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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 4 septembre 2025, n° 23/03948

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/03948

4 septembre 2025

N° RG 23/03948 -

N° Portalis DBVM-V-B7H-MAXR

C8

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBÉRY

la SCP TGA-AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 04 SEPTEMBRE 2025

Appel d'un jugement (N° RG 21/02977)

rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 18 septembre 2023

suivant déclaration d'appel du 17 novembre 2023

APPELANT :

Me [R] [H]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Yves-Marie LE CORFF de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Syndicat SYNDICAT MIXTE INTERCOMMUNAL DE L'ABATTOIR GUIL DU RANCEdemeurant gestion administrative et financière, [Adresse 6], représenté par son président en exercice Monsieur [V] [Z], habilité pour ester en justice par délibération du Conseil Syndical du Syndicat Mixte Intercantonal de l'Abattoir Guil Durance du 28 février 2020,

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée et plaidant par Me François DESSINGES de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de [R] Burel, greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 mai 2025, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

Le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance (SMIAGD) est propriétaire d'un abattoir dont l'exploitation a été concédée à la Société Civile Coopérative d'Intérêt Collectif Agricole à Capital Variable (SICAV) de l'abattoir de [Localité 3] en vertu d'une convention d'affermage du 15 avril 2010 pour une durée de 15 ans.

Cette convention prévoyait que les droits à déduction de la Tva sont transférés par le SMIAGD, assujetti, à la SICAV de l'abattoir de [Localité 3] qui doit ensuite les lui rembourser.

La SICAV de l'abattoir de Guillestre a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Gap du 29 juillet 2016 et Me [R] [H], associée de la SCP [M] [H] & A. [H], a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 10 août 2016, Me [H] ès qualités a notifié au SMIAGD la résiliation de la convention d'affermage portant sur l'abattoir Guil Durance.

Le SMIAGD, représenté par le receveur de la trésorerie de [Localité 3], a déclaré entre les mains de Me [H] ès qualités par lettre du 29 août 2016 une créance d'un montant de 19.626,84 euros au titre d'une redevance investissement et de droit à Tva, par lettre du 26 septembre 2016 une créance de 33.839,42 euros au titre d'une taxe usage et d'un remboursement subvention MSA et par lettre du 10 octobre 2016 une créance de 141.675,12 euros au titre d'un droit à déduction de Tva 2015 et 2016, soit un total de 195.141,38 euros.

Par plusieurs courriers, le SMIAGD a demandé à Me [H] ès qualités le remboursement de la Tva et de la subvention MSA.

Le 19 juin 2018, Me [H] ès qualités a adressé à la direction générale des finances publiques (DGFIP) une déclaration de Tva ainsi qu'une demande de remboursement de crédit de Tva pour un montant de 141.675 euros.

Par courrier du 11 septembre 2018, la DGFIP a informé le SMIAGD que la demande de remboursement de crédit Tva afférente aux années 2013 à 2015 était forclose et qu'ainsi seule la Tva afférente aux dépenses mandatées en 2016 est déductible en 2018 pour un montant de 25.839 euros.

Par jugement du 14 juin 2019, le tribunal de commerce de Gap a prononcé la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actifs.

Par acte du 11 juin 2021, le SMIAGD a assigné Me [H] devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins d'indemnisation de son préjudice à hauteur de 80.028 euros.

Par jugement du 18 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- retenu à la charge de Me [H] une faute engageant sa responsabilité délictuelle et constituée par l'envoi hors délai des déclarations relatives à la déduction de Tva,

- condamné Me [H] à payer la somme de 68.149,74 euros au Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance,

- condamné Me [H] à payer au Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes les autres demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 17 novembre 2023, Me [H] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions qu'elle a reprises dans son acte.

La clôture de l'instruction est intervenue le 17 avril 2025.

Prétentions et moyens de Me [H]

Dans ses conclusions remises le 25 mars 2025, elle demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Grenoble,

- dire irrecevable pour défaut de qualité l'action telle que formée par le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance ( SMIAGD ),

A titre subsidiaire,

- débouter le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance ( SMIAGD ) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- le condamner à payer à maître [R] [H] une indemnité d'un montant de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'irrecevabilité de l'action, elle fait valoir que :

- l'action du SMIAGD tend à la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui subi par les créanciers de la procédure collective, le SMIAGD excipe donc d'une fraction personnelle d'un préjudice collectif,

- l'action qui tend à reconstituer le gage commun des créanciers ne peut être exercée que par un nouveau liquidateur qui a seul qualité à agir dans l'intérêt collectif des créanciers,

- en effet, les sommes susceptibles d'être allouées à l'issue de l'action en responsabilité constituent un actif de la société devant être distribué entre les créanciers selon leurs rangs et privilèges,

- le SMIAGD, en régularisant des déclarations de créances et en sollicitant leur admission s'est soumis volontairement à la discipline collective des créanciers, dès lors le préjudice allégué en l'absence d'un quantum de Tva ne constitue pas un préjudice personnel mais est celui de la collectivité des créanciers,

- le SMIAGD ne peut invoquer utilement les stipulations de l'article 31 de la convention d'affermage contraire à l'article L.622-20 du code de commerce,

- Me [H] n'avait pas qualité pour agir dans l'intérêt exclusif du SMIAGD, étant dépourvue du droit d'agir dans l'intérêt d'un seul créancier,

- le SMIAGD ne peut se prévaloir d'un quelconque droit direct sur le remboursement de Tva effectué dans l'intérêt de la collectivité des créanciers,

- au demeurant, la somme récupérée à hauteur de 27.642 euros auprès de l'administration fiscale a été répartie entre les divers créanciers de la procédure collective sans que le SMIAGD soutienne à ce moment qu'il a un droit direct sur les sommes ainsi recouvrées.

Sur le fond et l'absence de faute, Me [H] relève que :

- le transfert du droit à déduction de la Tva est contraire à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 qui ne prévoit pas un tel transfert du droit à déduction de la Tva,

- mis en demeure par la Commission européenne, le pouvoir réglementaire a abrogé l'article 210 de l'annexe 2 du code général des impôts prévoyant un tel transfert, si cette abrogation ne vaut que pour les contrats de délégation conclus à compter du 1er janvier 2016, il est constant que cette procédure de transfert est inconventionnelle et que le juge du fond doit assurer le respect du droit communautaire,

- la convention du 15 avril 2010 ne pouvait conférer un droit licite de récupération de la Tva et en conséquence, il ne peut être reproché au liquidateur l'inexécution d'une convention illicite,

- le fait que la commission ait considéré que la réforme adoptée par l'Etat français suffisait à rendre inopportune la mise en oeuvre d'une procédure d'infraction n'empêche pas l'inconventionnalité de l'ancien article 210 de l'annexe 2 du code général des impôts,

- le fait que l'Etat français n'a pas voulu conférer un caractère rétroactif à l'abrogation n'empêche pas que cet article 210 n'était pas conforme au droit communautaire,

- le SMIAGD ne peut donc se plaindre de n'avoir pu récupérer la Tva alors que cette récupération devait lui être fermée,

- subsidiairement, à compter de sa résiliation le 10 août 2016, la convention d'affermage ne pouvait plus donner lieu à aucune exécution et il ne peut être reproché au liquidateur l'inexécution d'une convention résiliée,

- en outre, la récupération de la Tva n'était qu'une simple faculté et il ne peut être reproché au liquidateur le non-exercice d'une simple faculté,

- le SMIAGD tente en fait d'obtenir le règlement d'une créance déclarée au passif en bénéficiant d'un paiement préférentiel prohibé par le législateur,

- très subsidiairement, le crédit de Tva relatif aux années 2005 à 2013, objet de la déclaration du 29 août 2016, ne pouvait plus être recouvré à l'ouverture de la liquidation judiciaire ,

- le dirigeant de la SICAV de l'abattoir de [Localité 3] ne lui a transmis aucune information sur un crédit de Tva à recouvrer,

- la SICAV de l'abattoir de [Localité 3] avait déjà réclamé le 11 mars 2016 le reversement du droit à déduction et le 19 juin 2018, Me [H] a réclamé le crédit de Tva relatif à l'année 2016,

- aucune faute ne peut lui être reprochée.

Sur le lien de causalité et le préjudice, elle fait observer que :

- il appartenait au SMIAGD d'exercer lui-même un recours auprès de l'administration fiscale, celui-ci est donc à l'origine de son préjudice,

- le SMIAGD ne s'est jamais préoccupé du reversement de la Tva pour les années 2005 à 2013,

- le SMIAGD ne peut se prévaloir d'un préjudice illicite,

- en outre, il ne démontre pas que la Tva dont il se prévaut porte sur des dépenses exposées pour l'acquisition ou la construction du bien, seules prévues par l'article 210 du code général des impôts,

- enfin il pouvait saisir le fonds de compensation pour la Tva s'agissant de dépenses ne pouvant être récupérées par voie fiscale,

- en tout état de cause, le préjudice ne peut s'élever à 80.028 euros, celui-ci ne pouvant consister au mieux qu'en l'absence de remboursement du crédit Tva relatif à l'année 2015, celui afférent à 2016 ayant été remboursé et les autres ne pouvant plus être réclamés par le liquidateur,

- le SMIAGD n'aurait pu prétendre tout au plus qu'à la somme de 54.108,05 euros ayant déjà reçu 13.298,79 euros.

Prétentions et moyens du Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance

Dans ses conclusions remises le 13 février 2025, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble du 18 septembre 2023 en qu'il a condamné Me [R] [H] à payer la somme de 68.149,74 euros au Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance,

- le réformer uniquement concernant le quantum de la condamnation qui devra être fixé par la cour à 80.028,00 euros et non à 68.149,74 euros,

En conséquent,

- déclarer l'action du Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance recevable,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Maître [H],

- constater le caractère licite de la convention du 15 avril 2010,

- prononcer la responsabilité délictuelle de Maître [H] envers le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance dans le cadre de l'exercice de ses missions ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SICAV de l'abattoir de Guillestre désignée par le jugement du tribunal de commerce de Gap du 26 juillet 2016,

En conséquence,

- condamner Maître [H] à payer au Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance la somme de 80.028,00 euros au titre du préjudice subi par ce dernier,

- condamner Me [H] à payer au Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 outre les entiers dépens de la présente instance.

Sur la recevabilité, il fait valoir que :

- il demande la réparation d'un préjudice qui lui est strictement personnel distinct du préjudice collectif des créanciers de la procédure collective,

- en effet, le délégataire récupérait pour le compte de la collectivité le montant de la Tva dû par l'Etat français au SMIAGD qui était ainsi remboursé au SMIAGD,

- le SMIAGD se voit donc rembourser une créance de Tva qui est une créance du SMIAGD à l'égard de l'Etat,

- le SMIAGD demande l'indemnisation d'un préjudice personnel résultant de la perte de chance de percevoir les remboursements de Tva.

Sur le fond et sur la faute, il relève que :

- dès le mois d'octobre 2016, suite aux explications du SMIAGD, Me [H] était en mesure de former la demande de remboursement de crédit de Tva,

- ce n'est que le 19 juin 2018 que Me [H] a demandé le remboursement des crédits de Tva pour les années 2013 à 2018,

- elle n'a obtenu que le remboursement d'une somme de 25.839 euros pour l'année 2016 et s'est trouvée forclose s'agissant des années 2013 à 2015,

- ce retard à procéder à la demande de remboursement de crédit de Tva constitue une faute de Me [H],

- sur la licéité de la convention d'affermage, le décret du 24 décembre 2015 prévoit la suppression du droit de déduction à compter du 1er janvier 2016, le droit à déduction étant toutefois maintenu pour les conventions d'affermage conclues antérieurement au 1er janvier 2016,

- si la Commission européenne n'a pas poursuivi la procédure d'infraction au droit de l'Union européenne, c'est qu'elle a considéré que le décret du 24 décembre 2015 permettait à l'Etat français de se conformer à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006,

- la suppression rétroactive du droit à déduction de la Tva contreviendrait aux principes communautaires de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime,

- si réellement, Me [H] contestait l'illécéité de la convention , elle n'aurait pas admis les créances de Tva du SMIAGD et elle n'aurait pas effectué tardivement les démarches auprès des services fiscaux pour obtenir le remboursement de la Tva,

- le fait que Me [H] a résilié la convention d'affermage à effet du 12 août 2016 n'a aucune incidence sur la validité des demandes d'indemnisation pour la perte de chance de recouvrir le remboursement de Tva pour les années 2013 à 2015, les remboursements portant sur des périodes antérieures à la résiliation,

- il résulte des échanges de correspondances que Me [H] ès qualité avait bien la mission de procéder aux déclarations de Tva afin d'en obtenir le remboursement, qu'elle avait en effet accepté d'agir pour le compte du SMIAGD,

- l'application de la clause de récupération de la Tva est une faculté non pas pour les parties mais pour le propriétaire,

- le délai de près de deux ans mis par Me [H] pour demander le remboursement de la Tva démontre en lui-même un manque de diligence qui engage sa responsabilité vis-à-vis du SMIAGD.

Sur le préjudice, il fait observer que :

- il a calculé son préjudice en tenant compte du rang et des privilèges des créanciers mais néanmoins, Me [H] agissant pour le compte du SMIAGD, aurait dû lui reverser la totalité du remboursement de Tva,

- le préjudice du SMIAGD est constitué de la différence entre le crédit de Tva supplémentaire perdu et la somme totale que le SMIAGD pouvait espérer percevoir si ce crédit de Tva avait été versé au mandataire,

- le SMIAGD n'a jamais demandé l'indemnisation pour la perte de chance de droit à déduction pour les années 2005 à 2013 mais seulement pour les années 2014, 2015 et 2016,

- il a alerté dès le 5 octobre 2016 Me [H] sur la nécessité d'effectuer les déclarations de Tva et de procéder à son reversement au SMIAGD,

- le SMIAGD n'a commis aucune négligence,

- le SMIAGD ayant transféré ses droits à déduction à la SICAV de l'abattoir de [Localité 3] qui devait déposer les demandes de remboursement de crédit de Tva pour le reverser à la SMIAGD, seul Me [H] ès qualités pouvait effectuer les demandes de remboursement dont était chargée la SICAV de l'abattoir de [Localité 3] pour le compte du SMIAGD,

- Me [H] n'aurait pas dû considérer qu'il s'agissait d'un actif de la procédure collective s'agissant d'une créance du SMIAGD à l'égard de l'Etat français mais bien d'un actif propre du SMIAGD dont elle était tenue au remboursement au SMIAGD,

- la déclaration de créance démontre qu'il s'agissait bien de dépenses exposées pour la construction ou la réalisation de travaux,

- il ne pouvait pas prétendre à une attribution du fonds de compensation (FCTAVA) au titre des dépenses de son délégataire puisque ce dernier bénéficiait du droit à déduction de la Tva.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de l'action du SMIAGD

Lorsqu'une société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, il se déduit du monopole du liquidateur que le créancier de la société ne peut agir en réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé aux autres créanciers.

Par ailleurs, l'action en responsabilité contre le liquidateur judiciaire, après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, est soumise à la reprise préalable des opérations de liquidation judiciaire dans les conditions de l'article L. 643-13 du code de commerce lorsqu'elle tend à la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers de la procédure collective.

En conséquence, lorsque l'action tend à la reconstitution du gage commun des créanciers, elle ne peut être exercée que par un nouveau liquidateur, désigné dans les conditions de l'article L.643-13 du code de commerce, qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers.

En l'espèce, il ressort de la convention pour l'exploitation par affermage de l'abattoir Guil Durance et de l'attestation de transfert de droit à déduction que le SMIAGD a transféré à la Sicav de l'abattoir de [Localité 3] ses droits à déduction de la Tva grevant les investissements correspondant aux ouvrages dont l'exploitation est affermé, que l'exploitant peut utiliser ces droits en déduction de la Tva due sur ses activités et qu'il s'engage à verser ensuite au SMIAGD le montant de la Tva ainsi transférée dont il aura pu opérer la déduction ou obtenir le remboursement avant la fin du 3ème mois suivant.

Il en résulte que le remboursement de crédit de Tva entre dans l'actif de la Sicav de l'abattoir de [Localité 3], celle-ci devant ultérieurement en reverser le montant au SMIAGD.

Au demeurant, le SMIAGD a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire à hauteur de 141.675,12 au titre des droits à déduction de Tva 2015 et 2016 et s'est ainsi soumis à la discipline collective des créanciers ainsi que relevé par l'appelante.

Les écritures du compte analytique de la liquidation judiciaire de la Sicav de l'abattoir de [Localité 3] font aussi apparaître que la somme qui a pu être recouvrée par Me [H] à hauteur de 27.642 euros au titre des remboursements de crédit de Tva a été répartie au marc l'euro entre les différents créanciers de la procédure collective sans que le SMIAGD ne vienne soutenir lors de la répartition qu'elle disposait d'un droit direct sur la somme recouvrée au titre des remboursements de crédit de Tva.

Il est donc établi par la déclaration et l'admission de la créance du SMIAGD que celle-ci est une créance figurant au passif de la liquidation judiciaire de la Sicav de l'abattoir de [Localité 3].

En conséquence, l'action du SMIAGD qui vise à être indemnisé de la perte de chance de percevoir les remboursements de Tva tend à à la reconstitution du gage commun des créanciers.

Comme soutenu par Me [H], l'absence de recouvrement d'une partie de crédit de Tva ne constitue pas un préjudice personnel mais préjudicie à l'ensemble des créanciers et à leur intérêt collectif.

Par ailleurs, le SMIAGD ne peut soutenir que Me [H] a accepté d'agir pour le nom et pour le compte du SMIAGD alors :

- que les courriers qu'elle a adressés au centre des finances publiques dans lesquels elle a sollicité le remboursement du crédit de Tva l'ont été en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SICAV de l'abattoir de [Localité 3] et que le remboursement obtenu à hauteur de 25.839 euros l'a été en sa qualité de liquidateur judiciaire, la somme étant virée sur le compte ouvert à la caisse des dépôts et consignations,

- que le mandataire judiciaire ou le liquidateur agit dans l'intérêt collectif des créanciers et non pas dans l'intérêt d'un seul créancier.

En conséquence, le SMIAGD est irrecevable à agir à l'encontre de Me [H] faute de justifier d'un préjudice distinct de celui causé aux autres créanciers.

Le jugement sera donc infirmé en ses dispositions soumises à la cour.

Sur les mesures accessoires

Le SMIAGD qui succombe dans ses demandes sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Me [R] [H] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Grenoble en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déclare irrecevable pour défaut de qualité à agir les demandes formées par le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance à l'encontre de Me [H].

Condamne le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne le Syndicat Mixte Intercommunal de l'Abattoir Guil Durance à payer à Me [R] [H] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme BERTOLO, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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