CA Douai, ch. 2 sect. 2, 4 septembre 2025, n° 24/05420
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 04/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/05420 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V4AA
Ordonnance de référé (N°2024020389) rendue le 24 octobre 2024 par le président du tribunal de commerce de Lille Metropole
APPELANTES
SELAS Alliance, prise en la personne de Me [X] [O], en qualité de liquidateur de la SAS Energie circulaire, domicilié en cette qualité au siège
Intervenante Volontaire
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 8]
SAS Energie Circulaire prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 3]
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistées de Me Albert Janet, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉES
SARL Archimbaud TP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
ayant son siège [Adresse 7]
[Localité 5]
SAS Spie Batignolles Sud-Est prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentées par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistées de Me Stéphane Dhonte, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 10 juin 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Anne Soreau, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2025
****
FAITS ET PROCEDURE
La société Énergie circulaire est une société lilloise de services énergétiques offrant aux entreprises la possibilité de financer leurs projets d'efficacité énergétique en leur proposant des contrats d'achat d'énergie. C'est une filiale d'investissement de la société Enertime.
La société Énergie circulaire a été retenue en 2021 pour porter et développer le projet d'une unité de récupération de chaleur et de production d'électricité pour la société Verallia France sur le site de [Localité 9].
La société Énergie circulaire s'est occupée de la partie administrative et du financement de ce projet. Elle a confié à la société Enertime l'intégralité des travaux, à savoir la conception, la construction, l'installation et la mise en 'uvre du système de récupération de chaleur et de production d'électricité.
Suivant contrat de sous-traitance du 23 janvier 2024, la société Enertime a confié au groupement momentané d'entreprises conjointes SPIE Batignolles sud est (la société SPIE Batignolles) et Archimbaud TP (la société Archimbaud) la réalisation des travaux de génie civil moyennent le prix de 920'000 euros H.T.
La société SPIE Batignolles a été désignée mandataire de ce groupement.
Dans le cadre du groupement d'entreprises, des factures ont été émises par les membres du groupement.
Le 21 juin 2024, constatant que l'échéance de la facture de travaux de génie civil était dépassée, la société SPI Batignolles a mis en demeure la société Enertime de payer et adressé copie de la mise en demeure au maître d'ouvrage, la société Energie circulaire.
Le 10 juillet 2024, la société Enertime a été mise en redressement judiciaire.
Le 30 juillet 2024, les membres du groupement ont procédé à la déclaration de leur créance au passif de cette procédure collective.
Le 31 juillet 2024, la société SPIE Batignolles, en sa qualité de mandataire du groupement, a mis en demeure la société Energie circulaire de lui régler la somme due au titre de la facture précitée, en application de l'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. Une saisie conservatoire pour un montant de 929'699 euros correspondant au montant des sommes dues au groupement a été autorisée par ordonnance du 10 septembre 2024. Le 20 septembre suivant, la saisie a été dénoncée à la société Energie circulaire.
Le groupement a sollicité la communication de documents, ayant appris que des bénéficiaires du groupement auraient été payés directement par la société Energie [Localité 9], filiale de la société Energie circulaire.
Par assignation du 23 septembre 2024, les sociétés Spie Batignolles et Archimbaud ont demandé, en référé, l'octroi d'une provision, ainsi que la communication sous astreinte de l'ensemble des contrats conclus entre la société Energie circulaire et la société Verrallia et entre les sociétés Energie circulaire et Energie [Localité 9], et enfin, la justification des sommes encaissées au titre desdits contrats.
Par ordonnance du 24 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a':
- condamné la société Energie circulaire à payer à la société SPIE Batignolles une provision de 62'261,77'euros, majorée des intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points depuis le 31 juillet 2024, et une provision de 40'euros par facture impayée';
- condamné la société Énergie circulaire à payer à la société Archimbaud une provision de 29'378,23'euros, majorée des intérêts au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal depuis le 31 juillet 2024, et une provision de 40'euros par facture impayée';
- condamné la société Énergie circulaire au versement de provisions de 5'000 euros à la société SPIE Batignolles et 5'000'euros à la société Archimbaud, pour dommage et intérêts';
- débouté les sociétés SPIE Batignolles & Archimbaud de leur demande de communication de pièces';
- débouté la société Énergie circulaire de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille Métropole du 9 septembre 2024, de mainlevée de la saisie conservatoire opérée le 13 septembre 2004, et de condamnation en dommages et intérêts pour abus de saisie';
- condamné la société Énergie circulaire à payer aux sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud de la somme de 5'000'euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Énergie circulaire aux entiers dépens.
Par déclaration du 18 novembre 2024, la société Energie circulaire a interjeté appel.
Par jugement du 18 décembre 2024, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Energie circulaire, la société Alliance étant nommée liquidateur.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 7 mai 2025, la société Alliance, ès qualités, et la société Energie circulaire, au titre de son droit propre, demandent à la cour de':
- constater l'intervention volontaire de la SELAS Alliance en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Energie circulaire';
- infirmer l'ordonnance du 24 octobre 2024';
- ordonner mainlevée de la saisie-conservatoire réalisée sur les comptes de la société Energie circulaire détenus dans les livres du crédit agricole Nord France en septembre 2024 ;
- «'juger irrecevable la demande en paiement d'une provision d'un montant de 62'261,77 euros à la société SPIE Batignolles'»;
- «'juger irrecevable la demande en paiement d'une provision d'un montant de 29'378,23 euros à la société Archimbaud'»;
- dire n'y avoir lieu à référé, les demandes en paiement étant devenues irrecevables en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article 622-21 du code de commerce ;
- constater qu'il reviendra au juge-commissaire de statuer sur les créances des intimées.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 mars 2025, la société SPIE Batignolles et la société Archimbaud demandent la cour de':
- constater que du fait de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Energie circulaire et de l'instance actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Lille aux fins de fixation au passif, l'appel de l'ordonnance de référé est devenu sans objet';
- subséquemment,
- constater le dessaisissement de la cour';
- débouter les appelantes de toutes leurs demandes';
- dire n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- «'dépens d'instance et d'appel en frais de procédure collective'».
MOTIVATION
L'article L. 622-21, I, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L. 641-14 du même code, interdit toute action en paiement d'une somme d'argent de la part du créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture.
Ces créanciers doivent alors se soumettre à la procédure de déclaration et vérification des créances.
Le moyen tiré de l'arrêt des poursuites individuelles est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office s'agissant d'une règle d'ordre public (Com. 6 décembre 1994, n° 90-15.109 ; Com. 23 novembre 2004, n° 02-12.178 ; Com. 3 mai 2006, n° 03-17.492 ; Com 2 juin 2004, publié). Elle peut être soulevée en tout état de cause (Com. 12 janvier 2010, n° 08-19.645).
L'article L. 622-22 du même code, rendu applicable à la liquidation judiciaire par le texte précité, prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25'dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Ainsi, lorsque le créancier a engagé une action en paiement avant l'ouverture de la procédure collective, l'instance en cours est interrompue et ne peut être reprise qu'une fois les organes de la procédure appelés en la cause et après vérification par la cour d'appel que la créance a été régulièrement déclarée, cette instance ne pouvant tendre alors qu'à la fixation de la créance au passif de la procédure collective.
Cependant, il est de jurisprudence ancienne et constante que l'instance en cours est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance.
Tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle du débiteur par une juridiction qui n'est pas saisie du principal et dont la décision n'a qu'un caractère provisoire (Com., 6 octobre 2009, n° 08-12.416, publié).
Cette instance en référé ne constituant pas une instance en cours, susceptible d'être interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, il s'ensuit que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé (Com., 19 septembre 2018, n° 17-13.210, publié- Et en dernier lieu': Com. 2 juillet 2025, n° 24-17.279).
En l'espèce, nul ne conteste le caractère antérieur de la créance déclarée par les sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud.
La cour d'appel est saisie de l'appel formé par la société Energie circulaire, mise en liquidation judiciaire depuis lors, et dirigé contre une ordonnance de référé la condamnant au paiement de provisions au profit des sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud.
Ces demandes de provisions étant devenues irrecevables, la cour d'appel ne peut qu'infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé sur ce point.
Les sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud doivent, dès lors, se soumettre à la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire, seul compétent pour statuer sur leurs créances nées antérieurement au jugement d'ouverture.
Les parties s'opposent toutefois sur les conséquences de cette irrecevabilité, la débitrice sollicitant que soit prononcée la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée en septembre 2024 sur ses comptes détenus auprès du crédit agricole, tandis que les intimées excipent du dessaisissement immédiat de la cour d'appel.
À supposer qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de statuer sur une telle demande, en dépit de l'article R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution qui réserve les difficultés relatives aux mesures conservatoires à la compétence du juge de l'exécution, en tout état de cause la demande des sociétés Archimbaud et SPIE Batignolles est sans objet, dès lors que, par l'effet de l'infirmation de l'ordonnance entreprise, la saisie conservatoire mise en 'uvre, qui nécessitait qu'un titre soit obtenu, a perdu la décision qui lui servait de base et est devenue caduque par l'effet de la procédure collective prononcée.
Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure d'exécution, laquelle est la suite nécessaire de l'infirmation de la décision entreprise et du prononcé de la procédure collective. Ce n'est qu'en cas de difficulté, et de refus par les créanciers de donner mainlevée de la saisie conservatoire opérée, que le juge de l'exécution pourrait être amené à statuer sur cette question.
Enfin, la cour observe que la demande en communication de pièces formée en première instance,par les intimées, qui ne constitue pas une action en paiement interdite ou une action interrompue sur le fondement des textes précités, n'est pas reprise en cause d'appel, les intimées demandant uniquement que soit constaté le caractère sans objet de l'appel de l'ordonnance de référé.
Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens, rien ne justifiant qu'ils soient fixés en frais de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
CONSTATE l'intervention volontaire de la société Alliance en qualité de liquidateur de la société Energie circulaire';
INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole du 24 octobre 2024 en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées contre la société Energie circulaire';
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire, dénoncée le 20 septembre 2024 à la société Energie circulaire ;
CONSTATE que la cour d'appel n'est saisie par les sociétés SPIE Batignolles Sud-Ouest et Archimbaud TP d'aucune demande de communication de pièces';
LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens'de première instance et d'appel.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 04/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/05420 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V4AA
Ordonnance de référé (N°2024020389) rendue le 24 octobre 2024 par le président du tribunal de commerce de Lille Metropole
APPELANTES
SELAS Alliance, prise en la personne de Me [X] [O], en qualité de liquidateur de la SAS Energie circulaire, domicilié en cette qualité au siège
Intervenante Volontaire
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 8]
SAS Energie Circulaire prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 3]
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistées de Me Albert Janet, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉES
SARL Archimbaud TP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
ayant son siège [Adresse 7]
[Localité 5]
SAS Spie Batignolles Sud-Est prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentées par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistées de Me Stéphane Dhonte, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 10 juin 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Anne Soreau, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2025
****
FAITS ET PROCEDURE
La société Énergie circulaire est une société lilloise de services énergétiques offrant aux entreprises la possibilité de financer leurs projets d'efficacité énergétique en leur proposant des contrats d'achat d'énergie. C'est une filiale d'investissement de la société Enertime.
La société Énergie circulaire a été retenue en 2021 pour porter et développer le projet d'une unité de récupération de chaleur et de production d'électricité pour la société Verallia France sur le site de [Localité 9].
La société Énergie circulaire s'est occupée de la partie administrative et du financement de ce projet. Elle a confié à la société Enertime l'intégralité des travaux, à savoir la conception, la construction, l'installation et la mise en 'uvre du système de récupération de chaleur et de production d'électricité.
Suivant contrat de sous-traitance du 23 janvier 2024, la société Enertime a confié au groupement momentané d'entreprises conjointes SPIE Batignolles sud est (la société SPIE Batignolles) et Archimbaud TP (la société Archimbaud) la réalisation des travaux de génie civil moyennent le prix de 920'000 euros H.T.
La société SPIE Batignolles a été désignée mandataire de ce groupement.
Dans le cadre du groupement d'entreprises, des factures ont été émises par les membres du groupement.
Le 21 juin 2024, constatant que l'échéance de la facture de travaux de génie civil était dépassée, la société SPI Batignolles a mis en demeure la société Enertime de payer et adressé copie de la mise en demeure au maître d'ouvrage, la société Energie circulaire.
Le 10 juillet 2024, la société Enertime a été mise en redressement judiciaire.
Le 30 juillet 2024, les membres du groupement ont procédé à la déclaration de leur créance au passif de cette procédure collective.
Le 31 juillet 2024, la société SPIE Batignolles, en sa qualité de mandataire du groupement, a mis en demeure la société Energie circulaire de lui régler la somme due au titre de la facture précitée, en application de l'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. Une saisie conservatoire pour un montant de 929'699 euros correspondant au montant des sommes dues au groupement a été autorisée par ordonnance du 10 septembre 2024. Le 20 septembre suivant, la saisie a été dénoncée à la société Energie circulaire.
Le groupement a sollicité la communication de documents, ayant appris que des bénéficiaires du groupement auraient été payés directement par la société Energie [Localité 9], filiale de la société Energie circulaire.
Par assignation du 23 septembre 2024, les sociétés Spie Batignolles et Archimbaud ont demandé, en référé, l'octroi d'une provision, ainsi que la communication sous astreinte de l'ensemble des contrats conclus entre la société Energie circulaire et la société Verrallia et entre les sociétés Energie circulaire et Energie [Localité 9], et enfin, la justification des sommes encaissées au titre desdits contrats.
Par ordonnance du 24 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a':
- condamné la société Energie circulaire à payer à la société SPIE Batignolles une provision de 62'261,77'euros, majorée des intérêts au taux de la BCE majoré de 10 points depuis le 31 juillet 2024, et une provision de 40'euros par facture impayée';
- condamné la société Énergie circulaire à payer à la société Archimbaud une provision de 29'378,23'euros, majorée des intérêts au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal depuis le 31 juillet 2024, et une provision de 40'euros par facture impayée';
- condamné la société Énergie circulaire au versement de provisions de 5'000 euros à la société SPIE Batignolles et 5'000'euros à la société Archimbaud, pour dommage et intérêts';
- débouté les sociétés SPIE Batignolles & Archimbaud de leur demande de communication de pièces';
- débouté la société Énergie circulaire de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille Métropole du 9 septembre 2024, de mainlevée de la saisie conservatoire opérée le 13 septembre 2004, et de condamnation en dommages et intérêts pour abus de saisie';
- condamné la société Énergie circulaire à payer aux sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud de la somme de 5'000'euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Énergie circulaire aux entiers dépens.
Par déclaration du 18 novembre 2024, la société Energie circulaire a interjeté appel.
Par jugement du 18 décembre 2024, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Energie circulaire, la société Alliance étant nommée liquidateur.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 7 mai 2025, la société Alliance, ès qualités, et la société Energie circulaire, au titre de son droit propre, demandent à la cour de':
- constater l'intervention volontaire de la SELAS Alliance en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Energie circulaire';
- infirmer l'ordonnance du 24 octobre 2024';
- ordonner mainlevée de la saisie-conservatoire réalisée sur les comptes de la société Energie circulaire détenus dans les livres du crédit agricole Nord France en septembre 2024 ;
- «'juger irrecevable la demande en paiement d'une provision d'un montant de 62'261,77 euros à la société SPIE Batignolles'»;
- «'juger irrecevable la demande en paiement d'une provision d'un montant de 29'378,23 euros à la société Archimbaud'»;
- dire n'y avoir lieu à référé, les demandes en paiement étant devenues irrecevables en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article 622-21 du code de commerce ;
- constater qu'il reviendra au juge-commissaire de statuer sur les créances des intimées.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 mars 2025, la société SPIE Batignolles et la société Archimbaud demandent la cour de':
- constater que du fait de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Energie circulaire et de l'instance actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Lille aux fins de fixation au passif, l'appel de l'ordonnance de référé est devenu sans objet';
- subséquemment,
- constater le dessaisissement de la cour';
- débouter les appelantes de toutes leurs demandes';
- dire n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- «'dépens d'instance et d'appel en frais de procédure collective'».
MOTIVATION
L'article L. 622-21, I, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L. 641-14 du même code, interdit toute action en paiement d'une somme d'argent de la part du créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture.
Ces créanciers doivent alors se soumettre à la procédure de déclaration et vérification des créances.
Le moyen tiré de l'arrêt des poursuites individuelles est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office s'agissant d'une règle d'ordre public (Com. 6 décembre 1994, n° 90-15.109 ; Com. 23 novembre 2004, n° 02-12.178 ; Com. 3 mai 2006, n° 03-17.492 ; Com 2 juin 2004, publié). Elle peut être soulevée en tout état de cause (Com. 12 janvier 2010, n° 08-19.645).
L'article L. 622-22 du même code, rendu applicable à la liquidation judiciaire par le texte précité, prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25'dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Ainsi, lorsque le créancier a engagé une action en paiement avant l'ouverture de la procédure collective, l'instance en cours est interrompue et ne peut être reprise qu'une fois les organes de la procédure appelés en la cause et après vérification par la cour d'appel que la créance a été régulièrement déclarée, cette instance ne pouvant tendre alors qu'à la fixation de la créance au passif de la procédure collective.
Cependant, il est de jurisprudence ancienne et constante que l'instance en cours est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance.
Tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle du débiteur par une juridiction qui n'est pas saisie du principal et dont la décision n'a qu'un caractère provisoire (Com., 6 octobre 2009, n° 08-12.416, publié).
Cette instance en référé ne constituant pas une instance en cours, susceptible d'être interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, il s'ensuit que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé (Com., 19 septembre 2018, n° 17-13.210, publié- Et en dernier lieu': Com. 2 juillet 2025, n° 24-17.279).
En l'espèce, nul ne conteste le caractère antérieur de la créance déclarée par les sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud.
La cour d'appel est saisie de l'appel formé par la société Energie circulaire, mise en liquidation judiciaire depuis lors, et dirigé contre une ordonnance de référé la condamnant au paiement de provisions au profit des sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud.
Ces demandes de provisions étant devenues irrecevables, la cour d'appel ne peut qu'infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé sur ce point.
Les sociétés SPIE Batignolles et Archimbaud doivent, dès lors, se soumettre à la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire, seul compétent pour statuer sur leurs créances nées antérieurement au jugement d'ouverture.
Les parties s'opposent toutefois sur les conséquences de cette irrecevabilité, la débitrice sollicitant que soit prononcée la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée en septembre 2024 sur ses comptes détenus auprès du crédit agricole, tandis que les intimées excipent du dessaisissement immédiat de la cour d'appel.
À supposer qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de statuer sur une telle demande, en dépit de l'article R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution qui réserve les difficultés relatives aux mesures conservatoires à la compétence du juge de l'exécution, en tout état de cause la demande des sociétés Archimbaud et SPIE Batignolles est sans objet, dès lors que, par l'effet de l'infirmation de l'ordonnance entreprise, la saisie conservatoire mise en 'uvre, qui nécessitait qu'un titre soit obtenu, a perdu la décision qui lui servait de base et est devenue caduque par l'effet de la procédure collective prononcée.
Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure d'exécution, laquelle est la suite nécessaire de l'infirmation de la décision entreprise et du prononcé de la procédure collective. Ce n'est qu'en cas de difficulté, et de refus par les créanciers de donner mainlevée de la saisie conservatoire opérée, que le juge de l'exécution pourrait être amené à statuer sur cette question.
Enfin, la cour observe que la demande en communication de pièces formée en première instance,par les intimées, qui ne constitue pas une action en paiement interdite ou une action interrompue sur le fondement des textes précités, n'est pas reprise en cause d'appel, les intimées demandant uniquement que soit constaté le caractère sans objet de l'appel de l'ordonnance de référé.
Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens, rien ne justifiant qu'ils soient fixés en frais de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
CONSTATE l'intervention volontaire de la société Alliance en qualité de liquidateur de la société Energie circulaire';
INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole du 24 octobre 2024 en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées contre la société Energie circulaire';
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire, dénoncée le 20 septembre 2024 à la société Energie circulaire ;
CONSTATE que la cour d'appel n'est saisie par les sociétés SPIE Batignolles Sud-Ouest et Archimbaud TP d'aucune demande de communication de pièces';
LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens'de première instance et d'appel.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot