CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 3 septembre 2025, n° 21/00938
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 03 SEPTEMBRE 2025
Rôle N° RG 21/00938 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2CB
SA CAISSE D'EPARGNE
C/
[R] [G]
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT
S.A.R.L. EPILOGUE
Copie exécutoire délivrée
le : 3 septembre 2025
à :
Me Clémentine HENRY-VOLFIN
Me Bruno BOUCHOUCHA
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 8] en date du 07 Janvier 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/138.
APPELANTE
S.A. CAISSE D'EPARGNE CEPAC
Banque coopérative régie par les art. L512.85 et suivants du Code Monétaire et Financier, SA à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance au capital de 1.100.000.000 euros - Siège social [Adresse 7] ' Intermédiaire en assurance, immatriculé à l'ORIAS sous le numéro 07 006 180 - Titulaire de la carte professionnelle "transactions sur immeubles et fonds de commerce sans perception de fonds effets ou valeurs" n° CPI 1310 2016 000 009 983 délivrée par la CCI de Marseille-Provence, garantie par la CEGC - [Adresse 2]. » prise en la personne de son directeur en exercice demeurant et domicilié audit siège
représentée par Me Clémentine HENRY-VOLFIN, avocat au barreau de MARSEILLE
assistée de Me Anne HUC-BEAUCHAMPS de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, avocat au barreau d'AVIGNON substituée par Me Lucile NAUDON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [R] [G]
né le 27/12/1973 en [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 6]
défaillant
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT
Etude de Mandataire Judiciaire, immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° 824 797 286, dont le siège social est sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, désignée aux fonctions de Mandataire Judiciaire de Monsieur [R] [G] selon Jugement rendu le 12 mars 2020 par le Tribunal judiciaire de TARASCON.
représentée par Me Bruno BOUCHOUCHA de la SELARL BSB, avocat au barreau de TARASCON substituée par Me Estelle ROSAY, avocat au barreau de TARASCON
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.A.R.L. EPILOGUE
Etude de Mandataire Judiciaire, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 980 989 321, dont le siège social est sis [Adresse 1] à MONTPELLIER (34070), prise en son établissement sis [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal Maître [L] [Y], domicilié en cette qualité audit siège, désignée aux fonctions de Liquidateur Judiciaire de Monsieur [R] [G], en remplacement de la SELARL ETUDE BALINCOURT, selon Ordonnance du Président du Tribunal judiciaire de TARASCON en date du 8 janvier 2024.
représentée par Me Bruno BOUCHOUCHA de la SELARL BSB, avocat au barreau de TARASCON substituée par Me Estelle ROSAY, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé en date du 7 juillet 2010, Monsieur [R] [G] a souscrit auprès de la Caisse d'épargne CEPAC un prêt immobilier dénommé « Primo Écureuil Module » portant le numéro 7729958, d'un montant de 187 000 euros.
Par jugement en date du 12 mars 2020, le tribunal compétent a ouvert à l'égard de Monsieur [R] [G] une procédure de redressement judiciaire, désignant Maître [L] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclaration de créance adressée par courrier recommandé en date du 4 août 2020, réceptionnée le 7 août 2020 par le mandataire judiciaire, la Caisse d'épargne CEPAC a déclaré une créance chirographaire d'un montant total de 154 984,97 €, au titre du prêt, se décomposant comme suit :
- une créance échue d'un montant de 876,23 €, correspondant à une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée d'intérêts de retard échus à hauteur de 1,15 € ;
- une créance à échoir d'un montant de 124 621,33 €, correspondant au capital restant dû au 12 mars 2020 ;
- une créance à échoir d'un montant de 18 948,81 €, au titre des intérêts conventionnels ;
- des indemnités d'assurance à échoir pour un montant de 10 537,45 € ;
- des intérêts de retard à courir jusqu'à complet paiement, déclarés pour mémoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 octobre 2020, Maître [L] [Y] a émis un avis d'admission partielle de la créance.
Par courrier du 20 octobre 2020, la Caisse d'épargne CEPAC a maintenu sa déclaration de créance.
Par ordonnance rendue le 7 janvier 2021, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Tarascon a admis la créance de la Caisse d'épargne CEPAC au passif de Monsieur [R] [G] à hauteur de la somme de 124 621,33 euros, à titre chirographaire et définitif et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure.
Par déclaration en date du 20 janvier 2021, la Caisse d'épargne CEPAC a interjeté appel de ladite ordonnance.
Par jugement en date du 28 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Tarascon a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire à l'égard de Monsieur [R] [G] et a désigné la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [L] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Tarascon en date du 8 janvier 2024, la SARL Epilogue, représentée par Maître [L] [Y], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [R] [G], en remplacement de la SELARL Etude Balincourt.
Par conclusions notifiées par la voie électronique du 16 avril 2021, la Caisse d'épargne CEPAC demande à la cour de':
- infirmer partiellement l'ordonnance rendue le 7 janvier 2021, par Madame la vice-présidente du tribunal judiciaire de Tarascon affectée aux fonctions de juge commissaire, en ce que cette ordonnance n'admettait la créance de la concluante que pour la somme totale de 124 621,33 € à titre définitif et chirographaire,
Et ce, statuant de nouveau,
- admettre la créance de la Caisse d'épargne au passif de Monsieur [R] [G] pour la somme totale de 154 984,97 €, outre les intérêts de retard au taux contractuel du prêt, soit 3,75%, jusqu'à parfait paiement, à titre chirographaire,
- allouer à la Caisse d'épargne la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et lui accorder le remboursement des dépens,
- ordonner l'emploi de ces sommes en frais privilégié de procédure collective.
Par conclusions notifiées par la voie électronique du 1er avril 2025, la SELARL Etude Balincourt, intimée et la SARL Epilogue, intervenante volontaire, demandent à la cour'de :
- prendre acte de l'intervention volontaire de la SARL Epilogue, représentée par Maître [L] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [G], en lieu et place de la SELARL Etude Balincourt, suivant ordonnance du président du tribunal judiciaire de Tarascon du 8 janvier 2024,
- débouter la société Caisse d'épargne CEPAC de son appel comme infondé,
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle prononce l'admission de la créance de la société Caisse d'épargne CEPAC au passif de Monsieur [R] [G] pour une somme totale de 124'621,33'€ à titre définitif et chirographaire,
- rejeter le surplus déclaré au titre des intérêts conventionnels à échoir, des intérêts de retard à échoir et des indemnités d'assurances à échoir,
- rejeter tous moyens, fins, demandes et prétentions plus amples ou contraires,
- condamner en toutes hypothèses la société Caisse d'épargne CEPAC à payer à la SARL Epilogue, représentée par Maître [L] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [R] [G], la somme de 3'500'€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Caisse d'épargne CEPAC aux dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avocat soussigné par application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
M. [R] [G], assigné à personne, n'a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
Le 20 novembre 2024, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience du 15 mai 2025 et de la date prévisible de la clôture.
L'instruction du dossier a été clôturée par une ordonnance du 24 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fixation de la créance
En application des dispositions de l'article L.622-25 du code de commerce, la déclaration de créance doit indiquer le montant de la créance due à la date du jugement d'ouverture, préciser les sommes à échoir ainsi que la date de leurs échéances, et mentionner la nature et l'assiette de la sûreté éventuellement attachée à la créance, en précisant, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers. S'agissant des créances libellées en devises, leur conversion en euros est opérée sur la base du cours du change à la date du jugement d'ouverture. À moins qu'elle ne résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée doit être certifiée sincère par le créancier, le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable pouvant être exigé par le juge-commissaire, tout refus de visa devant être motivé.
Conformément à l'article R.622-23 du code de commerce, la déclaration doit comporter les éléments permettant d'établir l'existence, la nature et le montant de la créance, ainsi que, pour les intérêts dont le cours n'est pas arrêté, les modalités de calcul.
Il est constant que :
les modalités de calcul des intérêts à échoir doivent être mentionnées uniquement lorsque leur montant ne peut être déterminé à la date de la déclaration de créance ;
il n'est pas exigé de distinguer dans la déclaration d'une part les intérêts à échoir et d'autre part le capital à échoir, dès lors que le montant des intérêts à échoir est établi ou que les modalités de calcul sont précisément renvoyées au contrat ou au tableau d'amortissement annexé (Com. 5 mai 2015, n°14-13.213'; Com. 1er juillet 2020, n°19-10.331'; Com. 13 février 2019, n°17-26.361).
La déclaration de créance doit comporter, soit en elle-même, soit par renvoi exprès à un document joint, les modalités de calcul des intérêts à échoir, la simple mention du taux ou l'indication « pour mémoire » étant insuffisante en l'absence de renvoi à un document permettant de procéder au calcul. (Cass. com. 23 novembre 2022, n°21-14.116)
Au soutien de sa contestation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les intérêts postérieurs, la Caisse d'épargne fait valoir que contrairement à ce qui est retenu, la déclaration de créance mentionnait expressément le calcul des intérêts postérieurs selon le taux contractuel de 3,75 %, identique à celui appliqué aux intérêts échus, et renvoyait explicitement au contrat de prêt du 7 juillet 2010. Elle indique que le montant exact des intérêts postérieurs ne pouvait être fixé lors de la déclaration, celui-ci dépendant de la date effective de paiement, alors inconnue.
La Caisse d'épargne soutient par ailleurs que l'ordonnance méconnaît la distinction entre intérêts conventionnels, dont le montant a été précisé, et intérêts de retard, non chiffrables par avance, lesquels doivent également être admis.
Elle conteste en outre le motif tiré du caractère prétendument indépendant du contrat d'assurance, faisant valoir que ce dernier demeure accessoire au prêt, l'adhésion de M. [G] à l'assurance de groupe étant expressément prévue au contrat, les échéances figurant dans le tableau d'amortissement annexé à la déclaration.
Enfin, elle rappelle avoir satisfait aux exigences des articles L.622-24 et R.622-21 du code de commerce, en produisant l'ensemble des pièces justificatives requises dans les délais, notamment le contrat de prêt et le tableau d'amortissement détaillant les sommes dues au titre des indemnités d'assurance.
En réponse, la SARL Etude Balincourt et la SARL Epilogue, demandent la confirmation de l'ordonnance et font valoir un défaut de précision des modalités de calcul des intérêts à échoir et de retard, ainsi que l'absence de qualité de créancière de la banque pour les cotisations d'assurance postérieures à l'ouverture de la procédure collective.'
Il résulte des pièces produites que la Caisse d'épargne a déclaré une créance chirographaire à échoir d'un montant de 154'984,97 € au titre du prêt n°7729958 du 7 juillet 2010 d'un montant de 187'000 euros sur 276 mois au taux contractuel de 3,75 %.
La créance déclarée se décompose comme suit':
- somme échue de 876,23 €, correspondant à une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard échus ;
- somme à échoir de 124'621,33 € au titre du capital restant dû au 12 mars 2020 ;
- somme à échoir de 18'948,81 € au titre des intérêts conventionnels ;
- indemnités d'assurance à échoir pour 10'537,45 € ;
- intérêts de retard à courir jusqu'à complet paiement, déclarés pour mémoire.
La déclaration est accompagnée du contrat de prêt fixant un taux d'intérêt de 3,75 % fixe sur 276 mois, détaillant les modalités de calcul des intérêts sur le capital restant dû avec les échéances mensuelles, d'un tableau d'amortissement mentionnant la part d'intérêts, la part de capital, le capital restant dû.
Ces documents permettent de déterminer le montant des intérêts à échoir et leurs modalités de calcul, sur la base du capital restant dû, du taux contractuel.
Il ressort également des pièces que l'assurance décès-invalidité est accessoire au prêt, l'emprunteur ayant adhéré au contrat de groupe, le coût des cotisations étant expressément mentionné dans le contrat de prêt et le tableau d'amortissement pour chaque échéance. L'établissement de crédit étant chargé de recouvrer pour le compte de l'assureur les cotisations d'assurance, il n'y a pas d'obstacle à ce qu'il en demande le paiement. La créance de la banque de ce chef est donc justifiée.
De même, la créance échue de 876,23 euros au titre d'une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard, est justifiée, dès lors qu'elle résulte du contrat de prêt immobilier et que le montant impayé correspond à une échéance contractuelle mensuelle de 1'077,66 € dont le paiement partiel est établi par le relevé bancaire.
En conséquence, la créance au titre des intérêts conventionnels à échoir pour un montant de 18'948,81 €, les indemnités d'assurance à échoir pour 10'537,45 € ainsi que la créance échue de 876,23 € au titre d'une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard doivent être admises.
En revanche, s'agissant des intérêts de retard, la déclaration de créance mentionne ceux-ci «pour mémoire », sans chiffrage ni renvoi explicite aux modalités contractuelles de calcul. Or, conformément à la jurisprudence précitée, une telle mention est insuffisante pour en établir la recevabilité, aucun document contractuel ne précisant un taux de retard distinct ou une méthode de calcul des intérêts moratoires n'étant produit.
Par conséquent, la créance au titre des intérêts de retard à échoir jusqu'à complet paiement doit être rejetée.
Sur les demandes accessoires
La SELARL Epilogue et M. [G] succombant, M. [G] sera condamné aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles. Par conséquent, les parties seront déboutées de leurs demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance déférée du 7 janvier 2021 en ce qu'elle a admis la créance de la Caisse d'épargne CEPAC à titre définitif et chirographaire à hauteur de la somme de 124'621,33 euros;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Admet la créance de la société Caisse d'épargne CEPAC au passif de M. [R] [G] pour une somme totale de 154'984,97 euros à titre chirographaire, se décomposant comme suit :
- une créance échue de 876,23 €, correspondant à une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard échus ;
- une créance à échoir de 124'621,33 € au titre du capital restant dû au 12 mars 2020 ;
- une créance à échoir de 18'948,81 € au titre des intérêts conventionnels ;
- des indemnités d'assurance à échoir pour 10'537,45 € ;
Déboute la société Caisse d'Epargne CEPAC de sa demande d'admission au titre des intérêts de retard à courir jusqu'à complet paiement, déclarés pour mémoire';
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] [G] aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 03 SEPTEMBRE 2025
Rôle N° RG 21/00938 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2CB
SA CAISSE D'EPARGNE
C/
[R] [G]
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT
S.A.R.L. EPILOGUE
Copie exécutoire délivrée
le : 3 septembre 2025
à :
Me Clémentine HENRY-VOLFIN
Me Bruno BOUCHOUCHA
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 8] en date du 07 Janvier 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/138.
APPELANTE
S.A. CAISSE D'EPARGNE CEPAC
Banque coopérative régie par les art. L512.85 et suivants du Code Monétaire et Financier, SA à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance au capital de 1.100.000.000 euros - Siège social [Adresse 7] ' Intermédiaire en assurance, immatriculé à l'ORIAS sous le numéro 07 006 180 - Titulaire de la carte professionnelle "transactions sur immeubles et fonds de commerce sans perception de fonds effets ou valeurs" n° CPI 1310 2016 000 009 983 délivrée par la CCI de Marseille-Provence, garantie par la CEGC - [Adresse 2]. » prise en la personne de son directeur en exercice demeurant et domicilié audit siège
représentée par Me Clémentine HENRY-VOLFIN, avocat au barreau de MARSEILLE
assistée de Me Anne HUC-BEAUCHAMPS de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, avocat au barreau d'AVIGNON substituée par Me Lucile NAUDON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [R] [G]
né le 27/12/1973 en [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 6]
défaillant
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT
Etude de Mandataire Judiciaire, immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° 824 797 286, dont le siège social est sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, désignée aux fonctions de Mandataire Judiciaire de Monsieur [R] [G] selon Jugement rendu le 12 mars 2020 par le Tribunal judiciaire de TARASCON.
représentée par Me Bruno BOUCHOUCHA de la SELARL BSB, avocat au barreau de TARASCON substituée par Me Estelle ROSAY, avocat au barreau de TARASCON
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.A.R.L. EPILOGUE
Etude de Mandataire Judiciaire, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 980 989 321, dont le siège social est sis [Adresse 1] à MONTPELLIER (34070), prise en son établissement sis [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal Maître [L] [Y], domicilié en cette qualité audit siège, désignée aux fonctions de Liquidateur Judiciaire de Monsieur [R] [G], en remplacement de la SELARL ETUDE BALINCOURT, selon Ordonnance du Président du Tribunal judiciaire de TARASCON en date du 8 janvier 2024.
représentée par Me Bruno BOUCHOUCHA de la SELARL BSB, avocat au barreau de TARASCON substituée par Me Estelle ROSAY, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé en date du 7 juillet 2010, Monsieur [R] [G] a souscrit auprès de la Caisse d'épargne CEPAC un prêt immobilier dénommé « Primo Écureuil Module » portant le numéro 7729958, d'un montant de 187 000 euros.
Par jugement en date du 12 mars 2020, le tribunal compétent a ouvert à l'égard de Monsieur [R] [G] une procédure de redressement judiciaire, désignant Maître [L] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclaration de créance adressée par courrier recommandé en date du 4 août 2020, réceptionnée le 7 août 2020 par le mandataire judiciaire, la Caisse d'épargne CEPAC a déclaré une créance chirographaire d'un montant total de 154 984,97 €, au titre du prêt, se décomposant comme suit :
- une créance échue d'un montant de 876,23 €, correspondant à une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée d'intérêts de retard échus à hauteur de 1,15 € ;
- une créance à échoir d'un montant de 124 621,33 €, correspondant au capital restant dû au 12 mars 2020 ;
- une créance à échoir d'un montant de 18 948,81 €, au titre des intérêts conventionnels ;
- des indemnités d'assurance à échoir pour un montant de 10 537,45 € ;
- des intérêts de retard à courir jusqu'à complet paiement, déclarés pour mémoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 octobre 2020, Maître [L] [Y] a émis un avis d'admission partielle de la créance.
Par courrier du 20 octobre 2020, la Caisse d'épargne CEPAC a maintenu sa déclaration de créance.
Par ordonnance rendue le 7 janvier 2021, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Tarascon a admis la créance de la Caisse d'épargne CEPAC au passif de Monsieur [R] [G] à hauteur de la somme de 124 621,33 euros, à titre chirographaire et définitif et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure.
Par déclaration en date du 20 janvier 2021, la Caisse d'épargne CEPAC a interjeté appel de ladite ordonnance.
Par jugement en date du 28 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Tarascon a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire à l'égard de Monsieur [R] [G] et a désigné la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [L] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Tarascon en date du 8 janvier 2024, la SARL Epilogue, représentée par Maître [L] [Y], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [R] [G], en remplacement de la SELARL Etude Balincourt.
Par conclusions notifiées par la voie électronique du 16 avril 2021, la Caisse d'épargne CEPAC demande à la cour de':
- infirmer partiellement l'ordonnance rendue le 7 janvier 2021, par Madame la vice-présidente du tribunal judiciaire de Tarascon affectée aux fonctions de juge commissaire, en ce que cette ordonnance n'admettait la créance de la concluante que pour la somme totale de 124 621,33 € à titre définitif et chirographaire,
Et ce, statuant de nouveau,
- admettre la créance de la Caisse d'épargne au passif de Monsieur [R] [G] pour la somme totale de 154 984,97 €, outre les intérêts de retard au taux contractuel du prêt, soit 3,75%, jusqu'à parfait paiement, à titre chirographaire,
- allouer à la Caisse d'épargne la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et lui accorder le remboursement des dépens,
- ordonner l'emploi de ces sommes en frais privilégié de procédure collective.
Par conclusions notifiées par la voie électronique du 1er avril 2025, la SELARL Etude Balincourt, intimée et la SARL Epilogue, intervenante volontaire, demandent à la cour'de :
- prendre acte de l'intervention volontaire de la SARL Epilogue, représentée par Maître [L] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [G], en lieu et place de la SELARL Etude Balincourt, suivant ordonnance du président du tribunal judiciaire de Tarascon du 8 janvier 2024,
- débouter la société Caisse d'épargne CEPAC de son appel comme infondé,
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle prononce l'admission de la créance de la société Caisse d'épargne CEPAC au passif de Monsieur [R] [G] pour une somme totale de 124'621,33'€ à titre définitif et chirographaire,
- rejeter le surplus déclaré au titre des intérêts conventionnels à échoir, des intérêts de retard à échoir et des indemnités d'assurances à échoir,
- rejeter tous moyens, fins, demandes et prétentions plus amples ou contraires,
- condamner en toutes hypothèses la société Caisse d'épargne CEPAC à payer à la SARL Epilogue, représentée par Maître [L] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [R] [G], la somme de 3'500'€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Caisse d'épargne CEPAC aux dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avocat soussigné par application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
M. [R] [G], assigné à personne, n'a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
Le 20 novembre 2024, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience du 15 mai 2025 et de la date prévisible de la clôture.
L'instruction du dossier a été clôturée par une ordonnance du 24 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fixation de la créance
En application des dispositions de l'article L.622-25 du code de commerce, la déclaration de créance doit indiquer le montant de la créance due à la date du jugement d'ouverture, préciser les sommes à échoir ainsi que la date de leurs échéances, et mentionner la nature et l'assiette de la sûreté éventuellement attachée à la créance, en précisant, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers. S'agissant des créances libellées en devises, leur conversion en euros est opérée sur la base du cours du change à la date du jugement d'ouverture. À moins qu'elle ne résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée doit être certifiée sincère par le créancier, le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable pouvant être exigé par le juge-commissaire, tout refus de visa devant être motivé.
Conformément à l'article R.622-23 du code de commerce, la déclaration doit comporter les éléments permettant d'établir l'existence, la nature et le montant de la créance, ainsi que, pour les intérêts dont le cours n'est pas arrêté, les modalités de calcul.
Il est constant que :
les modalités de calcul des intérêts à échoir doivent être mentionnées uniquement lorsque leur montant ne peut être déterminé à la date de la déclaration de créance ;
il n'est pas exigé de distinguer dans la déclaration d'une part les intérêts à échoir et d'autre part le capital à échoir, dès lors que le montant des intérêts à échoir est établi ou que les modalités de calcul sont précisément renvoyées au contrat ou au tableau d'amortissement annexé (Com. 5 mai 2015, n°14-13.213'; Com. 1er juillet 2020, n°19-10.331'; Com. 13 février 2019, n°17-26.361).
La déclaration de créance doit comporter, soit en elle-même, soit par renvoi exprès à un document joint, les modalités de calcul des intérêts à échoir, la simple mention du taux ou l'indication « pour mémoire » étant insuffisante en l'absence de renvoi à un document permettant de procéder au calcul. (Cass. com. 23 novembre 2022, n°21-14.116)
Au soutien de sa contestation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les intérêts postérieurs, la Caisse d'épargne fait valoir que contrairement à ce qui est retenu, la déclaration de créance mentionnait expressément le calcul des intérêts postérieurs selon le taux contractuel de 3,75 %, identique à celui appliqué aux intérêts échus, et renvoyait explicitement au contrat de prêt du 7 juillet 2010. Elle indique que le montant exact des intérêts postérieurs ne pouvait être fixé lors de la déclaration, celui-ci dépendant de la date effective de paiement, alors inconnue.
La Caisse d'épargne soutient par ailleurs que l'ordonnance méconnaît la distinction entre intérêts conventionnels, dont le montant a été précisé, et intérêts de retard, non chiffrables par avance, lesquels doivent également être admis.
Elle conteste en outre le motif tiré du caractère prétendument indépendant du contrat d'assurance, faisant valoir que ce dernier demeure accessoire au prêt, l'adhésion de M. [G] à l'assurance de groupe étant expressément prévue au contrat, les échéances figurant dans le tableau d'amortissement annexé à la déclaration.
Enfin, elle rappelle avoir satisfait aux exigences des articles L.622-24 et R.622-21 du code de commerce, en produisant l'ensemble des pièces justificatives requises dans les délais, notamment le contrat de prêt et le tableau d'amortissement détaillant les sommes dues au titre des indemnités d'assurance.
En réponse, la SARL Etude Balincourt et la SARL Epilogue, demandent la confirmation de l'ordonnance et font valoir un défaut de précision des modalités de calcul des intérêts à échoir et de retard, ainsi que l'absence de qualité de créancière de la banque pour les cotisations d'assurance postérieures à l'ouverture de la procédure collective.'
Il résulte des pièces produites que la Caisse d'épargne a déclaré une créance chirographaire à échoir d'un montant de 154'984,97 € au titre du prêt n°7729958 du 7 juillet 2010 d'un montant de 187'000 euros sur 276 mois au taux contractuel de 3,75 %.
La créance déclarée se décompose comme suit':
- somme échue de 876,23 €, correspondant à une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard échus ;
- somme à échoir de 124'621,33 € au titre du capital restant dû au 12 mars 2020 ;
- somme à échoir de 18'948,81 € au titre des intérêts conventionnels ;
- indemnités d'assurance à échoir pour 10'537,45 € ;
- intérêts de retard à courir jusqu'à complet paiement, déclarés pour mémoire.
La déclaration est accompagnée du contrat de prêt fixant un taux d'intérêt de 3,75 % fixe sur 276 mois, détaillant les modalités de calcul des intérêts sur le capital restant dû avec les échéances mensuelles, d'un tableau d'amortissement mentionnant la part d'intérêts, la part de capital, le capital restant dû.
Ces documents permettent de déterminer le montant des intérêts à échoir et leurs modalités de calcul, sur la base du capital restant dû, du taux contractuel.
Il ressort également des pièces que l'assurance décès-invalidité est accessoire au prêt, l'emprunteur ayant adhéré au contrat de groupe, le coût des cotisations étant expressément mentionné dans le contrat de prêt et le tableau d'amortissement pour chaque échéance. L'établissement de crédit étant chargé de recouvrer pour le compte de l'assureur les cotisations d'assurance, il n'y a pas d'obstacle à ce qu'il en demande le paiement. La créance de la banque de ce chef est donc justifiée.
De même, la créance échue de 876,23 euros au titre d'une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard, est justifiée, dès lors qu'elle résulte du contrat de prêt immobilier et que le montant impayé correspond à une échéance contractuelle mensuelle de 1'077,66 € dont le paiement partiel est établi par le relevé bancaire.
En conséquence, la créance au titre des intérêts conventionnels à échoir pour un montant de 18'948,81 €, les indemnités d'assurance à échoir pour 10'537,45 € ainsi que la créance échue de 876,23 € au titre d'une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard doivent être admises.
En revanche, s'agissant des intérêts de retard, la déclaration de créance mentionne ceux-ci «pour mémoire », sans chiffrage ni renvoi explicite aux modalités contractuelles de calcul. Or, conformément à la jurisprudence précitée, une telle mention est insuffisante pour en établir la recevabilité, aucun document contractuel ne précisant un taux de retard distinct ou une méthode de calcul des intérêts moratoires n'étant produit.
Par conséquent, la créance au titre des intérêts de retard à échoir jusqu'à complet paiement doit être rejetée.
Sur les demandes accessoires
La SELARL Epilogue et M. [G] succombant, M. [G] sera condamné aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles. Par conséquent, les parties seront déboutées de leurs demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance déférée du 7 janvier 2021 en ce qu'elle a admis la créance de la Caisse d'épargne CEPAC à titre définitif et chirographaire à hauteur de la somme de 124'621,33 euros;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Admet la créance de la société Caisse d'épargne CEPAC au passif de M. [R] [G] pour une somme totale de 154'984,97 euros à titre chirographaire, se décomposant comme suit :
- une créance échue de 876,23 €, correspondant à une échéance partiellement impayée au 5 mars 2020, augmentée de 1,15 € d'intérêts de retard échus ;
- une créance à échoir de 124'621,33 € au titre du capital restant dû au 12 mars 2020 ;
- une créance à échoir de 18'948,81 € au titre des intérêts conventionnels ;
- des indemnités d'assurance à échoir pour 10'537,45 € ;
Déboute la société Caisse d'Epargne CEPAC de sa demande d'admission au titre des intérêts de retard à courir jusqu'à complet paiement, déclarés pour mémoire';
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] [G] aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,