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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 2, 2 septembre 2025, n° 24/03646

DOUAI

Ordonnance

Autre

CA Douai n° 24/03646

2 septembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ORDONNANCE DU 02/09/2025

*

* *

N° de MINUTE :

N° RG 24/03646 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VWBG

Jugement rendu le 10 juin 2024 par le juge des contentieux de la protection de [Localité 12]

DEMANDERESSE À L'INCIDENT - INTIMÉE

La SCI [Adresse 9]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 7]

représentée par Me Charlotte Desmon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉFENDEURS À L'INCIDENT - APPELANTS

Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 16] (Tunisie)

de nationalité Tunisienne

Madame [D] [Z] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 17] (Tunisie)

de nationalité Tunisienne

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentés par Me Anne-Laurence Delobel Briche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Véronique Galliot

GREFFIER : Anaïs Millescamps

DÉBATS : à l'audience du 24 juin 2025

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 02 septembre 2025

***

Par jugement en date du 10 juin 2024, le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire Lille a :

- Constaté que M. et Mme [W] sont occupants sans droit ni titre du logement situé [Adresse 11] à Lille appartenant à la SCI [Adresse 9]

- Ordonné à M. et Mme [W] de libérer le local d'habitation situé [Adresse 11] à [Localité 12] dans le respect du délai prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'éxécution et sans préjudice des articles L 412-2 et suivants du même code,

A défaut ,

- Ordonné l'expulsion de M. et Mme [W] et celle de tous occupants de leur chef, avec si nécessaire l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- Débouté la SCI [Adresse 9] de sa demande tendant à assortir ces condamnations d'une astreinte,

- Débouté la SCI [Adresse 9] de sa demande tendant à supprimer le délai prévu par l'article L 412-1 du code des procédures Civiles d'exécution,

- Rappelé s'agissant des meubles et objets mobiliers laissés dans les lieux, qu'il devra être procédé conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- Condamné in solidum M. et Mme [W] à payer une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 700 euros du 1er janvier 2017 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- Débouté M. et Mme [W] de leur demande indemnitaire pour procédure abusive,

- Débouté M. et Mme [W] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum M. et Mme [W] à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum M. et Mme [W] aux entiers dépens à l'exclusion du coût du constat d'huissier du 8 septembre 2022

- Rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 22 juillet 2024, M. et Mme [W] ont interjeté appel du jugement.

Suivant acte extra-judiciaire en date du 19 août 2024, M. et Mme [W] ont saisi le juge de l'exécution du tribunal Judiciaire de Lille pour obtenir l'octroi de délais pour quitter les lieux en application des articles L 412-3 et 4 du code des procédures civiles d'exécution.

Par jugement du 24 février 2025, le juge de l'exécution a constaté le désistement de M. et Mme [W] de leur demande de délai et l'extinction consécutive de l'instance.

Par acte de commissaire de justice du 21 janvier 2025, M. et Mme [W] ont fait assigner la SCI [Adresse 9] et Mme [A] [S] devant le juge des référés de Lille aux fins de :

- Ordonner la révocation judiciaire de Mme [A] [S] en sa qualité de gérante de la SCI [Adresse 9]

En conséquence,

Désigner tel mandataire qu'il plaira au Président ;

Donner à ce mandataire les pouvoirs les plus étendus pour « gérer et administrer la SCI [Adresse 9] conformément à la loi et aux statuts », ET NOTAMMENT,

« convoquer une assemblée générale aux fins d'approuver les comptes sociaux et le compte rendu de la gérance depuis 2014»

« représenter la SCI [Adresse 9] dans les procédures en cours à ce jour,

« régulariser les déclarations fiscales de la SCI [Adresse 9] conformément à la composition des associés et des cessions de parts intervenues »

Une fois, les comptes approuvés, les déclarations fiscales régularisées, « convoquer une assemblée générale appelée à désigner un nouveau gérant sachant que la gérante a été désignée dans les statuts.»

Dire que ce mandataire sera autorisé, pour les besoins de sa mission, à se faire assister par toute personne de son choix ;

Dire qu'il restera en fonction jusqu'à ce que les comptes soient approuvés d'une part, les déclarations fiscales régularisées d'autre part, puis enfin, jusqu'à ce qu'un nouveau gérant soit désigné

Dire que sa rémunération sera mise à la charge de Mme [A] [S] compte tenu de sa défaillance en qualité de gérante,

Engager toute procédure à l'encontre de Mme [A] [S] en cas de faute de gestion relevée,

Condamner Mme [A] [S] à la prise en charge de toutes provisions, tous frais et honoraires du Mandataire qui sera désigné par l tribunal, ainsi qu'à tous les frais qui résulteront de ses diligences, tels que publicité, modifications statutaires, inscriptions au RCS, insertion au BODACC,

Condamner Mme [A] [S] à payer à Monsieur [W] et à Madame [Z] chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance en date du 27 mai 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de révocation de Mme [A] [S] en sa qualité de gérante de la SCI [Adresse 9]

Rejeté la demande de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI [Adresse 9],

Condamné in solidum Monsieur [W] et à Madame [Z] à payer in solidum à Mme [A] [S] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamné in solidum Monsieur [W] et à Madame [Z] à payer in solidum à la SCI [Adresse 9] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamné in solidum Monsieur [W] et à Madame [Z] aux dépens.

Aux termes de ses conclusions d'incidents notifiées par RPVA le 22 janvier 2025, la SCI [Adresse 9] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 juin 2025, la SCI [Adresse 9] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles521, 524 ,73 et 74 du code de procédure civile, de :

prononcer la radiation de l'appel enregistré sous le n° RG 24/03646 ;

débouter Monsieur et Madame [W] de leurs demandes, fins et prétentions,

juger irrecevable la demande de délais de paiement,

condamner Monsieur [I] [W] à verser à la SCI [Adresse 9] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Madame [D] [W] à verser à la SCI [Adresse 9] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens de l'incident.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 juin 2025, Monsieur [I] [W] et Madame [D] [W] demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles 524 et 780 du code de procédure civile, de :

constater que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour M. et Mme [W],

constater que M. et Mme [W] sont dans l'impossibilité d'exécution la décision déférée,

en conséquence, rejeter la demande de radiation et renvoyer l'affaire en mise en état,

Si par impossible, il était fait droit aux prétentions de la SCI [Adresse 9] au titre de l'indemnité d'occupation, en ce cas, il est demandé d'accorder les plus larges délais de paiement à M. et Mme [W], compte tenu de leur situation fi nancière, sans valoir reconnaissance des sommes dues,

En tout état de cause,

Débouter la SCI [Adresse 9] de toutes ses demandes fins et conclusions,

Condamner la SCI [Adresse 9] au paiement d'une somme de 1 500 euros aux époux [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance.

MOTIVATION DE LA DECISION

1) Sur la radiation de l'appel

La SCI [Adresse 9] soutient que les appelants n'ont pas exécuté les condamnations prononcées par le jugement dont appel, à savoir :

- La restitution des clefs du logement à la SCI [Adresse 9] ;

- Le versement des condamnations sur le compte CARPA de Maître [B] malgré les deux relances officielles adressées aux deux avocats des époux [W].

Elle affirme qu'à la date effective de reprise des lieux soit au 16 avril 2025, les condamnations s'élèvent aux sommes suivantes :

- Indemnité d'occupation du 01/01/2017 au 31/03/2025 : 700 euros x 99 mois = 69 300 euros

- article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros

- Dépens : 197,34 euros sauf à parfaire avec l'état de frais actualisé à venir de l'huissier

Soit un total sauf à parfaire de 70 997,34 euros TTC.

Elle conteste le fait l'exécution de la décision frappée d'appel serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives pour les appelants aux motifs que s'ils n'ont pas confiance en la gérante de la SCI, ils peuvent consigner les sommes dues conformément à l'article 521 du code de procédure civile et qu'ils ne démontrent pas le risque invoqué d'un dépôt de dossier de surendettement de leur part. Elle fait valoir que les appelants ne démontrent pas que l'exécution du jugement entraînerait un préjudice irréparable et une situation irrémédiablement compromise en cas d'infirmation de la décision en appel puisqu'ils ne produisent pas de relevés de comptes actualisés. Elle précise que M. [W] est gérant de la Sarl Oms Bâtiments, que les époux [W] sont associés de la SCI [Adresse 5], de la SCI Samqo et M. [W] de la SAS Krm Import Export.

M. et Mme [W] soutiennent que l'exécution de la décision frappée aurait des conséquences manifestement excessives pour eux aux motifs qu'ils n'ont pas confiance en la gérante, Mme [S], de la SCI [Adresse 9] et au sort des sommes ainsi perçues ; que la décision dont appel est particulièrement contestable ; que s'ils exécutent la décision, ils devront déposer un dossier de surendettement compte tenu de leurs charges (3 enfants étudiants et eux à la retraite).

L'article 524 du code de procédure civile dispose en son alinéa 1 :

« Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. »

Il importe peu de savoir si M. Et Mme [W] on confiance ou non en la gérance de la SCI [Adresse 13], ils peuvent, conformément à l'article 521 du code de procédure civile, faire consigner les sommes dues.

Il appartient à M. et [W] de démontrer que l'exécution de la décision frappée d'appel serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu'ils sont dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Sur leur situation financière, M. et [W] justifient de :

Leur avis d'impôt sur les revenus de 2023 faisant état d'aucun revenu imposable,

Une attestation de l'assurance retraite du 13 février 2025 relative à la retraite perçue par M. [I] [W] d'un montant mensuel de 1 061,28 euros ,

deux attestations de paiement de la Caf des 13 février et 20 juin 2025 qui précise qu'aucun paiement d'allocation est versé,

Une quittance de loyer du 28 janvier 2025 d'un montant de 1 340 euros pour le paiement de deux mois de loyer, loyers perçus par la SCI Samqo,

Un certificat de scolarité pour l'année 2024/2025 pour Mme [N] [W],

Les contrats d'engagement financier auprès de la faculté de droit de l'université catholique de [Localité 12] du 8 et 20 août 2024 d'un montant respectif de 5 036 euros pour [N] et [U],

Le tableau d'amortissement du prêt immobilier de la SCI Samqo,

Le relevé de compte établi par le LW Notaires le 29 août 2024 suite à la vente de l'immeuble de la SCI [Adresse 15] : somme perçue après impôts et facture, la somme de 177 641,14 euros,

Un document daté du 15 juin 2025 signé par M. [I] [W] indiquant démissionner de la société Krm Import Export ;

L'avis d'imposition de 2025 sur les revenus de 2024 faisant été d'un revenu de 42 774 euros.

Il n'est pas justifié des relevés de comptes bancaires de M. et Mme [W] qui auraient permis de mieux appréhender la réalité de leur situation financière.

Si M. et [W] affirment qu'ils ont utilisé le prix de vente de la SCI [Adresse 14] pour payer des travaux de l'immeuble qu'ils occupent et appartenant à la SCI Samqo et pour payer les études de leurs enfants, ils ne le justifient pas. Aucun élément élément apporté aux débats ne permet de savoir sur quel compte les sommes ont été versées et comment a été utilisé cet argent.

S'agissant de la SCI Samqo, il ressort de l'extrait K-Bis que son siège social est situé au [Adresse 6], M. et Mme [W] affirment vivre dans un logement situé [Adresse 3], bien immobilier appartenant à la SCI Samqo. Il n'est produit aucun élément permettant de connaître le patrimoine immobilier de la SCI Samqo et ni aucune pièce pour connaître ses revenus locatifs alors même que M. et Mme [W] en sont les gérants et associés.

S'agissant de la société Krm Import Export, dans le document communiqué, M. [W] affirme démissionner et demande de reprendre ses actions à 1 euros. Pour autant, il justifié d'un document intitulé « composition du capital » dans lequel il est précisé que le capital est détenu à 50 % à M. [L] [E] et à 50 % à M. [T] [E]. Dès lors, ces éléments ne permettent pas d'apprécier la réalité de ses liens avec cette société et si celle-ci lui apporte des revenus.

S'agissant de la société Oms Bâtiment dont il est le gérant, M. [W] affirme qu'il en pu en tirer des revenus à hauteur de 3 564,50 euros et justifie de sa déclaration d'impôts de 2025 sur les revenus de 2024 en indiquant que ce sont ces seuls revenus. Il s'agit d'une entreprise générale de bâtiment. Or, il n'est produit aucun document comptable/financier permettant d'appréhender la réalité financière de cette entreprise.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les appelants échouent dans la démonstration de conséquences manifestement excessive dans l'exécution de la décision frappée d'appel. Ils ne justifient pas d'éléments suffisamment probants pour apprécier leur réelle situation financière.

Ainsi les sommes dues au titre de l'exécution provisoire, n'ayant pas été acquittées en totalité ou même en partie, il y a lieu d'ordonner la radiation pure et simple de l'affaire du rôle.

2) Sur la demande délais de paiement

M. et Mme [W] demande au conseiller de : « Si par impossible, il était fait droit aux prétentions de la SCI [Adresse 9] au titre de l'indemnité d'occupation, en ce cas, il est demandé d'accorder les plus larges délais de paiement à M. et Mme [W], compte tenu de leur situation financière, sans valoir reconnaissance des sommes dues » ; or le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour trancher la question de fond relative aux indemnités d'occupation, dès cette demande est irrecevable.

3) Sur les demandes accessoires

M. et Mme [W] sont condamnés in solidum aux dépens de l'incident et à payer à la SCI [Adresse 9] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Nous, conseiller de la mise en état,

Ordonnons la radiation de la procédure d'appel enregistrée au répertoire général sous le n° 24/03646 du rôle de la cour,

Disons que la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ne pourra intervenir que sur justification de l'exécution du jugement frappé d'appel et assorti de l'exécution provisoire,

Déclarons irrecevable la demande de délai de paiement formulée par M. [I] [W] et Mme [D] [Z] épouse [W],

Condamnons in solidum M. [I] [W] et Mme [D] [Z] épouse [W] à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons in solidum M. [I] [W] et Mme [D] [Z] épouse [W] aux entiers dépens de l'incident.

Le greffier, Le conseiller de la mise en état,

Anaïs Millescamps. Véronique Galliot.

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