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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/10812

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/10812

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/10812 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2N6

[P] [Z]

S.A.S. [9]

C/

[X] [I]

S.A.R.L. [13]

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me Renaud DAT

Me [X] ARNOUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 09 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016 00616.

APPELANTS

Monsieur [P] [Z]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Renaud DAT, avocat au barreau de TARASCON

S.A.S. [9]

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Renaud DAT, avocat au barreau de TARASCON

INTIMES

Monsieur [X] [I]

mandataire judiciaire es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.S. [8]

né en à , demeurant [Adresse 15]

défaillant

S.A.R.L. [13]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre ARNOUX de la SELARL PIERRE ARNOUX AVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Jean-michel VANCRAEYENEST de la SAS SAMAS AVOCATS, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Réputé Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 22 juin 2012, M. [P] [Z] et la société [13] ont constitué la SAS [9], ayant pour objet notamment l'exploitation d'un salon de coiffure.

M. [P] [Z], son président, détient 51 % du capital social et la société [14] %.

La société [13] a refusé d'adopter les résolutions de l'assemblée générale des associés appelée à approuver les comptes de l'exercice clos au 30 septembre 2014 et a sollicité, par acte d'huissier en date du 23 juillet 2015, la désignation d'un expert judiciaire aux fins de présenter un rapport sur les opérations suivantes:

- prêt personnel au profit de la SAS [5],

- cession de marchandises au profit de la société [5],

- utilisation du budget auprès de la société [11],

- analyse des charges d'exploitation.

Par ordonnance de référé en date du 6 novembre 2015, Mme [E] [B] a été désignée en qualité d'expert judiciaire. Elle a déposé son rapport définitif le 3 août 2016, concluant notamment que:

- M. [P] [Z] a utilisé les moyens de la société [9] pour faciliter le développement de son deuxième salon Au 154 Coiffeurs Créateurs,

- le chiffre d'affaires réalisé personnellement par M. [P] [Z] au salon Au 3 Coiffeurs Créateurs a considérablement diminué à compter de l'ouverture du salon Au 154 Coiffeurs Créateurs,

- ces engagements de dépenses n'ont pas fait l'objet d'une refacturation à la société [5], ce qui a contribué au déséquilibre de la société [9],

- le montant des charges ayant été supporté par le salon [9] sans contrepartie s'élève à 37.004 €, soit 17.814 € au titre de l'absence de refacturation à la société [5] de produits techniques et de revente, outre 19.190 € au titre de l'absence de refacturation du temps consacré par M. [P] [Z] à la société [7].

En parallèle, par jugement du 16 octobre 2015, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [9], sur déclaration de cessation des paiements de son président.

Par acte du 21 octobre 2016, la SARL [13] a fait assigner M. [P] [Z] et la SAS [9] devant le tribunal de commerce de Tarascon aux fins, principalement, de:

- dire et juger que M. [P] [Z] est responsable des agissements contraires aux intérêts de la société [9],

- dire et juger que les agissements fautifs de M. [P] [Z] ont appauvri la société [9],

- condamner M. [P] [Z] à payer à la société [9] la somme de 37.004 € en réparation de son préjudice, outre 15.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 9 mai 2017, le tribunal de commerce de Tarascon a:

- déclaré la SARL [13] partiellement fondée en ses demandes,

- condamné M. [P] [Z] à payer à la société [9] la somme de 17.814€,

- condamné M. [P] [Z] à payer à la société [13] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des présentes condamnations, l'exécution forcée sera réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par ce dernier par application de son tarif devra être supporté par le débiteur en sus de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires,

- condamné les parties défenderesses aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 99,32 € TTC.

Le tribunal a retenu, à cet effet, que:

- l'absence de refacturation à la société [5] des produits techniques et de reventes a nécessairement entraîné un préjudice consistant en l'appauvrissement de la société [9], caractérisant une faute commise par M. [P] [Z] dans l'exercice de son mandat social au sens des dispositions de l'article L 225-251 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées, de sorte que M. [P] [Z] doit être condamné à régler à cette société la somme de 17.814 €,

- concernant l'absence de refacturation du temps consacré par M. [P] [Z] à la société [5], ce dernier, en qualité de dirigeant social, pouvait occuper une autre fonction de direction, sans que sa seule absence au sein de la société [9] puisse être qualifiée de déloyale, de nature à entraîner une refacturation à la charge de la société [5].

Par déclaration en date du 17 mai 2017, M. [P] [Z] et la SAS [9] ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 19 octobre 2018, le tribunal de commerce de Tarascon a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [9] et a désigné Me [X] [I], ès qualités de liquidateur de ladite société.

L'affaire a fait l'objet du retrait du rôle avant d'être ré-enrôlé le 20 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 août 2021, M. [P] [Z] et la SAS [9] demandent à la cour de:

Vu les articles L 225-251 du code de commerce et 32-1 du code de procédure civile,

Vu le jugement correctionnel définitif du 15 janvier 2019 ayant dit que:

- aucun acte positif de détournement des produits au salon Au 3 Coiffeurs Créateurs pour un montant de 17.814 € n'est établi,

- aucune refacturation des salaires de M. [Z] pour un montant de 19.190 € devait intervenir,

- la SARL [13] devait être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour un montant de 15.000 €,

Vu l'autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé par la juridiction pénale,

Statuant sur l'appel formé à l'encontre du jugement rendu le 9 mai 2017 par le tribunal de commercer de Tarascon,

- le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a:

* condamné M. [P] [Z] à payer à la société [9] la somme de 17.814 € correspondant à des produits livrés et non refacturés à la société [5],

* condamné M. [P] [Z] à payer à la société [13] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté M. [Z] et la société [9] de leurs demandes,

Statuant à nouveau,

- juger que les l'ensemble des manquements dont la demanderesse fait état ont été commis durant une période où elle assurait la gestion de la société,

- juger que M. [Z] n'a pas commis de faute de gestion,

- juger que la demanderesse est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux,

- juger que la SARL [13] est irrecevable en sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 15.000 € dont elle a été déboutée par jugement définitif,

- débouter la SARL [13] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ainsi que de son appel incident,

- juger qu'en intentant la présente procédure dont elle ne pouvait légitimement ignorer qu'elle était à l'évidence mal fondée, la SARL [13] a commis une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice,

- juger que la présente procédure est abusive et donne naissance à des dommages et intérêts,

- condamner la société [13] à payer à M. [P] [Z] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société [13] à payer à la société [9] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société [13] à payer à M. [P] [Z] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépenses dont les frais correspondant à l'expertise de gestion.

La SARL [13], suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 novembre 2021, demande à la cour de:

Vu les articles L 227-8, L 225-25 I, L 225-252 et L 242-6 du code de commerce,

Vu l'article 1843-5 alinéa 1 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a

* condamné M. [P] [Z] à payer à la société [9] la somme de 17.814 € correspondant à des produits livrés et non refacturés à la société [5],

* débouté M. [P] [Z] de ses demandes reconventionnelles,

* condamné M. [P] [Z] à payer à la société [13] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a débouté partiellement la SARL [13],

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que M. [P] [Z] est responsable des agissements contraires aux intérêts de la société [9],

- dire et juger que les agissements fautifs de M. [P] [Z] ont appauvri la société [9],

- condamner M. [P] [Z] à payer à la société [9] la somme de 19.190 € à titre de réparation du préjudice économique ( temps consacré à l'exploitation du salon Au 154 Coiffeurs Créateurs);

- condamner M. [P] [Z] à payer à la SARL [13] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi,

En tout état de cause,

- condamner M. [P] [Z] à payer à la SARL [13] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre les entiers dépens la charge de M. [P] [Z], dont ceux d'appel distraits au profit de Me [X] Arnoux-Pollak sur sa due affirmation.

Me [X] [I], ès qualités de liquidateur de la SAS [9], assigné en intervention forcée par acte du 26 septembre 2019, n'a pas constitué avocat. Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 1er avril 2025.

MOTIFS

Sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Tarascon du 15 janvier 2019

Les appelants rappellent que aux termes de ce jugement définitif, M. [Z] a été relaxé alors qu'il était poursuivi pour avoir entre le 1er janvier 2012 et le 16 octobre 2015, de mauvaise foi, fait des biens ou du crédit de la société [9] un usage qu'il savait contraire à celle-ci en lui faisant payer des factures correspondant à des fournitures livrées à la société [5] pour un montant de 17.814 € sans procéder à une refacturation et en ne refacturant pas le personnel mis à disposition pour un montant de 19.190 €, soit un préjudice total de 37.004 € , étant précisé que dans le cadre de cette procédure pénale, la SARL [13] réclamait des dommages et intérêts à hauteur de 15.000 €.

Ils relèvent que dans le cadre du présent litige, les demandes sont les mêmes et que les décisions pénales ont au civil l'autorité absolue au regard de tous ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé avec pour conséquence que le juge civil est obligé de constater que:

- M. [Z] n'a pas fait livrer au [3] des fournitures pour un montant de 17.814 €,

- M. [Z] n'a pas mis à la disposition de la société [6] pour un montant de 19.190 €,

- la SARL [13] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 15.000€.

La société intimée ne partage pas cette analyse, aux motifs que le tribunal correctionnel n'a absolument pas jugé de la faute civile de gestion et que les faits imputés à M. [Z] comme constitutifs de l'infraction pénale prévue et réprimée à l'article L 242-6 du code pénale établissement également une faute civile dans la gestion de ce dernier en application de l'article L 225-251 du code civil.

Devant le tribunal correctionnel de Tarascon, M. [P] [Z] était poursuivi pour des faits d'abus de biens sociaux sur le fondement de l'article L 242-6 du code de commerce alors que dans le cadre de la présente procédure, la [12] recherche la responsabilité civile de M. [P] [Z] lui reprochant d'avoir commis des fautes de gestion ayant occasionné un préjudice à la société dont il était le président ainsi qu'aux associés.

Le fait pour M. [P] [Z] d'avoir été relaxé par le tribunal correctionnel signifie que la faute pénale n'a pas été établie, à savoir l'infraction d'abus de biens sociaux. Cette décision pénale n'a pas d'effet contraignant et automatique sur la décision civile et le dirigeant peut être retenu responsable civilement même s'il a été relaxé pénalement.

En effet, la responsabilité civile du dirigeant repose sur une appréciation différente de la faute et du préjudice que la responsabilité pénale qui vise à sanctionner des actes délictueux commis par la loi.

Le tribunal correctionnel de Tarascon a, au demeurant, expressément retenu que ' L' éventuelle existence d'une faute de gestion dans les commandes de produits techniques de revente ne suffit à caractériser l'infraction d'abus de bien social qui nécessite l'existence d'un acte positif'.

Le tribunal correctionnel ne s'est donc pas prononcé sur la faute civile de gestion qui aurait été commise par M. [P] [Z] au visa de l'article L 225-251 du code de commerce et la fin de non recevoir invoquée par les appelants sera rejetée.

Sur les fautes de gestion commises par M. [P] [Z]

En vertu de l'article L 225-251 du code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Conformément à l'article 1843-5 du code civil, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action. Aucune décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat.

S'appuyant sur le rapport de Mme [E] [B], la SARL [13], en sa qualité d'associée de la SAS [9], poursuit la réparation du préjudice subi par cette société au titre des fautes de gestions qui auraient été commises par son président.

La faute de gestion se définit comme toute action ou inaction commise par un dirigeant d'entreprise dans l'administration générale de la société, manifestement contraire à son intérêt et ayant des conséquences préjudiciables pour elle.

M. [P] [Z] soutient, en premier lieu, que sa responsabilité ne saurait être engagée, se prévalant d'une convention d'une convention de gestion conclue le 1er avril 2013 entre la société [9] et la société [13] en vertu de laquelle celle-ci, moyennant une redevance annuelle de 2.400 €, devait assurer la comptabilité, les relations avec les banque, la gestion du personnel et le secrétariat. Il considère qu'au regard de cette convention, la société [13] ne peut se plaindre de la gestion de la SAS [9] qu'elle assurait pourtant elle-même, tout en détenant l'intégralité des documents sociaux, comptables, fiscaux et bancaires.

La partie intimée conteste une telle délégation de pouvoir, faisant valoir que les prestations qu'elle assurait ont toujours été limitées à des opérations de saisie comptable mais qu'elle n'a jamais effectué le moindre acte de gestion, M. [P] [Z] ayant, au contraire, toujours exercé pleinement les fonctions de président sans jamais les déléguer, même partiellement, à son associé.

L'extrait K Bis qui est versé au dossier confirme que M. [P] [Z] exerçait bien les fonctions de président de la SAS [9]. L'article 16 de des statuts rappelle que la société est représentée, dirigée et administrée par un président, nommé sans limitation de durée. Ses pouvoirs sont ainsi décrits: ' Le président dirige la société et la représente à l'égard des tiers. A ce titre, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans les limites de l'objet social et des pouvoirs expressément dévolus par la loi et les statuts à la collectivité des associés (...) Le président peut déléguer à toute personne de son choix certains de ses pouvoirs pour l'exercice de fonctions spécifiques ou l'accomplissement de certains actes.'

Or, à la lecture de la convention de gestion dont se prévaut M. [P] [Z], les prestations assurées par la SARL [13] sont limitées à des opérations de saisie comptable et ne peuvent s'analyser en une délégation de pouvoir.

M. [P] [Z], à qui il appartient de rapporter la preuve de la gestion par délégation ou de fait de la SAS [9] par la SARL [13], ne produit aucun élément démontrant l'accomplissement par cette dernière d'un quelconque acte de gestion dépassant les limites de la seule saisie des opérations comptables telle que prévue par la convention de gestion du 1er avril 2013.

Aux termes de ses conclusions, l'expert judiciaire a pu établir que M. [P] [Z] a utilisé les moyens de la société [9] pour faciliter le développement de son deuxième salon Au 154 Coiffeurs Créateurs.

Il a notamment été mis en évidence que la société [9] n'a procédé à aucune refacturation à la société [5], dont M. [P] [Z] est également le dirigeant, d'une part, au titre de divers produits qui lui ont été livrés mais payés par la société [9] à raison de 17.814 €, et d'autre part, au titre du temps que ce dernier a consacré à la société [5], à raison de la somme de 19.190 €, soit un total de 37.004 €.

L'absence de refacturation des produits achetés au profit la société [5] est clairement établie au regard des investigations de Mme [B] qui a mis en évidence que plusieurs factures enregistrées dans la comptabilité et donc réglées par la SAS [9] concernaient des produits livrés à l'adresse du salon Au 154 Coiffeurs Créateurs, factures qui n'ont fait l'objet d'aucune refacturation pour un montant global de 1.964 €. L'expert a également chiffré la consommation des produits techniques de revente n'ayant généré aucun chiffre d'affaires pour la SAS [9], soit une perte de 15.850 €.

Il y a lieu de relever que M. [P] [Z] ne conteste pas cette absence de refacturation mais se contente d'affirmer que cette faute de gestion ne peut lui être imputable en regard de la convention de gestion signée avec la SARL [13], moyen qui a été jugé inopérant. La perte des produits de revente n'est pas davantage utilement critiquée par l'appelant qui se contente de dénégations générales, alors que l'expert judiciaire a au contraire étayé sa démonstration par des calculs précis et techniquement justifiés.

Enfin, M. [P] [Z] affirme que Mme [Y], gérant de la SARL [13], aurait puisé dans les stocks de produits dans le cadre d'une activité de vente de tous produits de coiffure et de cosmétique créée en février 2015. Outre que telles assertions sont formellement contestées par la partie intimée, il n'est communiqué strictement aucune pièce au soutien de telles affirmations, qui avaient déjà été évoquées dans le cadre des opérations expertales, Mme [B] ayant déjà relevé qu'aucun élément ne lui avait été communiqué à l'exception d'un mail du 27 mars 2015 de Mme [Y] demandant à un de ses salariés 4 tubes en prévision de sa prochaine couleur, opération dont il a par la suite été justifié qu'elle n'avait pas eu lieu.

La faute de gestion commise par le président de la SAS [9] est ainsi établie. Cette société a nécessairement subi un préjudice, tenant à l'absence de contrepartie à des charges supportées indûment, à l'origine d'un appauvrissement de son patrimoine et d'un déséquilibre de sa situation financière.

Le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [P] [Z] à régler à la SAS [9] la somme de 17.814 € au titre de l'absence de refacturation des produits achetés au profit de la société [5] sera donc confirmé.

S'agissant du préjudice économique subi par la société [9] du fait du temps consacré par M. [P] [Z] à l'exploitation de son autre salon de coiffure, la SARL [13] fait grief au tribunal d'avoir rejeté toute faute de gestion à ce titre. Elle soutient que, comme l'a mis en évidence l'expert judiciaire, le temps passé par ce dernier dans son second salon aurait dû également faire l'objet d'une refacturation.

Or, comme l'a retenu à juste titre le tribunal, M. [P] [Z], en qualité de dirigeant social, pouvait parfaitement occuper une autre fonction de direction au sein d'un autre établissement, sans que cela ne caractérise pour autant un comportement déloyal, d'autant que:

- les constatations effectuées par Mme [B] relèvent de l'hypothèse puisqu'elle indique ' ce qui laisse supposer qu'il n'était pas présent en permanence au salon ',

- le chiffre avancé par l'expert au titre de cette faute, soit 19.190 €, est basé sur le chiffre d'affaires relevé entre 2013 et 2014, auquel elle a appliqué sans explication un pourcentage de 44% comme correspondant au montant des frais et de la rémunération de l'intéressé qui aurait dû faire l'objet d'une refacturation,

- en cause d'appel, M. [P] [Z] produit une attestation de son ancien associé et directeur au sein de la société [5], M. [K] qui affirme qu'il n'existait aucune permutation de personnel entre les deux structures, ce qui n'a d'ailleurs pas été mis en évidence par l'expert, mais également que M. [Z] ne travaillait pas dans ce salon.

Aucune faute de gestion n'est donc établie de ce chef, de sorte que la SARL [13] doit être déboutée de ce chef de prétention et le jugement entrepris également confirmé sur ce point.

La SARL [13] sollicite, en outre, l'allocation à son profit d'une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la réparation de son préjudice moral et financier.

L'action en responsabilité individuelle engagée par les associés à l'encontre du gérant ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel distinct du préjudice social.

La SARL [13] n'apporte pas la démonstration d'un tel préjudice, se contenant d'affirmer que le comportement de M. [P] [Z] qui a fait le choix de privilégier ses intérêts et ceux de son autre salon, au détriment de ceux de la SAS [9] a 'logiquement conduit à créer un préjudice à l'égard de son associé ' , ajoutant qu'elle a perdu une chance de pouvoir partager des profits résultant d'une gestion saine de l'entreprise.

De telles allégations, qui ne sont corroborées par aucune pièce, sont insuffisantes à caractériser un préjudice personnel, étant souligné que la SARL [13] ne prétend, à aucun moment, avoir subi un appauvrissement du fait de cette faute de gestion, ni davantage d'avoir investi des actifs en pure perte dans la société [9].

Sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

Au regard de la solution apportée au présent litige, le caractère abusif de la procédure diligentée par la SARL [13] n'est pas établi, de sorte que les parties appelantes ne peuvent qu'être déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts présentées à ce titre.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt réputé contradictoire

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Tarascon déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [Z] à payer à la SARL [13] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] [Z] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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