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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 3 septembre 2025, n° 24/05312

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/05312

3 septembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 SEPTEMBRE 2025

N° RG 24/05312 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OBWK

S.C.P. [8]

c/

S.C.I. [7]

S.A.R.L. [5]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié aux parties par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2024 (R.G. 2024L422) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 06 décembre 2024

APPELANTE :

S.C.P. [8], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [5], domiciliée en cette qualité [Adresse 1]

Représentée par Maître Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.C.I. [7], inscrite au RCS de Bordeaux sous le numéro 823 126 693, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

S.A.R.L. [5], représentée pour l'exercice de ses droits propres par Monsieur [O] [M], inscrite au RCS de Bordeaux sous le numéro [Numéro identifiant 4], ayant son siège social sis [Adresse 2]

Représentées par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. La société à responsabilité limitée [5], dont l'associé unique et le gérant était Monsieur [O] [M], exerçait une activité de boulangerie, pâtisserie et traiteur au sein d'un local commercial situé [Adresse 2] (Gironde).

La société civile immobilière [7], dont Monsieur [O] [M] est également gérant et associé majoritaire à concurrence de 99 %, a pour activité l'acquisition, l'administration, la vente et l'exploitation de tous immeubles.

Par contrat conclu le 8 février 2017, la société [7] a donné à bail à la société [5] le local commercial situé au [Localité 6], d'une surface de 436 m² environ, au prix de 3.050 euros hors charges et taxes.

Par jugement du 13 septembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [5] et désigné la société [8] en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 15 février 2023.

2. Par assignation délivrée le 9 février 2024 à la société [5] d'une part et à la société [7] d'autre part, la société [8] es qualités a engagé une action en extension de la procédure de liquidation judiciaire de la première à la seconde.

Par jugement du 27 novembre 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a débouté la société [8] es qualités de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société [7] une somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Par déclaration au greffe du 6 décembre 2024, la SCP [8] ès qualités a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la SCI [7] et la SARL [5].

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

3. Par dernières écritures notifiées le 5 février 2025, la société [8] ès qualités demande à la cour de :

Vu les articles L.641-1 et L.621-2 du code de commerce

- Déclarer la SCP [8], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [5] recevable et bien fondée en ses demandes,

- Réformer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau

- Constater la confusion des patrimoines des sociétés [5] et [7].

En conséquence,

- Ordonner l'extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre

de la Société [5] à la Société [7] ;

- Nommer la SCP [8] ès-qualités de liquidateur de la société [7] ;

- Condamner la société [7] à payer à la SCP [8] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [5] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outres les entiers dépens, y compris ceux de première instance.

4. Par dernières écritures notifiées le 13 février 2025, la société [7] et la société [5] demandent à la cour de :

Vu les articles L.641-1 et L.621-2 du code de commerce

- Déclarer la SCP [8] en qualité de liquidateur judiciaire de la société [5], mal fondée en son appel,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 27 novembre 2024 en toutes ses dispositions,

- Condamner la SCP [8], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [5] à payer à la société [7] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

5. Par avis du 20 février 2025, le Ministère public s'est déclaré favorable à la recevabilité de l'appel et sur le fond et a requis l'infirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a constaté l'absence de relations financières anormales entre la SARL [5] et la SCI [7] dont le gérant commun est M. [M] et en ce qu'il a rejeté la confusion du patrimoine sollicitée par le liquidateur judiciaire.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

6. Au visa de l'article L.621-2 du code de commerce, la société [8], en sa qualité de liquidateur de la société [5], fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande tendant à l'extension de la procédure collective de la société [5] à la société civile immobilière [7].

L'appelante indique qu'il est de principe que des relations financières anormales entre deux personnes (dont la personne morale en procédure collective) sont caractérisées par la réunion de trois conditions : un mélange patrimonial, un déséquilibre patrimonial tenant à une absence de contrepartie, un caractère anormal des relations financières qui tiennent soit au fait que ces relations ne peuvent se rattacher à aucune obligation juridique soit au fait que ces relations sont dépourvues d'intérêt pour l'appauvri.

La société [8] es qualités rappelle que Monsieur [O] [M] est à la fois gérant de la société [5] et de la société [7].

Elle fait valoir que la société [7], bailleur de la société [5], n'a pas respecté les termes de la clause résolutoire du bail alors pourtant que sa locataire ne payait plus ses loyers depuis le mois de décembre 2022 ; qu'elle lui a en effet adressé le 31 mars 2023 une lettre simple de mise en demeure et résiliation amiable du bail avec la proposition de conclure un bail dérogatoire d'une durée de 7 mois dont les loyers étaient payables à l'avance dans leur totalité.

L'appelante observe que la société Boulangerie était en période suspecte puisque la date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal au 15 février 2023 ; qu'elle a pourtant intégralement réglé les loyers dus puis a réglé les loyers prévus par le bail dérogatoire signé le 1er avril 2023 ; que ce flux financier a été réalisé au détriment des autres créanciers de la société mais au bénéfice du bailleur qui pouvait ainsi continuer à régler les échéances de l'emprunt destiné à l'acquisition du local commercial donné à bail.

La société [8] es qualités soutient que le principe de paiement global des loyers du bail dérogatoire caractérise un contrat manifestement déséquilibré, ce aux dépens de la société locataire, et établit la confusion des patrimoines des deux sociétés.

L'appelante indique enfin que les sociétés [7] et [5] ne peuvent se prévaloir du fait qu'en période suspecte d'autres créanciers de la société [5] ont également été payés ; qu'il n'appartient pas à une société en état de cessation des paiements de procéder à la répartition des créanciers, mais bien au liquidateur judiciaire en se fondant non pas sur des critères empiriques mais sur le rang des créanciers tel que défini aux articles L.643-8 et suivants

du code de commerce.

7. Les sociétés [5] et [7] répondent qu'elles ont une existence réelle et différenciée et qu'il n'existe aucune confusion de patrimoine entre ces deux sociétés parfaitement distinctes.

Les intimées soutiennent qu'elles étaient parfaitement libres de conventionnellement disposer du bail conclu entre elles, sous réserve du respect des dispositions légales applicables ; qu'il n'existait aucune gratuité à la mise à disposition des locaux mais faisaient au contraire l'objet d'un loyer sérieux et d'un suivi sur leur règlement.

Les sociétés [5] et [7] indiquent que la première a, le 13 mars 2023, fait vendre aux enchères publiques son matériel professionnel, ce qui a permis de récupérer un produit net d'un montant de 57.747,52 euros TTC affecté au remboursement des créanciers de la société et plus particulièrement de ses fournisseurs ; que l'activité de boulangerie n'était certes plus exercée mais que Monsieur [M] déployait ses meilleurs efforts pour engager une transition et relancer la société au plus vite, ce qui démontre sa parfaite bonne foi ; que celui-ci reste d'ailleurs lui-même créancier de la société [5] puisque son compte courant y est créditeur de 18.326 euros, somme qu'il n'a jamais réclamée pour ne pas mettre davantage en difficulté la société.

En ce qui concerne le bail dérogatoire, les intimées expliquent que sa durée très courte a été fixée pour plusieurs raisons d'ordre stratégique et économique : il s'agissait de laisser un temps de rebond à la société exploitante pour modifier son activité en cherchant un associé investisseur, tout en limitant la charge d'un tel poste, les 7 mois de loyers correspondant à la trésorerie maximum disponible pouvant être affectée au bail.

Les sociétés [5] et [7] ajoutent que le tribunal de commerce a fixé une date de cessation des paiements qui coïncidait avec la date de cessation de l'activité de boulangerie mais que, dans les faits, la société [5] n'était pas en état de cessation des paiements puisqu'elle disposait au 31 mars 2023 de plus de 55.000 euros sur son compte bancaire.

Les intimées concluent qu'une décision d'extension de la procédure n'apporterait aucun élément d'actif satisfaisant pour la liquidation de la société [5] ; qu'en effet M. [M] a diligenté une estimation de la société [7] dont il ressort que sa valeur est négative puisqu'elle est endettée à hauteur d'environ 95.000 euros.

Sur ce,

8. L'article 621-2 alinéa 2 du code de commerce dispose :

« A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.»

Ce texte est applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L. 641-1 du même code.

Il est constant en droit que, par application de ces dispositions, seuls des faits antérieurs à l'ouverture de la procédure peuvent justifier son extension ; qu'en ce qui concerne les faits susceptibles d'être retenus pour caractériser la confusion des patrimoines, ne sont pas suffisants le défaut de paiement du loyer, la proximité, la communauté d'intérêts, l'identité des dirigeants s'ils sont invoqués isolément.

Il est par ailleurs de principe que les relations financières anormales peuvent résulter d'un ensemble d'indices concordants.

9. En l'espèce, il doit être observé que la société [5] et la société [7] sont l'une et l'autre gérées par Monsieur [O] [M] ; que celui-ci a déposé le 29 août 2023 une déclaration d'état de cessation des paiements à la date du 25 août précédent et une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société [5] ; que cette demande précise que la société a cessé son activité le 13 février 2023 et précise page suivante 'aucune activité', ce qui a été confirmé par M. [M] lors de l'audience du 13 septembre 2023 au cours de laquelle cette demande a été examinée, l'expression retenue par le tribunal étant que 'toute activité' avait cessé, de sorte que les intimées ne peuvent soutenir devant la cour que seule l'activité de boulangerie avait cessé ; que c'est d'ailleurs ce qui a conduit le tribunal de commerce à fixer la date de cessation des paiements non au 25 août 2023 comme déclaré par le représentant légal de la société mais au 15 février 2023.

Il en résulte que la période suspecte au sens des articles L.631-8 et L.632-1 du code de commerce est en l'espèce du 15 février au 13 septembre 2023, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société [5].

10. Pendant cette période, la société n'avait plus aucune activité, ne disposait plus de son matériel professionnel puisqu'il avait été vendu aux enchères publiques le 13 mars 2023 ; elle ne dégageait donc aucun revenu.

Elle était alors notamment débitrice de plusieurs mois de loyers ainsi que des mensualités liées au remboursement de deux Prêts Garantis par l'Etat consentis à concurrence de 114.312 euros et de 24.000 euros ; son agence bancaire l'alertait par ailleurs chaque mois depuis le mois de décembre 2022 (date des premiers relevés bancaires versés à son dossier par la société [5]) de ce que le Prêt Garanti par l'Etat souscrit en juin 2022 arrivait à échéance en juin 2023 et était susceptible d'être remboursé en totalité à l'échéance par le débit du compte.

11. Or le 31 mars 2023, la société [7] a adressé à sa locataire une lettre simple par laquelle la société [5] est mise en demeure de régler les loyers dus depuis le mois de décembre 2022 dans le délai d'un mois, est informée de la résiliation 'de plein droit' du bail et invitée à signer un bail dérogatoire pour une période de location du 1er avril au 31 octobre 2023, dont un exemplaire est joint à la lettre.

Il apparaît que ce bail dérogatoire, dûment signé par la société [5], comporte notamment la stipulation suivante :

Article IV : 1. Montant et paiement du loyer :

« La présente location est consentie et acceptée moyennant un loyer total de 24.028,30 euros. Le preneur s'engage à avoir versé l'intégralité de ce loyer au plus tard trois mois avant la fin du bail dérogatoire. Si, pour quelque motif que ce soit, le preneur devait libérer le local avant la date prévue de fin de bail, l'intégralité des sommes versées sera conservée par le bailleur. Le preneur ou son représentant quel qu'il soit ne pourra sous aucun motif prétendre au remboursement de quelque somme que ce soit sous quelque forme que ce soit (...)»

Par ailleurs, l'article VIII de ce bail dérogatoire prévoit une clause d'accession en fin de bail sans indemnité pour le preneur.

Enfin, l'article XIII du bail du 1er avril 2023 énonce : « Le présent bail dérogatoire prendra automatiquement fin le 31 octobre 2023 sans pouvoir être renouvelé pour quelque motif que ce soit.»

12. Il résulte de l'examen des pièces produites par les parties que la société [5] a procédé à 6 virements bancaires de 3.050 euros le 30 avril 2024 au bénéfice de la société [7] au titre des loyers dus de décembre 2022 à mai 2023, 1 virement de 3.879 euros au titre de la taxe foncière et 1 virement de 7.271 euros référencé 'loyer SCI'. Elle a ensuite procédé le 17 juin suivant à 2 virements bancaires d'un montant chacun de 3.050 euros au bénéfice de la société [7] au titre des loyers de juin et juillet 2023, puis à un dernier virement bancaire le 19 juillet 2023 d'un montant de 9.363 euros au titre des loyers d'août, septembre et octobre.

La société [7] s'est ainsi fait remettre d'une part la totalité des loyers dus en exécution du bail commercial et d'autre part, au plus tard le 19 juillet 2023, la totalité des loyers prévus par le bail dérogatoire devant s'achever le 31 octobre suivant, outre un paiement au titre de la taxe foncière.

13. Il est certes de principe que la résiliation amiable peut intervenir à tout moment de la vie du bail et n'est soumise à aucune forme particulière.

Toutefois, il doit être observé qu'en l'espèce la résiliation de plein droit du bail conclu le 8 février 2017 n'était pas acquise, contrairement à ce que soutient le bailleur dans le courrier du 31 mars 2023 cité supra, puisqu'aucun commandement de payer visant la clause résolutoire de l'article XIV du bail commercial n'a été délivré à la locataire.

Celle-ci pouvait donc éventuellement prétendre à une indemnité d'éviction qui n'a pourtant pas été prévue par les parties.

14. De plus, les versements de fonds par la société [5] au bénéfice de la société [7] ont été réalisés sans contrepartie.

En effet, il doit être rappelé que la société d'exploitation était depuis plusieurs semaines sans aucune activité lorsque le bail dérogatoire a été conclu. Or il s'agit d'un bail qui n'offre aucune perspective à la locataire puisqu'il est prévu une fin irrévocable au 31 octobre 2023, sans possibilité de remboursement des sommes versées par anticipation en cas de départ anticipé et avec une clause d'accession sans indemnité au profit du bailleur.

Il ne peut donc être sérieusement soutenu que le maintien artificiel de la possibilité d'occuper les locaux -vidés de tout matériel et non exploités- pendant 7 mois, cela sans garantie, constitue une contrepartie sérieuse à une série de versements réalisés pendant la période suspecte par une société en situation difficile économiquement.

Il doit à cet égard être relevé que le dernier versement, pour un montant de 9.363 euros, a été effectué alors que, deux jours plus tôt soit le 17 juillet 2023, était bloquée la somme de 6.448,24 euros au titre d'une procédure civile d'exécution, ainsi que le précise la mention du relevé bancaire afférent ; également ces versements ont été réalisés alors que l'agence bancaire de la société [5] pressait sa cliente depuis le mois de décembre 2022 de mobiliser les fonds nécessaires au remboursement d'un Prêt Garanti par l'Etat qui arrivait à échéance en juin 2023.

15. Les intimées excipent de la bonne foi de leur gérant, M. [M]. Toutefois, l'appréciation de sa bonne foi est ici indifférente puisque la loi n'exige pas que soit démontrée la mauvaise foi ou la faute de la société concernée par la procédure d'extension.

Au demeurant, il est indiqué à plusieurs reprises dans les écritures des intimées que M. [M] n'a jamais demandé le remboursement de son compte courant d'associé de la société [5], ce qui est démenti par un virement de la somme de 5.000 euros réalisé le 27 février 2023 -soit postérieurement à la date de cessation des paiements- au débit du compte de la société et au bénéfice de M. [M] sous l'intitulé 'Rbt CC associé' ; il s'agit cependant d'un remboursement partiel puisque ce compte était encore créditeur 18.326,13 euros le 18 juillet 2023 selon les termes de l'attestation de M. [X], expert-comptable de la société [5] ; il doit de plus être relevé que ce compte courant de l'associé unique de la société était d'un montant de 214.752 euros lors de l'établissement de l'exercice comptable 2021.

16. Il doit en conséquence être retenu que ces versements sans contrepartie, qui n'auraient pas été réalisés en présence de structures réellement autonomes, caractérisent des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines des intimées en ce qu'elles sont incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales d'un bailleur et d'un preneur.

17. L'appelante est donc fondée à réclamer l'extension de la procédure collective de la société [5] à la société [7]. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef, ainsi qu'en ce qu'il a condamné la société [8] es qualités à payer la somme de 1.500 euros à la société [7] en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.

18. Parties succombantes, les intimées seront condamnées à payer solidairement les dépens de première instance et d'appel et à verser à la société [8] es qualités la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant rappelé qu'il s'agit d'une créance postérieure née pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L.641-13 I du code de commerce.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 27 novembre 2024.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce l'extension à la société civile immobilière [7] de la procédure de liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée [5].

Désigne la société [8] en qualité de liquidateur judiciaire de la société [7].

Condamne les sociétés [5] et [7] à payer à la société [8] es qualités la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés [5] et [7] à payer les dépens de première instance et d'appel.

Dit que conformément aux dispositions de l'article R.661-7 du code de commerce, le greffier de la cour d'appel (chambre commerciale) transmettra dans les huit jours du prononcé du présent arrêt infirmatif une copie de celui-ci au greffier du tribunal de commerce de Bordeaux pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article R.621-8, notifiera l'arrêt aux parties et, par remise contre récépissé, au Procureur général.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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