CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 4 septembre 2025, n° 22/17391
PARIS
Arrêt
Confirmation
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 16 février 1990, la société [Localité 15] Moncey a consenti à l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 11] à [Localité 23] pour l'exercice de l'activité de «'café-billard-cercle de jeux'».
Ce bail a été renouvelé à compter du 1er janvier 1999 aux termes d'un acte non versé aux débats, puis à compter du 1er janvier 2008 par acte du 20 décembre 2007. Enfin, par acte du 3 août 2016, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans courant à compter du 1er janvier 2017 pour se terminer le 31 décembre 2025, moyennant le versement d'un loyer de 160.000 €/an/HT/HC.
Le 19 octobre 2016, la société [Localité 15] Moncey a fait délivrer à l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à remettre les lieux loués en l'état après les travaux qu'elle y avait effectués.
Par ordonnance du 19 mai 2017, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, saisi par le bailleur d'une demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir après avoir constaté que le président de la société Clichy Moncey avait rétracté le commandement litigieux. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mai 2019.
Par ordonnance du 18 juillet 2018, le Président du tribunal de grande instance de Paris,' «'vu l'urgence et les circonstances exceptionnelles caractérisées par un dysfonctionnement de l'association et un péril grave menaçant les intérêts communs'», a désigné Me [S] [Z], administrateur judiciaire, en qualité d'administrateur provisoire de l'association Clichy Montmartre Billard Club avec mission de gérer l'association, la représenter en justice tant en demande qu'en défense et plus généralement prendre toutes mesures nécessaires pour assurer sa continuité et sa pérennité.
Par ordonnance du 20 septembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé Me [Z] ès-qualités à diffuser des appels à candidatures pour la reprise des actifs corporels et incorporels de l'association Clichy Montmartre Billard Club et pour la reprise de son personnel.
Par arrêté du 24 septembre 2018, le ministre de l'intérieur a révoqué l'autorisation de pratiquer des jeux de hasard attribuée à l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club en raison de "graves manquements aux prescriptions de l'autorisation ou à la réglementation".
Par ordonnance du 4 décembre 2018, le Président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé Me [Z] ès-qualités à signer, pour le compte de l'association Clichy Montmartre Billard Club, "les projets d'actes (contrat de cession de fonds de commerce et garantie de passif) portant cession de fonds de commerce au profit de la société Socofinance".
Le 5 décembre 2018, la société [Localité 15] Moncey a fait signifier à l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club un commandement visant la clause résolutoire du bail d'avoir à exploiter l'activité prévue par le contrat.
Par acte sous signature privée du 10 décembre 2018 dénommé "contrat de cession de fonds de commerce", Me [Z] ès-qualités a cédé à la société Socofinance le fonds de commerce de l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club, en ce compris le droit au bail.
Le 4 janvier 2019, la société Socofinance a fait signifier à la société [Localité 15] Moncey, à l'adresse de son siège social, [Adresse 3] à [Localité 21], une lettre l'informant qu'elle s'était portée acquéreur du fonds de commerce de l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club.
Par un acte distinct du même jour délivré à la société [Localité 15] Moncey «'ayant élu domicile au cabinet MCP Gestion et Patrimoine'», la société Socofinance a fait signifier le contrat de cession de fonds de commerce du 10 décembre 2018.
Par ordonnance du 17 janvier 2019, le Président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé Me [Z] ès-qualités à décider la dissolution anticipée de l'association Clichy Montmartre Billard Club et à accepter les fonctions de liquidateur de ladite association.
Le 5 février 2019, la société Clichy Moncey a fait assigner l'association Clichy Montmartre Billard Club et la société Club Montmartre, cessionnaire du fonds de commerce de l'association Clichy Montmartre Billard Club représentée par sa présidente la société Socofinance, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles d'annulation de l'acte de signification du 4 janvier 2019 et de l'acte de cession du 10 décembre 2018. C'est la présente instance.
Le 9 septembre 2019, la société Clichy Moncey a fait assigner l'association Clichy Montmartre Billard Club et la société Club Montmartre devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire visée au commandement précité du 19 octobre 2016.
Par jugement rendu le 15 septembre 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a, en substance, dit la société Clichy Moncey irrecevable en sa demande d'annulation de l'acte de cession de fonds de commerce conclu le 10 décembre 2018 entre l'association Clichy Montmartre Billard Club et la société Socofinance, débouté la société Clichy Moncey du surplus de ses demandes, condamné la société Clichy Moncey à payer à l'association Clichy Montmartre Billard Club et à la société Club Montmartre la somme de 5.000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 10 octobre 2022, la S.A.S. [Localité 15] Moncey a interjeté appel du jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 9 janvier 2023, la S.A.S. [Localité 15] Moncey, appelante, demande à la cour de':
- recevoir la société [Localité 15] Moncey en ses demandes et l'y dire bien fondée ;
- infirmer le jugement du 15 septembre 2022 (RG N° 19/02145) en ce qu'il a débouté la société [Localité 15] Moncey de ses demandes ;
- confirmer le jugement du 15 septembre 2022 (RG N° 19/02145) en ce qu'il a débouté l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club et la société Club Montmartre de leurs demandes ;
A titre principal,
- infirmer le jugement du 15 septembre 2022 (RG N° 19/02145) en ce qu'il a dit que l'acte querellé avait été régulièrement signifié ;
- prononcer la nullité de la signification de l'acte de cession du fonds de commerce en date du 4 janvier 2019 ;
- juger que l'acte de cession de fonds de commerce est inopposable au bailleur, la société [Localité 15] Moncey ;
- juger que la société Club Montmartre est sans droit ni titre à l'égard de la société [Localité 15] Moncey ;
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement du 15 septembre 2022 (RG N° 19/02145) en ce qu'il a dit la société [Localité 15] Moncey irrecevable en sa demande d'annulation de l'acte de cession de fonds de commerce conclu le 10 décembre 2018 entre l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club et la société Socofinance ;
- juger recevable la société [Localité 15] Moncey en sa demande d'annulation de l'acte de cession ;
- prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce du 10 décembre 2018 entre l'Association [Localité 15] Montmartre Billard Club et la société Club Montmartre représentée par sa présidente, la société Socofinance ;
En tout état de cause,
- prononcer l'expulsion des locaux situés [Adresse 11] à [Localité 18] de la société Club Montmartre et de tout occupant de leur fait, sous astreinte de 4.000 € par jour de retard au-delà de 8 jours après la signification de l'arrêt ;
- ordonner le versement par Maître [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club et les occupants sans droit ni titre, in solidum, d'une indemnité d'occupation d'un montant de 45.000 € HT/mois, calculée au prorata de l'occupation des locaux concernés à compter du 10 décembre 2018 jusqu'à leur libération effective et leur remise en état ;
- dire que la SAS [Localité 15] Moncey pourra se faire assister d'un serrurier et de la force publique si besoin est ;
- condamner in solidum, la société Club Montmartre et l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club représentée par Maître [S] [Z], en qualité de liquidateur, à payer à la SAS [Localité 15] Moncey la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile ;
- condamner in solidum, la société Club Montmartre et l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club, représentée par son [14] provisoire Maître [S] [Z] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SAS [Localité 15] Moncey soutient que':
A titre principal,
Sur l'infirmation du jugement concernant la nullité de la signification de l'acte, le tribunal a à tort jugé régulière la signification de l'acte de cession, en se fondant sur une clause d'élection de domicile sans tenir compte de l'absence de notification au représentant légal alors qu'au surplus, la rédactrice du contrat de cession était informée que seule la présidente de la société Clichy Moncey était habilitée à engager la société et la représenter. Sur le fondement des articles 1690 du code civil ainsi que des articles 648 et 117 du code de procédure civile, cette irrégularité de la signification entraîne la nullité de fond de la signification';
Sur l'erreur d'identité du bailleur et de son représentant dans l'acte de cession, le rédacteur de l'acte savait que seule la Présidente de la SAS [Localité 15] Moncey était habilitée à la représenter or il avait, ainsi que le cessionnaire, connaissance du litige concernant le bail renouvelé opéré sans le consentement de la Présidente de la SAS [Localité 15] Moncey. De ce fait, le rédacteur de la cession a commis une faute intentionnelle, en visant volontairement la mauvaise identification du représentant légal de la société [Localité 15] Moncey et la mention erronée d'un mandat de représentation de la société [Localité 15] Moncey';
Sur la signification déloyale de l'acte, la signification de l'acte de cession a été effectuée de manière déloyale, en pleine connaissance du fait que seule la présidente de la SAS [Localité 15] Moncey pouvait représenter la société. Malgré cette connaissance, le cessionnaire a volontairement évité de signifier l'acte au représentant légal. Cette déloyauté témoigne de la volonté du cédant et de cessionnaire d'écarter le bailleur du montage. Cette irrégularité, constitutive d'une inopposabilité absolue, justifie l'annulation de l'acte de signification.
A titre subsidiaire,
Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'acte de cession,
- sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté les demandes de la SAS [Localité 15] Moncey pour défaut de qualité à agir, sur le fondement des articles 1179 et 1180 du code civil, la SAS [Localité 15] Moncey, en qualité de bailleresse, justifie d'un intérêt à agir en nullité de la cession, dès lors qu'elle en subit les effets. La nullité pour défaut d'objet est une nullité absolue, pouvant être invoquée par tout tiers intéressé. La société bailleresse est donc recevable à agir en nullité';
- sur l'inexistence d'un fonds de commerce, l'Association ne peut être titulaire d'un fonds de commerce en raison de son caractère non lucratif, de l'absence de clientèle distincte et de l'absence d'autorisation administrative d'exploitation. Or, les parties à l'acte ont cherché à caractériser artificiellement un fonds de commerce afin de mettre en échec le bailleur qui refusait de céder son droit au bail';
- sur le défaut de clientèle et le caractère accessoire du bar et restaurant, l'Association ne détenait pas de clientèle mais un registre de membres. La clientèle étant un élément essentiel à l'existence du fonds de commerce, sans elle, le fonds de commerce n'existe pas. Par ailleurs, la liste des membres de l'Association n'était pas cessible, en absence d'autorisation donnée par les membres de l'Association. Enfin, en tant qu'activités accessoires, le bar et le restaurant ne peuvent être exploités sous la forme d'un fonds de commerce, qui nécessite l'existence d'une clientèle autonome et propre';
- sur la disparition de l'éventuel fonds de commerce par la perte de l'autorisation administrative qui est un élément essentiel à l'activité du cercle de jeux. Or, l'Association ne disposait plus de cette autorisation au moment de la cession, suite à sa révocation anticipée pour manquements graves des dirigeant du Cercle, ce qui rendait impossible la poursuite de l'activité après le 24 septembre 2018, conformément à l'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017. Dès lors, la cession du prétendu fonds de commerce le 10 décembre 2018 doit être annulée.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 avril 2023, l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions';
- débouter la SAS [Localité 15] Moncey de toutes ses demandes';
- condamner la sas SAS [Localité 15] Moncey à payer à l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner la SAS [Localité 15] Moncey aux dépens d'appel.
Au soutien de ses prétentions, l'association [Localité 15] Montmartre Billard Club oppose que':
Sur la prétendue nullité de la signification,
- la signification de l'acte de cession a été régulièrement effectuée au domicile élu prévu par le bail du 3 août 2016. De plus, aucune preuve de la révocation du mandat de la société MCG Gestion & Patrimoine n'est rapportée, ni que cette révocation aurait été portée à la connaissance de l'association [Localité 15] Montmartre';
- le commandement de payer du 5 décembre 2018 est fondé uniquement sur le bail de renouvellement du 20 décembre 2007 entré en vigueur le 1er janvier 2008. Or, dans ce bail, la société [Localité 15] Moncey faisait élection en son siège social';
- l'irrégularité d'un acte signifié à domicile élu constitue une nullité de forme et non une nullité de fond. La nullité de la signification n'est encourue que si l'acte irrégulier a causé un préjudice. Or, la SAS [Localité 15] Moncey n'invoque aucun préjudice';
- sur le fondement de l'article 1216 du code civil, la notification suffit à rendre la cession opposable, ce qui est le cas en l'espèce';
Sur la prétendue nullité de l'acte de cession de fonds de commerce,
- sur le fondement des articles 1179 et 1181 du code civil, la SAS [Localité 15] Moncey, tiers au contrat de cession de fonds de commerce, n'a pas qualité pour solliciter l'annulation de ce contrat, étant donné que la question de la validité du contrat cession de fonds de commerce relève d'une nullité relative';
- sur le fondement des articles L. 141-1 et L. 145-16 du code de commerce, l'association [Localité 15] Montmartre exploitait un fonds de commerce puisque la gestion d'un cercle de jeux et d'un bar constitue par nature une activité commerciale et à but lucratif. De plus, cette dernière est assujettie aux impôts et taxes propres à l'activité commerciale, en vertu de l'article 206 1 bis du code général des impôts.
- un fonds commercial créé ne peut jamais constituer un actif incorporel, conformément aux dispositions de l'article 212-3 § 2 et 3 du Plan Comptable Général. En effet, l'Association [Localité 15] Montmartre n'a acheté aucun fonds';
- la forme associative, imposée par la loi du 30 juin 1923 aux cercles de jeux, n'exclut pas l'exercice d'une activité commerciale ni la détention d'un fonds de commerce. En effet, une association peut exercer des actes de commerce de manière habituelle, sous réserve de l'absence de partage de bénéfices. Par ailleurs, l'existence d'une clientèle est caractérisée, les membres devenant clients en s'acquittant de prestations payantes';
- l'éventuel manquement à une délibération de la CNIL n'est pas une cause de nullité et que la société [Localité 15] Moncey n'a aucune qualité pour l'invoquer dès lors qu'elle n'a jamais été membre de l'Association [Localité 15] Montmartre';
- sur le fondement de l'article 1200 du code civil, la société [Localité 15] Moncey n'est pas partie au contrat de cession du fonds de commerce et n'a donc aucune qualité pour en contester la validité de la vente, causée selon elle par la perte de l'autorisation administrative d'exploitation';
- l'acte de cession de fonds de commerce a été valablement signé par Maître [Z] ès-qualités, après que celle-ci ait été spécialement autorisée à cet effet';
- l'objet social de l'association [Localité 15] Montmartre, défini à l'article III de ses statuts, n'exclut pas toute activité commerciale autre qu'accessoire';
- sur le fondement de l'article L. 145-16 du code de commerce, que la cession n'impose pas l'accord préalable du bailleur.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 30 mai 2024, la société Club Montmartre, intimée, demande à la cour de':
En ce qui concerne la signification de l'acte de cession de fonds de commerce,
- confirmer le jugement du 15 septembre 2022 en tous ses termes';
- débouter [Localité 15] [Adresse 17] de ses demandes, fins et conclusions à ce titre';
En ce qui concerne la cession du fonds de commerce du 10 décembre 2018,
A titre principal,
- confirmer le jugement du 15 septembre 2022 en ce qu'il a dit [Localité 15] [Adresse 17] irrecevable en sa demande d'annulation de la cession intervenue';
- débouter [Localité 15] [Adresse 17] de ses demandes fins et conclusions à ce titre';
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la cession intervenue s'impose à [Localité 15] Moncey en ce qu'elle était autorisée par avance.';
- débouter [Localité 15] [Adresse 17] de ses demandes fins et conclusions à ce titre';
A titre très subsidiaire,
- dire et juger que le cercle de jeu exploité [Adresse 13] à [Localité 22] caractérise un fonds de commerce et valable la cession de ce fonds intervenue le 10 décembre 2018';
- débouter en conséquence [Localité 15] [Adresse 17] de ses demandes fins et conclusions à ce titre';
A titre infiniment subsidiaire,
- fixer l'indemnité d'occupation annuelle à 160.000 € depuis le 1er décembre 2018';
- à défaut, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de déterminer la valeur locative des locaux et fixer l'indemnité'd'occupation à ce montant qui sera dû sous déduction des loyers payés par le Club Montmartre pour la même période';
En ce qui concerne la demande de communication de pièces,
- en tant que de besoin, confirmer le jugement du 15 septembre 2022 en tous ses termes en ce qu'il a rejeté la demande de [Localité 15] Moncey';
En tout état de cause,
- condamner [Localité 15] Moncey à payer au Club Montmartre la somme de 12.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- la débouter de sa propre demande au titre dudit article 700';
- condamner [Localité 15] Moncey aux dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, la SAS Club Montmartre oppose que':
Sur la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit la signification régulière, le cabinet MCP Gestion & Patrimoine a toujours été le mandataire de la société [Localité 15] Moncey pour la gestion des locaux et la clause d'élection de domicile figurant dans le bail du 3 août 2016, jamais modifiée ni dénoncée, restait valable lors de la signification de l'acte. Cette clause permettait de signifier régulièrement l'acte à l'adresse du cabinet, sans qu'un pouvoir spécifique ne soit requis. Par ailleurs, la cession de fonds de commerce a valablement transféré les droits et obligations liés au bail au Club Montmartre, qui était en droit de procéder à la signification. Enfin, sur le fondement de l'article 648 du code de procédure civile, l'acte de signification comporte les mentions requises. De plus, elle respecte la formalité requise par l'article 1690 du code civil. Dès lors, l'acte de signification est régulier et ne peut constituer une nullité, au sens de l'article 117 du code de procédure civile';
A titre principal, sur l'irrecevabilité de [Localité 15] Moncey de sa demande, la nullité d'un contrat pour défaut d'objet relève du régime des nullités relatives. De plus, la société [Localité 15] Moncey n'est pas partie au contrat de cession de fonds de commerce. Par ailleurs, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, la société [Localité 15] Moncey ne justifie pas d'un intérêt personnel, direct et légitime à agir en annulation de la cession. En effet, cette dernière n'a été privée d'aucun droit par la cession du fonds litigieux';
A titre subsidiaire, sur l'autorisation par avance de la cession du fonds,
Sur l'existence du fonds reconnu et l'autorisation par avance de la cession, la cession du 10 décembre 2018 est régulière. En effet, l'association [Localité 15] Montmartre a exploité un fonds de commerce constitué d'activités commerciales expressément reconnues par les baux du 16 février 1990 et du 3 août 2016, qui prévoyaient la possibilité de céder son droit au bail à un successeur dans le commerce. Par ailleurs, la société [Localité 15] Moncey a accepté la cession par avance. En application des articles 1103, 1104 et 1194 du code civil, cette dernière est tenue par les stipulations contractuelles qu'elle a acceptées, sans pouvoir les contester';
Sur l'autorisation de la cession du droit au bail, la cession du 10 décembre 2018 est régulière dès lors que le bail du 3 août 2016 a autorisé l'Association [Localité 15] Montmartre à céder son droit au bail, peu importe l'existence du fonds';
A titre très subsidiaire, sur l'existence du fonds de commerce contesté,
Sur la raison pour laquelle le Cercle de jeux fut dès l'origine exploité sous forme d'association, elle résulte de la loi du 30 juin 1923 qui posait cette obligation. Cependant, l'activité de jeux et de tenue d'un bar est commerciale, au sens de l'article L.110-1, 6° du code de commerce. Cette commercialité est consacrée par la loi du 28 février 2017, qui impose depuis le 1er décembre 2019, que les cercles de jeux soient exploités sous forme de sociétés commerciales';
Sur le fait que les associations peuvent détenir un fonds de commerce, en effet, l'activité d'une association peut être une activité commerciale, au sens de l'article L. 442-10 du code de commerce et le fait qu'une association soit à but non lucratif est sans conséquences sur le fait qu'elle puisse exercer des activités commerciales';
Sur le fait que l'activité de l'association [Localité 15] Montmartre caractérise l'existence d'un fonds de commerce, depuis 1990, l'Association [Localité 15] Montmartre exerce une activité commerciale de fourniture de services (cercle de jeux et bar), constituant un fonds de commerce au sens de l'article L.110-1, 6° du code de commerce. Cette activité, exercée de manière habituelle et professionnelle, est assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la TVA, dispose d'une clientèle propre, et s'exerce dans des locaux loués par baux commerciaux. Les éléments d'exploitation ont été cédés au Club Montmartre';
Sur l'existence d'une clientèle, l'association [Localité 15] Montmartre disposait d'une clientèle. La restriction de l'accès à des salles de jeux est une mesure de police permettant de contrôler l'identité des joueurs. Toute personne majeure peut facilement devenir membre, ce qui rendait l'activité ouverte au public. Le droit d'entrée ne donnait pas accès aux prestations du cercle. Le nombre élevé de membres et la facilité d'accès à la qualité de membre témoigne d'une clientèle';
Sur la perte par l'association [Localité 15] Montmartre de son autorisation d'exploitation, elle n'a pas entraîné la perte du fonds de commerce. L'interruption d'activité n'a pas affecté l'existence du fonds';
Sur le fait que la cession a été validée par l'organe des pouvoirs de l'assemblée générale, en l'occurrence par l'administrateur provisoire. En effet, Maître [Z] a vu ses pouvoirs étendus par ordonnance du tribunal de grande instance. Au demeurant, la société [Localité 15] Moncey n'a pas la qualité pour contester la régularité des décisions de l'Association [Localité 15] Montmartre';
Sur le mal fondé des arguments développés par [Localité 15] Moncey pour contester l'existence du fonds de commerce, sur le fondement des articles L. 141-1 et suivants du code de commerce, l'Association [Localité 15] Montmartre n'a pas acquis son fonds, elle l'a créé. Dès lors, il n'a pas à être valorisé au bilan.Il n'apparaît pas qu'il y ait de liste de membre mais des fiches individuelles. En effet, les fiches n'étaient pas incessibles, que soit ou non nécessaire la diffusion d'une information et l'obtention d'un agrément préalable. La cession du Cercle de jeux a été autorisée par ordonnance du 20 septembre 2018, du premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris. De plus, l'ordonnance du 4 décembre 2018 autorise Maître [Z] a signé les actes portant cession du fonds de commerce. Le comportement de l'administrateur provisoire ne saurait être interprété comme une reconnaissance de l'absence de fonds de commerce. La description du fonds dans l'acte de cession, établie par un administrateur judiciaire, répond aux exigences légales. En effet, la jurisprudence reconnaît l'existence d'un fonds de commerce dès lors qu'une association exerce une activité payante, ouverte au public et donnant lieu à des actes de commerce.
A titre infiniment subsidiaire, sur la fixation de l'indemnité d'occupation, si la cour faisait droit à la demande d'expulsion et d'indemnité d'occupation, le Club Montmartre sollicite que cette indemnité soit fixée à 13.334 € par mois, montant correspondant au loyer versé depuis le 1er décembre 2018, ou à défaut, à la valeur locative fixée par expertise. Le montant avancé par [Localité 15] Moncey (581.400 € HT/an) est manifestement excessif. Toute somme éventuellement due devra être réduite des loyers déjà acquittés';
En tout état de cause, sur la demande de communication de pièces, la société [Localité 15] Moncey ne réitère pas sa demande de communication de pièces en cause d'appel. Dès lors, le jugement de première instance devra être confirmé.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
SUR CE,
Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir «'donner acte'», «'dire et juger » ou de «'juger'», lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.
Sur la nullité de l'acte de signification en date du 4 janvier 2019
L'article 1690 du code civil dispose que «'Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique.'»
L'article 117 du code de procédure civile prévoit, notamment, que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ou le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
L'article 648 du code de procédure civile prévoit, notamment, que «'2. b) Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs ['] si le requérant est une personne morale': sa forme, sa dénomination son siège social et l'organe qui la représente légalement [']';
4. Si l'acte doit être signifié, les noms et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social'».
Au cas d'espèce, le bail commercial signé entre la société [Localité 15] Moncey et l'association [Localité 15] Montmartre club billard, le 16 février 1990, a prévu une clause d'élection de domicile ainsi libellée «'Pour l'exécution des présentes et notamment pour la signification de tous actes extra-judiciaires ou de poursuites, le preneur fait élection de domicile dans les lieux loués même après départ desdits lieux de ce dernier, avec attribution de juridiction aux juridictions de ce domicile et le bailleur à son domicile'», le bailleur déclarant son siège social au [Adresse 2] à [Localité 21]
Le bail renouvelé le 20 décembre 2007 a prévu, au titre de l'élection de domicile que «'Pour l'exécution des présentes, les parties font élection de domicile savoir'
Le bailleur en son siège social
Le preneur dans les lieux loués.'»
Le bail renouvelé le 3 août 2016 a disposé sur ce même point que «'Le bailleur fait élection de domicile chez son mandataire, le cabinet MCP Gestion & Patrimoine indiqué en-tête des présentes.
Le preneur fait élection de domicile dans les lieux loués.'»
Le bail renouvelé le 1er janvier 2017, signé entre la SA [Localité 15] Moncey et [Localité 15] Montmartre, d'une part, a énoncé, en-tête de l'acte, que la bailleresse est «'représentée par son Directeur Général Délégué, Monsieur [M] [I], élisant domicile au Cabinet MCP Gestion et Patrimoine, dont le siège social est à [Adresse 20], ['] représentée par Madame [J] en sa qualité de gérante, dûment habilitée à l'effet des présentes [...]'», d'autre part, a repris au titre de l'élection de domicile que «'Le bailleur fait élection de domicile chez son mandataire, le cabinet MCP Gestion & Patrimoine indiqué en-tête des présentes.
Le preneur fait élection de domicile dans les lieux loués.'».
Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que le tribunal a, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties et considéré valable l'acte de signification du 4 janvier 2019.
Il sera ajouté que, comme le relève pertinemment l'appelante, la clause d'élection de domicile, qui figure aux contrats successifs lesquels constituent la loi des parties, s'impose à elles et est destinée à permettre l'exécution des formalités contractuelles et procédurales entre les cocontractants de sorte que, afin de garantir la sécurité juridique des actes inhérents ou en lien avec le contrat, toute modification de la clause doit être valablement notifiée à l'autre partie.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, la connaissance par le rédacteur de l'acte de cession du fonds de commerce et le cessionnaire du climat conflictuel existant entre les associés de la SA [Localité 15] Moncey est sans incidence sur la validité ou l'irrégularité de l'acte de signification à la personne morale, entité autonome et distincte des membres qui la compose.
Faute de preuve rapportée d'une modification valablement délibérée de la clause d'élection de domicile et/ou de l'identité du mandataire du bailleur, la société Socofinance, cessionnaire du fonds de commerce agissant en qualité de président de la société Club Montmartre, titulaire du contrat de bail, élément incorporel cédé avec le fonds, était tenue par la clause d'élection de domicile reproduite à l'identique dans les deux derniers baux renouvelés telle que rappelée ci-dessus et a donc valablement signifié l'acte conformément aux dispositions contractuelles la liant du fait de la cession.
Ainsi, l'acte de cession du fonds de commerce délivré, à sa demande, par un officier public qui s'est référé dans l'exercice de sa mission aux mentions portées sur l'acte à signifier, dont il n'a pas à vérifier la régularité, a valablement été signifié au mandataire du bailleur, soit le Cabinet MCP Gestion & Patrimoine sis [Adresse 1] représentée par Madame [J]'» remis à «'Mme. [T] [G], gestionnaire comptable, qui a déclarée être habilitée à recevoir l'acte'», ce conformément à la clause portée sur les deux derniers renouvellements de bail dont celui du 1er janvier 2017 discuté dans le cadre d'une autre instance.
Par ailleurs, l'alinéa 4 de l'article 648 susvisé n'exige pas la mention du représentant de la personne morale destinataire de la signification de l'acte par l'huissier de justice, de sorte que l'erreur éventuelle commise sur la mention du représentant de la société [Localité 15] Moncey est sans incidence sur la validité de la signification de l'acte de cession du fonds de commerce. Aussi, le moyen tiré d'une faute intentionnelle de la rédactrice de l'acte de cession du fonds de commerce sur le nom du représentant l'égal est inopérant sur la validité de l'acte de signification.
Il sera au demeurant constaté que l'acte de signification et l'acte de cession du fonds de commerce mentionne qu'il en est laissé copie à la société [Localité 15] Moncey ['] prise en la personne de ses représentants légaux, dont Madame [R] [W] (nom d'usage [N]) présidente et Monsieur [M] [I], directeur général délégué.
En outre, la signification faîte au domicile élu n'a pas, au regard des dispositions susvisées, à être doublée d'une signification au siège social de la personne morale, étant rappelé que Mme [J] du cabinet MCP gestion a porté à la connaissance des conseils de la société bailleresse et, en copie à Madame [R] [K], la signification de l'acte de cession du fonds de commerce par mail du 23 janvier 2019, ce qui n'est pas contesté.
Aussi, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la nullité de la cession du fonds de commerce en date du 10 décembre 2018
La société Club Montmartre soulevant le défaut de qualité à agir et le défaut d'intérêt à agir de la société [Localité 15] Moncey, cette fin de non-recevoir sera examinée préalablement aux moyens soulevés par l'appelante à la demande d'infirmation de ce chef du jugement.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'»
L'article 31 du code de procédure civile prévoit que «'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.'»
L'article 1179 du code civil énonce que «'La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général.
Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé.'»
Il résulte des dispositions de l'article 1180 du même code que la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt et de celles de l'article 1181 que la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.
Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que le tribunal a, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en rappelant que la nullité d'un acte pour défaut d'objet, qui ne tend qu'à la protection des intérêts privés des parties, relève du régime des nullités relatives de sorte que la société Clichy Moncey, tiers au contrat de cession est dépourvue de qualité à agir et, partant, irrecevable en son action.
Il sera ajouté qu'en cause d'appel la société [Localité 15] Moncey soutient que le contrat serait nul sur le fondement de l'article 1601 du code civil qui prévoit que «'Si au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle.'» Cependant, contrairement à ce que soutient l'appelante, la nullité ici prévue est une nullité relative en ce qu'elle ne vise encore qu'à protéger les seuls intérêts de l'acheteur. Ce moyen est donc inopérant.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a considéré n'y avoir lieu à répondre au moyen tiré du défaut d'intérêt à agir et a, par voie de conséquence, débouté la société appelante de sa demande d'expulsion et de sa demande de condamnation de la société [Localité 15] Montmartre billard club et des occupants sans droit ni titre, in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 10 décembre 2018.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Succombant en ses prétentions, la société [Localité 15] Moncey sera condamnée à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'association [Localité 15] Montmartre billard club et la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Club Montmartre ainsi qu'à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour';
Y ajoutant,
Condamne la société [Localité 15] Moncey à payer à l'association [Localité 15] Montmartre billard club la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société [Localité 15] Moncey à payer à la SAS Club Montmartre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société [Localité 15] Moncey à supporter la charge des dépens d'appel.