CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 3 septembre 2025, n° 25/02812
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02812 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKZ3B
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2025 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2024030893
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. ARGOS en la personne de [C] [T] ès qualités de mandataire judiciaire et liquidateur de la S.A.R.L. AAA IMMO LAND
[Adresse 2]
[Localité 13]
Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le n° 879 323 475
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée par Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079
INTIMÉE
S.C.I. 259 DAUMESNIL représentée par sa gérante domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 12]
Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le n° 437 734 023
Représentée par Me Laurent FELDMAN de la SELEURL CABINET LAURENT FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1388
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère pour la présidente empêchée, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SARL AAA Immo'land, créée en février 1999 et dirigée par Mme [S] [Z] épouse [F], associée unique depuis 2006, exerçait une activité d'agence immobilière exploitée au [Adresse 7] à [Adresse 15] [Localité 1].
Suivant procès-verbal d'assemblée générale du 2 novembre 2020, le siège social de la société AAA Immo'land a été transféré au [Adresse 7] à [Localité 17].
Le local du [Adresse 3] est la propriété de la SCI [Adresse 8], laquelle a également pour gérante Mme [S] [Z] qui détient l'intégralité des parts composant son capital social.
Les SARL AAA Immo'land et la SCI [Adresse 8] ont conclu un bail commercial le 1er juillet 2018 comprenant un loyer annuel de 50 400 euros hors taxes, qui stipule qu'en cas de retard de paiement des loyers, et un mois après un commandement resté sans effet, les impayés emporteront intérêt au taux prévu au chapitre « clause pénale ».
Par jugement du 7 décembre 2022, suivant déclaration de cessation de paiements régularisée par Mme [Z], le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL AAA Immo'land et a fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2022.
Par acte du 13 mai 2024, la SELARL Argos, prise en la personne de Me [T], mandataire judiciaire désigné dans la procédure précitée, a formé une demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société AAA Immo'land à la SCI [Adresse 8], laquelle demande a été rejetée par jugement du 23 janvier 2025 rendu par le tribunal des activités économiques de Paris.
Par déclaration du 31 janvier 2025, la SELARL Argos a relevé appel du jugement, intimant la SCI [Adresse 8].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2025, la SELARL Argos, en la personne de Me [C] [T] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA Immo'land, demande à la cour - au visa des L. 621-2 al.2 et L. 641-1 I du code de commerce, de :
Infirmer le jugement en ce qu'il :
o L'a déboutée de sa demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la SCI [Adresse 8],
o L'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
o A dit que les dépens du présent jugement seront portés en frais de liquidation judiciaire ;
Statuant à nouveau :
La dire tant recevable que bien fondée en ses demandes ;
Constater le caractère anormal des relations financières entre la SARLAAA Immo'Land (RCS [Localité 16] 421 649 237) et la SCI [Adresse 8] ;
Prononcer l'extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL AAA Immo'Land (RG n°2022056736) à la SCI 259 [Adresse 14] (RCS Paris 437 734 023) ;
Déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la SCI Daumesnil le 11 juin 2025 ;
Condamner la SCI [Adresse 11] aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2025, la SCI [Adresse 4] demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamner Me [T] à lui verser la somme de 1225 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'irrecevabilité de la SELARL Argos des conclusions du 11 juin 2025
La SELARL Argos, en la personne de Me [C] [T] - ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA Immo'land, soulève, au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des conclusions de la SCI [Adresse 8], aux motifs que sur sa constitution et sur ses conclusions, l'intimée persiste à se domicilier au [Adresse 10], alors qu'elle est inconnue à cette adresse, ainsi qu'il résulte de la signification de déclaration d'appel délivrée le 10 mars 2025 selon les modalités de l'article 659 du code précité, de l'assignation délivrée le 28 avril 2025 selon le même mode et des lettres simples et recommandées retournées au commissaire de justice avec la mention « destinataire inconnu ».
La SCI [Adresse 8] ne répond pas à cette prétention.
Sur ce,
Les articles 960 et 961 du code de procédure civile disposent que :
« La constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
Cet acte indique :
a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) S'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. »
« Les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette cause d'irrecevabilité peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats. »
En l'espèce, il apparaît sur l'acte de constitution de la SCI [Adresse 8] et sur ses conclusions, que l'intimée se domicilie au [Adresse 9], à [Adresse 15] 12ème. Si le commissaire de justice a pu mentionner que cette société était inconnue à cette adresse, il ne saurait être reproché à l'intimée de ne pas avoir mentionné son adresse véritable dès lors que cette adresse figure toujours sur l'extrait Kbis de cette SCI d'une part, et que les actes de procédure, notamment l'assignation, lui sont valablement parvenus à cette adresse d'autre part.
Il en résulte que les conclusions notifiées par la SCI [Adresse 8] sont recevables, de sorte que la fin de non-recevoir opposée par la société AAA Immo'Land sera dès lors rejetée.
Sur la demande d'extension de procédure
La SELARL Argos, en la personne de Me [C] [T] - ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA Immo'land, poursuivant l'infirmation du jugement de ce chef, énonce que la confusion des patrimoines est établie en présence de relations financières anormales entre les personnes parties à la confusion ; qu'en l'espèce, le non-paiement des loyers par le locataire depuis 2019, sur une période significative, et l'absence de démarche de la SCI pour récupérer les loyers impayés sur la société d'exploitation et pour obtenir la résiliation du bail, caractérise la confusion des patrimoines, étant observé que les deux entités étaient dirigées par Mme [S] [F]. Elle ajoute que les éléments constatés dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire et justifiant une extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la société AAA Immo'Land à la SCI [Adresse 8] ne sont ni isolés, ni ponctuels.
La SCI [Adresse 8], au rappel de l'article 1832 du code civil protégeant le principe de séparation des patrimoines, énonce qu'une extension injustifiée de liquidation judiciaire causerait un appauvrissement grave de ses créanciers ; que la demande d'extension ne peut être recevable qu'en présence d'une confusion avérée des patrimoines ou de la fictivité de l'une des deux personnes morales ; et que l'absence de réclamation des loyers ne suffit pas à elle-seule à caractériser l'anormalité des relations financières si des actes manifestement irréguliers ne sont pas constatés. Elle souligne qu'en l'espèce, aucune preuve de confusion ou d'irrégularité n'est rapportée, alors que des loyers ont été régulièrement payés pendant quatre ans. Elle ajoute que l'ouverture d'une extension serait défavorable aux créanciers de la société AAA Immo'Land qui se verraient privés de leurs droits sur les actifs au profit des créanciers de la SCI, notamment les créanciers hypothécaires.
Sur ce,
En application de l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce, A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.
Il est de principe que la confusion des patrimoines est établie en présence de relations financières anormales entre les personnes parties à la confusion et qu'il n'est pas nécessaire pour le demandeur à l'extension de démontrer que lesdites relations ont augmenté le passif du débiteur au préjudice des créanciers de ce débiteur.
Ainsi, pour caractériser des relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines, l'existence d'un loyer trop élevé et une abstention prolongée du bailleur à le recouvrer associée à l'absence de démarche pour obtenir la résiliation du bail étant SONT des éléments suffisants.
En l'espèce, par jugement du 7 décembre 2022, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL AAA Immo'Land, fixant la date de cessation des paiements au 30 novembre 2022.
Cette société avait pour gérant Mme [S] [F], laquelle en était également associée unique. La SARL AAA Immo'Land exploitait une activité d'agence immobilière, de transaction immobilière et de locations immobilières dans un local situé [Adresse 6] appartenant à la SCI [Adresse 8], également dirigée par Mme [S] [F].
Dans ce cadre, les sociétés SARL AAA Immo'Land et SCI [Adresse 8] ont notamment conclu un contrat de bail commercial le 1er juillet 2018, avec une prise d'effet à compter de cette même date, comprenant un loyer annuel de 50 400 euros HT, ledit bail stipulant expressément qu'en « cas de retard dans le paiement des loyers, et un mois après un commandement resté sans effet, les impayés emporteront de plein droit intérêt au taux indiqué ci-après au chapitre « Clause pénale ' Clause résolutoire ».
Dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, la SCI [Adresse 8] a déclaré une créance d'un montant de 210 004 euros dont 16 317 euros à échoir au titre des loyers dus par la SARL AAA Immo'Land à son bailleur.
Il est établi, à cet égard, que depuis 2019, la SARL AAA Immo'Land ne payait que très partiellement son loyer, voire ne le payait pas, de sorte que cette dernière est effectivement débitrice de la somme de 210 004 euros à l'encontre de la SCI [Adresse 8].
Il est par ailleurs relevé que, Mme [F] n'a pas mentionné la dette due à la bailleresse dans le cadre de la déclaration de cessation des paiements régularisée pour le compte de la SARL AAA Immo'Land et le bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2021 fait état d'un passif « fournisseurs » s'élevant à un montant de 66 958 euros alors qu'il résulte de la déclaration de créances de la bailleresse que la créance de cette dernière s'élevait à cette même date à un montant de 140 416 euros.
Il en résulte qu'aucune démarche n'a été initiée par la SCI 259 Daumesnil, ni pour réclamer les loyers impayés par la SARL AAA Immo'Land, ni pour obtenir la résiliation du bail, en ce qu'il n'était justifié d'aucun envoi de mise en demeure et d'aucune délivrance de commandement à payer visant la clause résolutoire prévue au bail, démontrant l'inertie de la SCI 259 Daumesnil, étant observé que l'identité de gérants entre les deux sociétés n'a pu que faciliter l'absence de toutes conséquences juridique tirée du défaut récurrent de paiement de loyer.
Il s'ensuit que la relation financière anormale entre les sociétés AAA Immo'Land et [Adresse 8] est caractérisée, l'inertie du bailleur ayant permis à son locataire de poursuivre une activité déficitaire et l'ayant privée de ses ressources pour le bailleur.
La demande d'extension de la procédure collective de la société AAA Immo'Land à la société 259 [Adresse 14] a pour objet de répondre à l'intérêt collectif des créanciers de la société AAA Immo'Land et permet de sanctionner l'appauvrissement de la société placée en liquidation judiciaire en rétablissant le gage des créanciers, lequel appauvrissement est établi.
Par conséquent, c'est à tort que le tribunal des activités économiques a considéré que la seule inaction de la SCI [Adresse 8] en recouvrement des loyers ne permettait pas de démontrer l'existence d'une confusion des patrimoines entre les deux entités liées pour rejeter la demande d'extension de la SELARL Argos ès qualités.
Aussi, convient-il d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de prononcer l'extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL AAA Immo'Land à la SCI [Adresse 8].
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens. Les dépens d'appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société AAA Immo'Land ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;
Y ajoutant,
Prononce l'extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL AAA Immo'Land à la SCI [Adresse 8] ;
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE CONSEILLÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02812 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKZ3B
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2025 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2024030893
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. ARGOS en la personne de [C] [T] ès qualités de mandataire judiciaire et liquidateur de la S.A.R.L. AAA IMMO LAND
[Adresse 2]
[Localité 13]
Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le n° 879 323 475
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée par Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079
INTIMÉE
S.C.I. 259 DAUMESNIL représentée par sa gérante domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 12]
Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le n° 437 734 023
Représentée par Me Laurent FELDMAN de la SELEURL CABINET LAURENT FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1388
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère pour la présidente empêchée, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SARL AAA Immo'land, créée en février 1999 et dirigée par Mme [S] [Z] épouse [F], associée unique depuis 2006, exerçait une activité d'agence immobilière exploitée au [Adresse 7] à [Adresse 15] [Localité 1].
Suivant procès-verbal d'assemblée générale du 2 novembre 2020, le siège social de la société AAA Immo'land a été transféré au [Adresse 7] à [Localité 17].
Le local du [Adresse 3] est la propriété de la SCI [Adresse 8], laquelle a également pour gérante Mme [S] [Z] qui détient l'intégralité des parts composant son capital social.
Les SARL AAA Immo'land et la SCI [Adresse 8] ont conclu un bail commercial le 1er juillet 2018 comprenant un loyer annuel de 50 400 euros hors taxes, qui stipule qu'en cas de retard de paiement des loyers, et un mois après un commandement resté sans effet, les impayés emporteront intérêt au taux prévu au chapitre « clause pénale ».
Par jugement du 7 décembre 2022, suivant déclaration de cessation de paiements régularisée par Mme [Z], le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL AAA Immo'land et a fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2022.
Par acte du 13 mai 2024, la SELARL Argos, prise en la personne de Me [T], mandataire judiciaire désigné dans la procédure précitée, a formé une demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société AAA Immo'land à la SCI [Adresse 8], laquelle demande a été rejetée par jugement du 23 janvier 2025 rendu par le tribunal des activités économiques de Paris.
Par déclaration du 31 janvier 2025, la SELARL Argos a relevé appel du jugement, intimant la SCI [Adresse 8].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2025, la SELARL Argos, en la personne de Me [C] [T] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA Immo'land, demande à la cour - au visa des L. 621-2 al.2 et L. 641-1 I du code de commerce, de :
Infirmer le jugement en ce qu'il :
o L'a déboutée de sa demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la SCI [Adresse 8],
o L'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
o A dit que les dépens du présent jugement seront portés en frais de liquidation judiciaire ;
Statuant à nouveau :
La dire tant recevable que bien fondée en ses demandes ;
Constater le caractère anormal des relations financières entre la SARLAAA Immo'Land (RCS [Localité 16] 421 649 237) et la SCI [Adresse 8] ;
Prononcer l'extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL AAA Immo'Land (RG n°2022056736) à la SCI 259 [Adresse 14] (RCS Paris 437 734 023) ;
Déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la SCI Daumesnil le 11 juin 2025 ;
Condamner la SCI [Adresse 11] aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2025, la SCI [Adresse 4] demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamner Me [T] à lui verser la somme de 1225 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'irrecevabilité de la SELARL Argos des conclusions du 11 juin 2025
La SELARL Argos, en la personne de Me [C] [T] - ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA Immo'land, soulève, au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des conclusions de la SCI [Adresse 8], aux motifs que sur sa constitution et sur ses conclusions, l'intimée persiste à se domicilier au [Adresse 10], alors qu'elle est inconnue à cette adresse, ainsi qu'il résulte de la signification de déclaration d'appel délivrée le 10 mars 2025 selon les modalités de l'article 659 du code précité, de l'assignation délivrée le 28 avril 2025 selon le même mode et des lettres simples et recommandées retournées au commissaire de justice avec la mention « destinataire inconnu ».
La SCI [Adresse 8] ne répond pas à cette prétention.
Sur ce,
Les articles 960 et 961 du code de procédure civile disposent que :
« La constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
Cet acte indique :
a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) S'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. »
« Les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette cause d'irrecevabilité peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats. »
En l'espèce, il apparaît sur l'acte de constitution de la SCI [Adresse 8] et sur ses conclusions, que l'intimée se domicilie au [Adresse 9], à [Adresse 15] 12ème. Si le commissaire de justice a pu mentionner que cette société était inconnue à cette adresse, il ne saurait être reproché à l'intimée de ne pas avoir mentionné son adresse véritable dès lors que cette adresse figure toujours sur l'extrait Kbis de cette SCI d'une part, et que les actes de procédure, notamment l'assignation, lui sont valablement parvenus à cette adresse d'autre part.
Il en résulte que les conclusions notifiées par la SCI [Adresse 8] sont recevables, de sorte que la fin de non-recevoir opposée par la société AAA Immo'Land sera dès lors rejetée.
Sur la demande d'extension de procédure
La SELARL Argos, en la personne de Me [C] [T] - ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA Immo'land, poursuivant l'infirmation du jugement de ce chef, énonce que la confusion des patrimoines est établie en présence de relations financières anormales entre les personnes parties à la confusion ; qu'en l'espèce, le non-paiement des loyers par le locataire depuis 2019, sur une période significative, et l'absence de démarche de la SCI pour récupérer les loyers impayés sur la société d'exploitation et pour obtenir la résiliation du bail, caractérise la confusion des patrimoines, étant observé que les deux entités étaient dirigées par Mme [S] [F]. Elle ajoute que les éléments constatés dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire et justifiant une extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la société AAA Immo'Land à la SCI [Adresse 8] ne sont ni isolés, ni ponctuels.
La SCI [Adresse 8], au rappel de l'article 1832 du code civil protégeant le principe de séparation des patrimoines, énonce qu'une extension injustifiée de liquidation judiciaire causerait un appauvrissement grave de ses créanciers ; que la demande d'extension ne peut être recevable qu'en présence d'une confusion avérée des patrimoines ou de la fictivité de l'une des deux personnes morales ; et que l'absence de réclamation des loyers ne suffit pas à elle-seule à caractériser l'anormalité des relations financières si des actes manifestement irréguliers ne sont pas constatés. Elle souligne qu'en l'espèce, aucune preuve de confusion ou d'irrégularité n'est rapportée, alors que des loyers ont été régulièrement payés pendant quatre ans. Elle ajoute que l'ouverture d'une extension serait défavorable aux créanciers de la société AAA Immo'Land qui se verraient privés de leurs droits sur les actifs au profit des créanciers de la SCI, notamment les créanciers hypothécaires.
Sur ce,
En application de l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce, A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.
Il est de principe que la confusion des patrimoines est établie en présence de relations financières anormales entre les personnes parties à la confusion et qu'il n'est pas nécessaire pour le demandeur à l'extension de démontrer que lesdites relations ont augmenté le passif du débiteur au préjudice des créanciers de ce débiteur.
Ainsi, pour caractériser des relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines, l'existence d'un loyer trop élevé et une abstention prolongée du bailleur à le recouvrer associée à l'absence de démarche pour obtenir la résiliation du bail étant SONT des éléments suffisants.
En l'espèce, par jugement du 7 décembre 2022, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL AAA Immo'Land, fixant la date de cessation des paiements au 30 novembre 2022.
Cette société avait pour gérant Mme [S] [F], laquelle en était également associée unique. La SARL AAA Immo'Land exploitait une activité d'agence immobilière, de transaction immobilière et de locations immobilières dans un local situé [Adresse 6] appartenant à la SCI [Adresse 8], également dirigée par Mme [S] [F].
Dans ce cadre, les sociétés SARL AAA Immo'Land et SCI [Adresse 8] ont notamment conclu un contrat de bail commercial le 1er juillet 2018, avec une prise d'effet à compter de cette même date, comprenant un loyer annuel de 50 400 euros HT, ledit bail stipulant expressément qu'en « cas de retard dans le paiement des loyers, et un mois après un commandement resté sans effet, les impayés emporteront de plein droit intérêt au taux indiqué ci-après au chapitre « Clause pénale ' Clause résolutoire ».
Dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, la SCI [Adresse 8] a déclaré une créance d'un montant de 210 004 euros dont 16 317 euros à échoir au titre des loyers dus par la SARL AAA Immo'Land à son bailleur.
Il est établi, à cet égard, que depuis 2019, la SARL AAA Immo'Land ne payait que très partiellement son loyer, voire ne le payait pas, de sorte que cette dernière est effectivement débitrice de la somme de 210 004 euros à l'encontre de la SCI [Adresse 8].
Il est par ailleurs relevé que, Mme [F] n'a pas mentionné la dette due à la bailleresse dans le cadre de la déclaration de cessation des paiements régularisée pour le compte de la SARL AAA Immo'Land et le bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2021 fait état d'un passif « fournisseurs » s'élevant à un montant de 66 958 euros alors qu'il résulte de la déclaration de créances de la bailleresse que la créance de cette dernière s'élevait à cette même date à un montant de 140 416 euros.
Il en résulte qu'aucune démarche n'a été initiée par la SCI 259 Daumesnil, ni pour réclamer les loyers impayés par la SARL AAA Immo'Land, ni pour obtenir la résiliation du bail, en ce qu'il n'était justifié d'aucun envoi de mise en demeure et d'aucune délivrance de commandement à payer visant la clause résolutoire prévue au bail, démontrant l'inertie de la SCI 259 Daumesnil, étant observé que l'identité de gérants entre les deux sociétés n'a pu que faciliter l'absence de toutes conséquences juridique tirée du défaut récurrent de paiement de loyer.
Il s'ensuit que la relation financière anormale entre les sociétés AAA Immo'Land et [Adresse 8] est caractérisée, l'inertie du bailleur ayant permis à son locataire de poursuivre une activité déficitaire et l'ayant privée de ses ressources pour le bailleur.
La demande d'extension de la procédure collective de la société AAA Immo'Land à la société 259 [Adresse 14] a pour objet de répondre à l'intérêt collectif des créanciers de la société AAA Immo'Land et permet de sanctionner l'appauvrissement de la société placée en liquidation judiciaire en rétablissant le gage des créanciers, lequel appauvrissement est établi.
Par conséquent, c'est à tort que le tribunal des activités économiques a considéré que la seule inaction de la SCI [Adresse 8] en recouvrement des loyers ne permettait pas de démontrer l'existence d'une confusion des patrimoines entre les deux entités liées pour rejeter la demande d'extension de la SELARL Argos ès qualités.
Aussi, convient-il d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de prononcer l'extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL AAA Immo'Land à la SCI [Adresse 8].
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens. Les dépens d'appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société AAA Immo'Land ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;
Y ajoutant,
Prononce l'extension de la liquidation judiciaire simplifiée de la SARL AAA Immo'Land à la SCI [Adresse 8] ;
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE CONSEILLÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE