CA Paris, Pôle 6 - ch. 12, 5 septembre 2025, n° 23/03898
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 05 Septembre 2025
(n° , 26 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/03898 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHYN7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 22] RG n° 20/00767
APPELANT
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque: NAN 1701 substitué par Me Laura DANIELE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMEE
[Adresse 29]
[Adresse 3]
[Adresse 13]
[Localité 4]
représentée par Mme [R] [M] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT,, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre
Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Mme Sandrine BOURDIN, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [Y] [W] (le cotisant) du jugement rendu le 23 mars 2023 sous le RG 20/00767 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à l'[25] (ci-après l'URSSAF) CentreVal-de-Loire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par courrier du 26 novembre 2018, l'[Adresse 30] a adressé à M. [W] un appel de cotisation au titre de son assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie ([14]) de l'année 2017, l'informant que selon les éléments transmis par l'administration fiscale, il était redevable de la somme de 192 396 euros exigible au 28 décembre 2018.
Par courrier du 20 décembre 2018 adressé à l'URSSAF, M. [W] a contesté et demandé le retrait de cet appel de cotisation.
Par courrier du 17 juin 2019, l'URSSAF a indiqué à M. [W] que l'appel de cotisation était maintenu.
Par courrier 13 août 2019, M. [W] a saisi la commission de recours amiable ([11]), pour demander l'annulation de l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 et l'annulation de la décision de rejet de l'URSSAF du 17 juin 2019.
Le 2 septembre 2019, l'URSSAF a notifié au cotisant une mise en demeure de payer la somme de 192 396 euros.
M. [W] s'est acquitté de la somme de 100 000 euros par chèque daté du 10 septembre 2019 puis de la somme de 92 396 euros par chèque daté du 30 octobre 2019, précisant que ces versements n'emportaient pas reconnaissance du bien-fondé de la cotisation.
Par courrier du 31 octobre 2019, M. [W] a saisi une nouvelle fois la [11] pour demander l'annulation de la mise en demeure du 2 septembre 2019.
La [11], par décision du 18 décembre 2019, a rejeté la requête du cotisant maintenant la décision de l'URSSAF en date du 17 juin 2019 et en validant l'appel de [14] pour son montant de 192 396 euros.
Par courrier recommandé du 11 février 2020, M. [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris, lequel, par jugement du 23 mars 2023, a :
- déclaré M. [W] recevable en son recours mais mal fondé ;
- débouté M. [W] de l'ensemble de ses prétentions ;
- déclaré régulier l'appel de [14] en date du 26 novembre 2018 adressé par l'URSSAF [Adresse 8] à M. [W] ;
- validé l'appel de [14] en date du 26 novembre 2018 pour un montant de 192 396 euros;
- déclaré régulière la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 adressée par l'URSSAF [Adresse 8] à M. [W] ;
- validé la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 pour son montant de 192 396 euros;
- condamné M. [W] aux dépens.
M. [W] en a interjeté appel le 5 mai 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience de la cour d'appel du 28 mai 2025.
Par conclusions N°2 visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, M. [W] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré M. [W] mal fondé en son recours ;
* débouté M. [W] de l'ensemble de ses prétentions ;
* déclaré régulier l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 26 novembre 2018 adressé par l'URSSAF [9] à M. [W] ;
* validé l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 26 novembre 2018 pour son montant de 192 396 euros ;
* déclaré régulière la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 adressé par l`URSSAF [Adresse 8] à M. [W] ;
* validé la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 pour son montant de 192 396 euros ;
* condamné M. [W] aux dépens ;
Statuant a nouveau :
- in limine litis, prononcer le sursis à statuer dans l'attente que la Cour de cassation rende sa décision dans le cadre du pourvoi n°T 2510972 ;
- juger que la demande de paiement de la cotisation subsidiaire maladie ne respecte pas la réglementation, est irrégulière et injusti'ée ;
En conséquence,
- annuler l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 ;
- annuler la décision de rejet noti'ée par l'[31] par courrier du 17 juin 2019 ;
- annuler la mise en demeure de [Adresse 1] datée du 2 septembre 2019 ;
- annuler ou infirmer la décision de la commission de recours amiable de l'[31] noti'ée par courrier daté du 19 décembre 2019, en ce qu'elle a considéré que M. [W] est redevable de la cotisation subsidiaire maladie 2017 ;
- condamner [Adresse 1] à rembourser à M. [W] la somme de 192 396 euros payée sous réserve, avec intérêt au taux légal à compter de la date de paiement, donc à compter du 30 octobre 2019 ;
- rejeter les demandes de [2] ;
- condamner l'[Adresse 30] à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'[31] aux entiers dépens de 1'instance.
Dans ses conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- valider l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 et la mise en demeure du 2 septembre 2019 pour leur montant de 192 396 euros ;
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 18 décembre 2019 ;
En tout état de cause :
- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [W] aux dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 28 mai 2025 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 5 septembre 2025.
SUR CE :
- Sur la demande de sursis à statuer :
Moyens des parties:
M. [W] sollicite un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la Cour de cassation sur le pourvoi formé par lui à l'encontre d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris dans un litige l'opposant à l'[Adresse 30] concernant sa contestation de l'appel de [14] pour l'année 2016.
L'URSSAF réplique que la présente affaire est en état d'être plaidée et demande le rejet de la demande de sursis à statuer.
Réponse de la cour :
La cour dispose des éléments nécessaires pour statuer sur les demandes sans qu'il y ait lieu à attendre la décision invoquée.
Il n'est donc pas d'une bonne administration de la justice de reporter le jugement de la présente affaire dont l'issue peut être tranchée indépendamment du sort réservé au pourvoi en cassation en cours.
En conséquence, M. [W] sera débouté de sa demande de sursis à statuer.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations du 15 décembre 2017, au regard de l'incompétence de l'[Adresse 30]
Moyen des parties:
M. [W] soutient que l'[31] n'avait pas compétence pour lui adresser un appel de cotisation au regard de sa domiciliation, seule l'URSSAF [18] l'était par application des articles D.213-1 et R.312-1 du code de la sécurité sociale.
Il conteste par ailleurs la validité de la convention de délégation invoquée par l'URSSAF.
Il rappelle que l'article L122-7 du code de la sécurité sociale, sur le fondement duquel l'URSSAF a établi la convention, n'est pas applicable au recouvrement la cotisation subsidiaire maladie, puisque cet article L.122-7 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions générales du livre 1, alors que le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie relèvent des dispositions législatives et réglementaires spéciales du Livre II, qui dérogent aux dispositions générales du livre I. Il ajoute que la convention de délégation invoquée par l'URSSAF ne concerne que le recouvrement mais ne vise pas le calcul de la cotisation et ne porte pas sur l'appel de cotisation. Par conséquent, il considère que la convention est privée de base légale et que l'[Adresse 30] n'avait donc pas compétence pour agir et que les opérations de calcul et d'appel de la cotisation ont été irrégulièrement conduites ce dont il résulte la nullité de la procédure et de la mise en demeure.
L'[32] explique qu'une convention prise sur le fondement de l'article L.122-7 du code de la sécurité sociale et approuvée le 11 décembre 2017 prévoit la délégation à l'[Adresse 30] de l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R.380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale. Elle précise que la délégation vise l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles L. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale comprenant donc le calcul et l'appel de la [14]. Par conséquent elle soutient la compétence pleine et entière de l'URSSAF [Adresse 8] à émettre un appel de cotisation [14] à destination de M. [W].
Réponse de la cour :
L'alinéa 9 de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatif à la cotisation subsidiaire maladie dispose que :
« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat. »
Le livre I du code de la sécurité sociale est intitulé 'Livre I : Généralités - Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base (Articles L. 111-1 à L. 184-1)'. Il a donc vocation à s'appliquer à tous les organismes de sécurité sociale et à toutes les cotisations, dès lors qu'aucune disposition spécifique dérogatoire n'est prévue dans les livres suivants. Les chapitres III et IV du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, visés par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale susvisé, ne comportent aucune disposition spécifique dérogatoire au livre I en matière de délégation entre organismes. Dès lors, l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, compris dans le livre I susvisé, trouve application pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.
L'alinéa 1 de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 prévoit :
« Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.
« Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés. »
En l'espèce, la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, communiquée par l'URSSAF en pièce 12, a été signée le 1er décembre 2017 entre, notamment, les directeurs des [Adresse 35] ainsi que par les agents comptables de ces [26].
Elle stipule que « la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'Acoss et conclue pour une durée indéterminée » (article 2), que « les [26] délégantes transfèrent à l'URSSAF délégataire l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale » (article 3) et enfin que « l'URSSAF délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants » (article 4).
Par décision du 11 décembre 2017 (pièce 11 de l'URSSAF) prise par le directeur de l'Acoss en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, « sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les [26] aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des [26] délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision ».
Dans le tableau annexé, il est précisé que l'[34] est « l'URSSAF délégante » et que l'[Adresse 27], devenue en cours de procédure l'[31], est « l'URSSAF délégataire » de la première.
Il résulte de l'alinéa premier de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale susvisé que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée et qu'en conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation, sans qu'il n'y ait lieu d'attendre la publication (Cass., Civ. 2e, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).
L'[Adresse 30] était donc territorialement compétente pour calculer, appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie des assujettis vivant à [Localité 22] dès le 11 décembre 2017.
L'appel de cotisation émis le 26 novembre 2018 et envoyé ensuite à M. [W] a donc été émis par une URSSAF ayant bénéficié d'une délégation pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladie au jour de l'appel de cotisation.
Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de compétence de l'URSSAF ayant émis l'appel de cotisations est inopérant. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de l'application rétroactive des dispositions réglementaires:
Moyens des parties:
M. [W] expose que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale prévoyant une cotisation subsidiaire maladie a été complété par les articles D. 380-1 et suivants du code de la sécurité sociale créés par décret 2016-979 du 19 juillet 2016 et par les articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale, créés par le décret 2017-736 du 03 mai 2017, étant précisé qu'aucun de ces textes ne prévoyaient de dispositions particulières quant à la date d'entrée en vigueur. Il en conclut que les mesures réglementaires ont été appliquées de façon rétroactive au 1er janvier 2016. Il estime que l'application rétroactive du décret du 03 mai 2017 est problématique, puisque la parution tardive du décret a eu des conséquences injustes en ce que la cotisation appelée n'est pas la contrepartie de la prestation attendue. Il précise que, dans les arrêts rendus par la cour de cassation, ce point n'était pas évoqué et donc n'a pas été tranché.
L'URSSAF fait valoir que la Cour de cassation, par deux arrêts des 23 janvier 2020 et 18 mars 2021, a écarté la question de la rétroactivité en confirmant que les décrets des 19 juillet 2016 et 03 mai 2017 étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 sur l'année 2016. De plus, l'URSSAF expose que, dès le 23 décembre 2015, date d'entrée en vigueur de la [19] pour 2016, les cotisants pouvaient connaître les principes applicables à cette cotisation et aux revenus inclus dans son assiette, ces éléments étant prévus par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale qui se suffit à lui-même, de sorte que près de deux ans avant l' appel de cotisation litigieux, le cotisant assujetti au paiement de la cotisation mise en place par la [19] pour 2016 était en mesure de savoir qu'il était en principe redevable à compter de 2017 sur la base des revenus perçus et inclus dans son assiette en 2016.
Elle ajoute que le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la [14] est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant le premier appel de cotisation et la première exigibilité. De même, les articles 7 et 8 du décret n°2017-736 du 3 mai 2017 qui au demeurant ont uniquement précisé les modalités d' appel de paiement, recouvrement et de contrôle de la cotisation, sont entrés en vigueur le 6 mai 2017, là encore avant le premier appel de la cotisation subsidiaire maladie et la première exigibilité de la cotisation.
Réponse de la cour :
L'article 2 du code civil dispose :
'La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.'
L'article L.221-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose :
'Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date.
Une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d'un décret, à la date d'entrée en vigueur de cette loi (C. Cass, 2ème Civ., 21 juin 2012, n 11-20.578).
Selon l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 et entrée en vigueur dès le 22 décembre 2015, les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle.
L'article L.380-2 du code de la sécurité sociale fixe, dès son entrée en vigueur, l'ensemble des principes régissant la cotisation, à savoir qu'il s'agit d'une cotisation fixée en pourcentage des revenus du patrimoine, due par les personnes percevant des revenus d'activité inférieurs à un certain seuil (avec des dispositions spécifiques pour les couples mariés et pour les personnes percevant une pension de retraite, une rente ou des allocations de chômage) et est recouvrée l'année suivant l'année au titre de laquelle elle est due. L'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, qui ne renvoie aux dispositions réglementaires que pour fixer les conditions d'assujettissement, les modalités de détermination de l'assiette et le taux, ne dépendait pas, pour la mise en 'uvre immédiate de ses principes, de son décret d'application. Les cotisants avaient donc connaissance des principes régissant la [14] avant le début de la première année de recouvrement.
Le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, pris en application de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, a modifié les articles D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale et est entré en vigueur le 22 juillet 2016, c'est-à-dire bien avant l'appel à cotisation du 26 novembre 2018. Il s'applique donc à des situations juridiques non définitivement constituées avant leur entrée en vigueur.
C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé que méconnaît les articles L. 380-2, D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, les trois autres dans leur rédaction issue du décret n° 2016-979 du 9 juillet 2016, ensemble l'article 2 du code civil, par refus d'application, le tribunal qui accueille le recours d'un assuré contestant l'appel de cotisations adressé par une [26], en décembre 2017, au titre de la cotisation subsidiaire maladie, au motif que cet appel était fondé sur des textes juridiques ne portant effet que pour l'avenir, alors que la cotisation litigieuse était due pour l'année 2016. (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 19-12.022).
Le décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie, qui n'est certes pas pris en application de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, comporte des dispositions relatives à la cotisation [23] puisqu'il précise les modalités de recouvrement de la cotisation, notamment, en modifiant, à compter du 6 mai 2017, les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale.
Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement intervenant à la fin de l'année 2017 pour la cotisation de l'année 2016, première année d'assujettissement à cette cotisation, sans comporter aucun élément relatif à l'assiette ni au taux de la cotisation, complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret du 19 juillet 2016 précités. Elles sont entrées en vigueur avant l'émission des premiers appels à cotisation du 15 décembre 2017 et lui étaient donc applicables (2e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 19-25.792).
Le Conseil d'Etat a jugé que le moyen tiré de ce que les dispositions de la circulaire prescrivant l'application des dispositions de l'article L. 380-2 et des articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la cotisation due au titre de l'année 2016 méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires doit être écarté (Conseil d'Etat, du 10 juillet 2019, numéro 417919).
Le décret n° 2017-240 du 24 février 2017 relatif au contrôle des conditions permettant de bénéficier de la protection universelle maladie n'a pas été pris en application de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, mais en application de l'article L.160-1 du code de la sécurité sociale. Il institue les articles R.111-3 et R.11-4 du code de la sécurité sociale qui précisent la condition de la régularité du séjour des personnes pouvant prétendre à la [23] visées à l'article L.160-1 du code de la sécurité sociale. Il est donc sans incidence sur les principes visés à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale. De plus, comme indiqué précédemment, il est entré en vigueur avant la délivrance de l'appel à cotisation du 26 novembre 2018. Il ne méconnaît donc pas le principe de la non-rétroactivité. Il en est de même pour l'arrêté du 10 mai 2017, qui est pris en application de l'article R.111-3 du code de la sécurité sociale institué par le décret 2017-240 du 24 février 2017.
En conséquence, le moyen d'irrégularité fondé sur le principe de non-rétroactivité des dispositions réglementaires ne pourra qu'être écarté. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'information de l'assuré sur son affiliation préalable à l'assurance maladie au titre de la [23]
Moyens des parties
M. [W] soutient qu'il n'a pas été alerté de son affiliation au titre de la protection universelle maladie à la [7] au titre de l'exercice 2017 et de la possibilité qu'il aurait eue sur cet exercice de bénéficier, dans ce cadre, de prestations d'assurance maladie. Il estime qu'il ne saurait être informé rétroactivement de son affiliation et de la possibilité qu'il aurait eue de bénéficier de prestations d'assurance maladie et de solliciter la prise en charge de ses frais de santé dans ce cadre juridique, près d'un an après l'expiration de la période concernée. Il rappelle que la cotisation subsidiaire maladie est une cotisation de sécurité sociale et non un impôt, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel.
L'URSSAF rétorque que la loi ainsi que les décrets d'application étaient précis à ce sujet. La [23] qui a été mise en place au 1er janvier 2016 s'adresse à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière afin qu'elle bénéficie de la prise en charge de ses frais de santé. Il appartient donc à tout assuré bénéficiaire, quel que soit son régime de sécurité sociale, de contribuer au financement de l'assurance maladie en fonction de sa situation et de ses ressources. Ainsi, les personnes inactives ou dont les revenus d'activité sont trop faibles au regard de l'octroi des droits à l'assurance maladie, sont susceptibles d'être redevables d'une cotisation subsidiaire maladie.
Elle rappelle que l'assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie est d'ordre public et qu'il n'est pas possible de s'y soustraire dès lors que les conditions de résidence et de revenus sont remplies.
Réponse de la cour
L'article L.160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
'Toute personne travaillante ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.
L'exercice d'une activité professionnelle et les conditions de résidence en [17] sont appréciées selon les règles prévues, respectivement, aux articles L111-2-2 et L 111-2-3.
Un décret en Conseil d'Etat prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident en France et cessent de remplir les autres conditions mentionnées à l'article L. 111-2-3 bénéficient, dans la limite d'un an, d'une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée à l'article L. 160-8 et, le cas échéant, à la couverture complémentaire prévue à l'article L 861-1.'
L'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
'Les personnes mentionnées à l'article L 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :
1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.
Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.
La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat.
Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L 152 du livre des procédures fiscales.
Les dispositions des articles L.160-1 et L.380-2 du code de la sécurité sociale sont d'ordre public. Ainsi, lorsque les conditions de l'article L.160-1 du code de la sécurité sociale sont remplies, l'affiliation au régime d'assurance maladie est automatique et obligatoire, sans que cette affiliation ne soit dès lors soumise à une demande d'adhésion et à une décision préalable d'affiliation à l'assurance maladie. De même, lorsque les critères de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale sont remplis, la cotisation subsidiaire maladie est due, peu important que l'assujetti ait sollicité, ou non, la prise en charge de ses frais de santé.
En l'espèce, il n'est pas contesté, qu'en 2017, M. [W] résidait en France de manière stable et régulière. Le critère de résidence stable et régulière sur le territoire français est donc rempli. M. [W] était donc affilié au régime de sécurité sociale.
Par ailleurs, il remplissait les conditions cumulatives prévues aux 1° et 2° de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale puisque, si il n'avait perçu aucun revenu professionnel en 2017
il avait néanmoins perçu des revenus tirés du capital ou du patrimoine d'un montant supérieur à 25% du PASS, soit 2 414 754 euros.
Il était donc redevable de la [14], qui constituait bien la contrepartie des prestations pouvant être versées par l'organisme de sécurité sociale au titre de l'assurance maladie.
Lorsque les conditions fixées par ces textes sont remplies, l'affiliation au régime d'assurance maladie est automatique et obligatoire, sans que cette affiliation ne soit dès lors soumise à une demande d'adhésion et à une décision préalable d'affiliation à l'assurance maladie
Aussi les moyens développés par M [W] en ce qu'il n'a jamais été informé de son affiliation à la sécurité sociale et en qu'il n'a pu bénéficier de la couverture de ses frais de santé, sont inopérants, dès lors que son affiliation et son assujettissement résultent des critères légaux. Le fait qu'il n'ait pas sollicité de prise en charge de ses frais de santé, c'est-à-dire qu'il n'ait pas bénéficié de la contrepartie de la [14], relève d'un choix personnel qui lui appartient, étant précisé qu'il ne justifie, ni même n'allègue, que la [7] lui aurait refusé une telle prise en charge. Aussi, le moyen soulevé par M. [W] du fait qu'il ignorait son affiliation à l'assurance maladie est inopérant pour se soustraire au paiement de la cotisation subsidiaire maladie ; la demande d'annulation de l'appel de cotisations formée par M. [W] de ce chef sera rejetée et le jugement du tribunal judiciaire de Paris sera confirmé sur ce point.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations du 26 novembre 2018, au regard de sa tardiveté:
Moyens des parties :
M. [W] soutient que l'appel de cotisation est irrégulier du fait qu'il a été émis le 26 novembre 2018 alors qu'en vertu de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, l'URSSAF avait jusqu'à la date limite du 30 novembre 2018 pour réaliser cet appel de cotisation. Il estime que l'utilisation, dans les textes, du terme 'au plus tard' prouve le caractère impératif de la date butoir, qui a pour objet de lui permettre de pouvoir bénéficier des prestations auxquelles la cotisation lui ouvre le droit. Il rappelle que les dispositions législatives et réglementaires régissant le droit de la sécurité sociale sont d'ordre public.
L'URSSAF rappelle que le texte n'a prévu aucune sanction attachée au non-respect du délai. En tout état de cause, elle rappelle qu'en droit, il n'y a pas de nullité sans texte et que M. [W] doit prouver le grief que lui cause l'irrégularité de l'acte afin de demander son annulation, ce qu'il ne fait pas. Elle précise que le non respect de la date d'appel de cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale n'est sanctionné par aucune nullité et ne saurait entacher d'illégalité la procédure de recouvrement, ce retard n'affectant que la date d'exigibilité qui se voit repoussée.
Réponse de la cour
L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :
« La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. »
L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues. »
L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. »
Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.
Le report de l'exigibilité de la cotisation ne fait pas grief au cotisant. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de M. [W] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due. En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure ; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'[Adresse 28] ne pourra plus réclamer aucune somme.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de l'absence de signature sur l'appel de cotisation
Moyens des parties :
M. [W] soutient que l'absence de signature sur l'appel de cotisation et la simple mention de « Le directeur » sans précision du nom et du prénom, constituent une irrégularité conduisant à la nullité ou à tout le moins à l'inopposabilité de l'acte. Il soutient que la signature de l'acte est d'autant plus importante que l'appel de cotisation emporte des conséquences juridiques, se fondant sur l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il estime que l'absence de signature entraîne la nullité de l'acte, ainsi que cela a été évoqué tant par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale lors des débats parlementaires sur la loi que dans la circulaire n° 2002-56 du 30 janvier 2002 de la Direction de la sécurité sociale que dans l'arrêt du 22 février 2022 du Conseil d'Etat interprété a contrario.
Il précise que l'appel de cotisation est un acte administratif qui doit respecter les mentions obligatoires posées à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et que le non respect de ces dispositions conduit à la nullité de l'appel de cotisation et conséquemment à la nullité de la mise en demeure.
Au contraire, l'URSSAF précise qu'aucun texte ne prévoit une obligation de signature de l'appel de cotisation, ni même de sanction pour cette absence de signature. Elle indique qu'un appel de cotisations n'a pour seule vocation que d'informer le cotisant des sommes dont il est redevable et de la date à laquelle ces sommes doivent être acquittées.
Réponse de la cour :
L'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose:
'Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.'
L'article R.380-3 du code de la sécurité sociale dispose:
Les cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations.
L'article R.380-4 du code de la sécurité sociale dispose:
'I. ' La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
II. ' Au plus tard à l'issue de ce délai, l'assuré qui estime que le montant appelé ne tient pas compte de manière exacte de sa situation ou de ses revenus peut s'acquitter du montant de la cotisation dont il estime être redevable sur la base de tout élément probant qu'il communique à l'organisme chargé du recouvrement. Après examen des éléments envoyés, l'organisme de recouvrement, dans un délai d'un mois suivant la date de paiement de la cotisation et par tout moyen donnant date certaine à la réception par le redevable, lui confirme le montant estimé ou, le cas échéant, lui transmet un appel rectificatif fixant le solde restant dû par le redevable ou les sommes à rembourser. Le solde est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle il est appelé.'
L'article R.380-7 du code de la sécurité sociale dispose:
'Vingt jours après les dates d'échéance prévues aux articles R. 380-4 et R. 380-5, l'organisme chargé du recouvrement adresse au débiteur, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, une lettre le mettant en demeure de régulariser sa situation dans le délai d'un mois.'
Il ressort de ces textes que la [14] est fixée après une procédure d'échanges entre l'URSSAF et le cotisant ce qui donne lieu, en cas de non paiement, à la délivrance d'une mise en demeure. La procédure préalable à la mise en demeure ne revêt aucune forme particulière et aucun des textes ne prévoit une obligation de délivrance d'un appel à cotisations signé. Les documents émis par l'URSSAF durant cette procédure préalable sont donc des actes purement informatifs et ne constituent donc pas des actes administratifs au sens de l'article L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Surabondamment, si l'absence de signature devait s'apparenter à une nullité de forme, encore faudrait-il que M. [W] rapporte la preuve d'un grief de l'absence de signature, ce qu'il ne fait pas, puisque l'appel à cotisation lui permettait savoir d'où il provenait, à savoir du directeur de l'URSSAF.
Le moyen tiré de la nullité de l' appel de cotisation pour défaut de signature est donc rejeté.
Sur la régularité de la mise en demeure du 2 septembre 2019
M. [W] fait valoir que la mise en demeure n'est pas régulière, l'URSSAF n'ayant pas respecté le délai de vingt jours après la date limite de paiement fixée par l'appel de cotisation au 28 décembre 2018 pour la lui adresser comme prévu à l'article R.380-7 du code de la sécurité sociale.
L'URSSAF répond que ce texte a instauré un délai minimum de vingt jours entre la date d'échéance et l'envoi de la mise en demeure et qu'elle pouvait envoyer dans ces conditions la mise en demeure au titre de la [14] 2017 à compter du 18 janvier 2019 et dans un délai de trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle se termine le délai de trente jours qui suit l'appel de cotisation soit le 31 décembre 2019 + 3 ans. Elle ajoute que nulle sanction n'est prévue s'agissant de l'article l'article R.380-7 du code de la sécurité sociale.
Réponse de la cour:
L'article R.380-4 du code de la sécurité sociale dispose :
La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
L'article R.380-7 du code de la sécurité sociale dispose :
Vingt jours après les dates d'échéance prévues aux articles R. 380-4 et R. 380-5, l'organisme chargé du recouvrement adresse au débiteur, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, une lettre le mettant en demeure de régulariser sa situation dans le délai d'un mois.
Il en résulte que l'URSSAF devait respecter un délai de vingt jours à compter des dates d'échéance avant de délivrer une mise en demeure, délai largement respecté le 2 septembre 2019, l'appel de cotisation daté du 28 novembre 2018 étant exigible le 28 décembre 2018.
Le moyen sera donc écarté.
Sur la régularité de la mise en demeure du 2 septembre 2019 au regard de la période concernée:
Moyens des parties
M. [W] fait grief à la mise en demeure de ne pas comporter les renseignements nécessaires pour lui permettre de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations. Au cas particulier, le cotisant reproche à la mise en demeure qu'il a reçu de comporter une période imprécise, à savoir « 4E TRIM 2017 », laquelle est discordante avec la période de cotisation mentionnée sur l'appel à cotisations, à savoir « Année 2017 ».
Il soutient que la mise en demeure comportant une telle erreur sur la période est nulle puisqu'il s'agit d'une mention obligatoire et substantielle.
Il observe que la mise en demeure n'étant pas régulière, la cotisation est aujourd'hui prescrite puisque le délai de 3 ans de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dont relèvent les cotisations et contributions sociales est expiré.
L'URSSAF réplique que la mise en demeure du 2 septembre 2019 fait apparaître la somme de 192 396 correspondant à celle mentionnée dans l'appel de cotisation et dans la colonne « période », la mention « 4e trimestre 2017 » qui n'est pas de nature à tromper le cotisant ou à l'induire en erreur dès lors que la [14] est redevable annuellement, qu'il n'a reçu aucun appel à cotisations durant les précédents trimestres et que l'appel du quatrième trimestre ne peut correspondre qu'à la cotisation annuelle appelée au cours du quatrième trimestre de l'année. Elle observe que la cour d'appel d'Amiens l'a jugé ainsi dans un arrêt du 3 janvier 2023, n° 21/03040. L'URSSAF en conclut que la mise en demeure est bien régulière et que la cotisation n'est pas prescrite.
Réponse de la cour
L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose :
Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédé, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'État invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État.
L'article R. 244-1 du même code prévoit que l'envoi, par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 555-1, de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2 est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'avertissement ou la mise en demeure, qui constituent une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. À cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
En l'espèce, les pièces produites au débat permettent de constater que la mise en demeure délivrée au cotisant répond aux exigences ci-dessus rappelées puisque sont mentionnés :
- la date d'établissement de la mise en demeure, soit le 02 09 19 ;
- la mention que la mise en demeure a été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu'au 29 08 19 ;
- la nature des cotisations concernées, en l'occurrence la cotisation subsidiaire maladie ([14]);
- la cause et le motif de la mise en recouvrement, en l'espèce l'absence de versement ;
- les périodes de référence, à savoir le quatrième trimestre 2017 ;
- les montants en contributions et majorations, soit respectivement les sommes de 192 396 euros en cotisations dues et 0 euro en majorations de retard.
Au cas particulier, la mention « 4e trimestre 2017 » qui figure à la mise en demeure n'est pas de nature à induire en erreur le cotisant quant à l'étendue de ses obligations. En effet, la [14] est redevable annuellement et ne peut être appelée qu'en fin d'année, dès lors le quatrième trimestre 2017 comme période de la seule [14], aucune autre cotisation n'étant appelée par ailleurs, ne peut correspondre qu'à la cotisation annuelle nécessairement appelée au cours du quatrième trimestre de l'année. En outre, il est exact que l'assuré n'a reçu aucun autre appel à cotisations avant cette mise en demeure, de sorte qu'il ne pouvait pas être induit en erreur ou douter raisonnablement de la période concernée.
La mise en demeure est donc bien de nature à permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. En conséquence, la demande de nullité formée par le cotisant doit être rejetée.
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard du non-respect des règles sur le transfert des données personnelles
Moyens des parties
M. [W] fait valoir que la loi informatique et liberté pose le principe de l'information de la personne soumise à un recueil de données à caractère personnel et que la [10], dans son avis n°2017-279 du 26 octobre 2017, a spécifiquement insisté sur l'obligation d'information de la [15] et de l'ACOSS s'agissant du transfert de données pour le calcul de la [14]. Il indique qu'il n'est pas justifié qu'il a reçu cette information, ce qui doit entraîner l'annulation de l'appel à cotisations.
M. [W] estime que la mise en 'uvre d'un tel traitement de données fiscales au profit de l'ACOSS doit respecter les dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et plus précisément son article 32 ' qui prévoit que les personnes visées par un traitement de données à caractère personnel doivent en être informées.
Il précise que la [10] insiste sur l'information spécifique des personnes concernées par le traitement des données et rappelle que cette obligation d'information doit être mise en 'uvre par l'Acoss.
M. [W] considère que n'a pas été respecté l'obligation d'informer spécifiquement les redevables de la [14] du traitement de leurs données fiscales personnelles. Il relève que ces irrégularités doivent nécessairement conduire à annuler l'appel de [14] du 26 novembre 2018.
L'[Adresse 30] expose que la remise à l'URSSAF des données à caractère personnel permettant le calcul de la cotisation n'est pas contraire à la loi du 06 janvier 1978, notamment à son article 27 devenu article 32, qui prévoit que les traitements de données à caractère personnel sont autorisés par décret en Conseil d'Etat après avis de la [10].
Elle explique qu'il ressort clairement des dispositions des articles L.380-2, R.380-3 et D.380-5 du code de la sécurité sociale concernant la [14] que l'administration fiscale communique aux [26] les données et éléments nécessaires au calcul de cette cotisation. Qu'eu égard à la délibération de la [10] n°2017-279 du 26 octobre 2017, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [14] a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017. Ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [26] des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation.
L'URSSAF précise que le décret du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [15] et l'ACOSS.
Par ailleurs, l'[Adresse 30] indique qu'il a été jugé (CA [Localité 36] 21 avril 2022) que la transmission des données a été portée à la connaissance des intéressés par la publication de la loi ayant institué la [14] au Journal Officiel, que l'obligation d'information personnalisée est à la charge de l'Acoss, qui n'est pas partie à l'instance, et non à la charge de l'URSSAF et qu'en tout état de cause, le non-respect de l'obligation d'information personnalisée ne peut être sanctionnée par la nullité de l'appel à cotisation.
Elle indique qu'elle a rempli ses obligations en assurant une information générale de ses cotisants, notamment par une campagne d'information au mois de novembre 2017 et par les informations portées sur l'appel à cotisations. Elle rappelle qu'elle n'est pas tenue d'une obligation d'information individuelle et que la communication doit être faite au plus tard lors de la première communication.
Réponse de la cour :
Le paragraphe I de l'article 32, III, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, dispose :
I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :
1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;
2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;
5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre dont celui de définir des directives relatives au sort de ses données à caractère personnel après sa mort ;
7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne ;
8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.
Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.
L'article 14 du règlement RGPD, intitulé « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concerné » prévoit, dans son paragraphe 5 :
Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où :
a) la personne concernée dispose déjà de ces informations ;
b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles ;
c) l'obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée ; ou
d) les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d'une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l'Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel.
Aux termes de l'article 32, III, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.
Selon l'article 32, III, alinéa 2, de la loi du 6 janvier 1978, susvisée, le responsable du traitement n'est pas tenu de fournir à la personne concernée les informations énumérées au I de ce texte lorsque celle-ci est déjà informée.
Selon le paragraphe 5 du règlement [24], il est fait exception à l'obligation de fournir des informations à la personne concernée auprès de laquelle les données à caractère personnel n'ont pas été collectées lorsque et dans la mesure où l'obtention ou la communication des données sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée (CJUE, arrêt du 28 novembre 2024, Másdi, C-169/23, § 45).
Il résulte des articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale, susvisés, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, que les éléments nécessaires à la détermination des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations.
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 susvisé autorise la mise en 'uvre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il prévoit l'identité du responsable du traitement des données, les finalités poursuivies par le traitement, les destinataires des données, la durée de conservation des données traitées, ainsi que l'existence d'un droit d'accès et de rectification aux données et les modalités d'exercice de ces droits.
Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que la communication des données fiscales du cotisant à l'URSSAF est expressément prévue par les articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale précités et qu'il est prévu, par le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant, il est fait exception, pour les cotisations appelées à compter de cette dernière date, à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 susvisé, pesant sur le responsable du traitement des données personnelles, à l'égard de la personne concernée par celles-ci lorsqu'elles n'ont pas été recueillies auprès d'elle (2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 23-22.218).
En l'espèce, l'appel de cotisation a été adressé au cotisant le 26 novembre 2018, c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 03 novembre 2017, contenant des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant.
M. [W] a eu connaissance de la transmission de ses données personnelles de l'administration fiscale vers l'organisme chargé du recouvrement, par la publication au Journal Officiel des dispositions législatives et réglementaires susvisées (articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale).
L'[Adresse 30] le lui a rappelé directement dans l'appel de cotisations du 26 novembre 2018, puisque ce document, après avoir exposé les informations générales sur la [14], précise « selon les éléments transmis par la [16] ([15]), vous êtes redevable de la somme de 192 396 euros calculée sur vos revenus du patrimoine 2017 et exigible au 28/12/2018 ». Cet appel à cotisations invite également le cotisant à consulter le site de l'URSSAF ou à contacter un conseiller pour davantage d'informations ou pour contestation des montants retenus.
Ainsi, les dispositions relatives à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ne s'appliquent pas au cas d'espèce.
Le moyen d'irrégularité de l'appel à cotisations fondé sur l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'absence d'habilitation de l'[Adresse 30] à recevoir les données à caractère personnel
Moyens des parties :
M. [W] rappelle que par une délibération publique n°2017-279, la [10] n'a autorise le
transfert de données et leurs exploitations qu'aux [26] territorialement compétentes.
Le concernant, dépendant de L'[33], l'[Adresse 29] ne
pouvait valablement traiter un fichier contenant des données personnelles sans en avoir
eu l'autorisation.
L'URSSAF fait valoir qu'il ressort de l'avis rendu par la [10] le 26 octobre 2017 et des
décrets des 03 novembre 2017 et 24 mai 2018 que, pour la cotisation 2016 appelée en
en 2017, sont bien autorisés:
- un transfert de données entre le [15] et l'ACOSS,
- un traitement de ces données par l'ACOSS et les [26] pour le calcul de la [14].
Elle expose que la remise à l'URSSAF des données à caractère personnel permettant le calcul de la cotisation n'est pas contraire à la loi du 06 janvier 1978, notamment à son article 27 devenu article 32, qui prévoit que les traitements de données à caractère personnel sont autorisés
par décret en Conseil d'Etat après avis de la [10].
Elle explique qu'il ressort clairement des dispositions des articles L.380-2, R.380-3 et D.380-5 du code de la sécurité sociale concernant la [14] que l'administration fiscale communique aux [26] les données et éléments nécessaires au calcul de cette cotisation. Qu'eu égard à la délibération de la [10] n°2017-279 du 26 octobre 2017, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [14] a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017.
Ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [26] des informations
nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes
remplissant les conditions pour verser cette cotisation.
L'URSSAF précise que le décret du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [15] et l'ACOSS.
Réponse de la cour
L'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 (ancien article 27), dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de la loi 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, dispose :
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en 'uvre lorsqu'ils portent sur des données comportant le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques. La mise en 'uvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
Le principe du partage d'informations nominatives entre l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale préexistait à l'instauration de la [14] et est prévu à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, qui dispose, dans sa version applicable au présent litige :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article du code de la sécurité sociale, aux services chargés de la gestion et du paiement des pensions aux fonctionnaires de l'Etat et assimilés, aux institutions mentionnées au chapitre 1er du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, au service mentionné au deuxième alinéa de l'article L 815-7 du même code ainsi qu'à l'institution mentionnée à l'article 5312-1 du code du travail les informations nominatives nécessaires :
« 1° à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations ;
« 2° au calcul des prestations ;
« 3° à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions ;
« 4° à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement ;
« 5° Au recouvrement des prestations indûment versées ;
« 6° A l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale ;
« 7° Au calcul des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale.
« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 7°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques.
« Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations de sécurité sociale de toute nature, ainsi que le paiement des cotisations et contributions, les organismes et services mentionnés au premier alinéa peuvent demander aux administrations fiscales de leur communiquer une liste des personnes qui ont déclaré soit n'avoir plus leur domicile en France, soit n'avoir perçu que des revenus du patrimoine ou de placement.
« Les agents des administrations fiscales signalent aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales et aux chefs des services régionaux de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles, ainsi qu'aux organismes de protection sociale les faits susceptibles de constituer des infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs au régime général, au régime des travailleurs indépendants non agricoles, aux régimes spéciaux, au régime agricole de sécurité sociale ou à l'assurance chômage. »
La loi instituant la [14], cotisation fixée en fonction, notamment, des revenus du patrimoine et de l'activité professionnelle, prévoit que cette cotisation est déterminée sur la base de ce partage d'informations, puisque l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui fixe l'assiette de la cotisation, dispose :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L 213-1et L 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L380-2 conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »
Ce partage d'informations entre l'administration fiscale et les organismes de recouvrement, prévu par la loi, existait également dans les dispositions réglementaires rendues applicables à la [14], puisque l'article R.380-3 du code de la sécurité sociale, préexistant à la [14], prévoit, dans sa version applicable au présent litige:
« Les cotisations mentionnées à l'article L 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations.. »
Et l'article D.380-5-I du code de la sécurité sociale, également préexistant à la [14], précise, dans sa version applicable au présent litige:
« Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D 380-1et D 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L 380-3-1.. »
Les organismes de sécurité sociale, et notamment les [26], disposaient donc d'un accès aux données fiscales sur la base du corpus législatif et réglementaire existant, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978. En revanche, ce sont les modalités de traitement de ces données pour déterminer les personnes assujetties et le montant de la cotisation qui ont dû être fixées par décret, conformément aux obligations fixées par la loi 78-17 du 6 janvier 1978.
Par application de l'article 27 devenu 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, l'article 1er du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis motivé et publié de la [10] sous le numéro 2017-279 en date du 26 octobre 2017, prévoit :
« I - Pour l'application des dispositions de l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
« Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale.
« II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :
« 1° Données relatives à l'identité des personnes (')
« 2° Données fiscales relatives aux revenus :
« - traitements et salaires ;
« - pensions, retraites et rentes ;
« - revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;
« - divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;
« - revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;
« - plus-values et gains divers ;
« - revenus fonciers ;
« - revenus fonciers exceptionnels ou différés ;
« - le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.
« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;
« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné. (')
« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L 213-1 et L 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.
« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »
Le décret 2017-1530 du 03 novembre 2017 a été complété ultérieurement par le décret 2018-392 du 24 mai 2018, qui a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé au niveau de la [15] avant transmission des données entre la [15] et l'Acoss ainsi qu'il est dit dans son article 1 :
« Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.
« Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques. »
Le décret 2018-392 a été pris après délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le traitement automatisé par la [15] a été mis en place pour la [14] 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Il était donc autorisé pour l'appel à cotisation litigieux du 26 novembre 2018 adressé à M [W].
Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :
par des dispositions législatives (article L152 du livre des procédures fiscales et article L.380-2 du code de la sécurité sociale), le partage des données fiscales entre l'administration fiscale, l'Acoss et les [26] ;
par un décret en Conseil d'Etat 2017-1530 du 03 novembre 2017 après avis de la [10], la collecte, le traitement et la transmission des données fiscales par l'Acoss et les [26] ,
par un décret en Conseil d'Etat 2018-392 du 24 mai 2018, après avis de la [10], le traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel par la direction générale des finances publiques à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Il a été jugé ci avant que l'[Adresse 30] était bien territorialement compétente en raison de la convention de délégation et qu'elle avait été régulièrement désignée pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.
Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 27 de la loi Informatique et Liberté ne saurait être retenu puisque, contrairement à l'interprétation que M. [W] en fait, les organismes territorialement compétents évoqués dans l'avis de la [10] du 26 octobre 2017 ne désignent pas uniquement l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant, mais également les organismes territorialement compétents par voie de délégation, conformément à l'article L. 122-7 précité, soit en l'espèce l'[Adresse 30] s'agissant des cotisants résidant en Île-de-France.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de M. [W] tendant à l'annulation de l'appel à cotisation fondée de ces chefs, l'[31] étant bien compétente pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladies dont elle était redevable au jour de l'appel de cotisation et, par voie de conséquence, de traiter les données informatiques légalement collectées.
Ainsi, le moyen d'irrégularité fondé sur l'article 27 devenu article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations, au regard de la double affiliation
Moyens des parties
M. [W] rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé que la cotisation subsidiaire maladie n'était pas une imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution ce qui, implicitement mais nécessairement, signifie que la cotisation subsidiaire maladie doit être regardée comme une cotisation sociale. Dès lors, l'affiliation à la [23] et le paiement de la cotisation subsidiaire maladie sont contestables en ce qui le concerne puisqu'il est affilié depuis le 1er avril 1981 à la [21]. Il indique produire à cet effet une attestation d'affiliation délivrée par la [21] en date du 8 février 2018 (pièce n° 2) et du 2 janvier 2019 (pièce n° 34), ainsi que la copie de sa carte vitale l'attestation de droits à l'assurance maladie délivrée chaque année pas la Mutuelle (pièce n° 5). Il rappelle que la [20] gère à la fois le régime obligatoire d'assurance maladie et la protection complémentaire. Dès lors, son affiliation au titre de la [23] est dénuée de sens et fait double emploi avec l'affiliation obligatoire auprès de la [21].
L'URSSAF rétorque que la [21] ([20]) est une mutuelle et que l'affiliation à la [20] est sans incidence sur le paiement de la cotisation, qui est dû dès lors que l'intéressé remplit les conditions prévues par les textes. L'assujettissement à la [14] est d'ordre public.
Réponse de la cour
Il ressort des pièces produites que M. [W] est affilié à la [20] depuis le 1er avril 1981. La [20] est, par définition, une mutuelle, c'est-à-dire une assurance de santé privée afin de couvrir la protection complémentaire des soins médicaux et la prévoyance à travers les contrats qu'elle propose.
Toutefois, ces contrats ne couvrent pas la prise en charge du régime de base des prestations de sécurité sociale, qui se font dans le cadre de l'affiliation à l'assurance maladie, dont M. [W] bénéficie également ainsi qu'il ressort de la photocopie de sa carte vitale et de son attestation d'affiliation. La [20], mutuelle de fonctionnaires, a reçu compétence, par application des articles L160-17 et L.711-1 et suivants du code de la sécurité sociale et par dérogation à l'organisation applicable aux salariés du secteur privé, pour servir directement ces prestations de base aux agents adhérents, mais le financement de ces prestations de base relève de l'assurance maladie et non des contrats privés souscrits, conformément aux articles R.160-25 et suivants du code de la sécurité sociale.
L'article L. 380-2 précédemment rappelé vise toute personne résidant en France de manière stable et qui, de ce fait, a accès aux prestations de base de la sécurité sociale, quel que soit l'organisme par lequel ces prestations lui sont servies.
Dès lors, la circonstance que M. [W], en sa qualité de fonctionnaire en disponibilité, ait une obligation d'affiliation à la [20] pour les prestations de base, ne concerne que les modalités de versement de ces prestations et n'entre pas en contradiction avec le principe du droit à prestation au titre de l'assurance maladie et avec l'assujettissement corrélatif à la cotisation subsidiaire maladie.
Ce moyen sera donc rejeté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard du double assujettissement à cotisations sociales
Moyens des parties :
M. [W] soutient que l'ensemble des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie a déjà été soumis aux prélèvements sociaux. Il précise notamment que les revenus du patrimoine sont assujettis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5%, dont la contribution sociale généralisée, la [12], le prélèvement social, la contribution additionnelle et le prélèvement de solidarité. Il estime qu'il n'est pas justifié de soumettre ces revenus du patrimoine, en plus, à la cotisation subsidiaire maladie, dès lors que les prélèvements dont les revenus font déjà l'objet sont des cotisations sociales, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence communautaire (CJUE, 1ère chambre, 26 février 2015, affaire C-623/13, Min.c/ de Ruyter).
L'URSSAF estime que la cotisation subsidiaire maladie et la contribution sociale généralisée ne doivent pas être confondues, puisque la première est une cotisation due par des personnes affiliées qui n'ont pas été assujetties à la cotisation maladie sur des revenus d'activité ou de remplacement tandis que la seconde est une imposition destinée à la mise en oeuvre du principe de solidarité générale. Le paiement de la contribution sociale généralisée ne crée pas de dispense de paiement de la cotisation subsidiaire maladie pour les personnes qui en sont redevables.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article L 380-2 déjà cité que la cotisation est exigible lorsque la personne concernée n'a pas été assujettie à une cotisation maladie sur des revenus d'activité ou de remplacement.
En l'espèce, M. [W] n'a pas été assujetti à une cotisation maladie sur des revenus d'activité ou de remplacement, puisque ses seuls revenus sont des revenus de capitaux et des revenus fonciers.
Par ailleurs, le texte ne prévoit pas d'exception à la prise en compte des revenus du capital et du patrimoine dans l'assiette de la cotisation même dans le cas où le cotisant aurait déjà acquitté des prélèvements sociaux sur ces mêmes revenus.
De même, bien que la CSG et la [12] aient la double nature d'une imposition et d'une cotisation, elles ne sont pas assimilables, contrairement à ce que soutient M. [W] à une cotisation d'assurance maladie dans la mesure elles ne sont pas spécifiquement affectées au financement d'un régime de sécurité sociale particulier.
Il s'en déduit que les revenus du patrimoine et de capitaux ayant fait l'objet de prélèvements, notamment au titre de la CSG et la [12], sont également susceptibles d'être assujettis à la cotisation subsidiaire maladie.
Dans sa décision du 26 février 2015 C-623/13, Ministère de l'économie c/ [L] [H], la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le fait d'assujettir une personne physique à des prélèvements sur les revenus du patrimoine finançant des organismes de sécurité sociale français, alors même que l'intéressé, résident fiscal en France, n'était pas affilié à la sécurité sociale française mais à celle d'un autre état membre, est contraire au principe d'unicité de la législation de sécurité sociale, chacun ne devant contribuer qu'à un seul régime de sécurité sociale. Toutefois, cette jurisprudence n'est pas applicable ici dans la mesure où M. [W] n'est pas affilié à un régime de sécurité sociale d'un autre état membre mais à l'unique régime de sécurité sociale français.
Par ailleurs, la décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 rappelle que la [14] est un versement à caractère obligatoire constituant la contrepartie légale du bénéfice des prestations en nature qui sont servies par la branche maladie et maternité de la sécurité sociale et qu'en conséquence, cette cotisation ne revêt pas le caractère d'une imposition de toute nature. Elle peut donc être cumulée avec une autre imposition de toute nature, sans revêtir le caractère d'une imposition confiscatoire.
Ce moyen sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard du caractère disproportionné de la cotisation
Moyens des parties :
M. [W] fait valoir que l'intégration de ses revenus du capital dans l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie le contraint à s'acquitter d'un montant annuel de cotisations de 192 396 euros, montant disproportionné au regard des prestations de frais de santé que la cotisation est censée financer.
Cette disproportion a d'ailleurs été reconnue par le législateur puisque dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, il a modifié les modalités de calcul de la cotisation subsidiaire maladie pour les rendre plus justes. Il indique que si les dispositions de cette loi avaient été appliquées à sa situation en 2017, il n'aurait été redevable que de la somme de 19 123,65 euros. Il rappelle que la cour d'appel de Paris a déjà écarté les dispositions litigieuses pour cause de disproportion (CA Paris, 3 mars 2023, RG 19/6710), principe garanti par l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme.
M. [W] estime que les moyens mis en 'uvre sont disproportionnés dès lors qu'ils créent une différence de traitement pour un écart de revenus professionnels dérisoire et que l'objectif de la [14] a été dénaturé par les modalités d'application prévues par le décret du 19 juillet 2016 qui en a fait une cotisation pouvant se révéler confiscatoire et discriminatoire dans certains cas.
L'URSSAF expose que la [19] 2016, instaurant la [14], ne présente pas de contrariété avec le principe de non-discrimination. Il rappelle que le Conseil constitutionnel a estimé que l'existence du seuil d'assujettissement ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant les charges publiques (QPC 2018-735 du 27 septembre 2018)
Réponse de la cour :
L'article D.380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose:
I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :
1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)
Où :
A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;
D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;
2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)
Où :
R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;
S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.
III.-Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.
L'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme stipule :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance a une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
L'article1er du Premier Protocole à cette Convention stipule :
« 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être prive de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; 2. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément a l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n°2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale instituant la cotisation subsidiaire maladie conforme à la Constitution, sous la réserve d' interprétation énoncée au paragraphe 19, aux termes duquel la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations susvisées de la Convention européenne des droits de l'Homme, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
Les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article D. 380-1 susvisé et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine. Toutefois, ces dispositions visent à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge. Dans ces conditions, le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il recherchait.
Ainsi, il en résulte que les dispositions des articles L.380-2 du code de la sécurité sociale et D.380-1 du code de la sécurité sociale sont compatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du protocole additionnel numéro 1 de cette Convention.
Par ailleurs, M. [W] ne démontre pas, de façon chiffrée, dans ses conclusions, que sa participation au financement de l'assurance maladie est disproportionnée par rapport à celle fournie par un assuré qui aurait des revenus d'un montant comparable aux siens, mais provenant d'une activité professionnelle plutôt que de son patrimoine. Il ne justifie donc pas, dans ce cas, d'une différence de traitement pour deux personnes dans des situations comparables.
M. [W] se contente d'évoquer la situation de deux personnes ayant des revenus du patrimoine comparables, mais avec des revenus d'activité professionnelle différents, les revenus de la première étant inférieurs au seuil et les revenus de la seconde étant supérieurs au seuil.
Il sera observé que M. [W] expose des considérations générales sans faire de démonstration chiffrée précise. De plus, la différence évoquée, selon que le revenu d'activité professionnelle est inférieur ou supérieur au seuil prévu par le 1° de l'article L. 380-2, est inhérente à l'existence d'un seuil ' qui n'est pas, en lui-même inconstitutionnel ainsi qu'il a été rappelé plus haut ' et se trouve atténuée par le mécanisme d'abattement d'assiette prévu au cinquième alinéa de cet article, de même que par les dispositions prévoyant que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret. Dans ces conditions, la différence évoquée par M. [W], en ce qu'elle repose sur un montant de revenus d'activité différent et en ce qu'elle a été atténuée par un mécanisme d'abattement, n'a pas de conséquences disproportionnées, ni en termes d'égalité de traitement, ni en termes d'atteinte au droit de propriété.
Même si ultérieurement l'article L. 380-2 précité a été complété par un mécanisme de plafonnement de l'assiette de la cotisation par l'article 12 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, M. [W] n'est pas fondé à prétendre que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale instituerait une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention.
Le moyen tiré de la disproportion sera en conséquence rejeté.
- Sur la demande de remboursement formée par M. [W]
Moyens des parties :
M. [W] fait valoir que la demande de paiement de [14] étant injustifiée il doit être remboursé de la somme de 192 396 euros qu'il a payé à ce titre, avec intérêts au taux légal courant depuis le 30 octobre 2019, date du paiement.
L'URSSAF demande la validation de l'appel de cotisation dont elle confirme le montant dament calculé selon les informations fiscales communiquées.
Réponse de la cour :
M [W] qui remplit les conditions d'assujettissement est redevable de la [14] 2017.
La prise en compte, par l'URSSAF, de revenus du patrimoine et du capital à hauteur de 2 414 754 euros n'est pas contestée.
Il convient donc de fixer à 192 396 euros le montant de la CSM 2017 due par M. [W] à l'URSSAF. L'appel à cotisations du 26 novembre 2018 sera donc validé pour ce montant que M. [W] a réglé.
La demande de remboursement de cette somme, formée par M. [W], sera donc écartée.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile:
M. [W], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens et débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
CONFIRME le jugement rendu le 23 mars 2023 sous le RG 20/00767 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
- valide l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 et la mise en demeure du 2 septembre 2019 pour leur montant de 192 396 euros ;
- déboute M. [Y] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamne M. [Y] [W] aux dépens.
La greffière, La présidente.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 05 Septembre 2025
(n° , 26 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/03898 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHYN7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 22] RG n° 20/00767
APPELANT
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque: NAN 1701 substitué par Me Laura DANIELE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMEE
[Adresse 29]
[Adresse 3]
[Adresse 13]
[Localité 4]
représentée par Mme [R] [M] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT,, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre
Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Mme Sandrine BOURDIN, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [Y] [W] (le cotisant) du jugement rendu le 23 mars 2023 sous le RG 20/00767 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à l'[25] (ci-après l'URSSAF) CentreVal-de-Loire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par courrier du 26 novembre 2018, l'[Adresse 30] a adressé à M. [W] un appel de cotisation au titre de son assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie ([14]) de l'année 2017, l'informant que selon les éléments transmis par l'administration fiscale, il était redevable de la somme de 192 396 euros exigible au 28 décembre 2018.
Par courrier du 20 décembre 2018 adressé à l'URSSAF, M. [W] a contesté et demandé le retrait de cet appel de cotisation.
Par courrier du 17 juin 2019, l'URSSAF a indiqué à M. [W] que l'appel de cotisation était maintenu.
Par courrier 13 août 2019, M. [W] a saisi la commission de recours amiable ([11]), pour demander l'annulation de l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 et l'annulation de la décision de rejet de l'URSSAF du 17 juin 2019.
Le 2 septembre 2019, l'URSSAF a notifié au cotisant une mise en demeure de payer la somme de 192 396 euros.
M. [W] s'est acquitté de la somme de 100 000 euros par chèque daté du 10 septembre 2019 puis de la somme de 92 396 euros par chèque daté du 30 octobre 2019, précisant que ces versements n'emportaient pas reconnaissance du bien-fondé de la cotisation.
Par courrier du 31 octobre 2019, M. [W] a saisi une nouvelle fois la [11] pour demander l'annulation de la mise en demeure du 2 septembre 2019.
La [11], par décision du 18 décembre 2019, a rejeté la requête du cotisant maintenant la décision de l'URSSAF en date du 17 juin 2019 et en validant l'appel de [14] pour son montant de 192 396 euros.
Par courrier recommandé du 11 février 2020, M. [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris, lequel, par jugement du 23 mars 2023, a :
- déclaré M. [W] recevable en son recours mais mal fondé ;
- débouté M. [W] de l'ensemble de ses prétentions ;
- déclaré régulier l'appel de [14] en date du 26 novembre 2018 adressé par l'URSSAF [Adresse 8] à M. [W] ;
- validé l'appel de [14] en date du 26 novembre 2018 pour un montant de 192 396 euros;
- déclaré régulière la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 adressée par l'URSSAF [Adresse 8] à M. [W] ;
- validé la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 pour son montant de 192 396 euros;
- condamné M. [W] aux dépens.
M. [W] en a interjeté appel le 5 mai 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience de la cour d'appel du 28 mai 2025.
Par conclusions N°2 visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, M. [W] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré M. [W] mal fondé en son recours ;
* débouté M. [W] de l'ensemble de ses prétentions ;
* déclaré régulier l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 26 novembre 2018 adressé par l'URSSAF [9] à M. [W] ;
* validé l'appel de cotisation subsidiaire maladie en date du 26 novembre 2018 pour son montant de 192 396 euros ;
* déclaré régulière la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 adressé par l`URSSAF [Adresse 8] à M. [W] ;
* validé la mise en demeure en date du 2 septembre 2019 pour son montant de 192 396 euros ;
* condamné M. [W] aux dépens ;
Statuant a nouveau :
- in limine litis, prononcer le sursis à statuer dans l'attente que la Cour de cassation rende sa décision dans le cadre du pourvoi n°T 2510972 ;
- juger que la demande de paiement de la cotisation subsidiaire maladie ne respecte pas la réglementation, est irrégulière et injusti'ée ;
En conséquence,
- annuler l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 ;
- annuler la décision de rejet noti'ée par l'[31] par courrier du 17 juin 2019 ;
- annuler la mise en demeure de [Adresse 1] datée du 2 septembre 2019 ;
- annuler ou infirmer la décision de la commission de recours amiable de l'[31] noti'ée par courrier daté du 19 décembre 2019, en ce qu'elle a considéré que M. [W] est redevable de la cotisation subsidiaire maladie 2017 ;
- condamner [Adresse 1] à rembourser à M. [W] la somme de 192 396 euros payée sous réserve, avec intérêt au taux légal à compter de la date de paiement, donc à compter du 30 octobre 2019 ;
- rejeter les demandes de [2] ;
- condamner l'[Adresse 30] à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'[31] aux entiers dépens de 1'instance.
Dans ses conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- valider l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 et la mise en demeure du 2 septembre 2019 pour leur montant de 192 396 euros ;
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 18 décembre 2019 ;
En tout état de cause :
- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [W] aux dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 28 mai 2025 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 5 septembre 2025.
SUR CE :
- Sur la demande de sursis à statuer :
Moyens des parties:
M. [W] sollicite un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la Cour de cassation sur le pourvoi formé par lui à l'encontre d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris dans un litige l'opposant à l'[Adresse 30] concernant sa contestation de l'appel de [14] pour l'année 2016.
L'URSSAF réplique que la présente affaire est en état d'être plaidée et demande le rejet de la demande de sursis à statuer.
Réponse de la cour :
La cour dispose des éléments nécessaires pour statuer sur les demandes sans qu'il y ait lieu à attendre la décision invoquée.
Il n'est donc pas d'une bonne administration de la justice de reporter le jugement de la présente affaire dont l'issue peut être tranchée indépendamment du sort réservé au pourvoi en cassation en cours.
En conséquence, M. [W] sera débouté de sa demande de sursis à statuer.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations du 15 décembre 2017, au regard de l'incompétence de l'[Adresse 30]
Moyen des parties:
M. [W] soutient que l'[31] n'avait pas compétence pour lui adresser un appel de cotisation au regard de sa domiciliation, seule l'URSSAF [18] l'était par application des articles D.213-1 et R.312-1 du code de la sécurité sociale.
Il conteste par ailleurs la validité de la convention de délégation invoquée par l'URSSAF.
Il rappelle que l'article L122-7 du code de la sécurité sociale, sur le fondement duquel l'URSSAF a établi la convention, n'est pas applicable au recouvrement la cotisation subsidiaire maladie, puisque cet article L.122-7 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions générales du livre 1, alors que le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie relèvent des dispositions législatives et réglementaires spéciales du Livre II, qui dérogent aux dispositions générales du livre I. Il ajoute que la convention de délégation invoquée par l'URSSAF ne concerne que le recouvrement mais ne vise pas le calcul de la cotisation et ne porte pas sur l'appel de cotisation. Par conséquent, il considère que la convention est privée de base légale et que l'[Adresse 30] n'avait donc pas compétence pour agir et que les opérations de calcul et d'appel de la cotisation ont été irrégulièrement conduites ce dont il résulte la nullité de la procédure et de la mise en demeure.
L'[32] explique qu'une convention prise sur le fondement de l'article L.122-7 du code de la sécurité sociale et approuvée le 11 décembre 2017 prévoit la délégation à l'[Adresse 30] de l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R.380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale. Elle précise que la délégation vise l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles L. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale comprenant donc le calcul et l'appel de la [14]. Par conséquent elle soutient la compétence pleine et entière de l'URSSAF [Adresse 8] à émettre un appel de cotisation [14] à destination de M. [W].
Réponse de la cour :
L'alinéa 9 de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatif à la cotisation subsidiaire maladie dispose que :
« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat. »
Le livre I du code de la sécurité sociale est intitulé 'Livre I : Généralités - Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base (Articles L. 111-1 à L. 184-1)'. Il a donc vocation à s'appliquer à tous les organismes de sécurité sociale et à toutes les cotisations, dès lors qu'aucune disposition spécifique dérogatoire n'est prévue dans les livres suivants. Les chapitres III et IV du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, visés par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale susvisé, ne comportent aucune disposition spécifique dérogatoire au livre I en matière de délégation entre organismes. Dès lors, l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, compris dans le livre I susvisé, trouve application pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.
L'alinéa 1 de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 prévoit :
« Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.
« Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés. »
En l'espèce, la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, communiquée par l'URSSAF en pièce 12, a été signée le 1er décembre 2017 entre, notamment, les directeurs des [Adresse 35] ainsi que par les agents comptables de ces [26].
Elle stipule que « la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'Acoss et conclue pour une durée indéterminée » (article 2), que « les [26] délégantes transfèrent à l'URSSAF délégataire l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale » (article 3) et enfin que « l'URSSAF délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants » (article 4).
Par décision du 11 décembre 2017 (pièce 11 de l'URSSAF) prise par le directeur de l'Acoss en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, « sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les [26] aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des [26] délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision ».
Dans le tableau annexé, il est précisé que l'[34] est « l'URSSAF délégante » et que l'[Adresse 27], devenue en cours de procédure l'[31], est « l'URSSAF délégataire » de la première.
Il résulte de l'alinéa premier de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale susvisé que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée et qu'en conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation, sans qu'il n'y ait lieu d'attendre la publication (Cass., Civ. 2e, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).
L'[Adresse 30] était donc territorialement compétente pour calculer, appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie des assujettis vivant à [Localité 22] dès le 11 décembre 2017.
L'appel de cotisation émis le 26 novembre 2018 et envoyé ensuite à M. [W] a donc été émis par une URSSAF ayant bénéficié d'une délégation pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladie au jour de l'appel de cotisation.
Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de compétence de l'URSSAF ayant émis l'appel de cotisations est inopérant. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de l'application rétroactive des dispositions réglementaires:
Moyens des parties:
M. [W] expose que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale prévoyant une cotisation subsidiaire maladie a été complété par les articles D. 380-1 et suivants du code de la sécurité sociale créés par décret 2016-979 du 19 juillet 2016 et par les articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale, créés par le décret 2017-736 du 03 mai 2017, étant précisé qu'aucun de ces textes ne prévoyaient de dispositions particulières quant à la date d'entrée en vigueur. Il en conclut que les mesures réglementaires ont été appliquées de façon rétroactive au 1er janvier 2016. Il estime que l'application rétroactive du décret du 03 mai 2017 est problématique, puisque la parution tardive du décret a eu des conséquences injustes en ce que la cotisation appelée n'est pas la contrepartie de la prestation attendue. Il précise que, dans les arrêts rendus par la cour de cassation, ce point n'était pas évoqué et donc n'a pas été tranché.
L'URSSAF fait valoir que la Cour de cassation, par deux arrêts des 23 janvier 2020 et 18 mars 2021, a écarté la question de la rétroactivité en confirmant que les décrets des 19 juillet 2016 et 03 mai 2017 étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 sur l'année 2016. De plus, l'URSSAF expose que, dès le 23 décembre 2015, date d'entrée en vigueur de la [19] pour 2016, les cotisants pouvaient connaître les principes applicables à cette cotisation et aux revenus inclus dans son assiette, ces éléments étant prévus par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale qui se suffit à lui-même, de sorte que près de deux ans avant l' appel de cotisation litigieux, le cotisant assujetti au paiement de la cotisation mise en place par la [19] pour 2016 était en mesure de savoir qu'il était en principe redevable à compter de 2017 sur la base des revenus perçus et inclus dans son assiette en 2016.
Elle ajoute que le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la [14] est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant le premier appel de cotisation et la première exigibilité. De même, les articles 7 et 8 du décret n°2017-736 du 3 mai 2017 qui au demeurant ont uniquement précisé les modalités d' appel de paiement, recouvrement et de contrôle de la cotisation, sont entrés en vigueur le 6 mai 2017, là encore avant le premier appel de la cotisation subsidiaire maladie et la première exigibilité de la cotisation.
Réponse de la cour :
L'article 2 du code civil dispose :
'La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.'
L'article L.221-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose :
'Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date.
Une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d'un décret, à la date d'entrée en vigueur de cette loi (C. Cass, 2ème Civ., 21 juin 2012, n 11-20.578).
Selon l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 et entrée en vigueur dès le 22 décembre 2015, les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle.
L'article L.380-2 du code de la sécurité sociale fixe, dès son entrée en vigueur, l'ensemble des principes régissant la cotisation, à savoir qu'il s'agit d'une cotisation fixée en pourcentage des revenus du patrimoine, due par les personnes percevant des revenus d'activité inférieurs à un certain seuil (avec des dispositions spécifiques pour les couples mariés et pour les personnes percevant une pension de retraite, une rente ou des allocations de chômage) et est recouvrée l'année suivant l'année au titre de laquelle elle est due. L'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, qui ne renvoie aux dispositions réglementaires que pour fixer les conditions d'assujettissement, les modalités de détermination de l'assiette et le taux, ne dépendait pas, pour la mise en 'uvre immédiate de ses principes, de son décret d'application. Les cotisants avaient donc connaissance des principes régissant la [14] avant le début de la première année de recouvrement.
Le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, pris en application de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, a modifié les articles D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale et est entré en vigueur le 22 juillet 2016, c'est-à-dire bien avant l'appel à cotisation du 26 novembre 2018. Il s'applique donc à des situations juridiques non définitivement constituées avant leur entrée en vigueur.
C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé que méconnaît les articles L. 380-2, D. 380-1, D. 380-2 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, les trois autres dans leur rédaction issue du décret n° 2016-979 du 9 juillet 2016, ensemble l'article 2 du code civil, par refus d'application, le tribunal qui accueille le recours d'un assuré contestant l'appel de cotisations adressé par une [26], en décembre 2017, au titre de la cotisation subsidiaire maladie, au motif que cet appel était fondé sur des textes juridiques ne portant effet que pour l'avenir, alors que la cotisation litigieuse était due pour l'année 2016. (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 19-12.022).
Le décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie, qui n'est certes pas pris en application de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, comporte des dispositions relatives à la cotisation [23] puisqu'il précise les modalités de recouvrement de la cotisation, notamment, en modifiant, à compter du 6 mai 2017, les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale.
Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement intervenant à la fin de l'année 2017 pour la cotisation de l'année 2016, première année d'assujettissement à cette cotisation, sans comporter aucun élément relatif à l'assiette ni au taux de la cotisation, complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret du 19 juillet 2016 précités. Elles sont entrées en vigueur avant l'émission des premiers appels à cotisation du 15 décembre 2017 et lui étaient donc applicables (2e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 19-25.792).
Le Conseil d'Etat a jugé que le moyen tiré de ce que les dispositions de la circulaire prescrivant l'application des dispositions de l'article L. 380-2 et des articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la cotisation due au titre de l'année 2016 méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires doit être écarté (Conseil d'Etat, du 10 juillet 2019, numéro 417919).
Le décret n° 2017-240 du 24 février 2017 relatif au contrôle des conditions permettant de bénéficier de la protection universelle maladie n'a pas été pris en application de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, mais en application de l'article L.160-1 du code de la sécurité sociale. Il institue les articles R.111-3 et R.11-4 du code de la sécurité sociale qui précisent la condition de la régularité du séjour des personnes pouvant prétendre à la [23] visées à l'article L.160-1 du code de la sécurité sociale. Il est donc sans incidence sur les principes visés à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale. De plus, comme indiqué précédemment, il est entré en vigueur avant la délivrance de l'appel à cotisation du 26 novembre 2018. Il ne méconnaît donc pas le principe de la non-rétroactivité. Il en est de même pour l'arrêté du 10 mai 2017, qui est pris en application de l'article R.111-3 du code de la sécurité sociale institué par le décret 2017-240 du 24 février 2017.
En conséquence, le moyen d'irrégularité fondé sur le principe de non-rétroactivité des dispositions réglementaires ne pourra qu'être écarté. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'information de l'assuré sur son affiliation préalable à l'assurance maladie au titre de la [23]
Moyens des parties
M. [W] soutient qu'il n'a pas été alerté de son affiliation au titre de la protection universelle maladie à la [7] au titre de l'exercice 2017 et de la possibilité qu'il aurait eue sur cet exercice de bénéficier, dans ce cadre, de prestations d'assurance maladie. Il estime qu'il ne saurait être informé rétroactivement de son affiliation et de la possibilité qu'il aurait eue de bénéficier de prestations d'assurance maladie et de solliciter la prise en charge de ses frais de santé dans ce cadre juridique, près d'un an après l'expiration de la période concernée. Il rappelle que la cotisation subsidiaire maladie est une cotisation de sécurité sociale et non un impôt, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel.
L'URSSAF rétorque que la loi ainsi que les décrets d'application étaient précis à ce sujet. La [23] qui a été mise en place au 1er janvier 2016 s'adresse à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière afin qu'elle bénéficie de la prise en charge de ses frais de santé. Il appartient donc à tout assuré bénéficiaire, quel que soit son régime de sécurité sociale, de contribuer au financement de l'assurance maladie en fonction de sa situation et de ses ressources. Ainsi, les personnes inactives ou dont les revenus d'activité sont trop faibles au regard de l'octroi des droits à l'assurance maladie, sont susceptibles d'être redevables d'une cotisation subsidiaire maladie.
Elle rappelle que l'assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie est d'ordre public et qu'il n'est pas possible de s'y soustraire dès lors que les conditions de résidence et de revenus sont remplies.
Réponse de la cour
L'article L.160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
'Toute personne travaillante ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.
L'exercice d'une activité professionnelle et les conditions de résidence en [17] sont appréciées selon les règles prévues, respectivement, aux articles L111-2-2 et L 111-2-3.
Un décret en Conseil d'Etat prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident en France et cessent de remplir les autres conditions mentionnées à l'article L. 111-2-3 bénéficient, dans la limite d'un an, d'une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée à l'article L. 160-8 et, le cas échéant, à la couverture complémentaire prévue à l'article L 861-1.'
L'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
'Les personnes mentionnées à l'article L 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :
1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.
Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.
La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat.
Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L 152 du livre des procédures fiscales.
Les dispositions des articles L.160-1 et L.380-2 du code de la sécurité sociale sont d'ordre public. Ainsi, lorsque les conditions de l'article L.160-1 du code de la sécurité sociale sont remplies, l'affiliation au régime d'assurance maladie est automatique et obligatoire, sans que cette affiliation ne soit dès lors soumise à une demande d'adhésion et à une décision préalable d'affiliation à l'assurance maladie. De même, lorsque les critères de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale sont remplis, la cotisation subsidiaire maladie est due, peu important que l'assujetti ait sollicité, ou non, la prise en charge de ses frais de santé.
En l'espèce, il n'est pas contesté, qu'en 2017, M. [W] résidait en France de manière stable et régulière. Le critère de résidence stable et régulière sur le territoire français est donc rempli. M. [W] était donc affilié au régime de sécurité sociale.
Par ailleurs, il remplissait les conditions cumulatives prévues aux 1° et 2° de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale puisque, si il n'avait perçu aucun revenu professionnel en 2017
il avait néanmoins perçu des revenus tirés du capital ou du patrimoine d'un montant supérieur à 25% du PASS, soit 2 414 754 euros.
Il était donc redevable de la [14], qui constituait bien la contrepartie des prestations pouvant être versées par l'organisme de sécurité sociale au titre de l'assurance maladie.
Lorsque les conditions fixées par ces textes sont remplies, l'affiliation au régime d'assurance maladie est automatique et obligatoire, sans que cette affiliation ne soit dès lors soumise à une demande d'adhésion et à une décision préalable d'affiliation à l'assurance maladie
Aussi les moyens développés par M [W] en ce qu'il n'a jamais été informé de son affiliation à la sécurité sociale et en qu'il n'a pu bénéficier de la couverture de ses frais de santé, sont inopérants, dès lors que son affiliation et son assujettissement résultent des critères légaux. Le fait qu'il n'ait pas sollicité de prise en charge de ses frais de santé, c'est-à-dire qu'il n'ait pas bénéficié de la contrepartie de la [14], relève d'un choix personnel qui lui appartient, étant précisé qu'il ne justifie, ni même n'allègue, que la [7] lui aurait refusé une telle prise en charge. Aussi, le moyen soulevé par M. [W] du fait qu'il ignorait son affiliation à l'assurance maladie est inopérant pour se soustraire au paiement de la cotisation subsidiaire maladie ; la demande d'annulation de l'appel de cotisations formée par M. [W] de ce chef sera rejetée et le jugement du tribunal judiciaire de Paris sera confirmé sur ce point.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations du 26 novembre 2018, au regard de sa tardiveté:
Moyens des parties :
M. [W] soutient que l'appel de cotisation est irrégulier du fait qu'il a été émis le 26 novembre 2018 alors qu'en vertu de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, l'URSSAF avait jusqu'à la date limite du 30 novembre 2018 pour réaliser cet appel de cotisation. Il estime que l'utilisation, dans les textes, du terme 'au plus tard' prouve le caractère impératif de la date butoir, qui a pour objet de lui permettre de pouvoir bénéficier des prestations auxquelles la cotisation lui ouvre le droit. Il rappelle que les dispositions législatives et réglementaires régissant le droit de la sécurité sociale sont d'ordre public.
L'URSSAF rappelle que le texte n'a prévu aucune sanction attachée au non-respect du délai. En tout état de cause, elle rappelle qu'en droit, il n'y a pas de nullité sans texte et que M. [W] doit prouver le grief que lui cause l'irrégularité de l'acte afin de demander son annulation, ce qu'il ne fait pas. Elle précise que le non respect de la date d'appel de cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale n'est sanctionné par aucune nullité et ne saurait entacher d'illégalité la procédure de recouvrement, ce retard n'affectant que la date d'exigibilité qui se voit repoussée.
Réponse de la cour
L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :
« La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. »
L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues. »
L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. »
Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.
Le report de l'exigibilité de la cotisation ne fait pas grief au cotisant. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de M. [W] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due. En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure ; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'[Adresse 28] ne pourra plus réclamer aucune somme.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de l'absence de signature sur l'appel de cotisation
Moyens des parties :
M. [W] soutient que l'absence de signature sur l'appel de cotisation et la simple mention de « Le directeur » sans précision du nom et du prénom, constituent une irrégularité conduisant à la nullité ou à tout le moins à l'inopposabilité de l'acte. Il soutient que la signature de l'acte est d'autant plus importante que l'appel de cotisation emporte des conséquences juridiques, se fondant sur l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il estime que l'absence de signature entraîne la nullité de l'acte, ainsi que cela a été évoqué tant par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale lors des débats parlementaires sur la loi que dans la circulaire n° 2002-56 du 30 janvier 2002 de la Direction de la sécurité sociale que dans l'arrêt du 22 février 2022 du Conseil d'Etat interprété a contrario.
Il précise que l'appel de cotisation est un acte administratif qui doit respecter les mentions obligatoires posées à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et que le non respect de ces dispositions conduit à la nullité de l'appel de cotisation et conséquemment à la nullité de la mise en demeure.
Au contraire, l'URSSAF précise qu'aucun texte ne prévoit une obligation de signature de l'appel de cotisation, ni même de sanction pour cette absence de signature. Elle indique qu'un appel de cotisations n'a pour seule vocation que d'informer le cotisant des sommes dont il est redevable et de la date à laquelle ces sommes doivent être acquittées.
Réponse de la cour :
L'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose:
'Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.'
L'article R.380-3 du code de la sécurité sociale dispose:
Les cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations.
L'article R.380-4 du code de la sécurité sociale dispose:
'I. ' La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
II. ' Au plus tard à l'issue de ce délai, l'assuré qui estime que le montant appelé ne tient pas compte de manière exacte de sa situation ou de ses revenus peut s'acquitter du montant de la cotisation dont il estime être redevable sur la base de tout élément probant qu'il communique à l'organisme chargé du recouvrement. Après examen des éléments envoyés, l'organisme de recouvrement, dans un délai d'un mois suivant la date de paiement de la cotisation et par tout moyen donnant date certaine à la réception par le redevable, lui confirme le montant estimé ou, le cas échéant, lui transmet un appel rectificatif fixant le solde restant dû par le redevable ou les sommes à rembourser. Le solde est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle il est appelé.'
L'article R.380-7 du code de la sécurité sociale dispose:
'Vingt jours après les dates d'échéance prévues aux articles R. 380-4 et R. 380-5, l'organisme chargé du recouvrement adresse au débiteur, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, une lettre le mettant en demeure de régulariser sa situation dans le délai d'un mois.'
Il ressort de ces textes que la [14] est fixée après une procédure d'échanges entre l'URSSAF et le cotisant ce qui donne lieu, en cas de non paiement, à la délivrance d'une mise en demeure. La procédure préalable à la mise en demeure ne revêt aucune forme particulière et aucun des textes ne prévoit une obligation de délivrance d'un appel à cotisations signé. Les documents émis par l'URSSAF durant cette procédure préalable sont donc des actes purement informatifs et ne constituent donc pas des actes administratifs au sens de l'article L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Surabondamment, si l'absence de signature devait s'apparenter à une nullité de forme, encore faudrait-il que M. [W] rapporte la preuve d'un grief de l'absence de signature, ce qu'il ne fait pas, puisque l'appel à cotisation lui permettait savoir d'où il provenait, à savoir du directeur de l'URSSAF.
Le moyen tiré de la nullité de l' appel de cotisation pour défaut de signature est donc rejeté.
Sur la régularité de la mise en demeure du 2 septembre 2019
M. [W] fait valoir que la mise en demeure n'est pas régulière, l'URSSAF n'ayant pas respecté le délai de vingt jours après la date limite de paiement fixée par l'appel de cotisation au 28 décembre 2018 pour la lui adresser comme prévu à l'article R.380-7 du code de la sécurité sociale.
L'URSSAF répond que ce texte a instauré un délai minimum de vingt jours entre la date d'échéance et l'envoi de la mise en demeure et qu'elle pouvait envoyer dans ces conditions la mise en demeure au titre de la [14] 2017 à compter du 18 janvier 2019 et dans un délai de trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle se termine le délai de trente jours qui suit l'appel de cotisation soit le 31 décembre 2019 + 3 ans. Elle ajoute que nulle sanction n'est prévue s'agissant de l'article l'article R.380-7 du code de la sécurité sociale.
Réponse de la cour:
L'article R.380-4 du code de la sécurité sociale dispose :
La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
L'article R.380-7 du code de la sécurité sociale dispose :
Vingt jours après les dates d'échéance prévues aux articles R. 380-4 et R. 380-5, l'organisme chargé du recouvrement adresse au débiteur, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, une lettre le mettant en demeure de régulariser sa situation dans le délai d'un mois.
Il en résulte que l'URSSAF devait respecter un délai de vingt jours à compter des dates d'échéance avant de délivrer une mise en demeure, délai largement respecté le 2 septembre 2019, l'appel de cotisation daté du 28 novembre 2018 étant exigible le 28 décembre 2018.
Le moyen sera donc écarté.
Sur la régularité de la mise en demeure du 2 septembre 2019 au regard de la période concernée:
Moyens des parties
M. [W] fait grief à la mise en demeure de ne pas comporter les renseignements nécessaires pour lui permettre de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations. Au cas particulier, le cotisant reproche à la mise en demeure qu'il a reçu de comporter une période imprécise, à savoir « 4E TRIM 2017 », laquelle est discordante avec la période de cotisation mentionnée sur l'appel à cotisations, à savoir « Année 2017 ».
Il soutient que la mise en demeure comportant une telle erreur sur la période est nulle puisqu'il s'agit d'une mention obligatoire et substantielle.
Il observe que la mise en demeure n'étant pas régulière, la cotisation est aujourd'hui prescrite puisque le délai de 3 ans de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dont relèvent les cotisations et contributions sociales est expiré.
L'URSSAF réplique que la mise en demeure du 2 septembre 2019 fait apparaître la somme de 192 396 correspondant à celle mentionnée dans l'appel de cotisation et dans la colonne « période », la mention « 4e trimestre 2017 » qui n'est pas de nature à tromper le cotisant ou à l'induire en erreur dès lors que la [14] est redevable annuellement, qu'il n'a reçu aucun appel à cotisations durant les précédents trimestres et que l'appel du quatrième trimestre ne peut correspondre qu'à la cotisation annuelle appelée au cours du quatrième trimestre de l'année. Elle observe que la cour d'appel d'Amiens l'a jugé ainsi dans un arrêt du 3 janvier 2023, n° 21/03040. L'URSSAF en conclut que la mise en demeure est bien régulière et que la cotisation n'est pas prescrite.
Réponse de la cour
L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose :
Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédé, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'État invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État.
L'article R. 244-1 du même code prévoit que l'envoi, par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 555-1, de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2 est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'avertissement ou la mise en demeure, qui constituent une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. À cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
En l'espèce, les pièces produites au débat permettent de constater que la mise en demeure délivrée au cotisant répond aux exigences ci-dessus rappelées puisque sont mentionnés :
- la date d'établissement de la mise en demeure, soit le 02 09 19 ;
- la mention que la mise en demeure a été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu'au 29 08 19 ;
- la nature des cotisations concernées, en l'occurrence la cotisation subsidiaire maladie ([14]);
- la cause et le motif de la mise en recouvrement, en l'espèce l'absence de versement ;
- les périodes de référence, à savoir le quatrième trimestre 2017 ;
- les montants en contributions et majorations, soit respectivement les sommes de 192 396 euros en cotisations dues et 0 euro en majorations de retard.
Au cas particulier, la mention « 4e trimestre 2017 » qui figure à la mise en demeure n'est pas de nature à induire en erreur le cotisant quant à l'étendue de ses obligations. En effet, la [14] est redevable annuellement et ne peut être appelée qu'en fin d'année, dès lors le quatrième trimestre 2017 comme période de la seule [14], aucune autre cotisation n'étant appelée par ailleurs, ne peut correspondre qu'à la cotisation annuelle nécessairement appelée au cours du quatrième trimestre de l'année. En outre, il est exact que l'assuré n'a reçu aucun autre appel à cotisations avant cette mise en demeure, de sorte qu'il ne pouvait pas être induit en erreur ou douter raisonnablement de la période concernée.
La mise en demeure est donc bien de nature à permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. En conséquence, la demande de nullité formée par le cotisant doit être rejetée.
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard du non-respect des règles sur le transfert des données personnelles
Moyens des parties
M. [W] fait valoir que la loi informatique et liberté pose le principe de l'information de la personne soumise à un recueil de données à caractère personnel et que la [10], dans son avis n°2017-279 du 26 octobre 2017, a spécifiquement insisté sur l'obligation d'information de la [15] et de l'ACOSS s'agissant du transfert de données pour le calcul de la [14]. Il indique qu'il n'est pas justifié qu'il a reçu cette information, ce qui doit entraîner l'annulation de l'appel à cotisations.
M. [W] estime que la mise en 'uvre d'un tel traitement de données fiscales au profit de l'ACOSS doit respecter les dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et plus précisément son article 32 ' qui prévoit que les personnes visées par un traitement de données à caractère personnel doivent en être informées.
Il précise que la [10] insiste sur l'information spécifique des personnes concernées par le traitement des données et rappelle que cette obligation d'information doit être mise en 'uvre par l'Acoss.
M. [W] considère que n'a pas été respecté l'obligation d'informer spécifiquement les redevables de la [14] du traitement de leurs données fiscales personnelles. Il relève que ces irrégularités doivent nécessairement conduire à annuler l'appel de [14] du 26 novembre 2018.
L'[Adresse 30] expose que la remise à l'URSSAF des données à caractère personnel permettant le calcul de la cotisation n'est pas contraire à la loi du 06 janvier 1978, notamment à son article 27 devenu article 32, qui prévoit que les traitements de données à caractère personnel sont autorisés par décret en Conseil d'Etat après avis de la [10].
Elle explique qu'il ressort clairement des dispositions des articles L.380-2, R.380-3 et D.380-5 du code de la sécurité sociale concernant la [14] que l'administration fiscale communique aux [26] les données et éléments nécessaires au calcul de cette cotisation. Qu'eu égard à la délibération de la [10] n°2017-279 du 26 octobre 2017, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [14] a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017. Ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [26] des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation.
L'URSSAF précise que le décret du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [15] et l'ACOSS.
Par ailleurs, l'[Adresse 30] indique qu'il a été jugé (CA [Localité 36] 21 avril 2022) que la transmission des données a été portée à la connaissance des intéressés par la publication de la loi ayant institué la [14] au Journal Officiel, que l'obligation d'information personnalisée est à la charge de l'Acoss, qui n'est pas partie à l'instance, et non à la charge de l'URSSAF et qu'en tout état de cause, le non-respect de l'obligation d'information personnalisée ne peut être sanctionnée par la nullité de l'appel à cotisation.
Elle indique qu'elle a rempli ses obligations en assurant une information générale de ses cotisants, notamment par une campagne d'information au mois de novembre 2017 et par les informations portées sur l'appel à cotisations. Elle rappelle qu'elle n'est pas tenue d'une obligation d'information individuelle et que la communication doit être faite au plus tard lors de la première communication.
Réponse de la cour :
Le paragraphe I de l'article 32, III, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, dispose :
I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :
1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;
2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;
5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre dont celui de définir des directives relatives au sort de ses données à caractère personnel après sa mort ;
7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne ;
8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.
Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.
L'article 14 du règlement RGPD, intitulé « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concerné » prévoit, dans son paragraphe 5 :
Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où :
a) la personne concernée dispose déjà de ces informations ;
b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles ;
c) l'obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée ; ou
d) les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d'une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l'Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel.
Aux termes de l'article 32, III, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.
Selon l'article 32, III, alinéa 2, de la loi du 6 janvier 1978, susvisée, le responsable du traitement n'est pas tenu de fournir à la personne concernée les informations énumérées au I de ce texte lorsque celle-ci est déjà informée.
Selon le paragraphe 5 du règlement [24], il est fait exception à l'obligation de fournir des informations à la personne concernée auprès de laquelle les données à caractère personnel n'ont pas été collectées lorsque et dans la mesure où l'obtention ou la communication des données sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée (CJUE, arrêt du 28 novembre 2024, Másdi, C-169/23, § 45).
Il résulte des articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale, susvisés, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, que les éléments nécessaires à la détermination des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations.
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 susvisé autorise la mise en 'uvre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il prévoit l'identité du responsable du traitement des données, les finalités poursuivies par le traitement, les destinataires des données, la durée de conservation des données traitées, ainsi que l'existence d'un droit d'accès et de rectification aux données et les modalités d'exercice de ces droits.
Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que la communication des données fiscales du cotisant à l'URSSAF est expressément prévue par les articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale précités et qu'il est prévu, par le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant, il est fait exception, pour les cotisations appelées à compter de cette dernière date, à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 susvisé, pesant sur le responsable du traitement des données personnelles, à l'égard de la personne concernée par celles-ci lorsqu'elles n'ont pas été recueillies auprès d'elle (2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 23-22.218).
En l'espèce, l'appel de cotisation a été adressé au cotisant le 26 novembre 2018, c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 03 novembre 2017, contenant des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant.
M. [W] a eu connaissance de la transmission de ses données personnelles de l'administration fiscale vers l'organisme chargé du recouvrement, par la publication au Journal Officiel des dispositions législatives et réglementaires susvisées (articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale).
L'[Adresse 30] le lui a rappelé directement dans l'appel de cotisations du 26 novembre 2018, puisque ce document, après avoir exposé les informations générales sur la [14], précise « selon les éléments transmis par la [16] ([15]), vous êtes redevable de la somme de 192 396 euros calculée sur vos revenus du patrimoine 2017 et exigible au 28/12/2018 ». Cet appel à cotisations invite également le cotisant à consulter le site de l'URSSAF ou à contacter un conseiller pour davantage d'informations ou pour contestation des montants retenus.
Ainsi, les dispositions relatives à l'obligation d'information, prévue au paragraphe III de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ne s'appliquent pas au cas d'espèce.
Le moyen d'irrégularité de l'appel à cotisations fondé sur l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'absence d'habilitation de l'[Adresse 30] à recevoir les données à caractère personnel
Moyens des parties :
M. [W] rappelle que par une délibération publique n°2017-279, la [10] n'a autorise le
transfert de données et leurs exploitations qu'aux [26] territorialement compétentes.
Le concernant, dépendant de L'[33], l'[Adresse 29] ne
pouvait valablement traiter un fichier contenant des données personnelles sans en avoir
eu l'autorisation.
L'URSSAF fait valoir qu'il ressort de l'avis rendu par la [10] le 26 octobre 2017 et des
décrets des 03 novembre 2017 et 24 mai 2018 que, pour la cotisation 2016 appelée en
en 2017, sont bien autorisés:
- un transfert de données entre le [15] et l'ACOSS,
- un traitement de ces données par l'ACOSS et les [26] pour le calcul de la [14].
Elle expose que la remise à l'URSSAF des données à caractère personnel permettant le calcul de la cotisation n'est pas contraire à la loi du 06 janvier 1978, notamment à son article 27 devenu article 32, qui prévoit que les traitements de données à caractère personnel sont autorisés
par décret en Conseil d'Etat après avis de la [10].
Elle explique qu'il ressort clairement des dispositions des articles L.380-2, R.380-3 et D.380-5 du code de la sécurité sociale concernant la [14] que l'administration fiscale communique aux [26] les données et éléments nécessaires au calcul de cette cotisation. Qu'eu égard à la délibération de la [10] n°2017-279 du 26 octobre 2017, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [14] a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017.
Ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [26] des informations
nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes
remplissant les conditions pour verser cette cotisation.
L'URSSAF précise que le décret du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [15] et l'ACOSS.
Réponse de la cour
L'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 (ancien article 27), dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de la loi 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, dispose :
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en 'uvre lorsqu'ils portent sur des données comportant le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques. La mise en 'uvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
Le principe du partage d'informations nominatives entre l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale préexistait à l'instauration de la [14] et est prévu à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, qui dispose, dans sa version applicable au présent litige :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article du code de la sécurité sociale, aux services chargés de la gestion et du paiement des pensions aux fonctionnaires de l'Etat et assimilés, aux institutions mentionnées au chapitre 1er du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, au service mentionné au deuxième alinéa de l'article L 815-7 du même code ainsi qu'à l'institution mentionnée à l'article 5312-1 du code du travail les informations nominatives nécessaires :
« 1° à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations ;
« 2° au calcul des prestations ;
« 3° à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions ;
« 4° à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement ;
« 5° Au recouvrement des prestations indûment versées ;
« 6° A l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale ;
« 7° Au calcul des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale.
« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 7°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques.
« Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations de sécurité sociale de toute nature, ainsi que le paiement des cotisations et contributions, les organismes et services mentionnés au premier alinéa peuvent demander aux administrations fiscales de leur communiquer une liste des personnes qui ont déclaré soit n'avoir plus leur domicile en France, soit n'avoir perçu que des revenus du patrimoine ou de placement.
« Les agents des administrations fiscales signalent aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales et aux chefs des services régionaux de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles, ainsi qu'aux organismes de protection sociale les faits susceptibles de constituer des infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs au régime général, au régime des travailleurs indépendants non agricoles, aux régimes spéciaux, au régime agricole de sécurité sociale ou à l'assurance chômage. »
La loi instituant la [14], cotisation fixée en fonction, notamment, des revenus du patrimoine et de l'activité professionnelle, prévoit que cette cotisation est déterminée sur la base de ce partage d'informations, puisque l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui fixe l'assiette de la cotisation, dispose :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L 213-1et L 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L380-2 conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »
Ce partage d'informations entre l'administration fiscale et les organismes de recouvrement, prévu par la loi, existait également dans les dispositions réglementaires rendues applicables à la [14], puisque l'article R.380-3 du code de la sécurité sociale, préexistant à la [14], prévoit, dans sa version applicable au présent litige:
« Les cotisations mentionnées à l'article L 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations.. »
Et l'article D.380-5-I du code de la sécurité sociale, également préexistant à la [14], précise, dans sa version applicable au présent litige:
« Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D 380-1et D 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L 380-3-1.. »
Les organismes de sécurité sociale, et notamment les [26], disposaient donc d'un accès aux données fiscales sur la base du corpus législatif et réglementaire existant, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978. En revanche, ce sont les modalités de traitement de ces données pour déterminer les personnes assujetties et le montant de la cotisation qui ont dû être fixées par décret, conformément aux obligations fixées par la loi 78-17 du 6 janvier 1978.
Par application de l'article 27 devenu 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, l'article 1er du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis motivé et publié de la [10] sous le numéro 2017-279 en date du 26 octobre 2017, prévoit :
« I - Pour l'application des dispositions de l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
« Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale.
« II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :
« 1° Données relatives à l'identité des personnes (')
« 2° Données fiscales relatives aux revenus :
« - traitements et salaires ;
« - pensions, retraites et rentes ;
« - revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;
« - divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;
« - revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;
« - plus-values et gains divers ;
« - revenus fonciers ;
« - revenus fonciers exceptionnels ou différés ;
« - le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.
« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;
« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné. (')
« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L 213-1 et L 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.
« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »
Le décret 2017-1530 du 03 novembre 2017 a été complété ultérieurement par le décret 2018-392 du 24 mai 2018, qui a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé au niveau de la [15] avant transmission des données entre la [15] et l'Acoss ainsi qu'il est dit dans son article 1 :
« Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.
« Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques. »
Le décret 2018-392 a été pris après délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le traitement automatisé par la [15] a été mis en place pour la [14] 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Il était donc autorisé pour l'appel à cotisation litigieux du 26 novembre 2018 adressé à M [W].
Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :
par des dispositions législatives (article L152 du livre des procédures fiscales et article L.380-2 du code de la sécurité sociale), le partage des données fiscales entre l'administration fiscale, l'Acoss et les [26] ;
par un décret en Conseil d'Etat 2017-1530 du 03 novembre 2017 après avis de la [10], la collecte, le traitement et la transmission des données fiscales par l'Acoss et les [26] ,
par un décret en Conseil d'Etat 2018-392 du 24 mai 2018, après avis de la [10], le traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel par la direction générale des finances publiques à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Il a été jugé ci avant que l'[Adresse 30] était bien territorialement compétente en raison de la convention de délégation et qu'elle avait été régulièrement désignée pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.
Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 27 de la loi Informatique et Liberté ne saurait être retenu puisque, contrairement à l'interprétation que M. [W] en fait, les organismes territorialement compétents évoqués dans l'avis de la [10] du 26 octobre 2017 ne désignent pas uniquement l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant, mais également les organismes territorialement compétents par voie de délégation, conformément à l'article L. 122-7 précité, soit en l'espèce l'[Adresse 30] s'agissant des cotisants résidant en Île-de-France.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de M. [W] tendant à l'annulation de l'appel à cotisation fondée de ces chefs, l'[31] étant bien compétente pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladies dont elle était redevable au jour de l'appel de cotisation et, par voie de conséquence, de traiter les données informatiques légalement collectées.
Ainsi, le moyen d'irrégularité fondé sur l'article 27 devenu article 22 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations, au regard de la double affiliation
Moyens des parties
M. [W] rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé que la cotisation subsidiaire maladie n'était pas une imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution ce qui, implicitement mais nécessairement, signifie que la cotisation subsidiaire maladie doit être regardée comme une cotisation sociale. Dès lors, l'affiliation à la [23] et le paiement de la cotisation subsidiaire maladie sont contestables en ce qui le concerne puisqu'il est affilié depuis le 1er avril 1981 à la [21]. Il indique produire à cet effet une attestation d'affiliation délivrée par la [21] en date du 8 février 2018 (pièce n° 2) et du 2 janvier 2019 (pièce n° 34), ainsi que la copie de sa carte vitale l'attestation de droits à l'assurance maladie délivrée chaque année pas la Mutuelle (pièce n° 5). Il rappelle que la [20] gère à la fois le régime obligatoire d'assurance maladie et la protection complémentaire. Dès lors, son affiliation au titre de la [23] est dénuée de sens et fait double emploi avec l'affiliation obligatoire auprès de la [21].
L'URSSAF rétorque que la [21] ([20]) est une mutuelle et que l'affiliation à la [20] est sans incidence sur le paiement de la cotisation, qui est dû dès lors que l'intéressé remplit les conditions prévues par les textes. L'assujettissement à la [14] est d'ordre public.
Réponse de la cour
Il ressort des pièces produites que M. [W] est affilié à la [20] depuis le 1er avril 1981. La [20] est, par définition, une mutuelle, c'est-à-dire une assurance de santé privée afin de couvrir la protection complémentaire des soins médicaux et la prévoyance à travers les contrats qu'elle propose.
Toutefois, ces contrats ne couvrent pas la prise en charge du régime de base des prestations de sécurité sociale, qui se font dans le cadre de l'affiliation à l'assurance maladie, dont M. [W] bénéficie également ainsi qu'il ressort de la photocopie de sa carte vitale et de son attestation d'affiliation. La [20], mutuelle de fonctionnaires, a reçu compétence, par application des articles L160-17 et L.711-1 et suivants du code de la sécurité sociale et par dérogation à l'organisation applicable aux salariés du secteur privé, pour servir directement ces prestations de base aux agents adhérents, mais le financement de ces prestations de base relève de l'assurance maladie et non des contrats privés souscrits, conformément aux articles R.160-25 et suivants du code de la sécurité sociale.
L'article L. 380-2 précédemment rappelé vise toute personne résidant en France de manière stable et qui, de ce fait, a accès aux prestations de base de la sécurité sociale, quel que soit l'organisme par lequel ces prestations lui sont servies.
Dès lors, la circonstance que M. [W], en sa qualité de fonctionnaire en disponibilité, ait une obligation d'affiliation à la [20] pour les prestations de base, ne concerne que les modalités de versement de ces prestations et n'entre pas en contradiction avec le principe du droit à prestation au titre de l'assurance maladie et avec l'assujettissement corrélatif à la cotisation subsidiaire maladie.
Ce moyen sera donc rejeté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard du double assujettissement à cotisations sociales
Moyens des parties :
M. [W] soutient que l'ensemble des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie a déjà été soumis aux prélèvements sociaux. Il précise notamment que les revenus du patrimoine sont assujettis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5%, dont la contribution sociale généralisée, la [12], le prélèvement social, la contribution additionnelle et le prélèvement de solidarité. Il estime qu'il n'est pas justifié de soumettre ces revenus du patrimoine, en plus, à la cotisation subsidiaire maladie, dès lors que les prélèvements dont les revenus font déjà l'objet sont des cotisations sociales, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence communautaire (CJUE, 1ère chambre, 26 février 2015, affaire C-623/13, Min.c/ de Ruyter).
L'URSSAF estime que la cotisation subsidiaire maladie et la contribution sociale généralisée ne doivent pas être confondues, puisque la première est une cotisation due par des personnes affiliées qui n'ont pas été assujetties à la cotisation maladie sur des revenus d'activité ou de remplacement tandis que la seconde est une imposition destinée à la mise en oeuvre du principe de solidarité générale. Le paiement de la contribution sociale généralisée ne crée pas de dispense de paiement de la cotisation subsidiaire maladie pour les personnes qui en sont redevables.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article L 380-2 déjà cité que la cotisation est exigible lorsque la personne concernée n'a pas été assujettie à une cotisation maladie sur des revenus d'activité ou de remplacement.
En l'espèce, M. [W] n'a pas été assujetti à une cotisation maladie sur des revenus d'activité ou de remplacement, puisque ses seuls revenus sont des revenus de capitaux et des revenus fonciers.
Par ailleurs, le texte ne prévoit pas d'exception à la prise en compte des revenus du capital et du patrimoine dans l'assiette de la cotisation même dans le cas où le cotisant aurait déjà acquitté des prélèvements sociaux sur ces mêmes revenus.
De même, bien que la CSG et la [12] aient la double nature d'une imposition et d'une cotisation, elles ne sont pas assimilables, contrairement à ce que soutient M. [W] à une cotisation d'assurance maladie dans la mesure elles ne sont pas spécifiquement affectées au financement d'un régime de sécurité sociale particulier.
Il s'en déduit que les revenus du patrimoine et de capitaux ayant fait l'objet de prélèvements, notamment au titre de la CSG et la [12], sont également susceptibles d'être assujettis à la cotisation subsidiaire maladie.
Dans sa décision du 26 février 2015 C-623/13, Ministère de l'économie c/ [L] [H], la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le fait d'assujettir une personne physique à des prélèvements sur les revenus du patrimoine finançant des organismes de sécurité sociale français, alors même que l'intéressé, résident fiscal en France, n'était pas affilié à la sécurité sociale française mais à celle d'un autre état membre, est contraire au principe d'unicité de la législation de sécurité sociale, chacun ne devant contribuer qu'à un seul régime de sécurité sociale. Toutefois, cette jurisprudence n'est pas applicable ici dans la mesure où M. [W] n'est pas affilié à un régime de sécurité sociale d'un autre état membre mais à l'unique régime de sécurité sociale français.
Par ailleurs, la décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 rappelle que la [14] est un versement à caractère obligatoire constituant la contrepartie légale du bénéfice des prestations en nature qui sont servies par la branche maladie et maternité de la sécurité sociale et qu'en conséquence, cette cotisation ne revêt pas le caractère d'une imposition de toute nature. Elle peut donc être cumulée avec une autre imposition de toute nature, sans revêtir le caractère d'une imposition confiscatoire.
Ce moyen sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard du caractère disproportionné de la cotisation
Moyens des parties :
M. [W] fait valoir que l'intégration de ses revenus du capital dans l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie le contraint à s'acquitter d'un montant annuel de cotisations de 192 396 euros, montant disproportionné au regard des prestations de frais de santé que la cotisation est censée financer.
Cette disproportion a d'ailleurs été reconnue par le législateur puisque dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, il a modifié les modalités de calcul de la cotisation subsidiaire maladie pour les rendre plus justes. Il indique que si les dispositions de cette loi avaient été appliquées à sa situation en 2017, il n'aurait été redevable que de la somme de 19 123,65 euros. Il rappelle que la cour d'appel de Paris a déjà écarté les dispositions litigieuses pour cause de disproportion (CA Paris, 3 mars 2023, RG 19/6710), principe garanti par l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme.
M. [W] estime que les moyens mis en 'uvre sont disproportionnés dès lors qu'ils créent une différence de traitement pour un écart de revenus professionnels dérisoire et que l'objectif de la [14] a été dénaturé par les modalités d'application prévues par le décret du 19 juillet 2016 qui en a fait une cotisation pouvant se révéler confiscatoire et discriminatoire dans certains cas.
L'URSSAF expose que la [19] 2016, instaurant la [14], ne présente pas de contrariété avec le principe de non-discrimination. Il rappelle que le Conseil constitutionnel a estimé que l'existence du seuil d'assujettissement ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant les charges publiques (QPC 2018-735 du 27 septembre 2018)
Réponse de la cour :
L'article D.380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose:
I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :
1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)
Où :
A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;
D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;
2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)
Où :
R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;
S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.
III.-Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.
L'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme stipule :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance a une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
L'article1er du Premier Protocole à cette Convention stipule :
« 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être prive de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; 2. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément a l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n°2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale instituant la cotisation subsidiaire maladie conforme à la Constitution, sous la réserve d' interprétation énoncée au paragraphe 19, aux termes duquel la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations susvisées de la Convention européenne des droits de l'Homme, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
Les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article D. 380-1 susvisé et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine. Toutefois, ces dispositions visent à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge. Dans ces conditions, le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il recherchait.
Ainsi, il en résulte que les dispositions des articles L.380-2 du code de la sécurité sociale et D.380-1 du code de la sécurité sociale sont compatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du protocole additionnel numéro 1 de cette Convention.
Par ailleurs, M. [W] ne démontre pas, de façon chiffrée, dans ses conclusions, que sa participation au financement de l'assurance maladie est disproportionnée par rapport à celle fournie par un assuré qui aurait des revenus d'un montant comparable aux siens, mais provenant d'une activité professionnelle plutôt que de son patrimoine. Il ne justifie donc pas, dans ce cas, d'une différence de traitement pour deux personnes dans des situations comparables.
M. [W] se contente d'évoquer la situation de deux personnes ayant des revenus du patrimoine comparables, mais avec des revenus d'activité professionnelle différents, les revenus de la première étant inférieurs au seuil et les revenus de la seconde étant supérieurs au seuil.
Il sera observé que M. [W] expose des considérations générales sans faire de démonstration chiffrée précise. De plus, la différence évoquée, selon que le revenu d'activité professionnelle est inférieur ou supérieur au seuil prévu par le 1° de l'article L. 380-2, est inhérente à l'existence d'un seuil ' qui n'est pas, en lui-même inconstitutionnel ainsi qu'il a été rappelé plus haut ' et se trouve atténuée par le mécanisme d'abattement d'assiette prévu au cinquième alinéa de cet article, de même que par les dispositions prévoyant que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret. Dans ces conditions, la différence évoquée par M. [W], en ce qu'elle repose sur un montant de revenus d'activité différent et en ce qu'elle a été atténuée par un mécanisme d'abattement, n'a pas de conséquences disproportionnées, ni en termes d'égalité de traitement, ni en termes d'atteinte au droit de propriété.
Même si ultérieurement l'article L. 380-2 précité a été complété par un mécanisme de plafonnement de l'assiette de la cotisation par l'article 12 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, M. [W] n'est pas fondé à prétendre que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale instituerait une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention.
Le moyen tiré de la disproportion sera en conséquence rejeté.
- Sur la demande de remboursement formée par M. [W]
Moyens des parties :
M. [W] fait valoir que la demande de paiement de [14] étant injustifiée il doit être remboursé de la somme de 192 396 euros qu'il a payé à ce titre, avec intérêts au taux légal courant depuis le 30 octobre 2019, date du paiement.
L'URSSAF demande la validation de l'appel de cotisation dont elle confirme le montant dament calculé selon les informations fiscales communiquées.
Réponse de la cour :
M [W] qui remplit les conditions d'assujettissement est redevable de la [14] 2017.
La prise en compte, par l'URSSAF, de revenus du patrimoine et du capital à hauteur de 2 414 754 euros n'est pas contestée.
Il convient donc de fixer à 192 396 euros le montant de la CSM 2017 due par M. [W] à l'URSSAF. L'appel à cotisations du 26 novembre 2018 sera donc validé pour ce montant que M. [W] a réglé.
La demande de remboursement de cette somme, formée par M. [W], sera donc écartée.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile:
M. [W], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens et débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
CONFIRME le jugement rendu le 23 mars 2023 sous le RG 20/00767 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
- valide l'appel de cotisation du 26 novembre 2018 et la mise en demeure du 2 septembre 2019 pour leur montant de 192 396 euros ;
- déboute M. [Y] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamne M. [Y] [W] aux dépens.
La greffière, La présidente.