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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/11218

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/11218

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/11218 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH3V3

[T] [C]

SASU C.I.C. DÉVELOPPEMENT

C/

SAS L'HACIENDA

SNC METIVIER

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Sandra JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2018005660.

APPELANTS

Monsieur [T] [C]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6],, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SASU C.I.C. DÉVELOPPEMENT

, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SAS L'HACIENDA

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marilyne MOSCONI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Céline SAMAT, avocat au barreau de MARSEILLE

SNC METIVIER

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marilyne MOSCONI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Céline SAMAT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 29 avril 2010, la société CIC développement et M. [T] [C] ont signé une promesse de vente, au profit de la SNC [X], portant sur la totalité des parts constituant le capital de la SARL L'Hacienda, société exploitant un fonds de commerce d'hôtel restaurant à [Localité 3].

Le prix de cession était provisoirement fixé à 650000 euros en fonction du bilan au 31 décembre 2009 et sur la base d'un montant forfaitaire des capitaux propres fixé à 8800 euros, et devait être révisé pour aboutir au prix définitif au vu d'une situation comptable intermédiaire à établir au 31 juillet 2010.

Il était également stipulé à l'article 'prix de cession' de la garantie d'actif et de passif, signée concomitamment à la promesse, la clause suivante :

'les litiges prud'homaux provisionnés au bilan du 31 décembre 2009 pour un montant de 34000 euros (concernant M. [F] [M], Mme [O] [D], Mme [V] [L] et M. [O] [W]) restent acquis en fonds propres à l'acquéreur, le vendeur faisant son affaire personnelle du litige prud'homme en cours et assumera seul les honoraires, débours, indemnités, rappels de salaires, charges... et toute somme de quelque nature que ce soit relative à ce litige. Le bénéficiaire donne tout pouvoir au promettant pour le représenter, accepter et conclure tout accord relatif à ces litiges pour le compte de la société Hacienda dans la résolution des litiges prud'homaux.'

La cession était consentie sous conditions suspensives qui ont été réalisées, et notamment celle portant sur la transformation de la SARL Hacienda en SAS.

L'acte de cession ainsi qu'une garantie d'actif et de passif, reprenant la clause précitée, ont été signés le 22 juillet 2010 et par avenant du 22 octobre 2010, les parties ont fixé le prix définitif de la cession à la somme de 640020 euros.

Le 23 mai 2017, la SAS L'Hacienda a reçu notification de trois jugements rendus par le conseil de prud'hommes de Marseille, condamnant la SARL L'Hacienda à payer :

- à Mme [O] [D] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts outre 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à Mme [V] [L] les sommes de 11857,58 euros de rappel de salaire, 250 euros à titre de dommages et intérêts outre 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à M. [K] [W] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts outre 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette notification était suivie de trois commandements de payer délivrés le 31 mai 2017.

Par courrier du 17 juin 2017, le conseil de la SAS L'Hacienda a invité les cédants à faire face à leurs engagements et à s'acquitter du montant des condamnations assorties de l'exécution provisoire.

Les trois salariés ont interjeté appel le 22 juin 2017 et la SAS L'Hacienda a elle-même formé un appel le 23 juin 2017.

Un nouveau courrier adressé par le conseil de la SAS L'Hacienda le 21 juillet 2017 au conseil de la société CIC développement pour l'interroger sur la position des cédants est également resté sans réponse.

Le 22 septembre 2017, les trois salariés ont fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes de la SAS L'Hacienda pour avoir paiement des condamnations prononcées à leur profit.

La société L'Hacienda a vainement sollicité des cédants, le 2 octobre 2017, le remboursement des sommes prélevées.

La SAS L'Hacienda a saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire des jugements prud'homaux, dont elle a été déboutée par ordonnances du 26 décembre 2017 la condamnant à payer à chacun des salariés les sommes de 1500 euros de dommages et intérêts et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a par ailleurs saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence qui par jugements du 15 mars 2018 l'a condamnée à payer à chacun des salariés les sommes de 1500 euros de dommages et intérêts et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 11 juin 2018, la SAS L'Hacienda a fait assigner la société CIC développement et M. [C] devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir le remboursement par les défendeurs des différentes condamnations mises à sa charge.

Par jugement du 3 mai 2019, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a sursis à statuer dans l'attente des décisions devant être rendues par la cour d'appel sur l'appel des jugements du conseil de prud'hommes de Marseille.

Par trois arrêts du 17 janvier 2020, la cour d'appel a condamné la SAS L'Hacienda à payer différentes sommes aux trois salariés pour un montant total de 55632,52 euros.

Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a statué comme suit:

- reçoit la société [X] en son intervention volontaire à titre principal et la dit bien fondée,

- dit que la clause notée dans le contrat dénommé garantie de passif du 22 juillet 2010 et ayant trait à la prise en charge des litiges prud'homaux par la société CIC développement et par M. [T] [C] comporte une stipulation en faveur de la société cédée à savoir la SAS L'Hacienda,

- déclare à ce titre que la SAS L'Hacienda a qualité pour agir et est recevable en ses demandes,

- déclare que la société [X] a qualité pour agir et est recevable en ses demandes,

- juge que la SAS L'Hacienda justifie d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le manquement de la société CIC et M. [T] [C] à leurs obligations contractuelles et le préjudice subi par la SAS L'Hacienda,

- déboute la société [X] de sa demande de réparation d'un préjudice,

- déboute la société CIC développement et M. [T] [C] de leur demande de voir déclarer irrecevables les demandes des sociétés [X] et SAS L'Hacienda au titre de la garantie d'actif et de passif au motif qu'elles seraient prescrites,

- déboute la société CIC développement et M. [T] [C] de leurs demandes reconventionnelles non fondées et irrecevables car prescrites,

- juge y avoir lieu à solidarité entre la société CIC développement et M. [T] [C],

- juge que la société CIC développement et M. [T] [C] ont commis un manquement à leurs obligations contractuelles à l'encontre de la SAS L'Hacienda,

En conséquence :

- condamne solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] à payer à la SAS L'Hacienda la somme de 59714,56 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017,

- ordonne la capitalisation des intérêts,

- condamne solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] à payer à la SAS L'Hacienda la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamne solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] à payer à la SAS L'Hacienda la somme de 7000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] à payer à la société [X] la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] aux entiers dépens,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

La société CIC développement et M. [T] [C] ont interjeté appel de cette décision le 23 juillet 2021.

Par conclusions déposées et notifiées le 13 avril 2022, la société CIC développement et M. [T] [C] demandent à la cour, vu les articles 1134, 1202 anciens, 1987,1989 du code civil de :

- infirmer le jugement du 1er juin 2021 et statuant à nouveau, :

- juger que la société CIC développement et M. [C] n'ont pas commis de faute dans l'exécution du contrat de cession de titres et de garantie d'actif et de passif,

- juger que la société L'Hacienda ne justifie pas d'un préjudice,

- juger que la société L'Hacienda ne justifie pas d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu préjudice,

- juger que la société L'Hacienda n'ont pas fait de résistance abusive,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société L'Hacienda et de la SNC [X],

- juger ne pas avoir lieu à solidarité entre la société CIC développement et M. [T] [C],

- débouter la SNC [X] de son appel incident,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la SNC [X] de sa demande de réparation d'un préjudice,

En tout état de cause,

- condamner la société L'Hacienda aux entiers dépens,

- condamner la société L'Hacienda à payer à la société CIC développement et M. [T] [C] une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 12 juillet 2022, la SAS L'Hacienda et la SNC [X] demandent à la cour, vu les articles 1103 et 1104, anciennement 1134 du code civil, l'article 1205 anciennement 1121 du code civil, l'article 329 du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu le 1er juin 2021 par la tribunal de commerce d'Aix-en-Provence sauf en ce qu'il a débouté la société [X] de sa demande de réparation d'un préjudice,

- débouter la société CIC développement et M. [C] de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a débouté la société [X] de sa demande de réparation d'un préjudice,

Statuant à nouveau,

- déclarer la SNC [X] recevable en sa demande d'exécution de la part de la CIC développement et de M. [C] de leurs engagements vis-à-vis de la SAS L'Hacienda et de réparation d'un préjudice au profit de la SAS L'Hacienda,

- condamner de plus fort solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] à payer à la SAS L'Hacienda :

- la somme de 59714,56 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017 avec capitalisation des intérêts,

- la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance,

- débouter la société CIC développement et M. [C] de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

En tout état en cause d'appel,

- condamner solidairement la société CIC développement et M. [T] [C] au paiement de la somme de 4000 euros à la SAS L'Hacienda et au paiement de la somme de 4000 euros à la SNC [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Sandra Juston associée de la SCP Badie Simon Thibaud Juston avocats au barreau d'Aix-en-Provence.

La procédure a été clôturée le 22 avril 2025.

MOTIFS

Bien que mentionnées dans l'objet de la déclaration d'appel, les dispositions du jugement ayant déclaré les sociétés L'Hacienda et [X] recevables en leurs demandes ne sont pas critiquées par les appelants qui ne soutiennent aucune fin de non-recevoir devant la cour et cantonnent le débat au fond du litige.

Les appelants ne critiquent pas non plus la disposition du jugement les déboutant de leurs demandes reconventionnelles non fondées et irrecevables car prescrites, et ne soutiennent plus ces demandes reconventionnelles devant la cour.

Ces dispositions seront en conséquence confirmées.

La convention de garantie d'actif et de passif signée le 22 juillet 2010 entre d'une part la SNC [X] et d'autre part la société CIC développement et M. [C], comporte dans la partie intitulée 'déclarations des garants' un paragraphe intitulé 'prix des parts sociales' rédigé comme suit :

'Le calcul du prix de cession des titres a été déterminé en fonction du bilan au 31 décembre 2009. La cession des parts sociales est consentie et acceptée moyennant le prix provisoire de 650000 euros, sur la base d'un montant forfaitaire de capitaux propres égal à 8800 euros (les réserves diverses et le résultat de l'exercice restant acquis au promettant).

Il doit être révisé pour aboutir au prix définitif au vu d'une situation comptable intermédiaire de la société à établir au 31 juillet 2010, date de la réitération de la cession de parts sociales. Au 31 juillet 2010, la différence négative ou positive entre le montant réel des capitaux propres et le montant forfaitaire de 8800 euros viendra réduire au augmenter le prix de cession.

Les litiges prud'homaux provisionnés au bilan du 31 décembre 2009 pour un montant de 34000 euros (concernant M. [F] [M], Mme [O] [D], Mme [V] [L] et M. [O] [W]) restent acquis en fonds propres à l'acquéreur, le vendeur faisant son affaire personnelle du litige prud'homme en cours et assumera seul les honoraires, débours, indemnités, rappels de salaires, charges... et toute somme de quelque nature que ce soit relative à ce litige. Le bénéficiaire donne tout pouvoir au promettant pour le représenter, accepter et conclure tout accord relatif à ces litiges pour le compte de la société Hacienda dans la résolution des litiges prud'homaux.'

Il ressort des jugements rendus le 23 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de Marseille concernant trois des salariés visés par la clause précitée que les litiges prud'homaux dont s'agit, relatifs à des licenciements intervenus en 2005, avaient été introduits en 2006, et qu'à la date de la cession, les procédures suivies contre la SARL L'Hacienda représentée par M. [C] étaient pendantes devant le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence.

Il ressort très clairement des stipulations ci-dessus énoncées :

- que les parties ont entendu décharger l'acquéreur des conséquences des litiges prud'homaux en cours, la somme de 34000 euros figurant au bilan à titre de provision pour ces litiges lui restant acquise en fonds propres,

- que les cédants se sont expressément engagés à faire leur affaire personnelle de ces litiges, d'une part, en conservant la charge de la conduite du procès pour le compte de la société L'Hacienda et d'autre part, en assumant seuls la charge de tous frais et condamnations relatifs à ce litige.

L'insertion de la clause relative aux litiges prud'homaux dans le paragraphe intitulé 'prix des parts sociales' et à la suite de celle relative aux modalités de fixation du prix conduit à considérer que l'engagement des cédants a nécessairement été pris en considération pour la fixation du prix de cession.

L'expert-comptable de la société L'Hacienda, M. [J] [A] de la société SAUDEC, atteste ainsi le 15 mars 2019 avoir participé personnellement à la transaction et certifie 'que M. [C] [T] a abandonné cette provision pour risque au profit des acquéreurs dans le seul but d'avoir un prix majoré de 34000 euros du prix de vente avec comme corollaire la prise en charge de la totalité des litiges prud'homaux comme il est prévu en page 3 de l'acte comportant la garantie d'actif et de passif'.

Les appelants contestent l'appréciation des premiers juges qui ont considéré que le montant forfaitaire de 8800 euros servant de base au calcul du prix de cession avait été déterminé en intégrant la provision de 34000 euros, de sorte que les cédants avaient perçu cette somme, venue majorer le prix de cession.

Le débat apparaît cependant dénué d'intérêt comme étant sans incidence sur l'engagement des cédants, au regard des termes clairs et précis de la clause qui en constitue le fondement.

S'agissant de l'engagement de représenter le bénéficiaire pour le compte de la société Hacienda dans la résolution des litiges prud'homaux, c'est à tort que les appelants soutiennent que le mandat de représentation n'aurait concerné que la procédure de première instance devant le conseil de prud'hommes.

Contrairement à ce qu'ils indiquent dans leurs écritures, la clause ne mentionne pas les 'instances prud'homales' mais les 'litiges prud'homaux', l'expression désignant la nature du litige.

L'engagement du vendeur de 'faire son affaire personnelle du litige prud'homme en cours' et de représenter le bénéficiaire pour la 'résolution des litiges prud'homaux' implique nécessairement que le mandat de représentation s'applique jusqu'à l'issue définitive des procédures engagées par les salariés et le cas échéant, les procédures liées à l'exécution des décisions.

Il ressort d'ailleurs de l'exposé de la procédure antérieure figurant dans les décisions prud'homales versées aux débats que la société CIC développement a notamment fait appel des jugements rendus le 2 septembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Marseille, ne considérant pas alors que son mandat de représentation s'arrêtait à la première instance.

Contrairement à ce qu'affirment les appelants, le fait pour la société L'Hacienda de formaliser une déclaration d'appel le 23 juin 2017 à l'encontre des jugements prud'homaux du 23 mai 2017 constitue une mesure conservatoire justifiée par l'inertie de la société CIC développement et de M. [C], et ne caractérise aucunement une renonciation des sociétés L'Hacienda et [X] à la clause de direction du procès, une telle volonté étant contredite par les termes des courriers adressés au conseil de la société CIC développement, notamment le 21 juillet 2017.

C'est également à tort que les appelants considèrent que leur engagement d'assumer les sommes relatives au litige prud'homal ne concerne que les sommes excédant la provision de 34000 euros transmise, puisque la clause litigieuse disqualifie précisément la provision pour la réintégrer en fonds propres, ce qui signifie que cette somme de 34000 euros n'est plus affectée au règlement des litiges dont les cédants s'engagent à faire leur affaire personnelle.

Le fait que les bilans de la société L'Hacienda ne fassent pas apparaître une reprise de provision immédiatement après la cession est sans incidence sur l'engagement des cédants.

Conformément à leur engagement de faire leur affaire personnelle des litiges prud'homaux et d'assumer seuls toute somme de quelque nature que ce soit relative à ces litiges, les cédants doivent être condamnés à verser à la société L'Hacienda le montant des condamnations prononcées à son encontre au profit des salariés, par les jugements du conseil de prud'hommes de Marseille du 23 mai 2017 et les arrêts de la cour d'appel du 17 janvier 2020, et doivent également supporter les conséquences des procédures que la société L'Hacienda a été contrainte d'engager devant le juge de l'exécution et devant le premier président de la cour d'appel, directement liées à l'inexécution, par les cédants, de leur engagement à son égard.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société CIC développement et M. [T] [C] à payer à la SAS L'Hacienda la somme de 59714,56 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017.

Il est stipulé en page 7 de la convention de garantie d'actif et de passif que les garanties 'sont directement liées à une prise de participation majoritaire dans le capital de la société L'Hacienda et donc à un changement de contrôle de la société L'Hacienda, de telle sorte que son caractère commercial n'est pas et ne peut être contesté.'

C'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé une condamnation solidaire entre la société CIC développement et M. [C], considérant que bien que n'ayant pas la qualité de commerçant, ce dernier était intervenu à la cession d'un bloc de contrôle de la société, à la fois en qualité de cédant d'une part détenue directement et en qualité de gérant et d'associé de la société CIC développement détenant les 7999 autres parts, ce qui conférait un caractère commercial à l'opération, y compris à son égard, de sorte que la solidarité entre les co-cédants était présumée.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

S'agissant de la disposition du jugement déboutant la société [X] de sa demande de réparation d'un préjudice, critiquée par les intimées, il ressort de l'exposé des prétentions des parties figurant au jugement que la société L'Hacienda et la société [X] ont présenté chacune distinctement, à titre principal et sur des fondements différents, une demande de condamnation de la société CIC développement et de M. [C] à payer à la société L'Hacienda la somme de 59714,56 euros.

En l'état de cette présentation maladroite du dispositif des conclusions des demanderesses, tendant à une double condamnation des défenderesses pour la même cause, le tribunal ayant fait droit à la demande présentée par la société L'Hacienda, ne pouvait que rejeter la demande concurrente formée par la société [X] aux mêmes fins.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il ressort de la lecture des arrêts rendus par la cour d'appel le 17 janvier 2020, qui comportent notamment un exposé récapitulatif de la procédure, que M. [C] et la société CIC développement ont mis en oeuvre, dans la conduite du procès, des moyens dilatoires pour retarder le jugement au fond des affaires introduites par les salariés 14 ans plus tôt.

Il apparaît ainsi que se présentant faussement comme le gérant de la SARL L'Hacienda, alors que la société avait été cédée deux ans plus tôt, qu'elle avait changé de forme et qu'il n'y exerçait plus aucun mandat, et s'étant fait élire au conseil de prud'hommes de Martigues, M. [C] a déposé le 19 février 2013 une requête en suspicion légitime contre cette juridiction, à laquelle la cour d'appel a fait droit par arrêt du 5 septembre 2013 renvoyant l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Marseille.

La société CIC développement, qui avait déclaré intervenir aux lieu et place de la SARL L'Hacienda, a fait appel du jugement rendu par la juridiction de renvoi le 2 septembre 2014 qui constatait sa compétence et renvoyait l'affaire devant le bureau de jugement sans trancher aucun litige.

Outre le retard apporté au traitement de l'affaire jusqu'à l'arrêt du 18 décembre 2015, le recours exercé par la société CIC développement a conduit la cour à prononcer une condamnation à dommages et intérêts pour appel abusif au profit de chacun des salariés.

D'autre part, alors qu'elle déclarait en 2014 intervenir volontairement aux lieu et place de la SARL L'Hacienda, la société CIC développement va prétendre à compter d'août 2016 se désister de son intervention volontaire et solliciter sa mise hors de cause, invoquant le fait que la SARL L'Hacienda n'aurait plus eu d'existence légale depuis 2010 et que la SAS L'Hacienda n'aurait jamais été mise en cause.

L'attitude procédurale de la société CIC développement et de M. [C], rappelée dans les arrêts du 17 septembre 2020, a conduit la cour à considérer que l'employeur était de mauvaise foi et à condamner la société L'Hacienda à des dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

Alors qu'ils se désengageaient de la procédure prud'homale, la société CIC développement et M. [C] n'ont communiqué aux sociétés L'Hacienda et [X] aucune information sur son déroulement ni aucune pièce permettant aux intimées d'assurer efficacement la défense de l'employeur.

La société CIC développement et M. [C] ont de plus laissé sans aucune réponse les différents courriers adressés les 16 juin, 21 juillet, 2 octobre 2017 par le conseil de la société L'Hacienda pour les inviter à honorer leur engagement et les interroger sur leurs intentions.

Persistant dans leur inertie, la société CIC développement et M. [C] ont exposé la société L'Hacienda à l'exécution des jugements prud'homaux et à la saisie de ses comptes bancaires, la contraignant à saisir le juge de l'exécution et le premier président de la cour statuant en référé, ces procédures se soldant toutefois par de nouvelles condamnations à dommages et intérêts.

C'est en conséquence à juste titre que, relevant ces comportements fautifs et les préjudices en résultant pour la SAS L'Hacienda, les premiers juges ont condamné la société CIC développement et M. [C] à payer à la SAS L'Hacienda la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Parties succombantes en appel, la société CIC développement et M. [C] seront condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant,

Condamne M. [T] [C] et la société CIC développement in solidum à payer à SAS L'Hacienda la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [C] et la société CIC développement in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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