CA Versailles, ch. civ. 1-5, 4 septembre 2025, n° 24/07272
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Olinnt IT (SASU)
Défendeur :
Circle Consulting (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Rocquigny du Fayel
Conseillers :
Mme Igelman, M. Henrion
Avocats :
Me Mze, Me Borrel, Me Danis, Me Arnold, Me Fournet
EXPOSE DU LITIGE
En novembre 2014, M. [F] [V] et M. [J] [D] ont créé une société dénommée L'Atelier [T] ayant pour objet la réparation de téléphones mobiles pour les particuliers. Celle-ci est devenue Les Artisans du [T], en octobre 2015, par suite d'un changement de dénomination.
En décembre 2018, MM. [V] et [D] ont cédé une partie de leurs parts de la société Les Artisans du [T] à la société AS Wagram, société du groupe Factum, qui a changé de dénomination sociale en juillet 2020. La société Les Artisans du [T] est alors devenue la société Olinn [T], filiale du groupe Olinn.
En décembre 2021, le groupe Olinn a été acquis par la société Crédit Agricole Leasing and Factoring. A cette occasion, MM. [V] et [D] lui ont cédé leurs dernières parts dans la société Olinn [T].
Le 30 avril 2022, MM. [V] et [D] ont démissionné de leurs postes de directeurs généraux de la société Olinn [T] et sont devenus, chacun par contrat de travail à effet du 1er mai 2022, directeurs du pôle mobilité de la société Olinn [T].
Le 18 septembre 2023, a été immatriculée au greffe la SAS Circle Consulting, ayant pour activité la vente de services informatiques en ligne. Celle-ci a pour président la SAS LD Invest, holding personnelle de M. [V] et pour directeur général la SAS Hadda Invest, holding personnelle de M. [D].
A la suite de leur démission en décembre 2023, MM. [V] et [D] ont quitté la société Olinn [T] le 31 janvier 2024.
Par requête en date du 27 juin 2024, la société Olinn [T] a saisi le président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir l'autorisation de procéder à des mesures d'instruction au siège de la société Circle Consulting.
Par acte du 30 juin 2024, la société Olinn [T] a été absorbée par la SASU Olinn IT.
Par ordonnance rendue le 3 juillet 2024, le président du tribunal de commerce de Nanterre a autorisé un commissaire de justice à procéder à certaines saisies de documents dans les locaux de la société Circle Consulting, à partir de mots-clés et sur une période définie.
Les mesures d'instructions ont été réalisées le 9 juillet 2024 et l'inventaire des documents saisis a été communiqué aux parties le 30 juillet 2024.
Par acte de commissaire de justice délivré le 8 août 2024, la société Circle consulting et MM. [V] et [D] ont fait assigner en référé la société Olinn IT aux fins d'obtenir principalement la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 3 juillet 2024.
Par ordonnance contradictoire rendue le 31 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre :
- a rétracté l'ordonnance sur la saisie de documents en lien avec les clients de la société Olinn IT ;
- a ordonné à la SCP Venezia et Associés d'effectuer un nouveau tri en séparant les pièces saisies contenant les mots-clés en lien avec le détournement de clientèle mentionnés dans l'ordonnance référencée 2024O04919, de l'ensemble de la saisie ;
- a conditionné l'exécution de ce nouveau tri à l'épuisement des recours éventuels à l'encontre de la décision ;
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur toutes les demandes subsidiaires de la société Circle Consulting et MM. [V] et [D] ;
- a débouté la société Olinn IT de sa demande de communication de pièces ;
- a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a condamné in solidum la société Circle Consulting et MM. [V] et [D] aux dépens ;
- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- a liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros, dont TVA 7,90 euros ;
- a dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 20 novembre 2024, la société Olinn IT a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a conditionné l'exécution de ce nouveau tri à l'épuisement des recours éventuels à l'encontre de la décision, a déclaré le juge de la rétractation incompétent pour statuer sur toutes les demandes subsidiaires de la société Circle Consulting et MM. [V] et [D] et a condamné in solidum la société Circle Consulting et MM. [V] et [D] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 2 juin 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Olinn IT demande à la cour, au visa des articles 145, 493, 496, 497, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
'- déclarer recevable et bien fondée la société Olinn IT en son appel et y faisant droit ;
- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 31 octobre
2024 en ce que
- elle a rétracté l'ordonnance sur la saisie de documents en lien avec les clients de la société Olinn IT ;
- elle a ordonné à la société Venezia et Associés d'effectuer un nouveau tri en séparant les pièces saisies contenant les mots clés en lien avec le détournement de clientèle mentionnés dans l'ordonnance rendue sur requête, de l'ensemble de la saisie ;
- elle a débouté la société Olinn IT de sa demande de communication de pièces ;
- elle a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 code de procédure civile ;
- elle a liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros, dont TVA 7,90 euros ;
Statuant à nouveau :
- juger n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 3 juillet 2024,
- ordonner la communication des pièces saisies en exécution de l'ordonnance sur requête rendue le 3 juillet 2024 par le président du tribunal de commerce de Nanterre,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Circle Consulting, M. [V] et M. [D] ;
- confirmer l'ordonnance rendue le 3 juillet 2024 par le président du tribunal de commerce de Nanterre ;
- condamner la société Circle Consulting, M. [V] et M. [D] solidairement à verser la somme de 45 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Circle Consulting, M. [V] et M. [D] solidairement aux entiers dépens de l'instance.'
Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Circle Consulting et MM. [V] et [D] demandent à la cour, au visa des articles 14 et suivants, 46 et suivants, 145, 874 et suivants du code de procédure civile, 1240 du code civil, L. 110-4, R. 153-1 et R. 153-9 du code de commerce, de :
'à titre principal,
- déclarer irrecevable la pièce n°27 communiquée par la société Olinn [T] et l'écarter des débats,
- écarter les développements de la société Olinn [T] figurant aux points b et c des pages 22 et 23 de ses conclusions,
- juger que l'existence du motif légitime visée par l'article 145 du code de procédure civile s'apprécie au jour du dépôt de la requête par la société Olinn IT,
- rejeter les nouveaux griefs invoqués par la société Olinn IT devant la cour qui n'étaient pas visés au sein de sa requête initiale,
- juger que la société Olinn [T] et la société Circle Consulting ne sont pas concurrentes ;
- juger que la société Olinn [T] ne justifie d'aucun risque d'acte de concurrence déloyale ;
- juger que la société Olinn IT ne communique aucun élément permettant de rendre vraisemblable les risques de concurrence déloyale qu'elle allègue,
- juger que la société Olinn [T] ne justifie d'aucun motif légitime ;
en conséquence,
- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 31 octobre 2024 en ce qu'elle a partiellement rétracté l'ordonnance de Monsieur le premier président en date du 3 juillet 2024 sur la saisie de documents en lien avec les clients de la société Olinn IT, et ordonné à l'huissier instrumentaire un nouveau tri des pièces saisies ;
et :
- juger que la société Olinn It ne communique aucun élément permettant de rendre vraisemblable le risque d'abus de confiance qu'elle allègue,
en conséquence,
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 31 octobre 2024 en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 3 juillet 2024 portant sur la saisie des documents en lien avec l'abus de confiance,
- prononcer la rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 3 juillet 2024 portant sur la saisie des documents en lien avec l'abus de confiance,
- dire sans effet l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 3 juillet 2024 ;
- déclarer nulle et non avenue l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 3 juillet 2024 ;
- ordonner la restitution de l'ensemble des éléments copiés par l'huissier instrumentaire à la société Circle Consulting et la destruction de toutes les copies éventuelles,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour considérait que les éléments communiqués par la société Olinn IT caractérisent l'existence d'un motif légitime tenant à un risque de concurrence déloyale et un risque d'abus de confiance,
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 31 octobre 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes subsidiaires de la société Circle Consulting ;
ce faisant :
- juger que la société Olinn [T] et le juge des requêtes n'ont pas caractérisé les circonstances particulières propres au cas d'espèce de nature à justifier la nécessité de déroger au principe du contradictoire,
- juger que la mesure ordonnée n'est pas proportionnée et n'est pas légitime,
- juger qu'il n'existe aucune circonstance justifiant qu'il ait été dérogé au principe du contradictoire ;
- juger qu'au regard du motif légitime retenu par le premier juge, la mesure ordonnée est disproportionnée au regard des mots-clés utilisés et de la période de recherche retenue ;
en conséquence,
- prononcer la rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 3 juillet 2024 en toutes ses dispositions ;
- dire sans effet l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 3 juillet 2024 ;
- déclarer nulle et non avenue l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 3 juillet 2024 ;
- ordonner la restitution de l'ensemble des éléments copiés par l'huissier instrumentaire à la société Circle Consulting et la destruction de toutes les copies éventuelles,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour infirmait l'ordonnance entreprise en ce que la rétractation partielle de l'ordonnance sur requête a été prononcée,
- exclure de la communication les pièces copiées correspondant à la période postérieure au 31 janvier 2024 ;
- exclure de la communication les pièces copiées qui ne sont pas nécessaires à la solution du litige ;
- ordonner que la communication des éléments copiés par l'huissier instrumentaire à la société Olinn [T] ne soit réalisée que sur ordonnance de référé rendue par la juridiction de céans ;
- dire que les parties viendront devant lui en référé, afin d'examen, en présence de l'huissier instrumentaire, des pièces séquestrées, et qu'il soit statué sur la communication desdites pièces ;
- dire qu'en vue de cet examen, la société Circle Consulting, MM. [D] et [V] pourront prendre connaissance des éléments séquestrés et sélectionneront les seuls éléments à la communication desquelles ils s'opposent ;
- dire que faute pour la société Olinn [T] d'assigner la société Circle Consulting, MM. [D] et [V] en référé aux fins de levée du séquestre dans un délai de deux mois à compter de l'ordonnance, l'huissier instrumentaire se libérera des pièces séquestrées auprès de la société Circle Consulting, MM. [D] et [V].'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société Olinn IT sollicite l'infirmation partielle de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a considéré que le motif légitime n'était pas caractérisé s'agissant de l'existence d'actes de concurrence déloyale.
Elle expose tout d'abord que les deux sociétés sont bien concurrentes, l'objet social de la société Circle comprenant « la commercialisation de biens et services liés à la communication en général et notamment dans le domaine de l'informatique, la communication, la télécommunication, le multimédia », tandis qu'elle commercialise des biens et services dans le domaine de la communication et des télécommunications, ce que ses statuts tels qu'en vigueur à la date de la requête mentionnent.
Elle ajoute que cette position concurrentielle se déduit également du site internet de la société Circle, de deux devis établis par la société intimée retrouvées chez elle, ainsi que du fait qu'elles disposent de la même certification « Android Entreprise » dans la catégorie revendeur.
Elle rétorque aux dires adverses qu'il n'est pas démontré que la société Circle n'exercerait qu'une activité « de conseil et de consulting à l'exclusion de toute activité de vente ».
Elle entend démontrer que le motif légitime à l'obtention d'une mesure d'instruction in futurum est établi en faisant valoir qu'elle invoquait dans sa requête 2 motifs, soit le début d'activité de la société Circle antérieurement à l'expiration des contrats de travail de MM. [V] et [D] et le détournement de clientèle par des moyens déloyaux.
Elle soutient que le début d'activité de la société Circle avant l'expiration des contrats de travail de MM. [V] et [D] constitue un cas de concurrence déloyale, l'absence de clause de non-concurrence dans les contrats de travail n'ayant pas d'influence. Elle fait valoir qu'elle a retrouvé le 7 février 2024, sur une de ses imprimantes, deux devis établis au nom de la société Circle Consulting, datés du 1er et 5 février 2024, et concernant la fourniture de matériels de téléphonie mobile à la société ST Microélectronics, l'un de ses principaux client ; que pour qu'un devis soit établi le 1er février 2024 par la société Circle, il est vraisemblable que l'activité a débuté antérieurement, alors que les références de ces devis indiquent qu'ils ne seraient pas les premiers établis ; que le site internet de la société Circle indiquait au 9 janvier 2024, « 250 projets en 2023 » pour « 150 clients satisfaits », indication ayant par la suite disparu.
Elle indique qu'elle a ensuite été informée, le 19 mars 2024, de ce que la société Circle entreprenait de démarcher d'autres clients, à savoir la société Ashe, ce qui est attesté par un échange de courriels initié en décembre 2023.
Elle allègue d'un détournement de clientèle par des moyens illicites, invoquant par ailleurs l'effondrement de son chiffre d'affaires auprès de ses 10 clients principaux, comme attesté par son expert-comptable ainsi que par la comparaison des chiffres d'affaire entre les années 2023 et 2024 s'agissant des mêmes clients.
Elle prétend avoir également invoqué dans sa requête des soupçons de dénigrement (« bruits de couloir » au titre duquel elle aurait perdu ses badges Apple et Samsung et réclamation de la part de la commune de [Localité 8] indiquant que MM. [V] et [D] n'ont pas transmis les codes clients nécessaires à l'enregistrement des téléphones).
Elle fait aussi désormais état d'un détournement d'informations confidentielles, ce qui résulte du procès-verbal d'inventaire des pièces saisies ainsi que des écritures mêmes des intimés qui reconnaissent être en possession de ses données.
Elle sollicite de la cour d'admettre comme moyen de preuve l'inventaire des pièces saisies établi par le commissaire de justice instrumentaire au vu de l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la déloyauté dans l'obtention ou la production de pièces, entendant démontrer qu'il s'agit d'une preuve proportionnée en l'espèce et nécessaire à l'exercice de ses droits.
Elle considère qu'il ressort de ce procès-verbal que nonobstant une mesure particulièrement limitée, le commissaire de justice a appréhendé un volume très importants d'emails lui appartenant, ce que les intimés reconnaissent en indiquant qu'ils ont conservé les appareils informatiques et téléphoniques qu'ils utilisaient lorsqu'ils étaient ses salariés. Elle relève qu'il n'est pas acceptable de leur part de vendre une société pour plusieurs millions d'euros puis de se livrer à son pillage au profit d'une concurrente créée pour détourner le fonds de commerce.
Elle rétorque aux arguments adverses que n'ayant pas connaissance du contenu de ces courriels, elle n'est pas en mesure de démontrer qu'ils portent atteinte à son secret des affaires.
Sur la légalité des mesures, elle souligne que :
- elles sont limitées dans leur objet en ce qu'elles portent uniquement sur la recherche de documents à partir de certains mots-clés, tels que listés dans le dispositif de la requête, ces mots-clés correspondant à ses clients principaux, soit 11 entreprises,
- elles sont limitées dans le temps visant la période comprise entre le 13 juin 2023 et le 7 juillet 2024, soit commençant 3 mois avant le début d'activité de la société Circle jusqu'au jour de la saisie.
Elle s'oppose à la demande subsidiaire des intimés aux fins de limiter les documents à ceux antérieurs au 31 janvier 2024, jour de leur départ de chez elle, faisant valoir que le détournement de clientèle par des moyens illicites et le dénigrement sont des cas de concurrence déloyale pouvant être caractérisés postérieurement au départ des salariés.
Elle fait valoir que les mesures sont proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et qu'elles sont le seul moyen pour elle de disposer de preuves.
Sur les circonstances justifiant de déroger au contradictoire, elle les prétend démontrées dès lors que :
- les mesures sollicitées portent sur des documents intrinsèquement fragiles et facilement effaçables, à savoir des fichiers informatiques, des courriels et leurs pièces jointes,
- les personnes visées par la mesure ont adopté un comportement opaque, de manière à dissimuler l'existence même de la société Circle,
- il existe un risque significatif de concertation entre les différents protagonistes du dossier aux fins de destruction ou dissimulation des preuves,
- la nature des faits allégués est particulièrement grave.
Elle sollicite en conséquence la levée du séquestre, les intimés n'ayant pas formulé d'objections précises et justifiées à la communication de certaines pièces par application de l'article R. 153-1 du code de commerce.
Sur l'appel incident des intimés qui sollicitent l'infirmation partielle de l'ordonnance en ce qu'elle a maintenu la mesure de saisie des documents en lien avec les soupçons d'abus de confiance, elle soutient démontrer qu'il existait au jour de la requête et de l'ordonnance un motif légitime de croire que MM. [V] et [D] avaient procédé au financement d'un logiciel à l'usage de la société Circle avec ses fonds.
Elle relate que M. [V] lui a fait prendre en charge des factures pour un montant total de 82 230 euros correspondant à des prestations de développement informatique d'un logiciel par la société Coode-NT dédié à l'activité de la société Circle.
La société Circle et MM. [V] et [D] sollicitent la confirmation de l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance sur requête autorisant la saisie des documents en lien avec le grief de concurrence déloyale et son infirmation en ce qu'elle a confirmé la mesure de saisie en lien avec le grief d'abus de confiance.
Ils soulignent tout d'abord que l'acte de rachat du groupe du groupe Olinn par la société Crédit Agricole Leasing and Factoring ne prévoyait aucune clause de non-concurrence applicable aux fondateurs ou associés de la société vendue, insistant sur le fait qu'ils n'ont pas comme le prétend l'appelante « revendu leur société plusieurs millions d'euros pour ensuite se livrer au pillage de cette société », puisqu'ils ont vendu leur société en 2018 à la société AS Wagram, qui l'a revendue au groupe Crédit Agricole.
Ils indiquent qu'à compter du 1er mai 2022, MM. [V] et [D] sont devenus directeurs du pôle mobilité de la société Olinn [T] et que leurs contrats de travail ne comportaient aucune clause d'exclusivité ou clause de non-concurrence.
Ils soutiennent ensuite que les deux sociétés ne sont pas concurrentes, la société Circle se concentrant sur une activité de conseil et de consulting à l'exclusion de l'activité de vente, tandis que la société Olinn IT, qui avait pour activité la « réparation, utilisation, revente de smartphone, tablettes et autres produits informatiques », se concentre depuis le mois de décembre 2023 sur l'activité unique de distribution en appuyant sa stratégie sur le reconditionnement.
Sur la demande de confirmation de l'ordonnance du 31 octobre 2024 en ce qu'elle a prononcé la rétractation de l'ordonnance sur requête en lien avec le grief de concurrence déloyale, ils demandent tout d'abord à la cour de déclarer irrecevable la pièce 27 communiquée par l'appelante s'agissant de l'inventaire des pièces saisies réalisé par le commissaire instrumentaire et d'écarter les développements de l'appelante y relatifs.
Ils entendent démontrer l'absence de motif légitime relatif au grief de concurrence déloyale comme l'a retenu le premier juge qui a considéré que « les éléments versés dans la requête [C] [T], devis et échanges de courriels, ne lui permettent pas d'établir que MM. [V] et [D] aient pris contact en qualité de dirigeants de la société Circle au moins une fois avec un de ses clients avant le 31 janvier 2024, date de leur départ ».
Ils demandent à la cour de ne pas apprécier les nouveaux griefs invoqués par l'appelante, à savoir le risque de dénigrement et celui d'un détournement massif d'informations confidentielles, qui ne figuraient pas dans la requête et sont évoqués pour la première fois en appel.
Ils concluent sur le fait que l'activité de la société Circle n'a pas débuté avant le 31 janvier 2024, outre que cette société n'exerce pas d'activité concurrente à celle de l'appelante en soutenant qu'aucun des éléments avancés à ce titre ne le démontre (le fait que la société Circle selon son extrait Kbis ait été créée alors que MM. [V] et [D] étaient encore salariés de l'appelante ne saurait constituer une faute, rien n'établit que les deux devis datés du 1er et du 5 février 2024 auraient été émis par la société Circle, la création du site Internet de la société Circle avant le 31 janvier 2024 ne constitue pas un acte d'exploitation et l'échange d'emails de M. [V] avec la société ASHE ne permet pas de démontrer des échanges antérieurs à cette date).
Sur l'évolution du chiffre d'affaires de la société Olinn IT, ils rétorquent qu'il ne s'agit pas d'un élément permettant d'établir un risque de concurrence déloyale et que les éléments sélectionnés par l'appelante sur ce point sur incomplets et insuffisants, ajoutant que la baisse du chiffre d'affaires de l'appelante résulte de ses stratégies commerciales puisqu'elle a choisi d'abandonner ses activités de services en se séparant de ses équipes techniques.
Sur la société ASHE, ils font valoir que contrairement à ce qu'indique l'appelante, cette société représente moins de 0,1 % de son chiffre d'affaires, que c'est elle qui a démarché la société Circle et qu'il n'existe aucun détournement de commande, d'autant qu'en ce qui la concerne, elle n'a jamais travaillé avec cette société.
Ils répètent que rien n'établit que les devis réalisés pour la société ST Microélectronics émanent de la société Circle.
Sur les dénigrements allégués, ils répondent que le courriel du 7 février 2024 relate une conversation dont il est impossible de vérifier la réalité et la teneur.
S'agissant de la réclamation de la ville de [Localité 8], ils rétorquent qu'elle résulte de l'incapacité de la société Olinn IT à gérer les demandes de ses clients.
Sur la détention massive d'informations confidentielles, ils rappellent qu'ils concluent à l'irrecevabilité du procès-verbal établi par le commissaire de justice et ajoute que la quantité d'éléments saisis résulte du fait que MM. [V] et [D] ont conservé les mêmes matériels informatiques, qui leur étaient personnels, que ceux qu'ils utilisaient au sein de la société Olinn IT.
Les intimés forment un appel incident pour demander ensuite l'infirmation de l'ordonnance en ce que la saisie des documents en lien avec l'abus de confiance a été confirmée.
Ils exposent que M. [V] a uniquement fait réaliser un logiciel métier dénommé Circle au profit de la société Olinn [T], tandis que la société Circle ne possède aucun logiciel métier, rappelant en outre que la société Circle ne concourt pas aux appels d'offres dans lesquels un logiciel métier est plébiscité.
Ils ajoutent que les échanges d'emails intervenus au sujet de ce logiciel démontrent que celui-ci a bien été développé pour la société Olinn [T] et qu'aucun détournement de fonds ne peut leur être reproché.
Si la cour n'écartait pas des débats le procès-verbal de constat du commissaire de justice, ils indiquent qu'il convient d'observer qu'aucun logiciel métier n'a été retrouvé sur les appareils informatiques de MM. [V] et [D].
Si la cour considérait que la société Olinn IT justifie d'un motif légitime, les intimés entendent démontrer qu'il n'existait aucune circonstance justifiant une dérogation au principe du contradictoire ni de proportionnalité de la mesure ordonnée.
Sur la dérogation au principe du contradictoire, les intimés font valoir que l'appelante a procédé par affirmations générales (volatilité de éléments de preuve, opacité des protagonistes, risque élevé de concertation et gravité des faits allégués) qui ne reposent sur aucune démonstration.
Quant aux mesures ordonnées, ils arguent de leur disproportion en ce que :
- il n'est pas établi que les clients dont la liste est fournie sont bien ceux de la société Olinn IT,
- les mots-clés, à savoir les noms des clients, sont trop vastes et auraient dû être associés à des mots génériques tels que devis, bon de commande, facture, demande, mobile,
- la période postérieure à leur départ de la société Olinn IT revient à autoriser la saisie de documents commerciaux de la société Circle.
A titre infiniment subsidiaire, ils demandent à la cour de cantonner les mesures à la période antérieure au 31 janvier 2024 et qu'il soit précisé que :
- la requérante devra assigner en référé les parties visées par la mesure afin qu'il soit statué sur la communication des pièces saisies,
- en vue de cette instance, ils sélectionneront les pièces à la communication desquelles ils s'opposent,
- la mesure de séquestre sera prolongée jusqu'au prononcé de l'ordonnance statuant sur la communication des éléments copiés.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour « constater » ou « dire et juger » lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.
Sur la demande aux fins de voir écarter des débats la pièce n° 27 de la société Olinn IT
Il est constant que le juge de la rétractation n'est compétent que pour statuer sur la régularité et le bien fondé de l'ordonnance sur requête, et que le résultat des opérations autorisées par l'ordonnance sur requête est sans effet sur cette ordonnance.
Si le motif légitime peut être apprécié au regard d'éléments de preuve postérieurs à la requête, en revanche le requérant ne saurait invoquer des éléments issus de ces opérations pour justifier a posteriori de la légitimité de sa requête. Notamment, il ne saurait caractériser le motif légitime à partir de la liste des éléments saisis figurant à l'inventaire des pièces saisies réalisée par le commissaire de justice. Ces éléments ne sauraient servir de preuve utile, peu important à cet égard la jurisprudence de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date 22 décembre 2023 qui concerne un autre sujet tenant à la possibilité dans un procès civil de faire état d'un moyen de preuve obtenu ou produit de manière illicite ou déloyale.
En revanche, si le juge ne peut prendre en considération les éléments tirés du procès-verbal de constat des opérations à titre de preuve, cette pièce constitue néanmoins un acte de procédure établi conformément à l'ordonnance sur requête ayant dit « que le commissaire de justice devra dresser l'inventaire des pièces obtenues et du tout dresser procès-verbal » qu'il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable ni d'écarter des débats.
Les développements de la société Olinn IT tentant de justifier du motif légitime de sa requête au regard de ce procès-verbal, en faisant état d'une détention massive d'informations confidentielles, ne seront toutefois pas pris en considération.
Sur les demandes de rétractation
Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l'examen du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient d'abord de s'assurer que la requête ou l'ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer sur l'existence du motif légitime et le contenu de la mesure sollicitée.
Sur la motivation de la dérogation au principe de la contradiction
Selon les articles 145 et 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Le juge saisi d'une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d'office, sur la motivation de la requête ou de l'ordonnance justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s'opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
En l'espèce, le juge des requêtes a retenu que :
« MM. [V] et [D] ont quitté Olinn [T] tout en ayant préalablement immatriculé une société concurrente et avoir fait supporté à Olinn [T] le coût de développement d'un logiciel qu'elle n'a ni prescrit ni bénéficié et avoir tenté de détourner au moins deux clients à leur profit ; ces éléments témoignent d'une volonté de dissimulation de leur part et d'actes déloyaux vis-à-vis de leur employeur. En outre, MM. [V] et [D] ont tout intérêt à faire disparaître des informations tendant à corroborer ces faits si elles étaient réclamées à l'occasion d'un débat contradictoire. », pour dire qu'il y avait en conséquence « lieu d'ordonner les mesures d'instruction in futurum sollicitées en l'absence de débats contradictoire afin de ménager un effet de surprise ».
Par de tels motifs, le juge de requête a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport au contexte de dissimulation dénoncé, tandis qu'il est à tout le moins constant que la société Circle Consulting a été immatriculée antérieurement au départ des anciens salariés de la société Olinn [T].
Le moyen tiré de l'absence de justification de la dérogation au principe du contradictoire sera écarté.
Sur l'existence d'un motif légitime
Il est de principe que l'auteur de la demande à une mesure d'instruction in futurum à l'origine non contradictoire n'a pas à rapporter la preuve, ni même un commencement de preuve, du grief invoqué, mais qu'il doit toutefois démontrer l'existence d'éléments précis constituants des indices de violation possible d'une règle de droit permettant d'établir la vraisemblance des faits dont la preuve pourrait s'avérer nécessaire dans le cadre d'un éventuel procès au fond.
Il sera également rappelé qu'il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée, et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu'elle ne l'est pas.
La requérante faisant état de deux griefs distincts, l'un tenant à la concurrence déloyale, et l'autre à abus de confiance, il convient de les examiner séparément.
Sur le grief tenant à la commission d'actes de concurrence déloyale
Il est jugé que caractérise une concurrence déloyale envers une société le fait, pour un salarié de celle-ci, de participer à la création et à l'activité d'une société concurrente avant la fin de son contrat de travail (Com., 2 mai 2007, n° 05-16.626, Com., 13 mars 2001, n° 99-11.178), notamment d' « exercice effectif » d'une activité concurrente (Com., 9 oct. 2001, n° 99-13.717) ou encore le fait même, pour une société créée par un salarié d'une société concurrente, de commencer son activité avant l'expiration du préavis de ce salarié (Com., 31 mars 2009, n° 08-12.554).
Par ailleurs, constitue un acte de concurrence déloyale un détournement de clientèle résultant de procédés déloyaux.
Au cas présent, et étant rappelé qu'à ce stade de la procédure seuls sont exigés de la part de la requérante la preuve d'indices pouvant laisser suspecter l'existence d'actes de concurrence déloyale, il convient de retenir que la société Circle Consulting a été immatriculée au RCS de [Localité 10] le 18 septembre 2023, soit un peu moins de 4 mois avant le départ de la société Olinn IT de MM. [V] et [D], qui en sont respectivement, par l'intermédiaire de leurs sociétés respectives, LD Invest et Hadda Invest, président et directeur général.
Par ailleurs, sans nécessité à ce stade de trancher la question de savoir si les sociétés Olinn IT et Circle Consulting sont des sociétés concurrentes, force est de constater qu'il existe des indices suffisants le laissant supposer puisque comme l'appelante, qui commercialise des biens et services dans le domaine de la communication et télécommunication, les statuts de la société Circle mentionnent qu'elle a notamment pour objet la commercialisation de biens et services liés à la communication en général et notamment dans le domaine de l'informatique, la communication, la télécommunication, le multimédia, sans qu'il soit avéré comme le soutiennent les intimés qu'elle exercerait uniquement une activité de conseil.
Par ailleurs, les intimés ne contestent pas les constats effectués par un commissaire de justice démontrant qu'au 9 janvier 2024, le site internet de la société Circle Consulting faisait état la concernant de « 250 projets en 2023 » ainsi que de « 150 clients satisfaits », laissant subodorer une activité effective de cette société à cette date.
S'agissant des deux devis datés du 1er et 5 février 2024, soit au lendemain du départ de MM. [V] et [D] [C] [T], en possession de cette dernière, et adressé à l'un de ses clients, la société ST Microélectronics, si les intimés font valoir que leur origine n'est pas établie, ou encore qu'il serait impossible d'établir qui les aurait édités, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas contesté que l'enseigne et le logo de l'émetteur correspondent à ceux de la société Circle Consulting, de sorte qu'il s'agit également d'un élément permettant de supposer que cette dernière aurait débuté son activité dès avant le départ des anciens salariés intimés.
En outre, il ressort des échanges intervenus entre M. [V] et la société Ashe, cliente de la société Olinn IT ce qui est attesté par l'échantillon de factures 2022-2023 versé aux débats, que si au mois de décembre 2023, M. [V] expédiait ses emails depuis sa messagerie professionnelle Olinn et signait avec sa signature, dès le 5 février 2024, soit quelques jours après son départ [C], la conversation s'est poursuivie M. [V] utilisant alors la signature de la société Circle Consulting, ce qui caractérise également un indice pouvant laisser supposer un détournement de clientèle par un procédé déloyal.
Par ailleurs, eu égard aux éléments ci-dessus relevés, la diminution importante du chiffre d'affaires réalisé par la société Olinn IT avec ses 10 principaux clients entre les années 2023 et 2024 (la fin de l'exercice comptable étant en décembre), constitue également un indice plausible de l'existence d'actes de concurrence déloyale au moyen d'un détournement illicite de clientèle, ce que ne sauraient en revanche caractériser de simples « bruits de couloirs » assimilables à des rumeurs.
Enfin, si comme il a été ci-dessus examiné, le procès-verbal de constat des opérations et donc la liste des éléments saisis ne sauraient utilement être allégués par la requérante, il convient de relever que MM. [V] et [D] reconnaissent dans leurs conclusions qu'ils ont quitté la société Olinn IT avec leurs ordinateurs personnels contenant l'intégralité des contenus qu'ils utilisaient lorsqu'ils exerçaient leurs fonctions au sein de la société Olinn [T], devenue Olinn IT.
En conséquence, il découle de tout ce qui précède que la requérante a suffisamment justifié l'existence d'éléments rendant crédibles les griefs de concurrence déloyale allégués.
Par voie d'infirmation de l'ordonnance querellée, il sera dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête à cet égard.
Sur le grief tenant au détournement de fonds de la société Olinn [T] au profit de la société Circle Consulting
Il est constant de rappeler que le requérant doit rapporter la preuve de la probabilité des faits dont il souhaite faire rapporter la preuve (2e Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-18.399, 2e Civ., 10 décembre 2020, pourvoi n° 19-22.619).
Or s'il est avéré en l'espèce qu'entre les mois de septembre 2022 et novembre 2023, la société Olinn [T] a procédé au règlement de sept factures auprès de la société Coode-NT, pour un montant total de 82.230 euros, l'appelante ne produit aucun élément pouvant laisser supposer que le règlement par ses soins, pendant plus d'une année, de factures relatives à la création d'un logiciel de gestion flotte, ne lui aurait pas profité, alors qu'il lui eût été aisé de le démontrer en versant par exemple des attestations, et ce quand bien même ce logiciel était dénommé Circle, ce simple élément étant insuffisant à justifier des soupçons de détournement de fonds.
En outre, les intimés versent quant à eux aux débats un courriel en date du 29 juillet 2024 démontrant que ce logiciel, alors en cours de finalisation, a été présenté à un client de la société Olinn [T], ce dont il ressort qu'il a bien été élaboré pour son compte.
L'ordonnance sera sur ce point également infirmée en ce qu'elle a considéré n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête autorisant la saisie d'éléments visant à rapporter la preuve d'un détournement de fonds.
Sur les mesures ordonnées
Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile dès lors que celles-ci ne portent atteinte à aucune liberté fondamentale et qu'elles sont proportionnées au but recherché.
La saisie autorisée aux fins de rechercher des preuves de la concurrence déloyale suspectée donne pour mission au commissaire de justice d'appréhender les éléments relatifs à une liste de 14 clients revendiqués comme tels par la société Olinn IT.
Les intimés ne sont pas fondés à prétendre que cette dernière ne démontreraient pas que les noms listés correspondraient à ses clients en indiquant en page 41 de leurs conclusions qu'elle ne prouve pas « qu'elle travaille régulièrement avec les sociétés visées (« STM, Nestlé, Danone etc ») » alors que pour contester la mesure relativement au détournement de fonds, ils ont précisément versés aux débats des courriels concernant la société Danone à qui le logiciel Circle a été présenté, du temps où ils travaillaient pour le compte de la société Olinn [T].
En outre, il ressort de l'attestation établie le 30 avril 2025 par l'expert-comptable de la société Olinn IT que parmi les clients listés figurent les 10 principaux clients [C] [T].
Par ailleurs, la saisie d'éléments postérieurement au départ de MM. [V] et [D] de la société appelante est justifiée par la nécessité pour la requérante de récolter des preuves d'une éventuelle concurrence déloyale qui par nature a vocation à s'être étendue dans le temps et à être d'autant plus prégnante après le départ des salariés, étant souligné que la période visée s'étend du 13 juin 2023 au jour de l'exécution de la mesure, soit au 9 juillet 2024, soit moins d'une année, ce qui apparaît proportionné au but recherché.
Dans ces conditions, la mesure ordonnée est suffisamment limitée dans son étendue et dans le temps. L'ordonnance sur requête n'encourt ni rétractation ni modification à cet égard.
Sur le séquestre
Dans la mesure où les saisis ont assigné la requérante aux fins de rétractation dans le mois visé à l'article R. 153-1 du code de commerce, ils sont fondés à solliciter la mise en place de la procédure de tri prévu à cet article et aux suivants.
Ils devront à cette fin saisir le juge des référés dans le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt. A défaut, le séquestre provisoire sera levé et les éléments appréhendés communiqués à la société Olinn IT.
Le surplus des demandes des parties sera rejeté.
Sur les demandes accessoires :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile la partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction, ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ou demanderesse à la rétractation d'une telle mesure, ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, cette mesure d'instruction n'étant pas destinée à éclairer le juge d'ores et déjà saisi d'un litige mais n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond (2e Civ., 21 novembre 2024, pourvoi n° 22-16.763).
L'ordonnance querellée sera en conséquence infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Chaque partie succombant partiellement en appel, elles conserveront chacune la part des dépens qu'elles ont exposés.
L'équité commande par ailleurs de débouter les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevable ni à écarter des débats le procès-verbal de constat des opérations de saisie du commissaire de justice instrumentaire,
Infirme l'ordonnance du 31 octobre 2024,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête s'agissant de la saisie des documents en lien avec les clients de la société Olinn [T], devenue la société Olinn IT,
Rétracte l'ordonnance sur requête en date du 2 juillet 2024 relativement aux saisies autorisées en lien avec les soupçons d'abus de confiance s'agissant du logiciel de gestion de flotte dénommé Circle,
Ordonne à la SCP Venezia et Associés, commissaire de justice instrumentaire, d'effectuer un nouveau tri en séparant et détruisant les pièces saisies en lien avec les soupçons d'abus de confiance et le logiciel Circle,
Dit que la société Circle consulting et MM. [V] et [D] devront saisir le juge des référés de première instance dans le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt aux fins de mise en 'uvre de la procédure de tri prévue aux articles R. 153-1 et suivants du code de commerce,
Dit que passé ce délai d'un mois et à défaut de saisine du juge en ce sens, le séquestre sera levé et les éléments saisis en lien avec les soupçons de concurrence déloyale remis à la société Olinn IT,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que chaque partie conservera la chage des dépens de première instance et d'appel par elle exposés,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.