CA Besançon, 1re ch., 2 septembre 2025, n° 25/00003
BESANÇON
Arrêt
Autre
MW/[Localité 7]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° de rôle : N° RG 25/00003 - N° Portalis DBVG-V-B7I-E3FH
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 03 décembre 2024 - RG N°24-1989 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT
Code affaire : 38A - Demande relative à une cession ou un nantissement de créances professionnelles
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
M. Cédric SAUNIER, conseiller.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président et M. Cédric SAUNIER, conseiller qui ont fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour à M. Philippe MAUREL, conseiller.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
SAS TP3E TRAVAUX DE POSE DE RESEAUX ELECTRICITE GAZ EAU prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège
Sise [Adresse 3]
Inscrite au RCS de [Localité 4] sous le numéro 303 230 205
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Pierre STORCK de la SELARL LEONEM, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
ET :
INTIMÉ
Monsieur [E] [B]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Alexandre BERGELIN de la SELARL REFLEX NORD FRANCHE-COMTE, avocat au barreau de MONTBELIARD
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
Par acte sous seing privé en date du 31 mars 2023, M. [E] [B] a cédé à la SARL TML la pleine propriété des 600 actions composant le capital social de la SAS Entreprise [B] et Cie. Cet acte prévoyait le remboursement du compte courant d'associé et comportait la stipulation d'une garantie d'actif et de passif, formalisée par acte séparé.
Par acte sous seing privé séparé, M. [B] a consenti à la société cédée un bail précaire d'une durée de 12 mois, avec possibilité pour la société d'y mettre fin par anticipation moyennant préavis d'un mois par LRAR.
A la suite de la cession, M. [B] a démissionné de son poste de président, et y a été remplacé par la société TML, alors que la dénomination sociale de la SAS Entreprise [B] et Cie a été modifiée pour devenir la SAS TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau, son siège social étant quant à lui transféré de [Localité 5] (25) à [Localité 6] (25).
Par exploit du 28 mai 2024, faisant valoir qu'il n'avait pu obtenir le remboursement de son compte courant d'associé, et que les modalités de rupture du bail précaire n'avaient pas été respectées, M. [B] a fait assigner la société TP3E devant le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort en paiement à titre provisionnel d'une somme globale de 59 182,50 euros à valoir sur le remboursement du compte courant d'associé, de loyers et de taxe foncière.
La société TP3E s'est opposée à ces demandes, au motif qu'une clause subordonnait le remboursement du compte courant d'associé à un niveau de trésorerie disponible qui n'était pas atteint, et qu'elle avait régulièrement mis fin au bail à compter du 8 janvier 2024. A titre reconventionnel, elle a réclamé le paiement d'une somme de 150 000 euros au titre de la mobilisation de la garantie d'actif et de passif.
Par ordonnance du 3 décembre 2024, le juge des référés a :
- constaté l'absence de contestation sérieuse ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 57 000 euros au titre du remboursement de son compte courant d'associé ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 1350 euros au titre des loyers impayés de janvier à mars 2024 ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 624,38 euros au titre de la taxe foncière 2023, et l'a débouté du surplus de sa demande à ce titre ;
- débouté la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau de sa demande de provision au titre de la garantie d'actif et de passif et l'invitons à mieux se pourvoir ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe de la présente ordonnance s'élevant à la somme de 38,65 euros ;
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que, pour justifier son refus de rembourser le compte courant d'associé, la société TP3E soutenait que l'atteinte d'un seuil de trésorerie de 150 000 euros était une condition préalable à tout paiement, alors que le demandeur affirmait quant à lui que ce seuil, s'il était atteint au 30 juin 2023, n'avait pour but que de permettre un remboursement plus rapide ; que si la société TP3E considérait que cette différence de point de vue des parties nécessitait l'interprétation d'une clause contractuelle constituant une contestation sérieuse, la rédaction de la clause était cependant suffisamment claire et explicite pour ne souffrir aucune interprétation ; que la formulation de l'obligation à paiement au 31 décembre 2023 ne présentait aucune ambiguïté, et que le point de trésorerie prévu le 30 juin 2023 avait pour unique objet de réduire le calendrier de remboursement dès lors que serait atteint le seuil de 150 000 euros, alors qu'en aucun cas le contrat ne prévoyait l'absence de remboursement au cas où ce seuil ne serait pas atteint ; qu'aucune contestation ne s'opposait donc à la demande ;
- que si la société TP3E soutenait avoir valablement résilié le bail en arguant d'une décision de l'associé unique du 8 janvier 2024 décidant du transfert du siège social, cette décision unilatérale ne respectait pas le formalisme exigé par le contrat ; qu'au surplus, la société TP3E n'avait remis les clés des locaux qu'à la date du 2 avril 2024 ; qu'aucune contestation sérieuse ne s'opposait ainsi à la demande en paiement des loyers pour les mois de janvier à mars 2024, fin contractuelle du bail ;
- que la taxe foncière n'était pas contestée en son principe, mais en son quantum ; qu'au prorata de la durée de l'occupation, la défenderesse était redevable d'une somme de 624,38 euros ;
- que la société TP3E entendait voir compenser une contre-créance de 150 000 euros au titre de la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif ; que la demande de compensation s'analysait en une contestation sérieuse, de sorte que la demande devait être rejetée.
La société TP3E a relevé appel de cette décision le 31 décembre 2024.
Par conclusions transmises le 7 mars 2025, l'appelante demande à la cour :
Recevant la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau en son appel,
Y faisant droit,
- d'infirmer l'ordonnance déférée des chefs suivants :
* constaté l'absence de contestation sérieuse,
* condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 57 000 euros au titre du remboursement de son compte d'associé,
* condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 624,38 euros au titre de la taxe foncière 2023,
* débouté la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau de sa demande de provision au titre de la garantie d'actif et de passif et l'a invitée à mieux se pourvoir,
* condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe,
* débouté la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* rappelé l'exécution provisoire de droit.;
Statuant à nouveau sur ces points,
- de juger n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnation formulées M. [E] [B] ;
- de débouter M. [E] [B] de l'intégralité de ses fins et prétentions ;
- de condamner M. [E] [B] à payer, par provision, à la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau la somme de 150 000 euros ;
- de condamner M. [E] [B] à payer à la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner M. [E] [B] aux entiers frais et dépens ;
- de rappeler le caractère exécutoire de la décision à intervenir.
Par conclusions notifiées le 28 avril 2025, M. [B] demande à la cour :
Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,
- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
- de condamner encore la société TP3E d'avoir à régler à M. [E] [B] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 6 mai 2025.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
L'article 872 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 873 du même code énonce que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Sur le remboursement du compte courant
1° sur la contestation sérieuse tirée de la nécessité d'une interprétation du contrat
Pour obtenir l'infirmation de l'ordonnance déférée, la société TP3E fait valoir en premier lieu que la demande provisionnelle formée par M. [B] repose sur une stipulation contenue à l'article 10.1 de l'acte de cession, dont les parties avaient une lecture différente, dès lors que, selon elle, cette clause subordonnait le remboursement du compte courant de M. [B] à la présence, dans la société, d'un montant minimum de trésorerie de 150 000 euros, qui n'avait jamais été atteint, là où l'intimé ne voyait qu'un seuil permettant un remboursement plus rapide. Elle soutient qu'en présence d'une telle difficulté d'interprétation, c'était au seul juge du fond de déterminer la commune intention des parties, ce qui s'analysait en une contestation sérieuse faisant obstacle à l'octroi d'une provision par le juge des référés.
L'intimé s'oppose à ce moyen, et sollicite la confirmation de la décision de première instance, en exposant que la clause contractuelle concernée était parfaitement claire, en ce qu'elle stipulait simplement que si le seuil de 150 000 euros était atteint, il bénéficierait d'un remboursement plus rapide, de sorte qu'il n'y avait lieu à aucune interprétation.
La clause litigieuse de l'acte de cession (article10.1 Comptes courants d'associés) est libellée dans les termes suivants :
' M. [E] [B] est titulaire d'une créance en compte courant d'associé à l'encontre de la société Entreprise [B] et Cie, d'un montant de 216 464,31 euros, comptes arrêtés à ce jour.
D'un commun accord entre les soussignés, le cédant s'est engagé à ce que les comptes courants d'associés soient soldés au plus tard au jour de la cession, sous réserve que la trésorerie au jour de la cession, définie supra en 2.1, atteigne un montant minimum fixé à 150 000 euros. A défaut, le cédant s'est engagé à laisser une partie de son compte courant d'associé afin que cette trésorerie atteigne l'objectif de 150 000 euros au jour de la cession.
Selon attestation en date de ce jour figurant en Annexe 4, il résulte que la trésorerie de la société ressort à :
Soldes bancaires : 323 951,70 euros
Primes brutes et charges (dont prime nette M. [B]) -263 985,00 euros
60 056,70 euros
Le compte courant d'associé de M. [E] [F] s'élève à 96 794 euros après paiement de la prime nette de 119 670 euros incluse dans le montant des primes brutes et charges.
Pour parvenir à une trésorerie nette de 150 000 euros, M. [E] [B] laisse en compte courant une somme de 89 943,30 euros (150 000 - 60 056,70).
Le solde du compte courant d'associé du cédant d'un montant de 89 943,30 euros lui sera remboursé selon les modalités suivantes :
- 30 000 euros au plus tard le 31 décembre 2023, payable en une ou plusieurs fois à la discrétion de la nouvelle gouvernance de la société [B],
- le surplus, le cas échéant, à raison de mensualités consécutives d'un montant de 3 000 euros à compter du 1er janvier 2024 jusqu'à complet apurement de la créance du cédant.
Les soussignés conviennent toutefois de se revoir au plus tard le 30 juin 2023 pour faire un point sur la trésorerie et réduire le calendrier de remboursement de la créance de M. [E] [B] dès lors que le seuil de 150 000 euros sera atteint et dépassé.
Le cédant déclare qu'il n'a consenti à la société aucun abandon de compte courant avec clause de retour à meilleure fortune qui ne serait pas résilié ou arrivé à expiration.'
La simple lecture de cette clause révèle qu'elle est dépourvue de toute ambiguïté nécessitant une interprétation.
S'il en ressort certes que le remboursement intégral du compte courant d'associé de M. [B] au jour de la cession était subordonné à l'existence, à cette date, d'une trésorerie atteignant 150 000 euros, ce qui n'avait pas été le cas, de sorte que la trésorerie de la société a été abondée à due concurrence au moyen de sommes figurant au compte courant du cédant, il n'en demeure pas moins que, de manière parfaitement claire, il est mis à la charge de la société le remboursement non conditionnel du solde de ce compte courant, selon le calendrier fixé. Le point sur la trésorerie prévu au 30 juin 2023 a quant à lui pour seul objectif, ainsi que cela est énoncé de manière dépourvue de toute ambiguïté, de permettre le cas échéant, au regard de l'atteinte du seuil de 150 000 euros, un remboursement selon des modalités plus rapides que celles fixées par ce calendrier.
Comme l'a, à bon droit retenu le premier juge, la société appelante ne peut sérieusement soutenir que cette clause pourrait être interprétée comme de nature à priver M. [B] du bénéfice du remboursement de son compte courant d'associé en fonction du seuil de trésorerie atteint, alors qu'aucune lecture ne permet de lui donner un tel sens.
La nécessité alléguée d'une interprétation des stipulations contractuelles ne peut dans ces conditions s'analyser comme constituant une contestation sérieuse pouvant être utilement opposée à la demande en paiement provisionnel du solde du compte courant formée sur la base de ces stipulations.
2° sur la contestation sérieuse tirée de l'existence d'une contre-créance
La société TP3E fait ensuite valoir qu'elle dispose à l'encontre de M. [B] d'une contre-créance au titre de la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, indiquant qu'elle était le bénéficiaire final de cette garantie, et soutenant que certaines machines cédées étaient absentes, que d'autres étaient atteintes de dysfonctionnements majeurs, alors par ailleurs qu'avaient été constatés des manquements aux règles du droit du travail, que les comptes n'étaient pas sincères, ou encore que lui avaient été cachées l'affiliation des salariés à une retraite complémentaire, ainsi que la reconnaissance, pour l'un d'eux, d'une maladie professionnelle ayant entraîné son licenciement.
L'intimé réplique que la contre-créance invoquée est elle-même sérieusement contestable, dès lors, d'une part, que la société TP3E n'est pas la bénéficiaire de la garantie d'actif et de passif, consentie au profit de la seule société TML, et dans la mesure, d'autre part, où l'ensemble des griefs énoncés par l'appelante sont formellement contestés, et que leur examen échappe à l'office du juge des référés.
Si le fait d'opposer à une demande provisionnelle formée devant le juge des référés une contre-créance peut certes s'analyser en une contestation sérieuse de nature à faire obstacle à la provision sollicitée, cela suppose néanmoins que la contre-créance invoquée soit elle-même dépourvue de caractère sérieusement contestable.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
D'abord, parce que la garantie d'actif et de passif dont l'appelante invoque la mobilisation en guise de contre-créance, n'a pas été stipulée au bénéfice de celle-ci, mais à celui de la société TML, cessionnaire des titres, et qui n'est pas partie à la présente instance. Sur ce point, si l'appelante rappelle que l'acte de cession stipule que les sommes provenant de la mobilisation de la garantie seront versées, au choix du bénéficiaire, soit à lui-même, soit au profit de la société cédée, et que c'est ce dernier choix qui aurait été opéré dans la mise en demeure adressée le 24 mai 2024 par la société TML, il n'en demeure pas moins que, dans un pareil cas, la société TP3E n'est que le destinataire des fonds désigné par le bénéficiaire, lequel reste la société TML. A ce premier égard, la contre-créance invoquée se heurte à une contestation sérieuse, qui échappe à l'appréciation du juge des référés.
Ensuite, parce que, sur le fond, la mise en oeuvre de la garantie est contestée par M. [B], qui, à chacun des griefs formulés par le cessionnaire, a opposé à ceux-ci, dans un courrier en réponse du 1er janvier 2024, des arguments circonstanciés, de sorte que la mobilisation de la garantie se heurte elle-même à une contestation sérieuse, qui nécessite, pour l'appréciation de son bien-fondé, l'intervention du juge du fond.
3° Sur la provision
Il est constant que ni le paiement de la fraction du solde du compte courant d'associé prévu au plus tard le 31 décembre 2023, ni le règlement des échéances mensuelles fixées à compter du 1er janvier 2024 ne sont jamais intervenus.
Cette créance de M. [B] sur la société TP3E n'étant donc pas sérieusement contestable, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a mis à la charge de l'appelante le paiement d'une provision de 57 000 euros à ce titre.
Sur les loyers impayés et la taxe foncière
Le premier juge a à juste titre retenu que le bail précaire concédé à l'appelante par M. [B] n'avait pas été résilié par la locataire dans le respect du formalisme prévu au contrat, et n'avait restitué les lieux qu'à la date du 2 avril 2024, de sorte qu'elle était redevable des loyers jusqu'à cette date.
Etant observé que l'appelante ne développe sur ce point aucune critique particulière, et que, dans le dispositif de ses dernières écritures, elle ne sollicite pas l'infirmation de ce chef, l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société TP3E à payer à l'intimé une provision de 1 350 euros à ce titre.
S'agissant de la taxe foncière, la contestation de la société appelante se borne à soutenir que son montant ne serait pas justifié dès lors qu'il avait été arbitré par le premier juge à une somme différente de celle qui avait été sollicitée par M. [B] en première instance. Cette argumentation est dépourvue de tout emport, dès lors que le juge des référés a rempli son office en réduisant le montant de la demande à hauteur de la somme qu'il estimait n'être pas sérieusement contestable au regard des justificatifs fournis et de la règle du pro rata temporis. M. [B] n'ayant pas formé appel incident de ce chef, la confirmation s'impose également sur ce point.
Sur la demande provisionnelle au titre de la garantie d'actif et de passif
Les motifs ayant précédemment conduit au rejet de l'invocation de la contre-créance à titre de contestation sérieuse de la demande provisionnelle de M. [B] imposent que l'ordonnance entreprise soit confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision formée par la société TP3E sur le fondement de cette même créance, eu égard à l'existence des contestations sérieuses élevées par l'intimé.
Sur les autres dispositions
La décision querellée sera confirmée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimé la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 décembre 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau aux dépens d'appel ;
Condamne la SAS TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer à M. [E] [B] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° de rôle : N° RG 25/00003 - N° Portalis DBVG-V-B7I-E3FH
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 03 décembre 2024 - RG N°24-1989 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT
Code affaire : 38A - Demande relative à une cession ou un nantissement de créances professionnelles
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
M. Cédric SAUNIER, conseiller.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président et M. Cédric SAUNIER, conseiller qui ont fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour à M. Philippe MAUREL, conseiller.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
SAS TP3E TRAVAUX DE POSE DE RESEAUX ELECTRICITE GAZ EAU prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège
Sise [Adresse 3]
Inscrite au RCS de [Localité 4] sous le numéro 303 230 205
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Pierre STORCK de la SELARL LEONEM, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
ET :
INTIMÉ
Monsieur [E] [B]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Alexandre BERGELIN de la SELARL REFLEX NORD FRANCHE-COMTE, avocat au barreau de MONTBELIARD
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
Par acte sous seing privé en date du 31 mars 2023, M. [E] [B] a cédé à la SARL TML la pleine propriété des 600 actions composant le capital social de la SAS Entreprise [B] et Cie. Cet acte prévoyait le remboursement du compte courant d'associé et comportait la stipulation d'une garantie d'actif et de passif, formalisée par acte séparé.
Par acte sous seing privé séparé, M. [B] a consenti à la société cédée un bail précaire d'une durée de 12 mois, avec possibilité pour la société d'y mettre fin par anticipation moyennant préavis d'un mois par LRAR.
A la suite de la cession, M. [B] a démissionné de son poste de président, et y a été remplacé par la société TML, alors que la dénomination sociale de la SAS Entreprise [B] et Cie a été modifiée pour devenir la SAS TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau, son siège social étant quant à lui transféré de [Localité 5] (25) à [Localité 6] (25).
Par exploit du 28 mai 2024, faisant valoir qu'il n'avait pu obtenir le remboursement de son compte courant d'associé, et que les modalités de rupture du bail précaire n'avaient pas été respectées, M. [B] a fait assigner la société TP3E devant le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort en paiement à titre provisionnel d'une somme globale de 59 182,50 euros à valoir sur le remboursement du compte courant d'associé, de loyers et de taxe foncière.
La société TP3E s'est opposée à ces demandes, au motif qu'une clause subordonnait le remboursement du compte courant d'associé à un niveau de trésorerie disponible qui n'était pas atteint, et qu'elle avait régulièrement mis fin au bail à compter du 8 janvier 2024. A titre reconventionnel, elle a réclamé le paiement d'une somme de 150 000 euros au titre de la mobilisation de la garantie d'actif et de passif.
Par ordonnance du 3 décembre 2024, le juge des référés a :
- constaté l'absence de contestation sérieuse ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 57 000 euros au titre du remboursement de son compte courant d'associé ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 1350 euros au titre des loyers impayés de janvier à mars 2024 ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 624,38 euros au titre de la taxe foncière 2023, et l'a débouté du surplus de sa demande à ce titre ;
- débouté la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau de sa demande de provision au titre de la garantie d'actif et de passif et l'invitons à mieux se pourvoir ;
- condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe de la présente ordonnance s'élevant à la somme de 38,65 euros ;
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que, pour justifier son refus de rembourser le compte courant d'associé, la société TP3E soutenait que l'atteinte d'un seuil de trésorerie de 150 000 euros était une condition préalable à tout paiement, alors que le demandeur affirmait quant à lui que ce seuil, s'il était atteint au 30 juin 2023, n'avait pour but que de permettre un remboursement plus rapide ; que si la société TP3E considérait que cette différence de point de vue des parties nécessitait l'interprétation d'une clause contractuelle constituant une contestation sérieuse, la rédaction de la clause était cependant suffisamment claire et explicite pour ne souffrir aucune interprétation ; que la formulation de l'obligation à paiement au 31 décembre 2023 ne présentait aucune ambiguïté, et que le point de trésorerie prévu le 30 juin 2023 avait pour unique objet de réduire le calendrier de remboursement dès lors que serait atteint le seuil de 150 000 euros, alors qu'en aucun cas le contrat ne prévoyait l'absence de remboursement au cas où ce seuil ne serait pas atteint ; qu'aucune contestation ne s'opposait donc à la demande ;
- que si la société TP3E soutenait avoir valablement résilié le bail en arguant d'une décision de l'associé unique du 8 janvier 2024 décidant du transfert du siège social, cette décision unilatérale ne respectait pas le formalisme exigé par le contrat ; qu'au surplus, la société TP3E n'avait remis les clés des locaux qu'à la date du 2 avril 2024 ; qu'aucune contestation sérieuse ne s'opposait ainsi à la demande en paiement des loyers pour les mois de janvier à mars 2024, fin contractuelle du bail ;
- que la taxe foncière n'était pas contestée en son principe, mais en son quantum ; qu'au prorata de la durée de l'occupation, la défenderesse était redevable d'une somme de 624,38 euros ;
- que la société TP3E entendait voir compenser une contre-créance de 150 000 euros au titre de la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif ; que la demande de compensation s'analysait en une contestation sérieuse, de sorte que la demande devait être rejetée.
La société TP3E a relevé appel de cette décision le 31 décembre 2024.
Par conclusions transmises le 7 mars 2025, l'appelante demande à la cour :
Recevant la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau en son appel,
Y faisant droit,
- d'infirmer l'ordonnance déférée des chefs suivants :
* constaté l'absence de contestation sérieuse,
* condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 57 000 euros au titre du remboursement de son compte d'associé,
* condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer par provision à M. [E] [B] la somme de 624,38 euros au titre de la taxe foncière 2023,
* débouté la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau de sa demande de provision au titre de la garantie d'actif et de passif et l'a invitée à mieux se pourvoir,
* condamné la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe,
* débouté la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* rappelé l'exécution provisoire de droit.;
Statuant à nouveau sur ces points,
- de juger n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnation formulées M. [E] [B] ;
- de débouter M. [E] [B] de l'intégralité de ses fins et prétentions ;
- de condamner M. [E] [B] à payer, par provision, à la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau la somme de 150 000 euros ;
- de condamner M. [E] [B] à payer à la société TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner M. [E] [B] aux entiers frais et dépens ;
- de rappeler le caractère exécutoire de la décision à intervenir.
Par conclusions notifiées le 28 avril 2025, M. [B] demande à la cour :
Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,
- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
- de condamner encore la société TP3E d'avoir à régler à M. [E] [B] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 6 mai 2025.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
L'article 872 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 873 du même code énonce que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Sur le remboursement du compte courant
1° sur la contestation sérieuse tirée de la nécessité d'une interprétation du contrat
Pour obtenir l'infirmation de l'ordonnance déférée, la société TP3E fait valoir en premier lieu que la demande provisionnelle formée par M. [B] repose sur une stipulation contenue à l'article 10.1 de l'acte de cession, dont les parties avaient une lecture différente, dès lors que, selon elle, cette clause subordonnait le remboursement du compte courant de M. [B] à la présence, dans la société, d'un montant minimum de trésorerie de 150 000 euros, qui n'avait jamais été atteint, là où l'intimé ne voyait qu'un seuil permettant un remboursement plus rapide. Elle soutient qu'en présence d'une telle difficulté d'interprétation, c'était au seul juge du fond de déterminer la commune intention des parties, ce qui s'analysait en une contestation sérieuse faisant obstacle à l'octroi d'une provision par le juge des référés.
L'intimé s'oppose à ce moyen, et sollicite la confirmation de la décision de première instance, en exposant que la clause contractuelle concernée était parfaitement claire, en ce qu'elle stipulait simplement que si le seuil de 150 000 euros était atteint, il bénéficierait d'un remboursement plus rapide, de sorte qu'il n'y avait lieu à aucune interprétation.
La clause litigieuse de l'acte de cession (article10.1 Comptes courants d'associés) est libellée dans les termes suivants :
' M. [E] [B] est titulaire d'une créance en compte courant d'associé à l'encontre de la société Entreprise [B] et Cie, d'un montant de 216 464,31 euros, comptes arrêtés à ce jour.
D'un commun accord entre les soussignés, le cédant s'est engagé à ce que les comptes courants d'associés soient soldés au plus tard au jour de la cession, sous réserve que la trésorerie au jour de la cession, définie supra en 2.1, atteigne un montant minimum fixé à 150 000 euros. A défaut, le cédant s'est engagé à laisser une partie de son compte courant d'associé afin que cette trésorerie atteigne l'objectif de 150 000 euros au jour de la cession.
Selon attestation en date de ce jour figurant en Annexe 4, il résulte que la trésorerie de la société ressort à :
Soldes bancaires : 323 951,70 euros
Primes brutes et charges (dont prime nette M. [B]) -263 985,00 euros
60 056,70 euros
Le compte courant d'associé de M. [E] [F] s'élève à 96 794 euros après paiement de la prime nette de 119 670 euros incluse dans le montant des primes brutes et charges.
Pour parvenir à une trésorerie nette de 150 000 euros, M. [E] [B] laisse en compte courant une somme de 89 943,30 euros (150 000 - 60 056,70).
Le solde du compte courant d'associé du cédant d'un montant de 89 943,30 euros lui sera remboursé selon les modalités suivantes :
- 30 000 euros au plus tard le 31 décembre 2023, payable en une ou plusieurs fois à la discrétion de la nouvelle gouvernance de la société [B],
- le surplus, le cas échéant, à raison de mensualités consécutives d'un montant de 3 000 euros à compter du 1er janvier 2024 jusqu'à complet apurement de la créance du cédant.
Les soussignés conviennent toutefois de se revoir au plus tard le 30 juin 2023 pour faire un point sur la trésorerie et réduire le calendrier de remboursement de la créance de M. [E] [B] dès lors que le seuil de 150 000 euros sera atteint et dépassé.
Le cédant déclare qu'il n'a consenti à la société aucun abandon de compte courant avec clause de retour à meilleure fortune qui ne serait pas résilié ou arrivé à expiration.'
La simple lecture de cette clause révèle qu'elle est dépourvue de toute ambiguïté nécessitant une interprétation.
S'il en ressort certes que le remboursement intégral du compte courant d'associé de M. [B] au jour de la cession était subordonné à l'existence, à cette date, d'une trésorerie atteignant 150 000 euros, ce qui n'avait pas été le cas, de sorte que la trésorerie de la société a été abondée à due concurrence au moyen de sommes figurant au compte courant du cédant, il n'en demeure pas moins que, de manière parfaitement claire, il est mis à la charge de la société le remboursement non conditionnel du solde de ce compte courant, selon le calendrier fixé. Le point sur la trésorerie prévu au 30 juin 2023 a quant à lui pour seul objectif, ainsi que cela est énoncé de manière dépourvue de toute ambiguïté, de permettre le cas échéant, au regard de l'atteinte du seuil de 150 000 euros, un remboursement selon des modalités plus rapides que celles fixées par ce calendrier.
Comme l'a, à bon droit retenu le premier juge, la société appelante ne peut sérieusement soutenir que cette clause pourrait être interprétée comme de nature à priver M. [B] du bénéfice du remboursement de son compte courant d'associé en fonction du seuil de trésorerie atteint, alors qu'aucune lecture ne permet de lui donner un tel sens.
La nécessité alléguée d'une interprétation des stipulations contractuelles ne peut dans ces conditions s'analyser comme constituant une contestation sérieuse pouvant être utilement opposée à la demande en paiement provisionnel du solde du compte courant formée sur la base de ces stipulations.
2° sur la contestation sérieuse tirée de l'existence d'une contre-créance
La société TP3E fait ensuite valoir qu'elle dispose à l'encontre de M. [B] d'une contre-créance au titre de la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, indiquant qu'elle était le bénéficiaire final de cette garantie, et soutenant que certaines machines cédées étaient absentes, que d'autres étaient atteintes de dysfonctionnements majeurs, alors par ailleurs qu'avaient été constatés des manquements aux règles du droit du travail, que les comptes n'étaient pas sincères, ou encore que lui avaient été cachées l'affiliation des salariés à une retraite complémentaire, ainsi que la reconnaissance, pour l'un d'eux, d'une maladie professionnelle ayant entraîné son licenciement.
L'intimé réplique que la contre-créance invoquée est elle-même sérieusement contestable, dès lors, d'une part, que la société TP3E n'est pas la bénéficiaire de la garantie d'actif et de passif, consentie au profit de la seule société TML, et dans la mesure, d'autre part, où l'ensemble des griefs énoncés par l'appelante sont formellement contestés, et que leur examen échappe à l'office du juge des référés.
Si le fait d'opposer à une demande provisionnelle formée devant le juge des référés une contre-créance peut certes s'analyser en une contestation sérieuse de nature à faire obstacle à la provision sollicitée, cela suppose néanmoins que la contre-créance invoquée soit elle-même dépourvue de caractère sérieusement contestable.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
D'abord, parce que la garantie d'actif et de passif dont l'appelante invoque la mobilisation en guise de contre-créance, n'a pas été stipulée au bénéfice de celle-ci, mais à celui de la société TML, cessionnaire des titres, et qui n'est pas partie à la présente instance. Sur ce point, si l'appelante rappelle que l'acte de cession stipule que les sommes provenant de la mobilisation de la garantie seront versées, au choix du bénéficiaire, soit à lui-même, soit au profit de la société cédée, et que c'est ce dernier choix qui aurait été opéré dans la mise en demeure adressée le 24 mai 2024 par la société TML, il n'en demeure pas moins que, dans un pareil cas, la société TP3E n'est que le destinataire des fonds désigné par le bénéficiaire, lequel reste la société TML. A ce premier égard, la contre-créance invoquée se heurte à une contestation sérieuse, qui échappe à l'appréciation du juge des référés.
Ensuite, parce que, sur le fond, la mise en oeuvre de la garantie est contestée par M. [B], qui, à chacun des griefs formulés par le cessionnaire, a opposé à ceux-ci, dans un courrier en réponse du 1er janvier 2024, des arguments circonstanciés, de sorte que la mobilisation de la garantie se heurte elle-même à une contestation sérieuse, qui nécessite, pour l'appréciation de son bien-fondé, l'intervention du juge du fond.
3° Sur la provision
Il est constant que ni le paiement de la fraction du solde du compte courant d'associé prévu au plus tard le 31 décembre 2023, ni le règlement des échéances mensuelles fixées à compter du 1er janvier 2024 ne sont jamais intervenus.
Cette créance de M. [B] sur la société TP3E n'étant donc pas sérieusement contestable, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a mis à la charge de l'appelante le paiement d'une provision de 57 000 euros à ce titre.
Sur les loyers impayés et la taxe foncière
Le premier juge a à juste titre retenu que le bail précaire concédé à l'appelante par M. [B] n'avait pas été résilié par la locataire dans le respect du formalisme prévu au contrat, et n'avait restitué les lieux qu'à la date du 2 avril 2024, de sorte qu'elle était redevable des loyers jusqu'à cette date.
Etant observé que l'appelante ne développe sur ce point aucune critique particulière, et que, dans le dispositif de ses dernières écritures, elle ne sollicite pas l'infirmation de ce chef, l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société TP3E à payer à l'intimé une provision de 1 350 euros à ce titre.
S'agissant de la taxe foncière, la contestation de la société appelante se borne à soutenir que son montant ne serait pas justifié dès lors qu'il avait été arbitré par le premier juge à une somme différente de celle qui avait été sollicitée par M. [B] en première instance. Cette argumentation est dépourvue de tout emport, dès lors que le juge des référés a rempli son office en réduisant le montant de la demande à hauteur de la somme qu'il estimait n'être pas sérieusement contestable au regard des justificatifs fournis et de la règle du pro rata temporis. M. [B] n'ayant pas formé appel incident de ce chef, la confirmation s'impose également sur ce point.
Sur la demande provisionnelle au titre de la garantie d'actif et de passif
Les motifs ayant précédemment conduit au rejet de l'invocation de la contre-créance à titre de contestation sérieuse de la demande provisionnelle de M. [B] imposent que l'ordonnance entreprise soit confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision formée par la société TP3E sur le fondement de cette même créance, eu égard à l'existence des contestations sérieuses élevées par l'intimé.
Sur les autres dispositions
La décision querellée sera confirmée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimé la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 décembre 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau aux dépens d'appel ;
Condamne la SAS TP3E Travaux de Pose de Réseaux Electricité Gaz Eau à payer à M. [E] [B] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,