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Décisions

CA Rennes, 1re ch., 2 septembre 2025, n° 22/01455

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/01455

2 septembre 2025

1ère chambre B

ARRÊT N°

N° RG 22/01455

N° Portalis DBVL-V-B7G-SRCA

(Réf 1ère instance : 18/00327)

SCI IMMOBILIERE DE MUNSTER

c/

SCI LANDEVENNEC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 2 SEPTEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, conseillère

GREFFIER

Madame Elise BEZIER lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS

A l'audience publique du 12 novembre 2024

ARRÊT

Contradictoire, prononcé publiquement le 2 septembre 2025 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE

SCI IMMOBILIERE DE MUNSTER immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 533.085.122, représentée par son gérant Monsieur [H] [I] domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, postulante, avocate au barreau de RENNES et par Me Laurence CESAR, plaidante, avocate au barreau de CHAMBERY

INTIMÉE

SCI LANDEVENNEC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Le 31 mai 1997, M. et Mme [N] ont acquis un manoir situé sur la commune de [Adresse 6] Mer[Adresse 1] (44), dont ils ont fait apport le 6 juillet 2000 à la SCI Landevennec nouvellement créée entre eux.

2. En 1997, la SCI Landevennec a confié à M. [U] la maîtrise d''uvre de nombreux travaux dans le manoir, lesquels ont été réceptionnés le 1er juillet 1998.

3. Constatant dès l'hiver 1998 d'importantes infiltrations d'eau, la SCI Landevennec a tout d'abord fait reprendre, durant l'hiver 1999/2000, la totalité des joints de maçonnerie en façade.

4. Elle a ensuite complété ces travaux par passage d'un procédé hydrofuge puis a fait refaire l'étanchéité des ouvertures extérieures.

5. Durant l'hiver 2000/2001, d'importantes infiltrations d'eau sont réapparues.

6. Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire du 29 mai 2001, une expertise judiciaire a été confiée à l'expert [C].

7. Dans son rapport définitif déposé le 28 novembre 2003, ce dernier a conclu qu'il existait trois causes aux désordres constatés :

1) les menuiseries extérieures n'étaient pas conformes ni dans leur conception ni dans leur pose,

2) les façades sud, ouest et est n'étaient pas étanches en raison de la porosité des matériaux,

3) un défaut d'exécution correcte des travaux d'étanchéité de la terrasse.

8. Pour y remédier, l'expert, aidé en cela par un architecte du cabinet Atelier d'Architecture du [Localité 8], M. [W], a préconisé :

- de changer les menuiseries et les poser en respectant les normes,

- en extérieur, de rejointer les façades sud, ouest et est,

- à l'intérieur, de réaliser des murs de type III, conformes au DTU c'est-à-dire des murs conçus pour que les éléments intérieurs ne soient pas en contact avec la maçonnerie, que les éléments de structure qui s'appuient sur ces éléments soient protégés et que l'eau qui arrive sur la partie inférieure soit canalisée, récupérée et renvoyée à l'extérieur en partie basse,

- de poser une VMC,

- de refaire l'étanchéité de la terrasse du premier étage.

9. Sur la base du devis de M. [W], l'expert [C] a chiffré le coût des reprises à la somme de 341.076,09 € TTC.

10. Par jugement du 27 mars 2006, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a statué sur les responsabilités des entreprises intervenues sur le manoir lors de la rénovation réalisée en 1997, décernant acte de ce que la MAAF, assureur de l'entreprise [F] (chargée du gros 'uvre) offrait de verser à M. [N], maître d'ouvrage, la somme de 35.808 € moins 21.493,52 €, outre les recours en garantie entre les diverses entreprises de construction.

11. Par arrêt du 18 septembre 2008, la cour d'appel de Rennes a réformé cette décision et arbitré les responsabilités de chaque intervenant à la construction initiale en allouant à M. [N] une somme globale de 361.576,10 €, outre intérêts, somme correspondant au coût des travaux de réparation.

12. Suivant acte notarié du 29 juillet 2011, la SCI de Munster, ayant pour gérant M. [I], a acquis ce manoir de la SCI Landevennec au prix de 2.714.000 €, outre 30.000 € de mobiliers.

13. L'acte de vente stipulait en page 13 que 'le VENDEUR déclare que le BIEN objet des présentes n'est pas concerné par les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, aucune construction, surélévation ou addition d'éléments d'équipement faisant corps avec l'immeuble n'ayant été effectuée depuis moins de dix ans'.

14. Par la suite, le gérant de la SCI de Munster a constaté des infiltrations d'eau lors de la réalisation de travaux de rénovation.

15. Après une expertise amiable de M. [Z], la SCI de Munster a fait assigner la SCI Landevennec en référé expertise.

16. Par ordonnance du 9 septembre 2014, le juge des référés a rejeté la demande d'expertise.

17. Par arrêt du 10 septembre 2015, la cour d'appel de Rennes a réformé l'ordonnance et a ordonné une expertise judiciaire qu'elle a confiée à M. [O].

18. Compte tenu de la cessation de son activité professionnelle, M. [O] a déposé son rapport d'expertise en l'état.

19. Après changement d'expert, M. [J], nouvellement missionné, a déposé son rapport définitif le 9 septembre 2019.

20. Par acte d'huissier du 12 février 2018, la SCI de Munster a fait assigner la SCI Landevennec devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire aux fins d'annulation de la vente immobilière pour dol.

21. Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal a :

- dit que la SCI de Munster est recevable en ses demandes,

- débouté cette dernière de ses demandes,

- débouté la SCI Landevennec de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SCI de Munster aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- condamné la SCI de Munster à verser à la SCI Landevennec la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

22. Pour statuer ainsi, le tribunal a d'abord écarté la demande de nullité de l'expertise judiciaire de M. [O] et M. [J], estimant qu'il avait été répondu globalement aux observations des parties et que les désordres avaient été analysés sur la base des devis transmis par les parties. Ensuite, le tribunal a considéré d'une part que la SCI de Munster n'ignorait pas qu'elle avait acheté un manoir rénové par d'importants travaux et ce plus de dix ans avant la manifestation des infiltrations qu'elle a subies. D'autre part, il a aussi été révélé qu'il existait plusieurs causes d'infiltrations (notamment des défauts d'exécution des goulottes de collecte des pluies en partie basse des parois des murs, pour des murs de pierre de type III, lesquels ne sont pas parfaitement étanches) et que les défauts de conformité constatés sur les façades du manoir n'affectaient pas l'intérieur du bâtiment. Par ailleurs, la mise en 'uvre des préconisations de l'expert [C], intervenu du temps où la SCI Landevennec était encore propriétaire, permettait seulement d'éviter le pourrissement des menuiseries intérieures sans empêcher de nouvelles infiltrations. Le tribunal a donc écarté la réticence dolosive de la SCI Landevennec. Il a ensuite écarté l'absence de défaut de conformité du bien, de même que le défaut d'information précontractuelle, ces fondements juridiques ne pouvant être valablement invoqués. De même, la SCI de Munster ne justifie à l'égard de la SCI Landevennec d'aucune faute ayant occasionné les désordres invoqués qui lui aurait causé un préjudice financier, ce pourquoi sa demande d'indemnisation a été rejetée. La SCI Landevennec a également été déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral, à défaut d'être en mesure de caractériser celui-ci.

23. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 4 mars 2022, la SCI de Munster a interjeté appel de cette décision.

24. Par ordonnance du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de nullité de la vente immobilière et, subsidiairement, de résolution de ladite vente présentées par la SCI de Munster faute de justification de publication de l'assignation au service de la publicité foncière, a condamné l'appelante aux dépens et l'a condamnée à payer à la SCI Landevennec la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

25. Par arrêt du 17 mars 2023, la cour d'appel de Rennes a :

- infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 août 2022,

- dit que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication au service de la publicité foncière de l'assignation du 12 février 2018 ayant saisi le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire,

- dit que seule la cour d'appel statuant au fond est compétente pour en connaître,

- condamné la SCI Landevennec aux dépens,

- autorisé les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamné la SCI Landevennec à payer à la SCI de Munster la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* * * * *

26. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 13 mars 2024, la SCI de Munster demande à la cour de :

- à titre principal, prononcer de la nullité de la vente conclue avec la SCI Landevennec le 29 juillet 2011 compte tenu des man'uvres dolosives pratiquées par celle-ci,

- à titre subsidiaire, prononcer la résolution de ladite de vente au regard du manquement par la SCI Landevennec à ses obligations d'information et de délivrance d'un bien conforme aux stipulations contractuelles, au DTU et aux règles de l'art,

- en conséquence, condamner la SCI Landevennec à lui restituer la somme de 2.972.475,92 € ainsi que la somme de 36.736 € correspondant aux taxes foncières acquittées jusqu'à la restitution du bien, le tout portant intérêts au taux légal capitalisés à compter du paiement du prix de la vente,

- juger que l'obligation à restitution de l'immeuble et du mobilier vendu ne sera exigible qu'à l'issue du paiement par la SCI Landevennec de l'ensemble des sommes qui lui sont dues ou de leur recouvrement effectif et intégral,

- ordonner la publication du jugement à intervenir auprès du service de la publicité foncière aux frais de la SCI Landevennec,

- condamner la SCI Landevennec à lui verser une somme de 318.624,79 € correspondant aux travaux inutilement engagés et celle de 212.479,63 € correspondant aux intérêts du prêt en deniers et quittances au jour où l'arrêt à intervenir aura acquis l'autorité de la chose jugée, et ce en réparation du préjudice qui lui a été causé,

- à titre infiniment subsidiaire, si la validité du contrat de vente venait à être admise, condamner la SCI Landevennec à lui verser, en réparation du préjudice qui lui a été causé, la somme de 1.297.120,92 € outre intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'assignation,

- dans cette dernière hypothèse, ordonner la réouverture des débats afin que la concluante actualise les devis de réparation devenus obsolètes,

- en tout état de cause,

- condamner la SCI Landevennec à lui verser une somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les entiers dépens, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire qui seront mis à sa charge, les dépens d'appel étant distraits au profit de la SELARL Bazile-Tessier-Preneux,

- rejeter l'ensemble des demandes de la SCI Landevennec.

* * * * *

27. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 9 juin 2023, la SCI Landevennec demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI de Munster de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée aux dépens d'instance incluant les frais d'expertise et l'a condamnée à lui payer une somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer ledit jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes,

- condamner la SCI de Munster à lui payer une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SCI de Munster à lui payer une somme de 10.000 € en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI de Munster à supporter les entiers dépens d'appel conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

* * * * *

28. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2024.

29. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réticence dolosive

30. La SCI de Munster soutient que la SCI Landevennec a commis un dol par défaut d'information en ne lui indiquant pas que le bien était affecté d'un énorme désordre relatif à sa trop grande humidité, qu'il avait été rénové en 2002 par l'architecte [W] et que d'importants travaux manquaient lors de la conclusion de la vente, et ce alors même qu'ils avaient été préconisés par l'expert [C] en 2003.

31. Elle estime que le caractère intentionnel de ces agissements résulte du fait que, durant toutes les opérations d'expertise diligentées à sa demande, la SCI Landevennec a toujours refusé de communiquer tant le descriptif des travaux commandés que les factures des travaux réalisés et ce parce qu'elle savait pertinemment qu'elle n'a pas fait réaliser la totalité des remèdes préconisés. De plus, la rédaction dans l'acte de vente d'une clause affirmant que le bien n'avait subi, au cours des dix dernières années, aucun des gros travaux donnant lieu à responsabilité décennale est trompeuse puisqu'elle a donné l'apparence d'un manoir d'époque en parfait état rénové par un architecte de renom, ce qui est loin de la réalité.

32. Elle indique aussi que le rapport de l'expert [C] ne lui a pas été remis à la vente, ce qui aurait certainement orienté différemment son souhait de contracter, encore qu'elle n'eût aucun moyen de savoir dans ce rapport que la venderesse avait réalisé des travaux de réparation partiels, voire de fortune. Dans la mesure où elle n'aurait certainement pas acquis un bien atteint à 50% d'humidité dans l'épaisseur du plâtre au point que les lames de parquet sont pourries et attaquées par des champignons, elle estime que son consentement a été vicié et sollicite donc la nullité pour réticence dolosive.

* * * * *

33. En réplique, la SCI Landevennec rappelle que, lors de la mise en vente du manoir en 2011, elle a confié le dossier intégral incluant le rapport [C] à l'agence Beaulande Immobilier, son propre mandataire. Les annonces de l'agence visaient la mise en vente d'un manoir entièrement rénové en 2002. La SCI de Munster s'est donc engagée en connaissance de cause lorsqu'elle a signé la vente en l'état de cette présentation. De plus, au regard de la rédaction de la clause par le notaire, le vendeur n'était pas concerné par une éventuelle action en responsabilité décennale puisqu'il avait fait réaliser des travaux de rénovation plus de dix ans avant incluant uniquement des reprises sur existant, et non des constructions, surélévations et autres équipements au sens de l'article 1792 du code civil.

34. La SCI Landevennec affirme encore qu'elle ignorait totalement la nature des travaux réalisés définitivement dès lors qu'elle est profane en matière de construction et qu'elle a confié la maîtrise d''uvre de la rénovation à l'architecte [W]. Elle ajoute que la SCI de Munster n'ignore pas qu'elle a acheté un manoir en granit d'époque et qu'elle n'a jamais élevé de plaintes avant son action en 2014. En tout état de cause, aucune infiltration n'a été constatée pendant les quatre ans de l'expertise et les seuls points d'humidité relevés découlaient de désordres sans rapport avec les travaux effectués antérieurement à la vente. La nullité de la vente litigieuse pour réticence dolosive ne saurait donc lui être imputée.

Réponse de la cour

35. L'article 1109 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose qu' 'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol'.

36. L'article 1116 prévoit que 'le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé'.

37. La seule réticence intentionnelle est une cause de nullité. Ce principe dégagé par la jurisprudence a été consacré par le nouvel article 1137, né de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et ainsi rédigé : 'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation'.

38. En l'espèce, la SCI de Munster a, suivant acte notarié du 29 juillet 2011, acquis le manoir situé dans la commune de [Adresse 6] Mer[Adresse 1] (44) auprès de la SCI Landevennec au prix de 2.714.000 €, outre 30.000 € de mobiliers.

39. L'acte de vente stipule en page 13 que 'le VENDEUR déclare que le BIEN objet des présentes n'est pas concerné par les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, aucune construction, surélévation ou addition d'éléments d'équipement faisant corps avec l'immeuble n'ayant été effectuée depuis moins de dix ans'.

40. La SCI Landevennec se contente d'affirmer qu'elle a confié à l'agence Beaulande Immobilier, son propre mandataire, le dossier intégral incluant le rapport définitif déposé le 28 novembre 2003 par l'expert [C] dans le cadre de la procédure judiciaire l'opposant aux entreprises intervenues sur le manoir lors de la rénovation réalisée en 1997, ce qui n'est pas suffisant à démontrer que ce rapport ait été effectivement porté à la connaissance de la SCI de Munster, du moins cette information ne transparaît-elle pas de l'acte authentique de vente du 29 juillet 2011 qui ne retrace ni les opérations de réhabilitation initiales, ni l'existence d'un contentieux judiciaire antérieur, toutes choses il est vrai intervenues plus de dix ans avant la vente.

41. Dans un dire à l'expert judiciaire [O] du 1er mars 2017, l'avocat du notaire rédacteur de l'acte, Me [K], dément, de son côté, le fait que son client aurait été tenu destinataire du rapport [C], ce qui explique le silence de son acte, que la SCI Landevennec n'a manifestement pas cherché à combler de son côté. Il y précise que 'l'agence immobilière indique de son côté qu'elle n'était pas informée de l'expertise judiciaire confiée à M. [C] ni des procédures judiciaires qui ont suivi ce rapport'.

42. Ce dire faisait suite à un courrier du 25 octobre 2016 de ce même avocat à l'expert dans lequel il indique que Me [K] avait simplement reçu 'le permis de construire et les plans' ce qui l'avait conduit à 'considérer que les travaux avaient plus de 10 ans et qu'ils n'étaient pas assujettis à l'assurance dommages ouvrage', avant d'ajouter que 'le dossier remis par l'agence au notaire comportait uniquement les plans du permis de construire de la piscine et du garage accordé le 29 septembre 2000'.

43. La position du notaire a été partagée par l'agence immobilière lors des opérations d'expertise menées par M. [O] (courrier de l'avocat en ce sens du 28 février 2017) et la cour observe d'ailleurs que la SCI Landevennec n'a finalement pas mis en cause l'agence immobilière et le notaire en garantie pourtant initialement appelés aux opérations d'expertise. Le courrier du 2 mai 2014 de cette agence immobilière, qui paraît contradictoire lorsqu'elle confirme avoir 'remis aux acquéreurs différents documents concernant cette propriété indiquant bien que des travaux avaient été effectués,' est beaucoup trop imprécis sur les documents remis et les travaux concernés.

44. En outre, la SCI Landevennec affirme faussement que la SCI de Munster aurait maintenant reconnu avoir été détentrice du rapport [C] au moment de la vente du seul fait qu'elle conclut ainsi : 'Etant également utile de préciser que même si l'acheteur avait eu en main au moment de l'achat, le rapport [C] et le dossier des travaux effectivement réalisés, il avait d'autant moins la possibilité de savoir que lesdits travaux avaient été mal réalisés qu'était annoncée une reprise sous le contrôle d'un architecte expérimenté', cette phrase ne pouvant être constitutive de 'l'aveu judiciaire' allégué.

45. Enfin, la présence d'extraits du rapport [C] dans l'exploit introductif d'instance de la procédure de référé du 5 avril 2014 initiée par la SCI de Munster s'explique par le fait que le conseil de M. [I], gérant de la SCI de Munster, a découvert que son ancien associé était à l'époque intervenu pour le compte de la MAAF, le désarchivage du dossier ayant permis la découverte du rapport d'expertise (courrier du 21 février 2017 de l'avocat de la SCI de Munster à l'expert [O]).

46. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal indique que 'la SCI de Munster savait que d'importants travaux avaient donc été réalisés sur le bien avant son acquisition', notamment parce qu' 'il ressort des pièces versées au débat que la SCI de Munster a acheté un manoir du début du siècle dernier, rénové par l'architecte [W] en 2002', formulation effectivement reprise dans une annonce de l'agence immobilière Beaulande Immobilier, mais qui, précisément, pouvait conforter légitimement la croyance en un bien en parfait état.

47. Au demeurant, l'annonce, qui évoque seulement une 'rénovation', ne permet pas de savoir si des travaux pouvant relever de la garantie décennale avaient été consentis en cette occasion sur le bâtiment moins de dix ans plus tôt. Or, l'acte authentique de vente ne pouvait pas dire, même s'il ne s'agissait pas de travaux de construction, de surélévation ou d'addition d'éléments d'équipement faisant corps avec l'immeuble, que 'le bien (n'était) pas concerné par les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil', alors que des travaux concernant l'étanchéité (et donc le clos) et des travaux de gros-oeuvre étaient censés avoir été apportés courant 2002 et ont d'ailleurs fait l'objet d'une réception le 15 juillet 2003. La clause, de nature à rassurer l'acheteur, était donc trompeuse.

48. C'est donc également à tort que le tribunal retient que 'la clause de l'acte de vente selon laquelle il n'a pas été réalisé de travaux de construction depuis moins de dix ans, au sens de l'article 1792 du code civil, n'est pas fausse, dans la mesure où les travaux ont été réalisés en 1998 et 1999, pour une vente en 2011, et qu'en 2003, les travaux devaient consister dans la reprise des joints sur les murs de façades, la pose de nouvelles menuiseries, la dépose des doublages pour mettre en oeuvre la récupération des eaux pluviales, la pose d'une VMC'.

49. Dans son rapport définitif déposé le 28 novembre 2003, l'expert [C] avait conclu qu'il existait trois causes aux désordres constatés :

1) les menuiseries extérieures n'étaient pas conformes ni dans leur conception ni dans leur pose,

2) les façades sud, ouest et est n'étaient pas étanches en raison de la porosité des matériaux,

3) un défaut d'exécution correcte des travaux d'étanchéité de la terrasse.

50. Pour y remédier, l'expert, aidé en cela par un architecte du cabinet Atelier d'Architecture du [Localité 8], M. [W], avait préconisé :

- de changer les menuiseries et les poser en respectant les normes,

- en extérieur, de rejointer les façades sud, ouest et est,

- à l'intérieur, de réaliser des murs de type III conformes au DTU c'est-à-dire des murs conçus pour que les éléments intérieurs ne soient pas en contact avec la maçonnerie, que les éléments de structure qui s'appuient sur ces éléments soient protégés et que l'eau qui arrive sur la partie inférieure soit canalisée, récupérée et renvoyée à l'extérieur en partie basse,

- de poser une VMC,

- de refaire l'étanchéité de la terrasse du premier étage.

51. Sur la base du devis de M. [W], l'expert [C] avait chiffré le coût des reprises à la somme de 341.076,09 € TTC et, par arrêt du 18 septembre 2008, la cour d'appel de Rennes a réformé le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire du 27 mars 2006 et arbitré les responsabilités de chaque intervenant à la construction initiale en allouant à M. [N], gérant de la SCI Landevennec, la somme retenue par l'expert au titre du coût des travaux de réparation.

52. Or, dès le 17 janvier 2014, soit deux ans et demi après son acquisition, la SCI de Munster a fait constater par huissier :

- dans le séjour, que 'de l'eau tombe goutte à goutte des espaces entre les poutres', sur lesquelles 'des traces de rouilles sont visibles', et que 'des bassines posées sous les poutres sont remplies d'eau', que 'les lames du parquet sont décollées ou tuilées', que 'le mur est mouillé et la peinture écaillée', qu' 'une profonde goulotte fixée le long du mur sous la fenêtre est remplie d'eau',

- à l'extérieur, que 'l'étanchéité de la terrasse est ancienne', que 'des morceaux de protection au-dessus de l'étanchéité sont manquants', que 'de l'eau stagne sur la terrasse', que 'des joints extérieurs entre les huisseries et les murs sont très larges, de largeurs diverses' ou encore 'grossiers', qu'il existe une 'infiltration d'eau autour des pierres et des jointements'.

53. Cette situation s'apparente au phénomène d'infiltrations apparu en 1998, ayant donné lieu au contentieux entre la SCI Landevennec et les différents corps de métier intervenus sur le site.

54. Après s'être déplacé sur les lieux le 11 mars 2014, le cabinet Amotex a pu constater :

- la présence d'infiltrations dans le séjour,

- un défaut de mise en oeuvre sur étanchéité de la terrasse du bow-window,

- un défaut de pose des menuiseries,

- une absence de VMC,

- une absence de rejointoiement des façades.

55. L'expert judiciaire [O], dans son rapport définitif, regrette que la SCI Landevennec n'ait pas produit 'les factures des entreprises ayant participé aux travaux de réparation préconisés dans le rapport [C] (alors que) ces documents étaient indispensables pour nous permettre d'apprécier si les travaux ont été réalisés conformément au rapport de l'expert judiciaire'.

56. Or, l'expert [O] relève que, malgré le fait que le rapport [C] prévoyait la réfection complète des joints de façade, seule une partie de ces travaux a été exécutée, ceux-ci n'ayant pas été généralisés à l'ensemble des façades. Il constate également 'qu'aucun dispositif de récupération des eaux en pieds de murs n'a été exécuté et que la réfection des doublages n'a pas non plus été réalisée. Il apparaît donc bien que, s'agissant de ce point, les préconisations de l'expert judiciaire [C] n'ont pas été respectées. Il existe donc bien une non-conformité au regard des préconisations'.

57. Pour M. [O], 'la non-exécution des remèdes préconisés par l'expert judiciaire [C] a, à ce stade, contribué essentiellement à la détérioration des planchers bois dans leurs abouts côté sud'. Il précise que 'les désordres proviennent à la fois de non-conformités aux règles de l'art et de défauts d'exécution'. Il estime que 'les travaux qui ont été effectués depuis la vente concernent l'aménagement des embellissements intérieurs et la réfection de l'étanchéité de la terrasse. Sauf à démontrer que ces derniers travaux ont été à l'origine de nouveaux dommages, il apparaît bien que les vices qui affectent l'immeuble étaient existants lors de la vente'. Cette analyse n'a pas été discutée. Le seul fait que les essais d'arrosage à partir des menuiseries extérieures ('une vingtaine de minutes') et de la terrasse ('qui n'ont pas été réalisés de façon optimale') n'aient pas donné de résultats concluants ne change rien aux causes relevées par l'expert.

58. L'expert, qui a déposé son rapport en l'état à partir du moment où il cessait ses activités expertales, a indiqué que 'la mise en conformité avec les règles de l'art risque de nécessiter des travaux d'ampleur', préconisant des investigations complémentaires pour déterminer l'étendue des phénomènes de pourrissement affectant les planchers bois et quantifier les surfaces de cloisonnement devant faire l'objet de reprises.

59. M. [J] a été désigné pour poursuivre les opérations d'expertise et il a déposé son rapport le 9 septembre 2019 qui conclut ainsi :

'Les remèdes préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport définitif du 28 novembre 2003 n'ont donc pas tous été exécutés.

Pour ceux qui ont été réalisés, j'ai relevé que les menuiseries n'avaient pas été posées suivant les règles de l'art, que le rejointement des pierres de façade n'avait pas été réalisé complètement et qu'il manquait des entrées d'air dans les pièces sèches.

L'absence de réalisation de mur de type III, les menuiseries posées en non-conformité avec les règles de l'art et l'absence d'entrées d'air ont pour conséquence la présence d'humidité dans les cloisons de doublage et sont donc bien à l'origine des vices affectant l'immeuble.

Ces vices étaient à coup sûr existants lors de la vente de l'immeuble le 29 juillet 2011.

Les désordres proviennent donc bien d'une non-conformité des murs au DTU 20.1, d'une exécution défectueuse de la pose des menuiseries et de l'absence d'ouvrage pour les entrées d'air.

Ces désordres affectent le clos et le couvert'.

60. L'expert [J] a en outre chiffré à la somme globale de 753.496, € le montant des travaux de reprise, précisant que, compte tenu de leur ampleur et leur durée, la maison ne sera pas habitable pendant ceux-ci. Il a donc également estimé à la somme de 13.800 € le coût d'un déménagement et à la somme de 211.200 € le coût de location d'une maison similaire pendant les quatre mois d'été.

61. Si le coût des travaux de reprise chiffré par M. [J] est aussi important, ce n'est pas uniquement du fait de la non-exécution de la majeure partie des travaux préconisés par M. [C] (doublages sur les murs ouest et sud non déposés en totalité, mise en place d'un profil PVC en pied de plancher avec solin en tête non réalisé, entrées d'air de la VMC non mises en place, travaux de rejointoiement pas tous faits), mais aussi en raison d'une mauvaise exécution de ceux-ci (étanchéité de la terrasse, pose des menuiseries extérieures sur un support non conforme), d'une sous-estimation du coût de la remise en conformité des murs et de la dépose des embellissements intérieurs sur les façades est, sud et ouest.

62. La SCI Landevennec s'est empêchée de produire le rapport [C] à l'occasion de la vente, dès lors que cette production devait alors nécessairement s'accompagner de la communication des factures des travaux préconisés par l'expert, laquelle aurait révélé que l'enveloppe allouée à cette fin (341.076,09 €) n'y avait pas été pleinement consacrée, explication des divers manquements relevés par les experts et de la persistance de la SCI Landevennec à s'abstenir de justifier, durant les opérations d'expertise de M. [O] comme de M. [J] mais aussi devant les juridictions de première instance et d'appel
1: À cet égard, le rapport [C] n'a pas pu, par hypothèse, annexer les factures pour des prestations nécessairement exécutées postérieurement

, des travaux effectués.

63. Même si la SCI de Munster a accepté de payer le manoir pour le prix de 2.714.000 € avant d'y consacrer des travaux d'embellissement à hauteur de 318.624,79 €, soit un investissement total de 3.032.624,79 €, la communication du rapport [C] lui aurait permis d'exiger la production des factures correspondant aux travaux de reprise et, ce faisant, de l'alerter sur l'insuffisance manifeste des remèdes apportés ainsi que du risque, qui s'est réalisé, de nouvelles infiltrations importantes, de sorte qu'elle aurait pu renoncer à son acquisition.

64. La réticence dolosive de la SCI Landevennec, renforcée par l'annonce trompeuse d'un bien rénové par un architecte alors que cette rénovation n'a pu être que très partielle, a été déterminante du consentement de la SCI de Munster à acquérir le manoir.

65. Il conviendra d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI de Munster de ses demandes et, statuant à nouveau, d'annuler la vente.

Sur les demandes indemnitaires

66. La SCI de Munster demande que lui soit versée, au titre de la nullité de la vente, les sommes de :

- 2.972.475,92 € déboursée pour l'achat du manoir ainsi que les frais de publicité du jugement au service de la publicité foncière,

- 36.736,08 € correspondant aux taxes foncières acquittées de 2011 à 2020, outre celles qui seraient dues jusqu'à restitution de bien,

- 318.624,79 € correspondant aux travaux d'embellissement inutiles qu'elle a dû réaliser du fait de la non-communication par la SCI Landevennec du rapport d'expertise [C],

- 212.479,63 € correspondant aux intérêts du prêt acquitté, somme qui sera actualisée au jour où l'arrêt aura acquis l'autorité de la chose jugée.

* * * * *

67. De son côté, la SCI Landevennec allègue qu'aucun grief utile ne peut permettre une indemnisation des préjudices prétendument subis par la SCI de Munster puisqu'il n'existe aucune faute en lien avec un constat ponctuel de défaut d'étanchéité.

Réponse de la cour

68. La nullité d'un contrat implique que les parties soient replacées dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte annulé.

69. La victime d'un dol peut cumuler la nullité du contrat et la réparation des préjudices causés par la conclusion du contrat annulé. En effet, le dol constitue toujours une faute civile pouvant donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, en l'occurrence l'article 1382 ancien du code civil, dans sa version applicable au litige.

70. Par ailleurs, même si l'annulation d'une vente permet d'envisager des restitutions réciproques, la cour constate que, alors que la question des restitutions était dans les débats
2: En page 33 de ses conclusions, la SCI de Munster évoque un § 4.1 intitulé 'les restitutions réciproques qui s'imposent'

, la SCI Landevennec n'a pas estimé utile de conclure sur ce point à titre subsidiaire et ne sollicite pas une réouverture des débats en cas d'annulation de la vente, sa seule demande reconventionnelle consistant en des dommages et intérêts pour préjudice moral, étant observé, en toute hypothèse, que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble, étant ici rappelé que la vente litigieuse a été conclue avant l'entrée en vigueur du nouvel article 1352-3 du code civil (ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).

1 - les sommes déboursées pour l'achat du manoir

71. Au prix d'achat du manoir (2.714.000 €), s'ajoutent les droits de mutation de (136.617 € - page 6 de l'acte authentique), la commission de l'agence immobilière (80.000 € - page 5 de l'acte notarié) et divers frais, ainsi qu'il en est justifié par la production d'un extrait du 6 avril 2012 de la comptabilité du notaire, Me [K].

72. Il sera fait droit à la demande de restitution à hauteur de 2.964.261 €, aucune explication n'étant donnée sur le différentiel (8.214,92 €).

2 - les taxes foncières acquittées

73. Les taxes foncières sont dues par le propriétaire de l'immeuble, qualité que la SCI Landevennec est réputée n'avoir jamais perdue du fait de l'annulation de la vente.

74. Les justificatifs produits permettent de faire droit à la demande dans la limite de 35.000 €. La SCI Landevennec devra également rembourser les taxes foncières postérieures à 2020 jusqu'à la restitution du bien.

3 - les dépenses de travaux d'embellissement inutilement exposées

75. La SCI de Munster justifie avoir exposé en vain de nombreuses dépenses d'embellissement. Il sera fait droit à la demande de paiement de la somme de 318.624,79 €.

4 - les intérêts du prêt acquittés

76. La SCI de Munster a dû avoir recours à un prêt pour l'acquisition du manoir, ainsi que rappelé dans l'acte notarié. Ce prêt a généré en frais et intérêts une dépense de 212.479,63 € (au 11 août 2018), comme en justifie un extrait de la comptabilité de l'appelante. Il sera fait droit à cette demande, cette somme devant être actualisée au jour où l'arrêt aura acquis l'autorité de la chose jugée.

Sur la demande reconventionnelle

77. Dans la mesure où la SCI de Munster entend dissimuler les conditions de sa détention du rapport [C], qu'elle ne pouvait d'ailleurs détenir régulièrement que pour l'avoir reçu du vendeur, la SCI Landevennec demande à la cour de la condamner à lui verser la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour ses accusations mensongères, infondées et préjudiciables ainsi que du fait de la présente mise en cause judiciaire qu'elle estime abusive.

* * * * *

78. La SCI de Munster demande à la cour de débouter la SCI Landevennec d'une demande 'totalement outrancière et fort mal à propos compte tenu de ses agissements'.

Réponse de la cour

79. La procédure engagée par la SCI de Munster n'a aucun caractère abusif puisqu'elle triomphe dans ses droits. Par ailleurs, la preuve de la remise du rapport [C] à la SCI de Munster n'est pas établie par la SCI Landevennec, ainsi que vu plus haut. Cette absence de remise est même un élément constitutif du dol comme ayant participé à la réticence dolosive retenue contre le vendeur.

80. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Landevennec de cette demande.

Sur les dépens

81. Le chef du jugement concernant les dépens de première instance sera infirmé. La SCI Landevennec, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire.

82. Les avocats qui en ont fait la demande seront autorisés à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir demandé de provision.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

83. Le chef du jugement concernant les frais irrépétibles de première instance sera infirmé. L'équité commande de faire bénéficier la SCI de Munster des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4.000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 9 décembre 2021, sauf en ce qu'il a débouté la SCI Landevennec de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la vente du manoir situé sur la commune de [Adresse 7] (44), intervenue entre la SCI Landevennec et la SCI de Munster suivant acte notarié du 29 juillet 2011,

En conséquence,

Condamne la SCI Landevennec à payer à la SCI de Munster la somme de 2.964.261 € correspondant au coût d'acquisition du manoir,

Condamne la SCI Landevennec à payer à la SCI de Munster la somme de 35.000 € correspondant aux taxes foncières acquittées jusqu'en 2000, outre les taxes foncières ultérieures jusqu'à la restitution du bien,

Condamne la SCI Landevennec à payer à la SCI de Munster la somme de 318.624,79 € correspondant aux travaux inutilement engagés,

Condamne la SCI Landevennec à payer à la SCI de Munster la somme de 212.479,63 € correspondant aux intérêts et frais du prêt réglés au 11 août 2018, cette somme devant être actualisée au jour où l'arrêt aura acquis l'autorité de la chose jugée,

Dit que l'obligation de restitution de l'immeuble et du mobilier vendus ne sera exigible qu'après paiement par la SCI Landevennec de l'ensemble des sommes mises à sa charge aux termes du présent arrêt,

Ordonne la publication du jugement à intervenir auprès du service de la publicité foncière aux frais de la SCI Landevennec,

Condamne la SCI Landevennec aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire,

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir demandé de provision,

Condamne la SCI Landevennec à payer à la SCI de Munster la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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