CA Bordeaux, 4e ch. com., 3 septembre 2025, n° 24/04908
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 03 SEPTEMBRE 2025
N° RG 24/04908 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OABG
Monsieur [B] [F]
S.A.R.L. DIALEXIS GROUPE
c/
Monsieur [O] [F]
Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 08 octobre 2024 (R.G. 2024R00398) par le Président du tribunal de commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 07 novembre 2024
APPELANTS :
Monsieur [B] [F], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 7] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
S.A.R.L. DIALEXIS GROUPE, inscrite au RSC de [Localité 5] sous le numéro 803 462 621, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentés par Maître Isabelle JIMENEZ-BARAT substituant Maître Camille CIMENTA de la SARL WE RISE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [O] [F], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 6] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Monsieur [O] [F], Monsieur [B] [F] et la société à responsabilité limitée Dialexis Groupe sont associés de la société à responsabilité limitée Dialexis, exerçant une activité de formation et d'audit à [Localité 5].
Par acte sous seing privé du 26 septembre 2014, la société Dialexis Groupe s'est engagée à racheter à Monsieur [O] [F] 143 parts sociales au prix de 166.833 euros. L'acte stipulait une période de levée d'option à exercer par le bénéficiaire de cette promesse entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2021.
Monsieur [F] [O] a levé l'option le 27 avril 2021.
A la suite de négociations entre les parties, la société Dialexis Groupe n'a acquis que 30 parts sociales de la société Dialexis détenues par Monsieur [O] [F], ce par acte sous seing privé du 25 avril 2022 et, par un autre acte du même jour, la société Dialexis Groupe s'est engagée à racheter à Monsieur [O] [F] les 113 parts sociales restantes au prix de 131 833 euros. Cet engagement a été garanti par un cautionnement solidaire souscrit, dans le même acte, par Monsieur [B] [F] à concurrence de 150.000 euros.
Le bénéficiaire a levé l'option par courrier du 3 octobre 2023. La cession n'a pas été exécutée.
2. Par acte du 27 mars 2024, Monsieur [O] [F] a assigné Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de faire juger la cession de 113 parts sociales parfaite et condamner solidairement la cessionnaire et la caution au paiement de la somme de 131 833 euros.
Par ordonnance du 8 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a :
- Condamné Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe SARL au paiement de la somme provisionnelle de 131 833 euros ;
- Dit que M. [B] [F] et la société Dialexis Groupe SARL pourraient se libérer de leur dette en 24 pactes mensuels équivalents, le premier pacte intervenant au lendemain de la signification de la décision ;
- Dit que faute de paiement d'un seul pacte à son échéance, la totalité des sommes restant encore dues frais deviendraient de plein droit immédiatement exigibles ;
- Condamné la société Dialexis Groupe SARL au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné la société Dialexis Groupe SARL aux dépens.
Par déclaration au greffe du 7 novembre 2024, la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] ont relevé appel de l'ordonnance énonçant les chefs expressément critiqués intimant Monsieur [F] [O].
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
3. Par dernières écritures notifiées le 25 janvier 2025, Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe demandent à la cour de :
- Recevoir Monsieur [B] [F] et la société SARL Dialexis Groupe en leurs écritures et les dire bien fondées ;
- Infirmer l'ordonnance par le président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 8 octobre 2024 en ce qu'elle a :
- Jugé parfaite la cession de 113 parts sociales conclue entre la société Dialexis Groupe et Monsieur [O] [F] ;
- Condamné la société Dialexis Groupe au paiement du prix de cession arrêté dans la promesse d'achat d'un montant de 131 833 euros ;
- Condamné solidairement Monsieur [B] [F] au paiement du prix de cession d'un montant de 131 833 euros au titre de son engagement de caution solidaire ;
- Condamné la société Dialexis Groupe au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- Dire et juger que la promesse d'achat des parts sociales présente un caractère léonin, et la réputer non écrite ;
- Dire et juger que le cautionnement souscrit par Monsieur [B] [F] est manifestement disproportionné ;
- Dire et juger que Monsieur [O] [F] n'a pas respecté son devoir de mise en garde ;
- Dire et juger Monsieur [O] [F] doit être déchu de son droit contre la caution ;
- Condamner Monsieur [O] [F] au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile à la société Dialexis Groupe ;
- Condamner Monsieur [O] [F] au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile à la société Dialexis Groupe ;
- Condamner Monsieur [O] [F] aux entiers dépens.
4. Par dernières écritures notifiées le 20 février 2025, Monsieur [O] [F] demande à la cour de :
Vu l'article 564 du code de procédure civile
Vu les articles 1121, 1221 et suivants et 1582 et suivants du code civil.
Vu l'article 700 du code de procédure civile
A titre liminaire
- Juger que les prétentions nouvelles en cause d'appel de la société Dialexis Groupe et de Monsieur [B] [F] sont irrecevables.
A titre principal
- Confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Bordeaux
En tout état de cause
- Condamner solidairement Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe à verser à Monsieur [O] [F] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Y ajoutant,
- Condamner Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe à verser à Monsieur [O] [F] la somme de 10 000 euros pour résistance abusive.
- Condamner Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe aux entiers dépens.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des demandes nouvelles des appelants
5. Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, Monsieur [O] [F] fait valoir que les appelants présentent en appel quatre demandes qu'ils n'avaient pas formées devant le juge des référés portant sur le caractère non écrit de la promesse d'achat des parts sociales, la disproportion de l'engagement de caution de Monsieur [B] [F], le défaut de respect par Monsieur [O] [F] de son devoir de mise en garde, la déchéance du droit de Monsieur [O] [F] contre la caution.
L'intimé en tire la conséquence de leur irrecevabilité.
6. Les appelants n'ont pas répondu à cette fin de non recevoir.
Sur ce,
7. L'article 564 du code de procédure civile dispose :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»
Selon les articles 565 et 566 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
8. En l'espèce, la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] ont, selon les mentions de l'ordonnance de référé du 8 octobre 2024, présenté les demandes suivantes :
« A titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes émises par Monsieur [O] [F] ;
A titre subsidiaire,
- accorder à la société Dialexis Groupe des délais de paiement d'une durée de vingt-quatre mois ;
- accorder à Monsieur [B] [F] des délais de paiement d'une durée de vingt-quatre mois ;
- condamner Monsieur [O] [F] à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.»
Il n'est pas précisé par les parties quelle a été la fin de non recevoir soutenue par la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] en première instance et l'intimé ne produit pas les conclusions de ses adversaires devant le premier juge.
9. Néanmoins, les motifs de l'ordonnance déférée révèlent que les appelants ont, dès la première instance, présenté des arguments relatifs au prix de cession et au montant de l'engagement de la caution, manifestement développés au soutien du moyen tiré de l'existence de contestations sérieuses s'opposant aux pouvoirs du juge des référés.
10. Ces contestations sérieuses en première instance sont devenues des prétentions en cause d'appel. Elles ne peuvent cependant être qualifiées de demandes nouvelles en appel puisqu'elles tendent au rejet de la demande en paiement formée contre la société Dialexis Groupe et contre Monsieur [B] [F] ; il faut par ailleurs observer que la troisième demande telle que formulée au dispositif des conclusions des appelants -le manquement au devoir de mise en garde- doit être qualifié de moyen au soutien de la quatrième demande et que Monsieur [B] [F] en tire la conséquence juridique de la déchéance du droit de Monsieur [O] [F] contre la caution.
11. Il convient donc de rejeter la fin de non recevoir présentée de ce chef par Monsieur [O] [F].
Sur la validité du contrat
12. La société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] font valoir que le code civil prévoit que sont réputées non écrites les clauses léonines qui ont pour objet d'exonérer un associé de la totalité des pertes ou qui mettent à sa charge la totalité des pertes.
Les appelants indiquent qu'en l'espèce la promesse d'achat des parts sociales stipulait un prix fixe non révisable, convenu entre les parties en 2014 dans un contexte économique totalement différent.
Ils soutiennent que le prix fixé dans la deuxième promesse, plus de 8 ans après, n'a pas pris en compte la réalité de l'activité de la société en 2022 pendant la pandémie ; qu'il est évident que cette promesse n'avait vocation qu'à permettre à Monsieur [O] [F] d'éviter tout aléa économique et toute contribution aux pertes de la société Dialexis en lui assurant une sortie du capital avec une rentabilité fixée à l'avance et ce indépendamment des résultats de la société et donc de sa valeur ; qu'elle a été essentiellement conclue dans l'unique intérêt de Monsieur [O] [F].
Les appelants demandent en conséquence à la cour de réputer non écrite la promesse d'achat litigieuse.
13. Monsieur [O] [F] répond qu'il est de principe que la qualification de clause léonine n'est pas applicable à ce type de promesse unilatérale.
L'intimé fait valoir que Monsieur [B] [F] avait acquis, via sa holding, le contrôle de la société Dialexis le 26 septembre 2014, dont il était déjà associé ; qu'il exerçait donc seul la gestion comme associé et comme gérant ; que le prix de 2022 a dès lors été consenti sur les mêmes bases que celui de 2014 et en toute connaissance de cause.
Monsieur [O] [F] soutient qu'il souhaitait se désengager de la société dès 2019, de sorte que la promesse signée en 2014 prévoyait qu'il pouvait lever son option unilatéralement dès le 1er juillet 2019 ; que c'est son frère qu'il l'a convaincu de repousser sa levée d'option afin de tempérer ses difficultés à tenir ses engagements.
S'agissant de la charge de l'aléa, l'intimé indique que la promesse d'achat signée le 26 septembre 2014 stipulait dans son article 3.1 que la promesse n'entrerait en vigueur que le 1er juillet 2019 jusqu'au 30 juin 2021, ce qui faisait subsister un aléa pendant près de cinq années avant la levée éventuelle de l'option et réapparaissait d'ailleurs dès la levée d'option.
Monsieur [O] [F] conclut que puisque la promesse était à prix fixe, elle ne lui permettait pas de profiter d'éventuelles hausses de la valeur des titres et que si le prix des titres avait augmenté entre la date de la promesse et la levée de l'option, Monsieur [B] [F] aurait pu les racheter à un coût inférieur à la valeur réelle.
Sur ce,
14. L'article 1844-1 du code civil dispose :
« La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.
Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.»
Il est constant en droit que la promesse unilatérale d'achat d'actions à prix garanti, qui a pour seul objet d'assurer la transmission de droits sociaux moyennant un prix librement débattu, est sans incidence sur la participation aux bénéfices et aux pertes dans les rapports sociaux et ne constitue donc pas un pacte léonin prohibé par l'article 844-1 du code civil.
15. Au demeurant, en l'espèce, la promesse d'achat conclue le 26 septembre 2014 mentionne en page trois qu'une convention de garantie d'actif et de passif a également été conclue le même jour.
16. Enfin, il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'appel, statuant en matière de référé, de déclarer non écrite la stipulation d'une convention ou cette convention elle-même, ainsi que le demandent les appelants.
17. Il n'existe pas sur ce point de contestation sérieuse.
Sur l'engagement de caution de Monsieur [B] [F]
18. Au visa des articles 2299 et 2300 du code civil, Monsieur [B] [F] demande à la cour de dire que son engagement en qualité de caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus et, retenant que Monsieur [O] [F] a manqué à son devoir de mise en garde en sa qualité de créancier professionnel, de juger que ce dernier doit être déchu de son droit contre la caution.
L'appelant fait valoir qu'en l'espèce, l'intimé a sollicité un cautionnement dans le cadre de la sortie d'une société commerciale dans laquelle il était l'associé majoritaire et le dirigeant ; qu'il s'agissait donc de son activité professionnelle.
Monsieur [B] [F] indique qu'au moment de son engagement, il n'avait que la rémunération de gérance allouée par la société Dialexis comme source de revenus, ce pour un montant déclaré de 41.000 euros annuel ; qu'il détenait une épargne disponible d'environ 5 000 euros ; qu'il était endetté à titre personnel puisqu'il avait dû contracter un prêt à la consommation d'un montant de 35.000 euros, pour payer les parts sociales déjà acquises auprès de son frère, outre un
un prêt immobilier à hauteur de 281.636 euros.
L'appelant soutient que Monsieur [O] [F], créancier professionnel et frère de son débiteur, ne pouvait pas ignorer la situation économique de la société Dialexis qu'il avait lui-même fondée et dirigée pendant des années, ni celle de son frère avec qui il a toujours entretenu des liens étroits ; qu'il aurait donc dû avertir son frère sur les risques pris pour consentir le cautionnement ; que ce manquement à son devoir de mise en garde a entraîné sans aucun doute un préjudice financier
subi par Monsieur [B] [F] à hauteur du montant réclamé.
19. Monsieur [O] [F] répond tout d'abord que la caution garantissant un rachat de titres n'est pas considérée comme donnée à un créancier professionnel.
L'intimé explique qu'en 2022 il n'était plus gérant depuis 2014 et était associé minoritaire depuis la vente de 30 parts sociales ; qu'il ne peut donc pas être un créancier professionnel ; que, en revanche, Monsieur [B] [F] a contracté le cautionnement litigieux en tant que professionnel puisqu'il est associé et gérant des sociétés Dialexis et Dialexis Groupe.
Monsieur [O] [F] ajoute qu'à date cela fait désormais plus de dix ans que Monsieur [B] [F] devrait être préparé à exposer une dépense pour l'acquisition des parts sociales de son frère ; que, par son manque d'anticipation, il s'est placé dans la situation qui est la sienne aujourd'hui ; que l'engagement de caution de Monsieur [B] [F] était donc proportionné avec ses revenus et raisonnable puisqu'il a eu le temps nécessaire pour réunir les fonds.
L'intimé conclut en faisant valoir qu'il a tout d'abord gratuitement octroyé un crédit payeur à la société Dialexis pour le premier achat des parts sociales ; qu'il a consenti une baisse du loyer du bail commercial au bénéfice de la société Dialexis de 1 375 euros par mois à 975 euros par mois à compter du 1er janvier 2015, soit une économie pour la société Dialexis de 48.000 euros sur dix ans ; qu'il n'a perçu aucun dividende depuis 2014.
Sur ce,
20. Selon l'article 2299 du code civil, le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
L'article 2300 du code civil dispose :
« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date.»
Il est constant en droit que le créancier professionnel est celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale ; qu'il en résulte que la cession par un associé des droits qu'il détient dans le capital d'une société ou le remboursement des avances qu'il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l'exercice d'une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée.
21. Dès lors, puisque Monsieur [B] [F] s'est porté caution de la société Dialexis Groupe au profit de Monsieur [O] [F] dans le cadre d'une opération de cession de parts sociales, ce dernier ne peut être regardé comme un créancier professionnel au sens de l'article 2300 du code civil.
22. Les moyens relatifs à l'éventuelle disproportion manifeste de cet engagement aux revenus et patrimoines de Monsieur [B] [F] et à l'éventuel manquement de Monsieur [O] [F] à son devoir de mise en garde en qualité de créancier professionnel sont en conséquence inopérants. Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur [B] [F] de sa demande tendant à voir Monsieur [O] [F] déchu de son droit contre la caution, étant observé que l'appelant ne tire pas de conséquence juridique du moyen tiré de la disproportion manifeste de son engagement.
Sur la demande en paiement
23. C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement contestés en cause d'appel et que la cour adopte, que le juge des référés, après avoir rappelé que les parties ont conclu le 25 avril 2022 une promesse d'achat de 113 parts sociales de la société Dialexis et que Monsieur [O] [F] avait valablement levé l'option d'achat le 3 octobre 2023, a retenu qu'aucun acte de réalisation de la cession n'avait été établi, que la vente était parfaite et a condamné Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe à payer à Monsieur [O] [F] la somme de 131.833 euros.
24. Il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
25. En cause d'appel, Monsieur [O] [F] tend au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive mais ne motive pas cette demande, de sorte que l'abus n'est pas démontré. Cette demande sera rejetée.
26. Parties succombantes, la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] seront condamnés in solidum à payer les dépens et à verser à l'intimé la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Dans les limites de sa saisine,
Déboute Monsieur [O] [F] de sa fin de non recevoir.
Dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant en matière de référé, de déclarer non écrite la stipulation d'une convention ou cette convention elle-même.
Déboute Monsieur [B] [F] de sa demande en déchéance du droit de Monsieur [O] [F] contre la caution.
Confirme l'ordonnance de référé prononcée le 8 octobre 2024.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [O] [F] de sa demande en dommages et intérêts.
Condamne la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] à payer in solidum les dépens.
Condamne la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] à payer in solidum à Monsieur [O] [F] la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 03 SEPTEMBRE 2025
N° RG 24/04908 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OABG
Monsieur [B] [F]
S.A.R.L. DIALEXIS GROUPE
c/
Monsieur [O] [F]
Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 08 octobre 2024 (R.G. 2024R00398) par le Président du tribunal de commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 07 novembre 2024
APPELANTS :
Monsieur [B] [F], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 7] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
S.A.R.L. DIALEXIS GROUPE, inscrite au RSC de [Localité 5] sous le numéro 803 462 621, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentés par Maître Isabelle JIMENEZ-BARAT substituant Maître Camille CIMENTA de la SARL WE RISE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [O] [F], né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 6] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Monsieur [O] [F], Monsieur [B] [F] et la société à responsabilité limitée Dialexis Groupe sont associés de la société à responsabilité limitée Dialexis, exerçant une activité de formation et d'audit à [Localité 5].
Par acte sous seing privé du 26 septembre 2014, la société Dialexis Groupe s'est engagée à racheter à Monsieur [O] [F] 143 parts sociales au prix de 166.833 euros. L'acte stipulait une période de levée d'option à exercer par le bénéficiaire de cette promesse entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2021.
Monsieur [F] [O] a levé l'option le 27 avril 2021.
A la suite de négociations entre les parties, la société Dialexis Groupe n'a acquis que 30 parts sociales de la société Dialexis détenues par Monsieur [O] [F], ce par acte sous seing privé du 25 avril 2022 et, par un autre acte du même jour, la société Dialexis Groupe s'est engagée à racheter à Monsieur [O] [F] les 113 parts sociales restantes au prix de 131 833 euros. Cet engagement a été garanti par un cautionnement solidaire souscrit, dans le même acte, par Monsieur [B] [F] à concurrence de 150.000 euros.
Le bénéficiaire a levé l'option par courrier du 3 octobre 2023. La cession n'a pas été exécutée.
2. Par acte du 27 mars 2024, Monsieur [O] [F] a assigné Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de faire juger la cession de 113 parts sociales parfaite et condamner solidairement la cessionnaire et la caution au paiement de la somme de 131 833 euros.
Par ordonnance du 8 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a :
- Condamné Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe SARL au paiement de la somme provisionnelle de 131 833 euros ;
- Dit que M. [B] [F] et la société Dialexis Groupe SARL pourraient se libérer de leur dette en 24 pactes mensuels équivalents, le premier pacte intervenant au lendemain de la signification de la décision ;
- Dit que faute de paiement d'un seul pacte à son échéance, la totalité des sommes restant encore dues frais deviendraient de plein droit immédiatement exigibles ;
- Condamné la société Dialexis Groupe SARL au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné la société Dialexis Groupe SARL aux dépens.
Par déclaration au greffe du 7 novembre 2024, la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] ont relevé appel de l'ordonnance énonçant les chefs expressément critiqués intimant Monsieur [F] [O].
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
3. Par dernières écritures notifiées le 25 janvier 2025, Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe demandent à la cour de :
- Recevoir Monsieur [B] [F] et la société SARL Dialexis Groupe en leurs écritures et les dire bien fondées ;
- Infirmer l'ordonnance par le président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 8 octobre 2024 en ce qu'elle a :
- Jugé parfaite la cession de 113 parts sociales conclue entre la société Dialexis Groupe et Monsieur [O] [F] ;
- Condamné la société Dialexis Groupe au paiement du prix de cession arrêté dans la promesse d'achat d'un montant de 131 833 euros ;
- Condamné solidairement Monsieur [B] [F] au paiement du prix de cession d'un montant de 131 833 euros au titre de son engagement de caution solidaire ;
- Condamné la société Dialexis Groupe au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- Dire et juger que la promesse d'achat des parts sociales présente un caractère léonin, et la réputer non écrite ;
- Dire et juger que le cautionnement souscrit par Monsieur [B] [F] est manifestement disproportionné ;
- Dire et juger que Monsieur [O] [F] n'a pas respecté son devoir de mise en garde ;
- Dire et juger Monsieur [O] [F] doit être déchu de son droit contre la caution ;
- Condamner Monsieur [O] [F] au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile à la société Dialexis Groupe ;
- Condamner Monsieur [O] [F] au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile à la société Dialexis Groupe ;
- Condamner Monsieur [O] [F] aux entiers dépens.
4. Par dernières écritures notifiées le 20 février 2025, Monsieur [O] [F] demande à la cour de :
Vu l'article 564 du code de procédure civile
Vu les articles 1121, 1221 et suivants et 1582 et suivants du code civil.
Vu l'article 700 du code de procédure civile
A titre liminaire
- Juger que les prétentions nouvelles en cause d'appel de la société Dialexis Groupe et de Monsieur [B] [F] sont irrecevables.
A titre principal
- Confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Bordeaux
En tout état de cause
- Condamner solidairement Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe à verser à Monsieur [O] [F] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Y ajoutant,
- Condamner Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe à verser à Monsieur [O] [F] la somme de 10 000 euros pour résistance abusive.
- Condamner Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe aux entiers dépens.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des demandes nouvelles des appelants
5. Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, Monsieur [O] [F] fait valoir que les appelants présentent en appel quatre demandes qu'ils n'avaient pas formées devant le juge des référés portant sur le caractère non écrit de la promesse d'achat des parts sociales, la disproportion de l'engagement de caution de Monsieur [B] [F], le défaut de respect par Monsieur [O] [F] de son devoir de mise en garde, la déchéance du droit de Monsieur [O] [F] contre la caution.
L'intimé en tire la conséquence de leur irrecevabilité.
6. Les appelants n'ont pas répondu à cette fin de non recevoir.
Sur ce,
7. L'article 564 du code de procédure civile dispose :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»
Selon les articles 565 et 566 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
8. En l'espèce, la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] ont, selon les mentions de l'ordonnance de référé du 8 octobre 2024, présenté les demandes suivantes :
« A titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes émises par Monsieur [O] [F] ;
A titre subsidiaire,
- accorder à la société Dialexis Groupe des délais de paiement d'une durée de vingt-quatre mois ;
- accorder à Monsieur [B] [F] des délais de paiement d'une durée de vingt-quatre mois ;
- condamner Monsieur [O] [F] à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.»
Il n'est pas précisé par les parties quelle a été la fin de non recevoir soutenue par la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] en première instance et l'intimé ne produit pas les conclusions de ses adversaires devant le premier juge.
9. Néanmoins, les motifs de l'ordonnance déférée révèlent que les appelants ont, dès la première instance, présenté des arguments relatifs au prix de cession et au montant de l'engagement de la caution, manifestement développés au soutien du moyen tiré de l'existence de contestations sérieuses s'opposant aux pouvoirs du juge des référés.
10. Ces contestations sérieuses en première instance sont devenues des prétentions en cause d'appel. Elles ne peuvent cependant être qualifiées de demandes nouvelles en appel puisqu'elles tendent au rejet de la demande en paiement formée contre la société Dialexis Groupe et contre Monsieur [B] [F] ; il faut par ailleurs observer que la troisième demande telle que formulée au dispositif des conclusions des appelants -le manquement au devoir de mise en garde- doit être qualifié de moyen au soutien de la quatrième demande et que Monsieur [B] [F] en tire la conséquence juridique de la déchéance du droit de Monsieur [O] [F] contre la caution.
11. Il convient donc de rejeter la fin de non recevoir présentée de ce chef par Monsieur [O] [F].
Sur la validité du contrat
12. La société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] font valoir que le code civil prévoit que sont réputées non écrites les clauses léonines qui ont pour objet d'exonérer un associé de la totalité des pertes ou qui mettent à sa charge la totalité des pertes.
Les appelants indiquent qu'en l'espèce la promesse d'achat des parts sociales stipulait un prix fixe non révisable, convenu entre les parties en 2014 dans un contexte économique totalement différent.
Ils soutiennent que le prix fixé dans la deuxième promesse, plus de 8 ans après, n'a pas pris en compte la réalité de l'activité de la société en 2022 pendant la pandémie ; qu'il est évident que cette promesse n'avait vocation qu'à permettre à Monsieur [O] [F] d'éviter tout aléa économique et toute contribution aux pertes de la société Dialexis en lui assurant une sortie du capital avec une rentabilité fixée à l'avance et ce indépendamment des résultats de la société et donc de sa valeur ; qu'elle a été essentiellement conclue dans l'unique intérêt de Monsieur [O] [F].
Les appelants demandent en conséquence à la cour de réputer non écrite la promesse d'achat litigieuse.
13. Monsieur [O] [F] répond qu'il est de principe que la qualification de clause léonine n'est pas applicable à ce type de promesse unilatérale.
L'intimé fait valoir que Monsieur [B] [F] avait acquis, via sa holding, le contrôle de la société Dialexis le 26 septembre 2014, dont il était déjà associé ; qu'il exerçait donc seul la gestion comme associé et comme gérant ; que le prix de 2022 a dès lors été consenti sur les mêmes bases que celui de 2014 et en toute connaissance de cause.
Monsieur [O] [F] soutient qu'il souhaitait se désengager de la société dès 2019, de sorte que la promesse signée en 2014 prévoyait qu'il pouvait lever son option unilatéralement dès le 1er juillet 2019 ; que c'est son frère qu'il l'a convaincu de repousser sa levée d'option afin de tempérer ses difficultés à tenir ses engagements.
S'agissant de la charge de l'aléa, l'intimé indique que la promesse d'achat signée le 26 septembre 2014 stipulait dans son article 3.1 que la promesse n'entrerait en vigueur que le 1er juillet 2019 jusqu'au 30 juin 2021, ce qui faisait subsister un aléa pendant près de cinq années avant la levée éventuelle de l'option et réapparaissait d'ailleurs dès la levée d'option.
Monsieur [O] [F] conclut que puisque la promesse était à prix fixe, elle ne lui permettait pas de profiter d'éventuelles hausses de la valeur des titres et que si le prix des titres avait augmenté entre la date de la promesse et la levée de l'option, Monsieur [B] [F] aurait pu les racheter à un coût inférieur à la valeur réelle.
Sur ce,
14. L'article 1844-1 du code civil dispose :
« La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.
Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.»
Il est constant en droit que la promesse unilatérale d'achat d'actions à prix garanti, qui a pour seul objet d'assurer la transmission de droits sociaux moyennant un prix librement débattu, est sans incidence sur la participation aux bénéfices et aux pertes dans les rapports sociaux et ne constitue donc pas un pacte léonin prohibé par l'article 844-1 du code civil.
15. Au demeurant, en l'espèce, la promesse d'achat conclue le 26 septembre 2014 mentionne en page trois qu'une convention de garantie d'actif et de passif a également été conclue le même jour.
16. Enfin, il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'appel, statuant en matière de référé, de déclarer non écrite la stipulation d'une convention ou cette convention elle-même, ainsi que le demandent les appelants.
17. Il n'existe pas sur ce point de contestation sérieuse.
Sur l'engagement de caution de Monsieur [B] [F]
18. Au visa des articles 2299 et 2300 du code civil, Monsieur [B] [F] demande à la cour de dire que son engagement en qualité de caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus et, retenant que Monsieur [O] [F] a manqué à son devoir de mise en garde en sa qualité de créancier professionnel, de juger que ce dernier doit être déchu de son droit contre la caution.
L'appelant fait valoir qu'en l'espèce, l'intimé a sollicité un cautionnement dans le cadre de la sortie d'une société commerciale dans laquelle il était l'associé majoritaire et le dirigeant ; qu'il s'agissait donc de son activité professionnelle.
Monsieur [B] [F] indique qu'au moment de son engagement, il n'avait que la rémunération de gérance allouée par la société Dialexis comme source de revenus, ce pour un montant déclaré de 41.000 euros annuel ; qu'il détenait une épargne disponible d'environ 5 000 euros ; qu'il était endetté à titre personnel puisqu'il avait dû contracter un prêt à la consommation d'un montant de 35.000 euros, pour payer les parts sociales déjà acquises auprès de son frère, outre un
un prêt immobilier à hauteur de 281.636 euros.
L'appelant soutient que Monsieur [O] [F], créancier professionnel et frère de son débiteur, ne pouvait pas ignorer la situation économique de la société Dialexis qu'il avait lui-même fondée et dirigée pendant des années, ni celle de son frère avec qui il a toujours entretenu des liens étroits ; qu'il aurait donc dû avertir son frère sur les risques pris pour consentir le cautionnement ; que ce manquement à son devoir de mise en garde a entraîné sans aucun doute un préjudice financier
subi par Monsieur [B] [F] à hauteur du montant réclamé.
19. Monsieur [O] [F] répond tout d'abord que la caution garantissant un rachat de titres n'est pas considérée comme donnée à un créancier professionnel.
L'intimé explique qu'en 2022 il n'était plus gérant depuis 2014 et était associé minoritaire depuis la vente de 30 parts sociales ; qu'il ne peut donc pas être un créancier professionnel ; que, en revanche, Monsieur [B] [F] a contracté le cautionnement litigieux en tant que professionnel puisqu'il est associé et gérant des sociétés Dialexis et Dialexis Groupe.
Monsieur [O] [F] ajoute qu'à date cela fait désormais plus de dix ans que Monsieur [B] [F] devrait être préparé à exposer une dépense pour l'acquisition des parts sociales de son frère ; que, par son manque d'anticipation, il s'est placé dans la situation qui est la sienne aujourd'hui ; que l'engagement de caution de Monsieur [B] [F] était donc proportionné avec ses revenus et raisonnable puisqu'il a eu le temps nécessaire pour réunir les fonds.
L'intimé conclut en faisant valoir qu'il a tout d'abord gratuitement octroyé un crédit payeur à la société Dialexis pour le premier achat des parts sociales ; qu'il a consenti une baisse du loyer du bail commercial au bénéfice de la société Dialexis de 1 375 euros par mois à 975 euros par mois à compter du 1er janvier 2015, soit une économie pour la société Dialexis de 48.000 euros sur dix ans ; qu'il n'a perçu aucun dividende depuis 2014.
Sur ce,
20. Selon l'article 2299 du code civil, le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
L'article 2300 du code civil dispose :
« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date.»
Il est constant en droit que le créancier professionnel est celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale ; qu'il en résulte que la cession par un associé des droits qu'il détient dans le capital d'une société ou le remboursement des avances qu'il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l'exercice d'une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée.
21. Dès lors, puisque Monsieur [B] [F] s'est porté caution de la société Dialexis Groupe au profit de Monsieur [O] [F] dans le cadre d'une opération de cession de parts sociales, ce dernier ne peut être regardé comme un créancier professionnel au sens de l'article 2300 du code civil.
22. Les moyens relatifs à l'éventuelle disproportion manifeste de cet engagement aux revenus et patrimoines de Monsieur [B] [F] et à l'éventuel manquement de Monsieur [O] [F] à son devoir de mise en garde en qualité de créancier professionnel sont en conséquence inopérants. Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur [B] [F] de sa demande tendant à voir Monsieur [O] [F] déchu de son droit contre la caution, étant observé que l'appelant ne tire pas de conséquence juridique du moyen tiré de la disproportion manifeste de son engagement.
Sur la demande en paiement
23. C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement contestés en cause d'appel et que la cour adopte, que le juge des référés, après avoir rappelé que les parties ont conclu le 25 avril 2022 une promesse d'achat de 113 parts sociales de la société Dialexis et que Monsieur [O] [F] avait valablement levé l'option d'achat le 3 octobre 2023, a retenu qu'aucun acte de réalisation de la cession n'avait été établi, que la vente était parfaite et a condamné Monsieur [B] [F] et la société Dialexis Groupe à payer à Monsieur [O] [F] la somme de 131.833 euros.
24. Il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
25. En cause d'appel, Monsieur [O] [F] tend au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive mais ne motive pas cette demande, de sorte que l'abus n'est pas démontré. Cette demande sera rejetée.
26. Parties succombantes, la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] seront condamnés in solidum à payer les dépens et à verser à l'intimé la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Dans les limites de sa saisine,
Déboute Monsieur [O] [F] de sa fin de non recevoir.
Dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant en matière de référé, de déclarer non écrite la stipulation d'une convention ou cette convention elle-même.
Déboute Monsieur [B] [F] de sa demande en déchéance du droit de Monsieur [O] [F] contre la caution.
Confirme l'ordonnance de référé prononcée le 8 octobre 2024.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [O] [F] de sa demande en dommages et intérêts.
Condamne la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] à payer in solidum les dépens.
Condamne la société Dialexis Groupe et Monsieur [B] [F] à payer in solidum à Monsieur [O] [F] la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président