CA Grenoble, ch. com., 4 septembre 2025, n° 24/04145
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/04145 -
N° Portalis DBVM-V-B7I-MPZ3
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL [12]
Me Pierre Lyonel LEVEQUE
la SELARL ROCHEFORT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 04 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 23/00370)
rendu par le tribunal judiciaire de VIENNE
en date du 21 novembre 2024
suivant déclaration d'appel du 04 décembre 2024
APPELANTE :
Mme [Z] [M]
née le [Date naissance 3] 1963 à
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Philippe GONNET de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société SELARLU [K] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SCI [11] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Pierre Lyonel LEVEQUE, avocat au barreau de VIENNE
S.A.R.L. [13] société à responsabilité limitée au capital social de 341.100 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 528.650.013, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés es qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par Me Bénédicte ROCHEFORT de la SELARL ROCHEFORT, avocat au barreau de VIENNE postulant et plaidant par Me Charlène MALRIN de la SELEURL CMLR, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Anne Burel, greffier.
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. M.[Y] et Mme [M] ont contracté mariage le [Date mariage 5] 2011.
2. La Sci [11], dont le capital social est réparti par moitié entre Mme [M] et la société [14] (désormais dénommée [13]) qui a été constituée suivant statuts enregistrés le 29 février 2012 et a pour cogérants Mme [M] et M.[Y].
3. Suivant acte authentique du 21 mars 2012, la Sci [11] a acquis un bien immobilier situé [Adresse 1], moyennant la somme de 1.700.000 euros. Elle a donné ce bien à bail à usage d'habitation, suivant acte sous seing privé du 1er octobre 2012, à M. [Y], moyennant un loyer mensuel charges comprises de 3.000 euros, après avoir fait réaliser un certain nombre de travaux de rénovation et d'aménagement qui ont été à l'origine de plusieurs contentieux avec le syndicat de copropriétaires et différents copropriétaires. Il a été mis fin à ces litiges par la régularisation de plusieurs protocoles transactionnels aux termes desquels la Sci [11], M.[Y] et Mme [M] se sont engagés à verser différentes sommes.
4. Suite à la séparation de M.[Y] et Mme [M], un compromis de cession de parts sociales a été signé entre eux le 9 janvier 2018 aux termes duquel Mme [M] s'engageait à céder à M.[Y] et à la société [13] l'intégralité des parts sociales qu'elle détient dans la Sci [11] moyennant paiement d'une somme de 7.500 euros et le remboursement du compte courant d'associé de Mme [M] pour un montant arrêté d'un commun accord à la somme de 975.000 euros, sous différentes conditions suspensives, notamment d'obtention d'un prêt, devant être réalisées au plus tard le 28 février 2018.
5. Suite à la caducité de ce compromis, M. [Y] et Mme [M] ne sont pas parvenus à s'entendre pour que l'un d'eux rachète les parts de l'autre dans la Sci [11] ou que cette dernière cède l'unique immeuble dont elle est propriétaire et qui constituait autrefois le domicile conjugal.
6. Par lettre recommandée du 6 février 2020, Mme [M] a mis en demeure la Sci [11] de lui régler sous quinzaine son compte courant d'associé d'un montant de 967.000 euros selon bilan de l'année 2017, tout en lui précisant qu'à défaut, elle sollicitera l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire en l'absence de fonds disponibles.
7. Par acte d'huissier délivré le 20 mars 2020, la société [13] et la Sci [11] représentée par son cogérant M. [Y], ont fait assigner Mme [M] devant le tribunal judiciaire de Vienne aux fins de voir ordonner la révocation judiciaire de cette dernière de sa qualité de cogérante de la Sci [11], d'obtenir sa condamnation à verser à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros en remboursement de sommes indûment prélevées sur son compte, outre la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
8. Le 14 mai 2020, Mme [M] a déposé, pour le compte de la Sci [11], une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective en l'absence de caractérisation d'un état de cessation des paiements. Par arrêt du 24 juin 2021, la cour d'appel de Lyon a notamment jugé irrecevable l'appel principal de la Sci [11] formé par Mme [M] ès-qualités de cogérante à l'encontre de la même Sci [11] représentée par M. [Y], cogérant.
9. Le 1er juillet 2021, Mme [M] a de nouveau déposé pour le compte de la Sci [11] une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Par jugement du 18 août 2021, le tribunal judiciaire de Lyon, constatant l'état de cessation des paiements, a prononcé la liquidation judiciaire de la Sci [11] et a désigné la société [K] prise en la personne de Me [L] [K], en qualité de liquidateur judiciaire. La société [13], représentée par M. [Y], a formé tierce opposition à ce jugement et par ordonnance de référé du 18 octobre 2021, le premier président de la cour d'appel de Lyon a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 18 août 2021.
10. Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la société [13].
11. Par courrier signifié par huissier le 21 septembre 2022, M. [Y] en sa qualité de cogérant de la Sci [11], a fait défense à Mme [M] d'agir en qualité de cogérante et de représenter la Sci [11] dans les affaires découlant de la décision rendue le 18 août 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon et plus particulièrement devant la Cour de cassation dans le pourvoi enregistré sous le n°RG H22-15.780.
12. Par arrêt du 3 mars 2022, la cour d'appel de Lyon a jugé irrecevable l'appel formé par la Sci [11] représentée par M.[Y] contre le jugement du 18 août 2021. Par arrêt du 13 septembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la Sci [11].
13. Par jugement du 28 juin 2022, le tribunal judiciaire de Lyon, saisi d'un recours en révision par M. [Y] ès-qualités de cogérant de la Sci [11], l'a jugé irrecevable. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 mars 2023.
14. Le juge de la mise en état, par ordonnance du 9 juin 2021 a rejeté l'exception de procédure tirée de l'irrégularité à raison du défaut d'intervention de la Sci [11] en défense à l'instance introduite par la société [13] visant à obtenir la révocation judiciaire de Mme [M] en qualité de cogérante et a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la Sci [11]. Suite à la radiation de l'affaire, puis à sa réinscription, la société [13] a, le 25 mai 2023, assigné en intervention forcée la société [K] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sci [11].
15. Par jugement du 21 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Vienne a :
- révoqué Mme [M] de la cogérance de la Sci [11] ;
- débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice personnel dirigée à l'encontre de Mme [M] ;
- débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de Mme [M] en réparation d'un préjudice subi par la Sci [11] ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [Z] [M] aux entiers dépens ;
- rappelé que la décision est de droit exécutoire par provision ;
16. Mme [M] a interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2024, en ce qu'elle a :
- révoqué Mme [M] de la cogérance de la Sci [11] ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [Z] [M] aux entiers dépens ;
- rappelé que la décision est de droit exécutoire par provision.
17. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 15 mai 2025.
Prétentions et moyens de Mme [M] :
18. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 5 mai 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1850 et suivants du code civil, des articles L.123-12 et L.641-9 du code de commerce :
- de réformer le jugement rendu le 21 novembre 2024 en ce qu'il a révoqué la concluante de la cogérance de la Sci [11] ; dit n'y avoir lieu à condamnation de la société [13] au titre de l'article 700 du code de procédure civile; condamné la concluante aux entiers dépens; rappelé que le jugement est de droit exécutoire ;
- de confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice personnel dirigée à l'encontre de la concluante; débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts dirigées à l'encontre de la concluante en réparation d'un préjudice subi par la Sci [11] ;
- en tout état de cause, de débouter la société [13] de son appel incident et, plus largement, de toutes demandes, fins et conclusions et notamment de ses demandes de condamnation dirigées contre la concluante ;
- de condamner la société [13] à verser à la concluante une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société [13] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
19. L'appelante expose :
20.- que le tribunal a motivé sa décision de révocation pour deux agissements imputés à la concluante, à savoir l'inscription en compte-courant de 84.000 euros et le remboursement de 10.573,88 euros (3.486,94 euros et 7.086,94 euros) par prélèvement sur son compte-courant d'associée, rejetant les autres griefs formés par la société [13] ;
21. - concernant le prélèvement de 7.086,94 euros, que si le tribunal a estimé que la concluante n'a pas justifié avoir informé préalablement le cogérant de la Sci [11], cependant le retrait par un associé de sommes déposées en compte-courant est un droit, et n'a pas à être validé par un cogérant, l'un et l'autre disposant de l'intégralité des pouvoirs de gérants, d'autant que lors de l'assemblée générale du 8 juillet 2020, M.[Y] a approuvé, seul, les comptes incluant ce retrait et l'a ainsi validé ;
22. - en outre, qu'aucune décision de l'assemblée générale n'était nécessaire, puisqu'un compte-courant est remboursable à tout moment en raison du droit de propriété dont dispose son titulaire; que le tribunal n'a pu retenir que les statuts subordonnent la répartition des résultats à l'approbation des comptes, et qu'en l'absence, le retrait des fonds est contraire à l'intérêt social ; que le tribunal a ainsi imposé une condition qui n'est prévue ni par la loi, ni par les statuts ;
23. - concernant la somme de 84.000 euros, que le tribunal a considéré qu'il existait une confusion créée par la concluante en sa qualité de gérante de la Sci [11] et de la Selarl [10], en raison de la facture émise par cette dernière correspondant à des frais de rédaction d'actes d'avocats, alors que cette facture est fondée sur 12 procédures qui ont opposées la Sci au syndicat des copropriétaires de l'immeuble ;
24. - que mandat avait cependant été donné par la concluante et par M.[Y] à la société [10], ainsi qu'il ressort de la procédure de contestation d'honoraires de Me [I], intervenue pour trois autres dossiers concernant la Sci, et qui a donné lieu à un arrêt du premier président de la cour d'appel de Lyon du 28 janvier 2020, la concluante et M.[Y] soutenant que Me [I] n'était intervenue qu'en qualité de collaboratrice de la société [10], alors qu'ils n'avaient donné mandat qu'à cette dernière ;
25. - que la facture de 84.000 euros n'est ainsi pas fictive, et a bien été adressée à M.[Y] lors de son émission fin 2018 ; que l'ordonnance du premier président n'a alloué à Me [I] le bénéfice que de trois dossiers ; qu'un constat dressé par commissaire de justice a constaté l'existence des dossiers ouverts au sein du cabinet [10] ; que les feuilles de temps établies par Me [I] lorsqu'elle était collaboratrice du cabinet, justifient des diligences réalisées ;
26. - que le fait que cette facture ne soit pas inscrite au bilan résulte de sa contestation par M.[Y] ;
27 - que le compte-courant d'associé de la concluante n'a pas intégré cette facture, contrairement à l'affirmation du tribunal, pas plus que sa déclaration de créance au passif de la Sci [11] ; que si l'expert-comptable de la concluante l'a prise en compte, ce n'est que dans le cadre d'une proposition transactionnelle, afin de donner un montant définitif d'emprunt à la société [13], et de lui indiquer qu'aucune cession de parts de la concluante ne serait possible en l'absence du paiement de cette facture ;
28. - concernant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à révocation de la concluante en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la Sci [11], ainsi que retenu par le tribunal, le fait pour un dirigeant de faire constater l'état de cessation des paiements, s'il peut conduire à la disparition de la société, n'est pas contraire à l'intérêt social lorsque la société est effectivement dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que c'est au contraire un devoir pour le dirigeant de procéder à cette demande dans les 45 jours suivant la constatation de l'état de cessation des paiements ; que comme constaté par le tribunal, les recours intentés par M.[Y] n'ont pas permis de remettre en cause les décisions rendues sur ce point, qui est définitivement jugé ;
29. - concernant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à révocation de la concluante en raison d'une prétendue incompatibilité avec sa profession d'avocate, que le tribunal a justement estimé que cela n'était pas contraire à l'intérêt social de la Sci [11], d'autant qu'elle a été constituée par les ex-époux pour détenir le domicile conjugal ; qu'un avocat peut exercer un mandat de gérance dans le cadre d'une société civile immobilière ;
30. - concernant la confirmation de ce jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à révocation de la concluante en raison du contenu du rapport de gérance préparé pour l'assemblée du 25 juillet 2019, que si la société [13] reproche à la concluante d'avoir indiqué que M.[Y] occuperait les locaux appartenant à la Sci [11] sans droit ni titre, et qu'il ne paie pas d'indemnité d'occupation, elle n'indique pas en quoi cela serait contraire à l'intérêt social, alors que les baux invoqués par M.[Y] n'ont pas fait l'objet d'une
délibération, n'ont pas été autorisés par l'assemblée générale et n'ont pas de date certaine ; que ces deux points évoqués par la concluante constituent la preuve qu'elle se préoccupe de l'intérêt social ;
31. - concernant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société [13] de ses demandes de dommages et intérêts, en raison de la nécessité d'engager de nouveaux frais concernant la demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, de la perte financière générée par la vente aux enchères du bien immobilier, qui n'est pas encore intervenue, et de l'atteinte à l'image et à la réputation de la société, que le tribunal a justement retenu que la vente à intervenir est sans lien de causalité direct avec les agissements contraires à l'intérêt social retenus contre la concluante, que le préjudice moral n'est pas explicité ni justifié, et que la perte financière alléguée n'est pas certaine, alors que l'ensemble des associés subiront le préjudice financier qui n'est pas propre à la société [13] ; que la liquidation de la société est désormais irrévocable depuis l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 avril 2025 ; que les frais engagés par la société [13] ne sont pas justifiés puisque la Sci devait être placée en liquidation ;
32. - en outre, que la demande de la société [13] tendant à la condamnation de la concluante à régler à la Sci [11] les sommes de 7.086,94 euros au titre de prélèvements indus, et de 50.000 euros au titre d'un préjudice moral et financier, est mal fondée puisque reposant sur l'article 1850 du code civil, s'agissant de la responsabilité individuelle des dirigeants envers la société, laquelle ne peut être mise en jeu que par le liquidateur judiciaire, au titre de l'article L.641-9 du code de commerce.
Prétentions et moyens de la société [13] :
33. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 14 avril 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1240, 1833, 1843-5, 1848, 1850 et 1851 du code civil :
- de juger la concluante bien fondée en ses demandes, fins et prétentions et la recevoir en toutes ses demandes ;
- de juger la Sci [11] bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
- de débouter Mme [M] ès-qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- de juger que Mme [M] ès-qualités de cogérante de la Sci [11], a commis des fautes de gestion dans le cadre de la gérance de la Sci [11] ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a révoqué Mme [M] de la cogérance de la Sci [11] ;
- de l'infirmer en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande visant à voir condamner Mme [M] à lui payer le montant correspondant entre la moitié de la valeur du bien immobilier actuelle ' 2.600.000 euros - et la moitié du solde du prix net qui sera reversée à chacun des associées de la Sci [11] à l'issue des opérations de liquidation judiciaire ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à payer à la concluante le montant correspondant entre la moitié de la valeur du bien immobilier actuelle ' 2.600.000 euros - et la moitié du solde du prix net qui sera reversée à chacun des associées de la Sci [11] à l'issue des opérations de liquidation judiciaire ;
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande visant à voir condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros au titre du remboursement des sommes qu'elle a indûment prélevées sur le compte bancaire de la Sci [11] ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros au titre du remboursement des sommes qu'elle a indûment prélevées sur le compte bancaire de la Sci [11];
- d'infirmer ce jugement en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande visant à voir condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme
de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'elle a subi ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'elle a subi ;
- de condamner Mme [M] à payer à la concluante la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Mme [M] aux entiers dépens.
34. L'intimée soutient :
35. - concernant la révocation de l'appelante, que les articles 1104 et 1833 du code civil lui imposent un devoir de loyauté, en raison de la nécessité d'exécuter le contrat de société de bonne foi, incluant le devoir d'informer son associé et de ne pas abuser de son statut et de ses pouvoirs, devant agir au mieux des intérêts de la société et non dans son intérêt propre;
36. - qu'en l'espèce, l'appelante a favorisé ses intérêts personnels au détriment de la Sci [11], en sollicitant le remboursement de son compte-courant d'associé, puisqu'elle n'a pas, en sa qualité d'associée, demandé ce remboursement, mais a, en sa qualité de cogérante, mis en demeure la société de lui rembourser ce solde, ce qui n'est pas valable puisqu'elle n'a pas ainsi agi, en sa qualité de cogérante, dans l'intérêt de la société ;
37. - qu'elle a en outre sollicité une première fois l'ouverture d'une procédure collective, alors que la société n'était pas en état de cessation des paiements, comme retenu le 26 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon ;
38. - que l'appelante a sollicité à nouveau l'ouverture d'une procédure de liquidation le 1er juin 2021, sans en informer M.[Y] ; que le tribunal a curieusement ouvert la procédure, alors que précédemment, il avait constaté l'absence d'état de cessation des paiement en raison du caractère contesté de la créance en compte-courant de la concluante, et que la situation financière était identique ; que dans le cadre des divers recours engagés, l'appelante est intervenue volontairement en sa double qualité d'associée et de cogérante, ce qui a fait échec au réexamen de l'état de cessation des paiements, les différentes juridictions saisies ne s'étant ainsi prononcées que sur la recevabilité de ces recours, alors que M.[Y] avait signifié son opposition à toute représentation de la société par l'appelante ; que celle-ci n'a pas ainsi agi dans l'intérêt de la société ;
39. - que l'appelante a commis une faute en présentant la facture de 84.000 euros établie par le cabinet [10] dans lequel elle est associée en 2018, ainsi que retenu par le tribunal, puisque cette facture n'a été adressée à la Sci [11] que lors de la convocation à l'assemblée générale adressée le 27 janvier 2020, assemblée devant statuer sur le droit de retrait de l'appelante, convocation à laquelle elle a joint un rapport d'analyse des comptes de la Sci [11] établi par son expert-comptable ; qu'il n'est pas justifié de l'envoi de cette facture antérieurement, alors qu'au contraire, les comptes clos au 31 décembre 2018 n'ont pas inclus cette facture et que l'appelante ne justifie d'aucune relance; qu'il en résulte qu'elle a souhaité majorer son compte-courant d'associé en établissant cette facture ;
40. - que cette facture ne correspond pas à des diligences accomplies par le cabinet [10], puisqu'elle vise des prestations qui auraient été réalisées à partir de 2012, non définies et sans date, alors que Me [I] a facturé des diligences correspondant à certaines prestations facturées, comme retenu par le bâtonnier de l'ordre par ordonnance du 3 octobre 2019 ; que l'appelante a d'ailleurs déchargé Me [I] par mail du 28 juin 2018, ce qu'a retenu le premier président de la cour d'appel de Lyon le 28 janvier 2020 lors
de l'examen de la décision du bâtonnier, retenant que Me [I] était intervenue pour trois dossiers opposant la société au syndicat des copropriétaires et aux consorts [R] et [B] ; que le 17 août 2021, le bâtonnier s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de taxation d'honoraires, au motif
qu'il n'était pas justifié d'un mandat donné par la Sci [11], et a renvoyé la Selarl [10] à saisir la juridiction compétente pour juger de l'existence d'un tel mandat ;
41. - qu'outre le caractère ainsi infondé de cette facture, l'appelante en a porté le montant au crédit de son compte-courant d'associé, alors qu'il ne s'agit pas d'une créance personnelle, sans justifier du transfert de cette créance à son profit, ce qui a fondé le tribunal à retenir une faute contraire à l'intérêt social de la Sci [11] ;
42. - concernant le retrait de 3.486,94 euros le 29 janvier 2019 et de 3.600 euros le 10 septembre 2019, que l'appelante n'a adressé, en sa qualité d'associée, aucune demande de remboursement de ces sommes figurant sur son compte-courant, ce qui caractérise une faute justifiant sa révocation, comme retenu par le tribunal ;
43. - que la révocation de l'appelante est également justifiée en raison d'une incompatibilité de ses fonctions avec sa profession d'avocate, puisque l'article 111 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat prévoit qu'elle est incompatible avec la fonction de gérant d'une société civile, à moins qu'elle n'ait pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat ; que l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose qu'une Sci familiale est constituée exclusivement entre parents et alliés, de sorte qu'une Sci composée d'un associé personne morale ne peut recevoir cette qualification ;
44. - que cette révocation est également justifiée par les carences de l'appelante dans la gestion de la société, puisque le rapport établi par l'appelante à l'occasion de la convocation de l'assemblée générale du 9 juillet 2019 a fait état d'erreurs : occupation du bien immobilier par M.[Y] sans droit ni titre, alors qu'il justifie d'un bail d'habitation conclu en 2012 pour lequel il règle le loyer de 4.000 euros outre les charges ;
45. - concernant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande de condamnation de l'appelante à restituer les sommes indûment prélevées au préjudice de la Sci [11], que l'article 1843-5 du code civil permet à un associé d'intenter l'action sociale en responsabilité contre le gérant, et à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; que l'appelante a ainsi prélevé 3.486,94 euros et 3.600 euros sans en avoir formé préalablement la demande, ce qui constitue un détournement ;
46. - que la Sci [11] a également subi un préjudice moral en raison de l'attitude de l'appelante, qui a agi dans son intérêt personnel ; qu'il en résulte une atteinte à son image et à sa réputation, un préjudice résultant des diverses voies de recours concernant son état de cessation des paiements, le risque de voir vendre aux enchères son unique bien ;
47. - concernant l'infirmation du jugement concernant le rejet de la demande de condamnation de l'appelante au paiement des sommes dues à la concluante, qu'il suffit d'une faute consistant dans le manquement du gérant à son devoir de loyauté à l'égard des associés ; qu'en la cause, les manquements de l'appelante ont causé un préjudice à la concluante, tant moral que financier, au regard des frais engagés pour faire juger de la question de l'état de cessation des paiements de la Sci [11], de la perte financière générée par la vente aux enchères du bien immobilier qu'elle possède, de l'atteinte à son image et à sa réputation.
Prétentions et moyens de la Selarlu [K], représentée par Me [L] [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Sci [11] :
48. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 14 avril 2025, elle indique s'en rapporter à la cour sur la demande de révocation de la gérante de la Sci [11], et la réformation ou non du jugement.
49. Elle demande :
- de juger que le litige concerne les droits propres de la Sci [11], le liquidateur judiciaire représentant ladite société conformément à l'article L.622-9 du code de commerce, et porte sur des faits antérieurs au mandat du liquidateur judiciaire ;
- de condamner la partie succombante à payer à la concluante la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'instance.
50. Elle indique que la révocation de l'appelante est sans incidence sur la liquidation judiciaire de la Sci [11], puisque l'instance porte sur un conflit entre les gérants, de sorte que le liquidateur n'a pas à prendre partie dans ce conflit.
*****
51. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
1 ) Concernant la révocation de Mme [M] :
52. Ainsi qu'énoncé par le tribunal judiciaire, le gérant d'une société civile est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
53. S'agissant en premier lieu de la cause de révocation prise de l'ouverture de la procédure judiciaire de la Sci [11], la cour ne peut qu'approuver les motifs du jugement déféré ayant retenu que le fait, pour un gérant, de faire constater l'état de cessation des paiements de la société, s'il peut conduire in fine à la disparition de la société, n'est pas contraire à ses intérêts lorsque celle-ci est effectivement en état de cessation des paiements.
54. En la cause, la cour retient que l'ouverture de la liquidation judiciaire de la Sci [11] est désormais définitive, après que tous les recours mis en 'uvre, y compris en révision, aient été rejetés, notamment suite aux décisions rendues par la Cour de cassation. Il n'est en outre pas établi que la première demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par Mme [M] ait été contraire à l'intérêt social, même si elle a alors été rejetée.
55. La cour ajoute que tout représentant d'une personne morale est astreint à procéder à la déclaration de cessation des paiements de la société, dans les 45 jours de sa constatation, sous peine de sanctions.
56. Il en résulte qu'aucune faute tenant aux demandes d'ouverture des procédures de liquidation judiciaire ne peut être retenue à l'encontre de Mme [M].
57. Concernant ensuite la cause de révocation prise d'un dépassement de pouvoirs par Mme [M], si M.[Y] a fait signifier à l'appelante, le 1er septembre 2022, son opposition à toute intervention de sa part en sa qualité de cogérante de la société dans le cadre des affaires découlant de la décision rendue par le tribunal judiciaire le 18 août 2021 ordonnant la liquidation judiciaire de la société civile, et plus particulièrement devant la Cour de cassation dans le cadre de l'instance pendante, et de représenter plus généralement la société dans toutes affaires devant le tribunal, y compris à l'étranger, dans lesquelles la société serait partie, la cour constate qu'il n'est pas justifié par la société [13] de telles interventions de l'appelante postérieurement à cette date devant le tribunal judiciaire ou la cour d'appel de Lyon.
58. En effet, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire a été rendu le 21 juin 2021, et il est ainsi antérieur à la signification de cette opposition. Il en est de même concernant le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 18 août 2021 ayant ouvert la procédure de liquidation judiciaire, et de la procédure entreprise par la Sci [11] représentée par M.[Y], ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 3 mars 2022 jugeant notamment l'appel de la société civile irrecevable.
59. Par contre, il résulte de la constitution de la Scp Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, que cette société d'avocats s'est constituée pour la Sci [11] représentée par Mme [M] le 8 septembre 2022, à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon, dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Lyon, la société [K] en qualité de liquidateur judiciaire, et Mme [M] à titre personnel.
60. Il en résulte que n'ayant pas contesté en justice l'opposition faite par M.[Y] d'intervenir dans les contentieux pouvant concerner la Sci [11], en contravention avec les statuts et l'article 1848 du code civil, Mme [M] a commis une faute, en ayant fait de ses pouvoirs de cogérante une utilisation déloyale vis-à-vis du cogérant et de l'appelante, cette dernière ayant la qualité d'associée de Mme [M].
61. En troisième lieu, s'agissant de la cause de révocation reposant sur les retraits opérés par Mme [M] au titre de son compte-courant d'associé, la cour retient que selon l'article 12 des statuts de la Sci [11], les conditions du remboursement d'un compte-courant d'associé et la fixation des intérêts sont fixés par accord entre la gérance et l'associé intéressé. Or, si 3.486,94 euros et 3.600 euros ont été retirés par l'appelante les 29 janvier et 10 septembre 2019, il n'est justifié d'aucune demande préalable faite ni auprès de la société, ni auprès du cogérant, ce qui constitue une faute du gérant, ayant ainsi agi dans son propre intérêt contraire à l'intérêt social, ainsi que retenu par le tribunal judiciaire. Si l'appelante invoque l'approbation des comptes par M.[Y] en 2020, elle ne justifie pas de ce fait.
62. S'agissant en outre de la facture de 84.000 euros présentée à la société [11], la cour constate que le rapport sur les comptes de la Sci établi par l'expert-comptable de l'appelante le 22 janvier 2020 indique que la facture [10] du 21 décembre 2018 pour 84.000 euros n'a pas été comptabilisée. Cette facture figure cependant au compte-courant de l'appelante. Cette facture de la société [10] du 21 décembre 2018 concerne diverses procédures dont les affaires [G], [B], [R]. Cependant, l'analyse de cette pièce indique que c'est une somme forfaitaire qui est mentionnée, bien qu'elle concerne des honoraires divers, concernant plusieurs procédures distinctes et devant des juridictions différentes, tant au fond qu'en référé, en première instance qu'en appel. Y figurent des postes concernant des notes adressées à un expert, l'assistance à des réunions avec des copropriétaires et la rédaction de protocoles d'accord. Aucun des différents postes n'est individualisé, et en dehors d'une assemblée générale tenue en 2017, aucune date n'est mentionnée concernant l'accomplissement des diligences réalisées.
63. Si par lettre adressée par l'appelante le 14 février 2020 à l'avocat de M.[Y] concernant la facture de 84.000 euros, Mme [M] s'est engagée à payer cette facture à ses associés au sein du cabinet d'avocats, raison pour laquelle elle l'a intégrée à son compte-courant, elle précise qu'elle ne l'a cependant pas réglée, et que si elle est réglée par la Sci, le montant sera déduit de son compte-courant. Aucune justification d'un engagement auprès des associés de Mme [M] au sein du cabinet [10] n'est produit.
64. Il résulte en outre de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon du 28 janvier 2020 concernant la contestation des honoraires de Me [I], qu'il a été retenu que si cette avocate a travaillé comme collaboratrice au sein du cabinet [10], elle a également été chargée par l'appelante et M.[Y] en leur qualité de cogérants de la Sci [11] de la défense de leurs intérêts personnels et de la Sci jusqu'en juin 2018, époque à laquelle l'appelante l'a déchargée des dossiers. La décision du bâtonnier est confirmée en ce que Me [I] a effectivement traité trois dossiers, pour un coût de 18.000 euros TTC. L'attestation de Me [I] du 17 février 2020 certifie que les dossiers dont se prévaut le cabinet [10] ont été traités soit par elle, soit par Me [J]. Il est précisé que le montant de 84.000 euros n'est pas justifié dans la mesure où le cabinet n'est intervenu que pour une seule procédure, concernant M.[P].
65. Enfin, à l'occasion de la demande du cabinet [10] représenté par Mme [M] afin de taxation de ses honoraires pour 84.000 euros TTC, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Lyon a relevé qu'il existe une contestation sérieuse sur la désignation du débiteur des honoraires, aucun mandat n'étant produit émanant de la Sci [11], alors que Mme [M] a retiré un bénéfice personnel de l'intervention du cabinet [10] puisqu'elle était personnellement partie aux instances directement, et également indirectement en qualité d'associée de la Sci [11]. Le cabinet [10] a été ainsi renvoyé à saisir la juridiction compétente, s'il l'estime utile, pour juger s'il avait ou non mandat.
66. La cour retire de ces éléments que cette facture est éminemment contestable dans sa réalité, alors que l'appelante l'a portée au crédit de son compte-courant, alors qu'il ne la concernait pas à titre personnel. Cette facture n'a pas été passée dans la comptabilité de la société [11], de sorte qu'elle ne pouvait figurer dans le compte-courant d'associé de la cogérante, qui n'a réglé aucune somme à ce titre pour le compte de la société, et n'a apporté aucune somme d'un montant équivalent permettant ainsi de créditer son compte-courant. Ainsi que relevé par le tribunal judiciaire, l'appelante a mélangé sa qualité d'avocate associée, de cogérante et d'associée de la Sci [11]. Le passif de cette dernière a été augmenté dans des proportions importantes. Il en résulte que cette inscription au compte-courant de Mme [M] constitue une faute justifiant la révocation de son mandat de cogérante de la Sci [11].
67. Concernant la faute prise d'une incompatibilité entre la profession de Mme [M] et sa profession d'avocate, ainsi que relevé par le tribunal judiciaire, il n'est pas contesté que l'appelante exerçait sa profession antérieurement à sa désignation en qualité de cogérante. En outre, aucun élément n'est avancé par la société [13] concernant une contrariété qui serait ainsi préjudiciable à l'intérêt social de la Sci [11]. Le tribunal a ainsi exactement rejeté toute faute à ce titre.
68. La cour approuve également les motifs du jugement déféré concernant le grief invoqué par la société [13] concernant la rédaction d'un rapport de gérance ayant affirmé que M.[Y] occupait sans droit ni titre l'immeuble appartenant à la Sci. Si cela peut engager la responsabilité de l'appelante à l'égard de son cogérant, il n'est en effet pas justifié que ce fait soit contraire à l'intérêt social de la société civile, distinct de celui de son gérant. Le tribunal a justement écarté une faute à ce titre.
69. Il résulte ainsi de ces motifs que le jugement déféré sera confirmé en ce que le tribunal a prononcé la révocation de Mme [M] de ses fonctions de cogérante de la Sci [11].
2) Concernant les demandes de condamnation formées par la société [13] :
70. S'agissant en premier lieu de la demande visant la condamnation de Mme [M] à rembourser à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros au titre des sommes indûment prélevées sur le compte de la société, la cour ne peut que constater qu'en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, seul le liquidateur a compétence pour engager une procédure visant à recouvrer une somme d'argent pour le compte de la liquidation. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
71. La cour note qu'il en est de même concernant la demande visant la condamnation de Mme [M] à payer à la société civile la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'elle aurait subi.
72. S'agissant de la demande de la société [13] visant la condamnation de l'appelante à lui payer la différence entre la moitié de la valeur du bien immobilier actuelle et la moitié du prix net qui sera retiré de sa vente dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, la cour relève qu'il a été dit plus haut que l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne peut être reprochée à l'appelante. Il en résulte que la perte de valeur qui sera éventuellement constatée lors de la réalisation de l'actif et du passif de la société civile est sans lien de causalité avec les fautes retenues contre Mme [M] justifiant la révocation de son mandat de cogérante. Le jugement déféré sera ainsi également confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
*****
73. Le sens du présent arrêt indique qu'il est équitable de laisser à la charge de Mme [M] et de la société [13] leurs frais et dépens exposés en cause d'appel.
74. Mme [M], succombant en son appel à l'égard de la Selarlu [K], sera condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel exposés par ce liquidateur judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1103 et suivants, 1833 et suivants du code civil ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Laisse à Mme [M] et à la société [13] la charge de leurs frais engagés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre leurs dépens d'appel ;
Condamne Mme [M] à payer à la Selarlu [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sci [11], la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens engagés en cause d'appel par le liquidateur judiciaire ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme BERTOLO, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
N° Portalis DBVM-V-B7I-MPZ3
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL [12]
Me Pierre Lyonel LEVEQUE
la SELARL ROCHEFORT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 04 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 23/00370)
rendu par le tribunal judiciaire de VIENNE
en date du 21 novembre 2024
suivant déclaration d'appel du 04 décembre 2024
APPELANTE :
Mme [Z] [M]
née le [Date naissance 3] 1963 à
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Philippe GONNET de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société SELARLU [K] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SCI [11] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Pierre Lyonel LEVEQUE, avocat au barreau de VIENNE
S.A.R.L. [13] société à responsabilité limitée au capital social de 341.100 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 528.650.013, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés es qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par Me Bénédicte ROCHEFORT de la SELARL ROCHEFORT, avocat au barreau de VIENNE postulant et plaidant par Me Charlène MALRIN de la SELEURL CMLR, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Anne Burel, greffier.
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. M.[Y] et Mme [M] ont contracté mariage le [Date mariage 5] 2011.
2. La Sci [11], dont le capital social est réparti par moitié entre Mme [M] et la société [14] (désormais dénommée [13]) qui a été constituée suivant statuts enregistrés le 29 février 2012 et a pour cogérants Mme [M] et M.[Y].
3. Suivant acte authentique du 21 mars 2012, la Sci [11] a acquis un bien immobilier situé [Adresse 1], moyennant la somme de 1.700.000 euros. Elle a donné ce bien à bail à usage d'habitation, suivant acte sous seing privé du 1er octobre 2012, à M. [Y], moyennant un loyer mensuel charges comprises de 3.000 euros, après avoir fait réaliser un certain nombre de travaux de rénovation et d'aménagement qui ont été à l'origine de plusieurs contentieux avec le syndicat de copropriétaires et différents copropriétaires. Il a été mis fin à ces litiges par la régularisation de plusieurs protocoles transactionnels aux termes desquels la Sci [11], M.[Y] et Mme [M] se sont engagés à verser différentes sommes.
4. Suite à la séparation de M.[Y] et Mme [M], un compromis de cession de parts sociales a été signé entre eux le 9 janvier 2018 aux termes duquel Mme [M] s'engageait à céder à M.[Y] et à la société [13] l'intégralité des parts sociales qu'elle détient dans la Sci [11] moyennant paiement d'une somme de 7.500 euros et le remboursement du compte courant d'associé de Mme [M] pour un montant arrêté d'un commun accord à la somme de 975.000 euros, sous différentes conditions suspensives, notamment d'obtention d'un prêt, devant être réalisées au plus tard le 28 février 2018.
5. Suite à la caducité de ce compromis, M. [Y] et Mme [M] ne sont pas parvenus à s'entendre pour que l'un d'eux rachète les parts de l'autre dans la Sci [11] ou que cette dernière cède l'unique immeuble dont elle est propriétaire et qui constituait autrefois le domicile conjugal.
6. Par lettre recommandée du 6 février 2020, Mme [M] a mis en demeure la Sci [11] de lui régler sous quinzaine son compte courant d'associé d'un montant de 967.000 euros selon bilan de l'année 2017, tout en lui précisant qu'à défaut, elle sollicitera l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire en l'absence de fonds disponibles.
7. Par acte d'huissier délivré le 20 mars 2020, la société [13] et la Sci [11] représentée par son cogérant M. [Y], ont fait assigner Mme [M] devant le tribunal judiciaire de Vienne aux fins de voir ordonner la révocation judiciaire de cette dernière de sa qualité de cogérante de la Sci [11], d'obtenir sa condamnation à verser à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros en remboursement de sommes indûment prélevées sur son compte, outre la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
8. Le 14 mai 2020, Mme [M] a déposé, pour le compte de la Sci [11], une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective en l'absence de caractérisation d'un état de cessation des paiements. Par arrêt du 24 juin 2021, la cour d'appel de Lyon a notamment jugé irrecevable l'appel principal de la Sci [11] formé par Mme [M] ès-qualités de cogérante à l'encontre de la même Sci [11] représentée par M. [Y], cogérant.
9. Le 1er juillet 2021, Mme [M] a de nouveau déposé pour le compte de la Sci [11] une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Par jugement du 18 août 2021, le tribunal judiciaire de Lyon, constatant l'état de cessation des paiements, a prononcé la liquidation judiciaire de la Sci [11] et a désigné la société [K] prise en la personne de Me [L] [K], en qualité de liquidateur judiciaire. La société [13], représentée par M. [Y], a formé tierce opposition à ce jugement et par ordonnance de référé du 18 octobre 2021, le premier président de la cour d'appel de Lyon a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 18 août 2021.
10. Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la société [13].
11. Par courrier signifié par huissier le 21 septembre 2022, M. [Y] en sa qualité de cogérant de la Sci [11], a fait défense à Mme [M] d'agir en qualité de cogérante et de représenter la Sci [11] dans les affaires découlant de la décision rendue le 18 août 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon et plus particulièrement devant la Cour de cassation dans le pourvoi enregistré sous le n°RG H22-15.780.
12. Par arrêt du 3 mars 2022, la cour d'appel de Lyon a jugé irrecevable l'appel formé par la Sci [11] représentée par M.[Y] contre le jugement du 18 août 2021. Par arrêt du 13 septembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la Sci [11].
13. Par jugement du 28 juin 2022, le tribunal judiciaire de Lyon, saisi d'un recours en révision par M. [Y] ès-qualités de cogérant de la Sci [11], l'a jugé irrecevable. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 mars 2023.
14. Le juge de la mise en état, par ordonnance du 9 juin 2021 a rejeté l'exception de procédure tirée de l'irrégularité à raison du défaut d'intervention de la Sci [11] en défense à l'instance introduite par la société [13] visant à obtenir la révocation judiciaire de Mme [M] en qualité de cogérante et a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la Sci [11]. Suite à la radiation de l'affaire, puis à sa réinscription, la société [13] a, le 25 mai 2023, assigné en intervention forcée la société [K] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sci [11].
15. Par jugement du 21 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Vienne a :
- révoqué Mme [M] de la cogérance de la Sci [11] ;
- débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice personnel dirigée à l'encontre de Mme [M] ;
- débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de Mme [M] en réparation d'un préjudice subi par la Sci [11] ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [Z] [M] aux entiers dépens ;
- rappelé que la décision est de droit exécutoire par provision ;
16. Mme [M] a interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2024, en ce qu'elle a :
- révoqué Mme [M] de la cogérance de la Sci [11] ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [Z] [M] aux entiers dépens ;
- rappelé que la décision est de droit exécutoire par provision.
17. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 15 mai 2025.
Prétentions et moyens de Mme [M] :
18. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 5 mai 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1850 et suivants du code civil, des articles L.123-12 et L.641-9 du code de commerce :
- de réformer le jugement rendu le 21 novembre 2024 en ce qu'il a révoqué la concluante de la cogérance de la Sci [11] ; dit n'y avoir lieu à condamnation de la société [13] au titre de l'article 700 du code de procédure civile; condamné la concluante aux entiers dépens; rappelé que le jugement est de droit exécutoire ;
- de confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice personnel dirigée à l'encontre de la concluante; débouté la société [13] de sa demande de dommages et intérêts dirigées à l'encontre de la concluante en réparation d'un préjudice subi par la Sci [11] ;
- en tout état de cause, de débouter la société [13] de son appel incident et, plus largement, de toutes demandes, fins et conclusions et notamment de ses demandes de condamnation dirigées contre la concluante ;
- de condamner la société [13] à verser à la concluante une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société [13] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
19. L'appelante expose :
20.- que le tribunal a motivé sa décision de révocation pour deux agissements imputés à la concluante, à savoir l'inscription en compte-courant de 84.000 euros et le remboursement de 10.573,88 euros (3.486,94 euros et 7.086,94 euros) par prélèvement sur son compte-courant d'associée, rejetant les autres griefs formés par la société [13] ;
21. - concernant le prélèvement de 7.086,94 euros, que si le tribunal a estimé que la concluante n'a pas justifié avoir informé préalablement le cogérant de la Sci [11], cependant le retrait par un associé de sommes déposées en compte-courant est un droit, et n'a pas à être validé par un cogérant, l'un et l'autre disposant de l'intégralité des pouvoirs de gérants, d'autant que lors de l'assemblée générale du 8 juillet 2020, M.[Y] a approuvé, seul, les comptes incluant ce retrait et l'a ainsi validé ;
22. - en outre, qu'aucune décision de l'assemblée générale n'était nécessaire, puisqu'un compte-courant est remboursable à tout moment en raison du droit de propriété dont dispose son titulaire; que le tribunal n'a pu retenir que les statuts subordonnent la répartition des résultats à l'approbation des comptes, et qu'en l'absence, le retrait des fonds est contraire à l'intérêt social ; que le tribunal a ainsi imposé une condition qui n'est prévue ni par la loi, ni par les statuts ;
23. - concernant la somme de 84.000 euros, que le tribunal a considéré qu'il existait une confusion créée par la concluante en sa qualité de gérante de la Sci [11] et de la Selarl [10], en raison de la facture émise par cette dernière correspondant à des frais de rédaction d'actes d'avocats, alors que cette facture est fondée sur 12 procédures qui ont opposées la Sci au syndicat des copropriétaires de l'immeuble ;
24. - que mandat avait cependant été donné par la concluante et par M.[Y] à la société [10], ainsi qu'il ressort de la procédure de contestation d'honoraires de Me [I], intervenue pour trois autres dossiers concernant la Sci, et qui a donné lieu à un arrêt du premier président de la cour d'appel de Lyon du 28 janvier 2020, la concluante et M.[Y] soutenant que Me [I] n'était intervenue qu'en qualité de collaboratrice de la société [10], alors qu'ils n'avaient donné mandat qu'à cette dernière ;
25. - que la facture de 84.000 euros n'est ainsi pas fictive, et a bien été adressée à M.[Y] lors de son émission fin 2018 ; que l'ordonnance du premier président n'a alloué à Me [I] le bénéfice que de trois dossiers ; qu'un constat dressé par commissaire de justice a constaté l'existence des dossiers ouverts au sein du cabinet [10] ; que les feuilles de temps établies par Me [I] lorsqu'elle était collaboratrice du cabinet, justifient des diligences réalisées ;
26. - que le fait que cette facture ne soit pas inscrite au bilan résulte de sa contestation par M.[Y] ;
27 - que le compte-courant d'associé de la concluante n'a pas intégré cette facture, contrairement à l'affirmation du tribunal, pas plus que sa déclaration de créance au passif de la Sci [11] ; que si l'expert-comptable de la concluante l'a prise en compte, ce n'est que dans le cadre d'une proposition transactionnelle, afin de donner un montant définitif d'emprunt à la société [13], et de lui indiquer qu'aucune cession de parts de la concluante ne serait possible en l'absence du paiement de cette facture ;
28. - concernant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à révocation de la concluante en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la Sci [11], ainsi que retenu par le tribunal, le fait pour un dirigeant de faire constater l'état de cessation des paiements, s'il peut conduire à la disparition de la société, n'est pas contraire à l'intérêt social lorsque la société est effectivement dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que c'est au contraire un devoir pour le dirigeant de procéder à cette demande dans les 45 jours suivant la constatation de l'état de cessation des paiements ; que comme constaté par le tribunal, les recours intentés par M.[Y] n'ont pas permis de remettre en cause les décisions rendues sur ce point, qui est définitivement jugé ;
29. - concernant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à révocation de la concluante en raison d'une prétendue incompatibilité avec sa profession d'avocate, que le tribunal a justement estimé que cela n'était pas contraire à l'intérêt social de la Sci [11], d'autant qu'elle a été constituée par les ex-époux pour détenir le domicile conjugal ; qu'un avocat peut exercer un mandat de gérance dans le cadre d'une société civile immobilière ;
30. - concernant la confirmation de ce jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à révocation de la concluante en raison du contenu du rapport de gérance préparé pour l'assemblée du 25 juillet 2019, que si la société [13] reproche à la concluante d'avoir indiqué que M.[Y] occuperait les locaux appartenant à la Sci [11] sans droit ni titre, et qu'il ne paie pas d'indemnité d'occupation, elle n'indique pas en quoi cela serait contraire à l'intérêt social, alors que les baux invoqués par M.[Y] n'ont pas fait l'objet d'une
délibération, n'ont pas été autorisés par l'assemblée générale et n'ont pas de date certaine ; que ces deux points évoqués par la concluante constituent la preuve qu'elle se préoccupe de l'intérêt social ;
31. - concernant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société [13] de ses demandes de dommages et intérêts, en raison de la nécessité d'engager de nouveaux frais concernant la demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, de la perte financière générée par la vente aux enchères du bien immobilier, qui n'est pas encore intervenue, et de l'atteinte à l'image et à la réputation de la société, que le tribunal a justement retenu que la vente à intervenir est sans lien de causalité direct avec les agissements contraires à l'intérêt social retenus contre la concluante, que le préjudice moral n'est pas explicité ni justifié, et que la perte financière alléguée n'est pas certaine, alors que l'ensemble des associés subiront le préjudice financier qui n'est pas propre à la société [13] ; que la liquidation de la société est désormais irrévocable depuis l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 avril 2025 ; que les frais engagés par la société [13] ne sont pas justifiés puisque la Sci devait être placée en liquidation ;
32. - en outre, que la demande de la société [13] tendant à la condamnation de la concluante à régler à la Sci [11] les sommes de 7.086,94 euros au titre de prélèvements indus, et de 50.000 euros au titre d'un préjudice moral et financier, est mal fondée puisque reposant sur l'article 1850 du code civil, s'agissant de la responsabilité individuelle des dirigeants envers la société, laquelle ne peut être mise en jeu que par le liquidateur judiciaire, au titre de l'article L.641-9 du code de commerce.
Prétentions et moyens de la société [13] :
33. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 14 avril 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1240, 1833, 1843-5, 1848, 1850 et 1851 du code civil :
- de juger la concluante bien fondée en ses demandes, fins et prétentions et la recevoir en toutes ses demandes ;
- de juger la Sci [11] bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
- de débouter Mme [M] ès-qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- de juger que Mme [M] ès-qualités de cogérante de la Sci [11], a commis des fautes de gestion dans le cadre de la gérance de la Sci [11] ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a révoqué Mme [M] de la cogérance de la Sci [11] ;
- de l'infirmer en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande visant à voir condamner Mme [M] à lui payer le montant correspondant entre la moitié de la valeur du bien immobilier actuelle ' 2.600.000 euros - et la moitié du solde du prix net qui sera reversée à chacun des associées de la Sci [11] à l'issue des opérations de liquidation judiciaire ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à payer à la concluante le montant correspondant entre la moitié de la valeur du bien immobilier actuelle ' 2.600.000 euros - et la moitié du solde du prix net qui sera reversée à chacun des associées de la Sci [11] à l'issue des opérations de liquidation judiciaire ;
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande visant à voir condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros au titre du remboursement des sommes qu'elle a indûment prélevées sur le compte bancaire de la Sci [11] ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros au titre du remboursement des sommes qu'elle a indûment prélevées sur le compte bancaire de la Sci [11];
- d'infirmer ce jugement en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande visant à voir condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme
de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'elle a subi ;
- en conséquence, et statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à payer à la Sci [11] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'elle a subi ;
- de condamner Mme [M] à payer à la concluante la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Mme [M] aux entiers dépens.
34. L'intimée soutient :
35. - concernant la révocation de l'appelante, que les articles 1104 et 1833 du code civil lui imposent un devoir de loyauté, en raison de la nécessité d'exécuter le contrat de société de bonne foi, incluant le devoir d'informer son associé et de ne pas abuser de son statut et de ses pouvoirs, devant agir au mieux des intérêts de la société et non dans son intérêt propre;
36. - qu'en l'espèce, l'appelante a favorisé ses intérêts personnels au détriment de la Sci [11], en sollicitant le remboursement de son compte-courant d'associé, puisqu'elle n'a pas, en sa qualité d'associée, demandé ce remboursement, mais a, en sa qualité de cogérante, mis en demeure la société de lui rembourser ce solde, ce qui n'est pas valable puisqu'elle n'a pas ainsi agi, en sa qualité de cogérante, dans l'intérêt de la société ;
37. - qu'elle a en outre sollicité une première fois l'ouverture d'une procédure collective, alors que la société n'était pas en état de cessation des paiements, comme retenu le 26 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon ;
38. - que l'appelante a sollicité à nouveau l'ouverture d'une procédure de liquidation le 1er juin 2021, sans en informer M.[Y] ; que le tribunal a curieusement ouvert la procédure, alors que précédemment, il avait constaté l'absence d'état de cessation des paiement en raison du caractère contesté de la créance en compte-courant de la concluante, et que la situation financière était identique ; que dans le cadre des divers recours engagés, l'appelante est intervenue volontairement en sa double qualité d'associée et de cogérante, ce qui a fait échec au réexamen de l'état de cessation des paiements, les différentes juridictions saisies ne s'étant ainsi prononcées que sur la recevabilité de ces recours, alors que M.[Y] avait signifié son opposition à toute représentation de la société par l'appelante ; que celle-ci n'a pas ainsi agi dans l'intérêt de la société ;
39. - que l'appelante a commis une faute en présentant la facture de 84.000 euros établie par le cabinet [10] dans lequel elle est associée en 2018, ainsi que retenu par le tribunal, puisque cette facture n'a été adressée à la Sci [11] que lors de la convocation à l'assemblée générale adressée le 27 janvier 2020, assemblée devant statuer sur le droit de retrait de l'appelante, convocation à laquelle elle a joint un rapport d'analyse des comptes de la Sci [11] établi par son expert-comptable ; qu'il n'est pas justifié de l'envoi de cette facture antérieurement, alors qu'au contraire, les comptes clos au 31 décembre 2018 n'ont pas inclus cette facture et que l'appelante ne justifie d'aucune relance; qu'il en résulte qu'elle a souhaité majorer son compte-courant d'associé en établissant cette facture ;
40. - que cette facture ne correspond pas à des diligences accomplies par le cabinet [10], puisqu'elle vise des prestations qui auraient été réalisées à partir de 2012, non définies et sans date, alors que Me [I] a facturé des diligences correspondant à certaines prestations facturées, comme retenu par le bâtonnier de l'ordre par ordonnance du 3 octobre 2019 ; que l'appelante a d'ailleurs déchargé Me [I] par mail du 28 juin 2018, ce qu'a retenu le premier président de la cour d'appel de Lyon le 28 janvier 2020 lors
de l'examen de la décision du bâtonnier, retenant que Me [I] était intervenue pour trois dossiers opposant la société au syndicat des copropriétaires et aux consorts [R] et [B] ; que le 17 août 2021, le bâtonnier s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de taxation d'honoraires, au motif
qu'il n'était pas justifié d'un mandat donné par la Sci [11], et a renvoyé la Selarl [10] à saisir la juridiction compétente pour juger de l'existence d'un tel mandat ;
41. - qu'outre le caractère ainsi infondé de cette facture, l'appelante en a porté le montant au crédit de son compte-courant d'associé, alors qu'il ne s'agit pas d'une créance personnelle, sans justifier du transfert de cette créance à son profit, ce qui a fondé le tribunal à retenir une faute contraire à l'intérêt social de la Sci [11] ;
42. - concernant le retrait de 3.486,94 euros le 29 janvier 2019 et de 3.600 euros le 10 septembre 2019, que l'appelante n'a adressé, en sa qualité d'associée, aucune demande de remboursement de ces sommes figurant sur son compte-courant, ce qui caractérise une faute justifiant sa révocation, comme retenu par le tribunal ;
43. - que la révocation de l'appelante est également justifiée en raison d'une incompatibilité de ses fonctions avec sa profession d'avocate, puisque l'article 111 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat prévoit qu'elle est incompatible avec la fonction de gérant d'une société civile, à moins qu'elle n'ait pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat ; que l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose qu'une Sci familiale est constituée exclusivement entre parents et alliés, de sorte qu'une Sci composée d'un associé personne morale ne peut recevoir cette qualification ;
44. - que cette révocation est également justifiée par les carences de l'appelante dans la gestion de la société, puisque le rapport établi par l'appelante à l'occasion de la convocation de l'assemblée générale du 9 juillet 2019 a fait état d'erreurs : occupation du bien immobilier par M.[Y] sans droit ni titre, alors qu'il justifie d'un bail d'habitation conclu en 2012 pour lequel il règle le loyer de 4.000 euros outre les charges ;
45. - concernant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande de condamnation de l'appelante à restituer les sommes indûment prélevées au préjudice de la Sci [11], que l'article 1843-5 du code civil permet à un associé d'intenter l'action sociale en responsabilité contre le gérant, et à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; que l'appelante a ainsi prélevé 3.486,94 euros et 3.600 euros sans en avoir formé préalablement la demande, ce qui constitue un détournement ;
46. - que la Sci [11] a également subi un préjudice moral en raison de l'attitude de l'appelante, qui a agi dans son intérêt personnel ; qu'il en résulte une atteinte à son image et à sa réputation, un préjudice résultant des diverses voies de recours concernant son état de cessation des paiements, le risque de voir vendre aux enchères son unique bien ;
47. - concernant l'infirmation du jugement concernant le rejet de la demande de condamnation de l'appelante au paiement des sommes dues à la concluante, qu'il suffit d'une faute consistant dans le manquement du gérant à son devoir de loyauté à l'égard des associés ; qu'en la cause, les manquements de l'appelante ont causé un préjudice à la concluante, tant moral que financier, au regard des frais engagés pour faire juger de la question de l'état de cessation des paiements de la Sci [11], de la perte financière générée par la vente aux enchères du bien immobilier qu'elle possède, de l'atteinte à son image et à sa réputation.
Prétentions et moyens de la Selarlu [K], représentée par Me [L] [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Sci [11] :
48. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 14 avril 2025, elle indique s'en rapporter à la cour sur la demande de révocation de la gérante de la Sci [11], et la réformation ou non du jugement.
49. Elle demande :
- de juger que le litige concerne les droits propres de la Sci [11], le liquidateur judiciaire représentant ladite société conformément à l'article L.622-9 du code de commerce, et porte sur des faits antérieurs au mandat du liquidateur judiciaire ;
- de condamner la partie succombante à payer à la concluante la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'instance.
50. Elle indique que la révocation de l'appelante est sans incidence sur la liquidation judiciaire de la Sci [11], puisque l'instance porte sur un conflit entre les gérants, de sorte que le liquidateur n'a pas à prendre partie dans ce conflit.
*****
51. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
1 ) Concernant la révocation de Mme [M] :
52. Ainsi qu'énoncé par le tribunal judiciaire, le gérant d'une société civile est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
53. S'agissant en premier lieu de la cause de révocation prise de l'ouverture de la procédure judiciaire de la Sci [11], la cour ne peut qu'approuver les motifs du jugement déféré ayant retenu que le fait, pour un gérant, de faire constater l'état de cessation des paiements de la société, s'il peut conduire in fine à la disparition de la société, n'est pas contraire à ses intérêts lorsque celle-ci est effectivement en état de cessation des paiements.
54. En la cause, la cour retient que l'ouverture de la liquidation judiciaire de la Sci [11] est désormais définitive, après que tous les recours mis en 'uvre, y compris en révision, aient été rejetés, notamment suite aux décisions rendues par la Cour de cassation. Il n'est en outre pas établi que la première demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par Mme [M] ait été contraire à l'intérêt social, même si elle a alors été rejetée.
55. La cour ajoute que tout représentant d'une personne morale est astreint à procéder à la déclaration de cessation des paiements de la société, dans les 45 jours de sa constatation, sous peine de sanctions.
56. Il en résulte qu'aucune faute tenant aux demandes d'ouverture des procédures de liquidation judiciaire ne peut être retenue à l'encontre de Mme [M].
57. Concernant ensuite la cause de révocation prise d'un dépassement de pouvoirs par Mme [M], si M.[Y] a fait signifier à l'appelante, le 1er septembre 2022, son opposition à toute intervention de sa part en sa qualité de cogérante de la société dans le cadre des affaires découlant de la décision rendue par le tribunal judiciaire le 18 août 2021 ordonnant la liquidation judiciaire de la société civile, et plus particulièrement devant la Cour de cassation dans le cadre de l'instance pendante, et de représenter plus généralement la société dans toutes affaires devant le tribunal, y compris à l'étranger, dans lesquelles la société serait partie, la cour constate qu'il n'est pas justifié par la société [13] de telles interventions de l'appelante postérieurement à cette date devant le tribunal judiciaire ou la cour d'appel de Lyon.
58. En effet, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire a été rendu le 21 juin 2021, et il est ainsi antérieur à la signification de cette opposition. Il en est de même concernant le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 18 août 2021 ayant ouvert la procédure de liquidation judiciaire, et de la procédure entreprise par la Sci [11] représentée par M.[Y], ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 3 mars 2022 jugeant notamment l'appel de la société civile irrecevable.
59. Par contre, il résulte de la constitution de la Scp Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, que cette société d'avocats s'est constituée pour la Sci [11] représentée par Mme [M] le 8 septembre 2022, à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon, dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Lyon, la société [K] en qualité de liquidateur judiciaire, et Mme [M] à titre personnel.
60. Il en résulte que n'ayant pas contesté en justice l'opposition faite par M.[Y] d'intervenir dans les contentieux pouvant concerner la Sci [11], en contravention avec les statuts et l'article 1848 du code civil, Mme [M] a commis une faute, en ayant fait de ses pouvoirs de cogérante une utilisation déloyale vis-à-vis du cogérant et de l'appelante, cette dernière ayant la qualité d'associée de Mme [M].
61. En troisième lieu, s'agissant de la cause de révocation reposant sur les retraits opérés par Mme [M] au titre de son compte-courant d'associé, la cour retient que selon l'article 12 des statuts de la Sci [11], les conditions du remboursement d'un compte-courant d'associé et la fixation des intérêts sont fixés par accord entre la gérance et l'associé intéressé. Or, si 3.486,94 euros et 3.600 euros ont été retirés par l'appelante les 29 janvier et 10 septembre 2019, il n'est justifié d'aucune demande préalable faite ni auprès de la société, ni auprès du cogérant, ce qui constitue une faute du gérant, ayant ainsi agi dans son propre intérêt contraire à l'intérêt social, ainsi que retenu par le tribunal judiciaire. Si l'appelante invoque l'approbation des comptes par M.[Y] en 2020, elle ne justifie pas de ce fait.
62. S'agissant en outre de la facture de 84.000 euros présentée à la société [11], la cour constate que le rapport sur les comptes de la Sci établi par l'expert-comptable de l'appelante le 22 janvier 2020 indique que la facture [10] du 21 décembre 2018 pour 84.000 euros n'a pas été comptabilisée. Cette facture figure cependant au compte-courant de l'appelante. Cette facture de la société [10] du 21 décembre 2018 concerne diverses procédures dont les affaires [G], [B], [R]. Cependant, l'analyse de cette pièce indique que c'est une somme forfaitaire qui est mentionnée, bien qu'elle concerne des honoraires divers, concernant plusieurs procédures distinctes et devant des juridictions différentes, tant au fond qu'en référé, en première instance qu'en appel. Y figurent des postes concernant des notes adressées à un expert, l'assistance à des réunions avec des copropriétaires et la rédaction de protocoles d'accord. Aucun des différents postes n'est individualisé, et en dehors d'une assemblée générale tenue en 2017, aucune date n'est mentionnée concernant l'accomplissement des diligences réalisées.
63. Si par lettre adressée par l'appelante le 14 février 2020 à l'avocat de M.[Y] concernant la facture de 84.000 euros, Mme [M] s'est engagée à payer cette facture à ses associés au sein du cabinet d'avocats, raison pour laquelle elle l'a intégrée à son compte-courant, elle précise qu'elle ne l'a cependant pas réglée, et que si elle est réglée par la Sci, le montant sera déduit de son compte-courant. Aucune justification d'un engagement auprès des associés de Mme [M] au sein du cabinet [10] n'est produit.
64. Il résulte en outre de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Lyon du 28 janvier 2020 concernant la contestation des honoraires de Me [I], qu'il a été retenu que si cette avocate a travaillé comme collaboratrice au sein du cabinet [10], elle a également été chargée par l'appelante et M.[Y] en leur qualité de cogérants de la Sci [11] de la défense de leurs intérêts personnels et de la Sci jusqu'en juin 2018, époque à laquelle l'appelante l'a déchargée des dossiers. La décision du bâtonnier est confirmée en ce que Me [I] a effectivement traité trois dossiers, pour un coût de 18.000 euros TTC. L'attestation de Me [I] du 17 février 2020 certifie que les dossiers dont se prévaut le cabinet [10] ont été traités soit par elle, soit par Me [J]. Il est précisé que le montant de 84.000 euros n'est pas justifié dans la mesure où le cabinet n'est intervenu que pour une seule procédure, concernant M.[P].
65. Enfin, à l'occasion de la demande du cabinet [10] représenté par Mme [M] afin de taxation de ses honoraires pour 84.000 euros TTC, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Lyon a relevé qu'il existe une contestation sérieuse sur la désignation du débiteur des honoraires, aucun mandat n'étant produit émanant de la Sci [11], alors que Mme [M] a retiré un bénéfice personnel de l'intervention du cabinet [10] puisqu'elle était personnellement partie aux instances directement, et également indirectement en qualité d'associée de la Sci [11]. Le cabinet [10] a été ainsi renvoyé à saisir la juridiction compétente, s'il l'estime utile, pour juger s'il avait ou non mandat.
66. La cour retire de ces éléments que cette facture est éminemment contestable dans sa réalité, alors que l'appelante l'a portée au crédit de son compte-courant, alors qu'il ne la concernait pas à titre personnel. Cette facture n'a pas été passée dans la comptabilité de la société [11], de sorte qu'elle ne pouvait figurer dans le compte-courant d'associé de la cogérante, qui n'a réglé aucune somme à ce titre pour le compte de la société, et n'a apporté aucune somme d'un montant équivalent permettant ainsi de créditer son compte-courant. Ainsi que relevé par le tribunal judiciaire, l'appelante a mélangé sa qualité d'avocate associée, de cogérante et d'associée de la Sci [11]. Le passif de cette dernière a été augmenté dans des proportions importantes. Il en résulte que cette inscription au compte-courant de Mme [M] constitue une faute justifiant la révocation de son mandat de cogérante de la Sci [11].
67. Concernant la faute prise d'une incompatibilité entre la profession de Mme [M] et sa profession d'avocate, ainsi que relevé par le tribunal judiciaire, il n'est pas contesté que l'appelante exerçait sa profession antérieurement à sa désignation en qualité de cogérante. En outre, aucun élément n'est avancé par la société [13] concernant une contrariété qui serait ainsi préjudiciable à l'intérêt social de la Sci [11]. Le tribunal a ainsi exactement rejeté toute faute à ce titre.
68. La cour approuve également les motifs du jugement déféré concernant le grief invoqué par la société [13] concernant la rédaction d'un rapport de gérance ayant affirmé que M.[Y] occupait sans droit ni titre l'immeuble appartenant à la Sci. Si cela peut engager la responsabilité de l'appelante à l'égard de son cogérant, il n'est en effet pas justifié que ce fait soit contraire à l'intérêt social de la société civile, distinct de celui de son gérant. Le tribunal a justement écarté une faute à ce titre.
69. Il résulte ainsi de ces motifs que le jugement déféré sera confirmé en ce que le tribunal a prononcé la révocation de Mme [M] de ses fonctions de cogérante de la Sci [11].
2) Concernant les demandes de condamnation formées par la société [13] :
70. S'agissant en premier lieu de la demande visant la condamnation de Mme [M] à rembourser à la Sci [11] la somme de 7.086,94 euros au titre des sommes indûment prélevées sur le compte de la société, la cour ne peut que constater qu'en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, seul le liquidateur a compétence pour engager une procédure visant à recouvrer une somme d'argent pour le compte de la liquidation. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
71. La cour note qu'il en est de même concernant la demande visant la condamnation de Mme [M] à payer à la société civile la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier qu'elle aurait subi.
72. S'agissant de la demande de la société [13] visant la condamnation de l'appelante à lui payer la différence entre la moitié de la valeur du bien immobilier actuelle et la moitié du prix net qui sera retiré de sa vente dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, la cour relève qu'il a été dit plus haut que l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne peut être reprochée à l'appelante. Il en résulte que la perte de valeur qui sera éventuellement constatée lors de la réalisation de l'actif et du passif de la société civile est sans lien de causalité avec les fautes retenues contre Mme [M] justifiant la révocation de son mandat de cogérante. Le jugement déféré sera ainsi également confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
*****
73. Le sens du présent arrêt indique qu'il est équitable de laisser à la charge de Mme [M] et de la société [13] leurs frais et dépens exposés en cause d'appel.
74. Mme [M], succombant en son appel à l'égard de la Selarlu [K], sera condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel exposés par ce liquidateur judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1103 et suivants, 1833 et suivants du code civil ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Laisse à Mme [M] et à la société [13] la charge de leurs frais engagés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre leurs dépens d'appel ;
Condamne Mme [M] à payer à la Selarlu [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sci [11], la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens engagés en cause d'appel par le liquidateur judiciaire ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme BERTOLO, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente