mur en partie haute, exerçant une forte poussée lors de vents violents.
Toutefois, ces affirmations non étayées sont contredites par les photographies versées aux débats par l'appelant, montrant le pan de mur effondré en son entier et d'un seul tenant depuis sa base et qui permettent de constater l'absence totale de traces sur le côté des briques orientées vers la propriété de Monsieur [J], réfutant ainsi la thèse d'une forte poussée des arbres.
Alors qu'il incombe à Monsieur [N] d'établir que la chute du mur est due aux plantations de son voisin, force est de constater qu'aucun élément du dossier ne permet d'arriver à cette conclusion, de sorte que la demande de condamnation de l'intimé aux frais de remise en état du mur sera rejetée.
Sur les frais et dépens :
L'appelant ne prospérant que très partiellement dans ses prétentions et s'étant abstenu de conclure en première instance, il convient de laisser à sa charge les dépens de l'instance d'appel ainsi que les entiers frais de procédure, incluant ceux de l'expertise judiciaire.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré quant au montant de la condamnation en paiement de Monsieur [N],
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE Monsieur [B] [N] à payer à Monsieur [Y] [J] la somme de 20 300 € portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE Monsieur [B] [N] de ses demandes,
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [B] [N] aux entiers dépens, y compris de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire ainsi que ceux relatifs à la procédure de référé RG 18/595 introduite devant le tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un expert judicaire.
Le cadre greffier, La présidente,
Copie exécutoire
aux avocats
Le 1er septembre 2025
Le cadre greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/04184 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6RS
Décision déférée à la cour : 20 Octobre 2022 par le tribunal judiciaire
de [Localité 4]
APPELANT :
Monsieur [B] [N]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [J]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN ET ASSOCIES, avocat à la cour.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Juin 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente de chambre,
Mme Céline [O], conseillère,
M. Christophe LAETHIER, vice-président placé,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Jérôme BIERMANN
ARRÊT Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Monsieur [B] [N] et Monsieur [Y] [J] sont propriétaires de parcelles contiguës, situées sur la commune de [Localité 3].
Par courrier du 17 octobre 2017, transmis par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [J] a mis en demeure Monsieur [N] de cesser immédiatement et durablement toute immixtion dans sa propriété, alléguant de multiples atteintes à son droit de propriété, ainsi que de toute dégradation de celle-ci.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 novembre 2017, Monsieur [J] a réitéré sa mise en demeure à Monsieur [N], sollicitant en outre la prise en charge des frais afférents à la réparation de sa grange, évalués à la somme de 27 136,31 euros.
Par courrier en date du 3 janvier 2018, Monsieur [N], par l'intermédiaire de son conseil, a contesté être à l'origine des désordres affectant la grange appartenant à M. [J].
Par ordonnance de référé du 5 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné une expertise à la requête de Monsieur [J] et a commis en qualité d'expert Monsieur [G] [W].
Ce dernier a déposé son rapport définitif le 30 décembre 2020.
Par acte de commissaire de justice en date du 20 octobre 2021, Monsieur [Y] [J] a assigné Monsieur [B] [N] devant le tribunal judicaire de Strasbourg aux fins de le voir condamner à lui payer une somme de 23 200 euros à titre de dommages et intérêts, une somme de 3 000 euros pour résistance abusive sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du jugement à intervenir et une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des frais et dépens de la procédure y compris de l'ensemble des frais d'expertise et relatifs à la procédure de référé.
Bien que régulièrement constitué, M. [B] [N] n'a pas conclu dans les délais impartis.
Par jugement du 21 juillet 2022, sa demande de réouverture des débats a été rejetée.
Par jugement contradictoire rendu le 20 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- débouté [B] [N] de sa demande en rabat de l'ordonnance de clôture ;
- l'a condamné à payer à [Y] [J] la somme de 23 200 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
- l'a condamné à lui payer la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
- l'a condamné aux dépens et à payer à [Y] [J] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [B] [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 16 novembre 2022.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 15 février 2023, il demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,
- infirmer le jugement du 20 octobre 2022 rendu par le tribunal judicaire de Strasbourg en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- condamner Monsieur [J] à payer à Monsieur [N] la somme de 12 500 euros au titre de l'effondrement de son mur séparatif ;
- condamner Monsieur [J] à payer à Monsieur [N] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- condamner Monsieur [J] en tous les frais et dépens.
Il indique que courant 2016, il a réalisé des travaux de construction- rénovation de sa maison d'habitation ; qu'à cette occasion, son voisin Monsieur [J] lui a demandé d'enlever la toiture attenante à sa grange car il projetait de refaire le mur en colombages abîmé ainsi que la toiture ; qu'il a constaté que des Velux qui étaient entreposés dans son grenier avaient été fixés sur la nouvelle toiture de Monsieur [J], générant des vues illégales qu'il l'a sommé de supprimer ; qu'il a ultérieurement été contraint de lui rappeler que l'absence de gouttières sur le toit de la grange avait pour conséquence un ruissellement des eaux pluviales sur son terrain occasionnant une dégradation du revêtement fraîchement posé ; qu'il l'a enfin informé que dans la nuit du 11 au 12 décembre 2017, le mur séparatif arrière de sa propriété s'était écroulé, en raison de la poussée exercée par les arbres de Monsieur [J].
Il fait valoir que la demande de Monsieur [J] fondée sur les articles 1792 et suivants du code civil relatifs à la responsabilité décennale du constructeur d'ouvrage ne peut prospérer, en ce qu'il n'a pas la qualité de constructeur d'ouvrage au sens des dispositions précitées.
Sur la demande au titre de la responsabilité délictuelle, il fait valoir que les parties sont propriétaires de terrains contigus sur lesquels est édifiée une grange et qu'une dépendance, édifiée sur son terrain était adossée à cette grange ; qu'il a procédé, en juin 2016, à la démolition de cette dépendance, permettant ainsi à M. [J] d'entreprendre des travaux de réfection sur la couverture de sa partie de grange et du mur commun ; que toutefois, la grange étant d'un seul tenant, les travaux réalisés unilatéralement par l'intimé ont endommagé la couverture lui appartenant ; que comme l'établit le rapport d'expertise (planches photographiques à l'appui), ces travaux ont ouvert la couverture de sa partie de grange, la laissant exposée aux intempéries ; que ce faisant, l'intimé a également exposé un mur en torchis, déjà dégradé, aux infiltrations, et que ce mur, situé initialement à l'intérieur de la grange, est devenu un mur extérieur en raison de la disparition de la couverture qui le protégeait ; que l'intimé cherche aujourd'hui à lui imputer la responsabilité des désordres affectant ce mur, ce qui constitue une démarche manifestement abusive ; qu'il est constant que l'origine des désordres ne réside pas dans la démolition par lui de la dépendance, comme l'a indiqué à tort l'expert ; qu'en effet, la simple démolition d'un ouvrage appartenant exclusivement à l'appelant ne peut être regardée comme le fait générateur des dommages litigieux, faute de lien de causalité direct et certain, au sens de l'article 1240 du code civil.
Il rappelle qu'il avait accédé à la demande de l'intimé de démolir la dépendance attenante, afin de lui permettre de rénover le mur à colombages et la couverture de sa grange ; que ce sont en réalité les travaux de couverture réalisés par l'intimé, sans précaution ni concertation, qui ont endommagé la toiture de l'appelant et exposé le mur en torchis aux intempéries pendant près d'un an ; qu'il est singulier de constater que lui seul a pris des mesures de protection du mur pignon, alors que Monsieur [J] est resté totalement passif ; qu'en outre, l'état préalable de vétusté du mur en torchis ainsi que la présence d'un bac acier posé à l'horizontale, incliné vers le mur, ont aggravé les désordres ; qu'il n'a jamais réalisé de travaux d'étanchéité sur cette partie, n'ayant entrepris aucune amélioration ou rénovation de cette structure vétuste ; qu'il a été contraint de démolir le reste de sa grange en raison de sa vétusté et des dommages causés par les travaux de Monsieur [J] ; qu'en définitive, les désordres affectant le mur en torchis trouvent leur origine exclusive dans les travaux mal réalisés par Monsieur [J] et non dans ses agissements.
Il critique la somme réclamée par Monsieur [J] au titre des désordres affectant son mur, au motif qu'une telle condamnation aurait pour effet d'améliorer l'état initial de la grange et constituerait une plus-value, ce qui contrevient au principe de la réparation intégrale du préjudice.
Il fait valoir qu'il est fondé à obtenir réparation du préjudice subi au titre de la réfection du mur séparatif.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, Monsieur [Y] [J] demande à la cour de :
- déclarer l'appel formé par Monsieur [B] [N] irrecevable et en tout état de cause mal fondé ;
Par conséquent,
- confirmer le jugement du tribunal judicaire de Strasbourg du 20 octobre 2022 en l'ensemble de ses dispositions ;
- débouter Monsieur [N] de l'ensemble de ses fins et prétentions formulées à hauteur de cour ;
- condamner Monsieur [N] à payer à Monsieur [J] un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [N] à l'ensemble des frais et dépens de la procédure y compris de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire ainsi que ceux relatifs à la procédure de référé RG 18/595 introduite devant le tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un expert judicaire.
Il fait valoir que les désordres initiaux sont exposés de manière précise et objective dans le constat dressé par Me [D] [Z] en date du 4 juillet 2017 ; que le bien-fondé de la demande est corroboré par de nombreux éléments probants notamment des planches photographiques, des correspondances de la commune, des attestations et des échanges de courriels ; que dans son rapport du 30 décembre 2020, l'expert judiciaire, Monsieur [W], procède à une analyse détaillée des désordres, de leur origine, des travaux urgents à réaliser, de leur coût, ainsi que de leur imputabilité ; qu'il a relevé que l'appelant a entrepris des travaux incohérents et inadaptés sans concertation préalable ; qu'à la page 23 du rapport, l'expert indique expressément que les désordres causés par l'appelant sont susceptibles de porter rapidement atteinte à la solidité de l'ouvrage, justifiant l'application du régime de responsabilité prévu aux articles 1792 et suivants du code civil ; que sa demande est subsidiairement fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ; que les désordres et travaux à reprendre sont évalués à 23 200 euros TTC ; que depuis le dépôt du rapport d'expertise, les désordres se sont aggravés notamment en raison des conditions climatiques particulièrement rigoureuses de l'hiver et du printemps derniers ; que l'attitude de l'appelant relève d'une résistance abusive, qui lui est lourdement préjudiciable ; que les travaux de toiture qu'il a réalisés en 2016 ont été rendus nécessaires par la démolition des dépendances et le retrait de tuiles effectués de manière unilatérale par l'appelant ; que face à cette situation, il a, par mesure de précaution, posé une planche de rive en anticipation, afin de protéger son bien ; que contrairement aux allégations de l'appelant, le mur prétendument exposé à l'humidité était encore, à cette époque, un mur intérieur ; que l'appelant tente ainsi de détourner la réalité des faits pour se décharger de sa responsabilité ; que l'appelant soutient également, à tort, avoir été contraint de détruire la couverture ; qu'il s'est abstenu de solliciter une contre-expertise judiciaire, ce qui fragilise sa contestation ; que les travaux de démolition de la toiture de la grange de l'appelant ont été réalisés neuf mois après les travaux de réparation de toiture engagés par l'intimé, et qu'il disposait donc largement du temps nécessaire pour se conformer aux exigences administratives, notamment le dépôt d'une demande de permis de construire ; que l'expert judiciaire a retenu une responsabilité exclusive de Monsieur [N] et non une responsabilité partagée.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
Conformément aux articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation, chacun devant prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention conformément à la loi.
Il sera relevé à titre liminaire que bien que Monsieur [N] ne conclut pas, aux termes du dispositif de ses écritures d'appel, au rejet des demandes de Monsieur [J], il sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, lequel a fait droit aux prétentions du demandeur et qu'il ne saisit la cour que de demandes tendant à la condamnation de l'intimé à lui payer divers montants, de sorte que le rejet des demandes de Monsieur [J] à son encontre est implicite.
Sur les demandes de Monsieur [J]
Il résulte en l'espèce des éléments du dossier que sur les parcelles des parties est implantée une grange dont le corps de bâtiment situé de part et d'autres était mitoyen et jointif ; qu'une partie annexe « dépendance » couvre la totalité de la longueur de la grange des deux parties ; que courant juin 2016, Monsieur [N] a démoli la partie dépendance à l'arrière de la grange ; qu'à l'été 2016, Monsieur [J] a réalisé la réfection complète de la toiture de sa grange située latéralement, ainsi que la réfection de la partie basse de cette grange dont la dépendance avait été démolie ; que courant juin 2017, Monsieur [N] a démoli la toiture de la grange en sa partie inclinée et l'a recouverte à l'horizontale ; qu'il a par la suite construit un abri en ossature bois à environ 80 centimètres du mur de la grange de Monsieur [J], à l'emplacement de l'ancienne dépendance mais sur 50 % de sa surface initiale, apposant un bac acier pour le recouvrir ; qu'en février 2018, Monsieur [N] a poursuivi la démolition de la partie basse et a réalisé en septembre 2018 une ossature et une charpente bois posée sur une dalle béton, dont l'ossature se situe entre 30 et 50 centimètres du mur pignon de Monsieur [J].
Aucune pièce ne justifie les affirmations de Monsieur [N] selon lesquelles il a entrepris ses travaux de démolition de la toiture de sa partie de grange à la demande de Monsieur [J].
Dans son rapport d'expertise datée du 30 septembre 2020, Monsieur [W], expert judiciaire, relève que les travaux de démolition réalisée par Monsieur [N] ont entraîné des désordres de toiture et des murs de la grange de Monsieur [J] qui se sont trouvés exposés aux intempéries.
Il met notamment en évidence que la démolition de la partie arrière dépendance a fractionné la toiture qui était à l'origine d'un seul tenant, de sorte que les eaux de pluie ne sont plus recueillies et que le mur de Monsieur [J], rempli à l'aide de torchis et à l'origine mur intérieur, se retrouvait comme un mur extérieur non protégé, ce d'autant qu'aucune gouttière n'a été mise en place ; que des chevrons de toit commun ont de même été sectionnés ; que les travaux de démolition de la partie de la grange de Monsieur [N] ont fractionné la toiture de l'immeuble ; que le bac acier mis en 'uvre par Monsieur [N] pour assurer l'étanchéité de son garage a été posé à l'horizontale, mais penté vers le mur de la grange de Monsieur [J], de sorte que l'eau ruisselle sur le bac acier et vient abîmer les murs en torchis dans la partie basse.
L'expert pointe l'absence de concertation technique entre les propriétaires avant la réalisation des différentes interventions, alors que la forte imbrication des bâtiments nécessitait la réalisation de travaux cohérents pour garantir l'étanchéité et la conservation des bâtiments. Il a de même relevé qu'un bon nombre de pièces de bois de la structure colombage de la grange de Monsieur [J] étaient fortement abîmées, en partie en raison de l'âge du bâtiment et parfois en raison de la présence de champignons rendant la structure porteuse fragile ; que des renforts locaux ou des étaiements étaient à réaliser très rapidement ; que cet état de la structure n'était pas lié aux travaux de démolition de Monsieur [N], bien qu'ils puissent y contribuer si la situation devait rester en état trop longtemps.
Il conclut qu'une part importante de la responsabilité doit être imputée sur le plan technique à Monsieur [N], en raison des démolitions qu'il a entreprises, mais également dans une moindre mesure à Monsieur [J] en raison de raccordement, même provisoire, inadéquat au niveau de la toiture de la grange de Monsieur [N], la démolition complète de la grange par Monsieur [N] sans précautions particulières et sans protection ad hoc du mur pignon de Monsieur [J] parachevant les désordres constatés.
En l'absence de réception des travaux, qui n'ont consisté qu'en la démolition d'ouvrages appartenant à Monsieur [N], l'intimé n'est pas fondé à solliciter indemnisation de son préjudice sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil qui ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce et sa demande doit être examinée sur le fondement subsidiaire de l'article 1240 du même code, aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La responsabilité de Monsieur [N] dans les dommages causés à l'immeuble de Monsieur [J] par la démolition sans précaution d'une partie de la grange est établie par le rapport d'expertise judiciaire, que ne saurait utilement contredire le rapport d'expertise privée dressé établi le 16 avril 2018 par Monsieur [O] à la demande de l'assureur en protection juridique de l'appelant, en l'absence de Monsieur [J], en ce qu'il se borne globalement à reprendre les arguments et affirmations de Monsieur [N] et retient essentiellement que le démontage réalisé par l'assuré n'a permis que de mettre en avant le manque d'entretien de l'ouvrage propriété de Monsieur [J] et que la responsabilité de l'assuré ne peut être recherchée, les infiltrations ayant généré des dommages étant antérieures à l'acquisition du bien par Monsieur [N].
Au contraire, les conclusions documentées de l'expert judiciaire, qui ont donné lieu à discussion et dire des parties, permettent d'établir clairement le lien de causalité entre les démolitions effectuées par l'appelant et les désordres causés à l'immeuble [J], qui ne résultent pas, ainsi que le soutient sans fondement Monsieur [N], des travaux de rénovation de la couverture de la grange de Monsieur [J] que ce dernier aurait réalisés en dehors des règles de l'art.
La remise en état des désordres occasionnés à l'immeuble [J] a été chiffrée à la somme de 5555 € concernant le côté dépendance, à 12 500 € concernant le côté grange, outre une somme de 3000 € au titre de frais de maîtrise d''uvre, soit un total de 23 200 €.
Cette estimation est faite hors travaux de consolidation de l'immeuble incombant exclusivement Monsieur [J], en raison de la vétusté de l'ouvrage, de sorte que l'appelant ne peut soutenir qu'il en résulterait une plus-value pour l'intimé.
Il convient toutefois de tenir compte du fait que lors de l'exécution de travaux de toiture de sa grange, Monsieur [J] n'a pas réalisé une jonction correcte et étanche avec la toiture de Monsieur [N], étant toutefois relevé que Monsieur [N] a démoli la toiture de la grange neuf mois plus tard.
Au vu de ces éléments, il convient de laisser à la charge de Monsieur [J] un huitième du montant des travaux, Monsieur [P] étant condamné en définitive au paiement d'une somme de 23 200 x 7/8 = 20 300 euros, le jugement déféré étant infirmé quant au montant de la condamnation en paiement du défendeur.
C'est par ailleurs à juste titre, par une disposition qui sera confirmée, que le premier juge a retenu l'existence d'une résistance abusive de Monsieur [N], alors qu'il avait connaissance depuis le 30 décembre 2020 du rapport d'expertise soulignant l'urgence à accomplir les travaux de mise en sécurité du mur afin d'éviter une aggravation des dommages et a fixé à 1000 € la réparation du préjudice ainsi subi par Monsieur [J].
Sur les demandes de Monsieur [N]
L'appelant sollicite condamnation de l'intimé au paiement d'une somme de 12 500 € au titre de l'effondrement de son mur séparatif.
Il fait valoir que ce mur s'est effondré en raison des fortes poussées exercées par les arbres plantés par Monsieur [J].
Il se prévaut du rapport d'expertise protection juridique établi le 16 avril 2018 par Monsieur [O], qui affirme que les arbres plantés en limite de propriété ont exercé de fortes poussées sur le mur, observant que les troncs des arbres ont pris l'empreinte du mur en partie haute, exerçant une forte poussée lors de vents violents.
Toutefois, ces affirmations non étayées sont contredites par les photographies versées aux débats par l'appelant, montrant le pan de mur effondré en son entier et d'un seul tenant depuis sa base et qui permettent de constater l'absence totale de traces sur le côté des briques orientées vers la propriété de Monsieur [J], réfutant ainsi la thèse d'une forte poussée des arbres.
Alors qu'il incombe à Monsieur [N] d'établir que la chute du mur est due aux plantations de son voisin, force est de constater qu'aucun élément du dossier ne permet d'arriver à cette conclusion, de sorte que la demande de condamnation de l'intimé aux frais de remise en état du mur sera rejetée.
Sur les frais et dépens :
L'appelant ne prospérant que très partiellement dans ses prétentions et s'étant abstenu de conclure en première instance, il convient de laisser à sa charge les dépens de l'instance d'appel ainsi que les entiers frais de procédure, incluant ceux de l'expertise judiciaire.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré quant au montant de la condamnation en paiement de Monsieur [N],
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE Monsieur [B] [N] à payer à Monsieur [Y] [J] la somme de 20 300 € portant intérêts au taux légal à compter du jugement déféré,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE Monsieur [B] [N] de ses demandes,
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [B] [N] aux entiers dépens, y compris de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire ainsi que ceux relatifs à la procédure de référé RG 18/595 introduite devant le tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un expert judicaire.
Le cadre greffier, La présidente,