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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 3 septembre 2025, n° 24/04820

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/04820

3 septembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 03 SEPTEMBRE 2025

N° RG 24/04820 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N725

S.A.S. COMPAGNIE COMMERCIALE DU BASSIN

c/

SCI GARHONE

S.E.L.A.R.L. PHILAE

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 07 octobre 2024 (R.G. 22/01461) par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 02 novembre 2024

APPELANTE :

S.A.S. COMPAGNIE COMMERCIALE DU BASSIN (CCB), inscrite au RCS de [Localité 4] sous le numéro 898 081 039, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

Représentée par Maître Catherine CARMOUSE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCI GARHONE, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 479 290 843, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

Représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. PHILAE, inscrite au RCS de [Localité 4] sous le numéro 444 809 792, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS COMPAGNIE COMMERCIALE DU BASSIN, domiciliée en cette qualité [Adresse 2]

Représentée par Maître Catherine CARMOUSE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. Par acte du 14 avril 2021, dénommé 'promesse de bail commercial', complété par un avenant en date du 4 mai 2021, la société civile immobilière Garhone a donné à bail à la société par actions simplifiée Compagnie Commerciale du Bassin (ci-après CCB) un local commercial situé à [Localité 9] (Gironde), ce aux fins d'exploitation d'un magasin sous l'enseigne Sport 2000.

Le bail a été conclu pour un loyer annuel de 100 000 euros HT.

Le 28 juillet 2021, la Commission intercommunale de sécurité a rendu un rapport favorable à l'ouverture du magasin avec interdiction d'utiliser un étage partiel en mezzanine accessible seulement depuis la réserve du magasin.

Un différend est apparu entre les parties quant à la prise en charge des travaux relatifs à cette mezzanine et à la reprise du système de chauffage réversible.

Par courriers recommandés des 6 janvier et 8 avril 2022, la société CCB a été mise en demeure de régler des loyers impayés.

2. Le 16 juin 2022, le bailleur a fait signifier au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 36.084,93 euros TTC en principal.

Par acte du 12 juillet 2022, la société CCB a fait assigner la société Garhone devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins, principalement, de voir suspendre les effets de la clause résolutoire et se voir accorder des délais de paiement, outre une condamnation du bailleur sous astreinte à faire réaliser des travaux et payer à sa locataire une provision de 100.908 euros au titre de préjudice de jouissance.

Par jugement du 25 septembre 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société CCB et désigné la société Philae en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 7 octobre 2024 après débats à l'audience du 2 septembre précédent, le juge des référés a statué ainsi qu'il suit :

- rejette les demandes de la société CCB ;

- constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société CCB et la société Garhone et en conséquence la résiliation du bail commercial à compter du 22 juillet 2022 ;

- dit qu'à compter du 22 juillet 2022, la société CCB est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant mensuel du loyer en vigueur avant cette date ;

- ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société CCB et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 9], Centre commercial Cap Océan, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique ;

- condamne la société CCB à payer à la S.C.I. Garhone :

- au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 31 289,27 euros par trimestre jusqu'à libération des lieux,

- au titre des loyers, indemnités d'occupation ou charges, la somme provisionnelle de 200 000 euros ;

- rejette toutes autres demandes ;

- condamne la société CCB aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer, et la condamne à payer à la S.C.I. Garhone la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 2 novembre 2024, la société Compagnie Commerciale du Bassin a relevé appel de l'ordonnance, énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Garhone et la société Philae.

Par jugement du 26 février 2025, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de liquidation judiciaire de la société Compagnie Commerciale du Bassin et désigné la société Philae en qualité de liquidateur judiciaire.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 18 mars 2025 puis a fait l'objet de deux renvois au 26 mars suivant et au 7 mai 2025.

Par conclusions notifiées le 25 mars 2025, la société Philae es qualités est intervenue volontairement à l'instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

3. Par dernières écritures notifiées le 25 mars 2025, la société Philae ès qualités demande à la cour de :

- Juger la société Philae es qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie Commerciale du Bassin recevable et bien fondée en ses demandes,

Y faisant droit,

- Infirmer l'ordonnance de référé du 7 octobre 2024, rendue par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, en ce qu'elle a :

- rejeté les demandes de la société CCB,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société CCB à la société Garhone, et en conséquence, la résiliation du bail commercial à compter du 22 juillet 2022,

- dit qu'à compter du 22 juillet 2022, la société CCB est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant mensuel du loyer en vigueur avant cette date,

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société CCB et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 11], centre commercial Cap Océan, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique,

- condamné la société CCB à payer à la société Garhone :

- premièrement, au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 31 289,27 euros par trimestre jusqu'à libération des lieux,

- deuxièmement au titre des loyers et indemnité d'occupation ou charges la somme provisionnelle de 200 000 euros,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la société CCB aux dépens en ce compris le coût du commandement de payer, et l'a condamnée à payer à la société Garhone la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

En application de l'article L.622-21 du code de commerce,

- Juger la demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire sans objet ;

- Débouter la société Garhone de sa demande tendant à voir condamner la société CCB au paiement d'une somme de 74 228 euros au titre des loyers postérieurs au jugement d'ouverture ;

- Ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de visiter les locaux commerciaux sis à [Localité 9], se faire remettre tout document et donner tous éléments permettant de chiffrer le préjudice de jouissance, financier, économique et commercial subi par la société CCB depuis la prise du bail, et résultant de la non-conformité du local au regard de l'avis de la commission de sécurité incendie, et résultant du défaut de réparation et d'entretien du bailleur du système de ventilo-convection.

- Débouter la société Garhone de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la société Garhone à payer à la société Compagnie Commerciale du Bassin les

entiers frais et dépens de la présente procédure, ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

***

4. Par dernières écritures notifiées le 25 avril 2025, la société Garhone demande à la cour de :

Vu les articles 834 et 835 et suivants du code de procédure civile

Vu les articles L 145-41 et suivants du code de commerce

- Débouter la société CCB de l'ensemble de ses demandes.

- Infirmer l'ordonnance de référé du 7 octobre 2024 en ce qu'elle :

- constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société CCB et la société Garhone et en conséquence la résiliation du bail commercial à compter du 22 juillet 2022,

- dit qu'à compter du 22 juillet 2022, la société CCB est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent au montant mensuel du loyer en vigueur avant cette date,

- ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société CCB et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 9], centre commercial Cap Océan, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique, -condamne la société CCB à payer à la société Garhone :

- au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 31 289,27 euros par trimestre jusqu'à la libération des lieux,

- au titre des loyers, indemnités d'occupation ou charges, la somme provisionnelle de 200 000 euros -rejeté toute autre demande,

- condamné la société CCB aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer, et l'a condamnée à payer à la société Garhone la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Confirmer l'ordonnance de référé du 7 octobre 2024 en ce qu'elle a rejeté toutes autres demandes par la CCB et notamment qu'elle a estimé l'existence de contestations sérieuses s'agissant de la demande de mise en conformité avec l'avis de la commission de sécurité du 22 juillet 2022 et de réparer le système de climatisation réversible du local commercial ;

- Condamner la société CCB à payer à la société Garhone au paiement de la somme provisionnelle de 74 228,69 euros au titre provisionnel des loyers postérieures à la procédure de sauvegarde ;

- Condamner la société CCB à payer à la société Garhone la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens exposés en ce compris les frais de commandement du commissaire de justice.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2025.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la demande d'expertise

5. Au visa de l'article 145 du code de procédure civile, la société Philae, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CCB, fait grief au juge des référés d'avoir rejeté sa demande tendant à l'organisation d'une expertise.

L'appelante explique que la non-conformité des locaux et le refus d'entretien et de réparation par le bailleur depuis 2021 ont eu des conséquences sur l'activité commerciale et sur les résultats financiers de la société CCB ; qu'elle entend engager la responsabilité du bailleur dont le comportement a participé aux mauvais résultats et au dépôt de bilan de la société CCB ; qu'une expertise est donc nécessaire aux fins de donner tous éléments permettant de chiffrer le préjudice de jouissance ainsi que le préjudice financier et économique résultant de l'impossibilité d'utiliser une partie des locaux et de l'impossibilité de recevoir dans des conditions normales le public afin de réaliser son chiffre d'affaires.

6. En réponse, la société Garhone relève en premier lieu que cette expertise n'avait pas été demandée en première instance.

Elle fait ensuite valoir que la société CCB ne dispose d'aucun motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile et ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre la perte d'exploitation et la défectuosité de la climatisation ni l'existence de faits rendant plausible le bien-fondé de l'action en justice envisagée et la mesure aurait une utilité à cet égard.

Sur ce,

7. L'article 145 du code de procédure civile dispose :

« S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.»

Il est constant en droit que la mesure sollicitée dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile doit être justifiée par la recherche ou la conservation d'une preuve qui pourrait être utilisée dans un procès futur ; que ce texte ne peut donc être invoqué que s'il est susceptible d'améliorer la situation probatoire du demandeur ; que le motif n'est par conséquent légitime que si les faits dont la preuve est recherchée sont de nature à avoir une influence sur la solution d'un litige.

8. Il doit tout d'abord être rappelé qu'il résulte des termes de l'exorde de l'ordonnance de référé que cette demande d'expertise avait bien été présentée en première instance.

9. Par ailleurs, la promesse de bail commercial sous conditions suspensives en date du 14 avril 2021 et l'avenant du 4 mai suivant intitulé 'prise d'effet du bail' définissent ainsi le local donné en location à la société CCB :

« (...) un local commercial de 958 m² faisant partie d'un bâtiment d'une superficie au sol totale de 1195 m² lequel est édifié sur un terrain de 2990 m² sis [Adresse 10]) lot n°2 - lotissement [Adresse 8].»

L'article V de la promesse de bail sous conditions supensives stipule :

« Le preneur devra utiliser les lieux loués pour les besoins de son activité à savoir l'exploitation commerciale de locaux à usage de vente, services après-vente de tous produits de commerce de détail d'articles de sport, de loisirs, de prêt-à-porter, de chaussures, d'équipement de la personne, de location, d'entretien, de réparation, de matériel de sport et de loisirs dont vélo, ainsi que de tous accessoires se rapportant à chacune des activités et de manière générale toutes activités visées expressément dans les statuts de la société CCB (...)»

Il apparaît donc que le bail n'affectait pas un usage précis et limitatif à la mezzanine, objet du débat relatif à l'éventuel défaut de conformité des locaux.

10. La Commission de sécurité avait contrôlé les locaux le 13 décembre 2018 et avait relevé que cette mezzanine, dont l'accès n'était pas autorisé aux clients du précédent locataire qui exploitait un commerce à l'enseigne 'Gemo Chaussures', était utilisée comme réserve, local informatique, salle de repos, sanitaires et vestiaires.

A l'occasion d'un nouveau contrôle le 7 juillet 2021, la Commission de sécurité a relevé que cette mezzanine était utilisée en réserve, bureaux, salle de repos, vestiaires et sanitaires.

La destination cet étage partiel n'a donc pas été modifiée par la société CCB.

11. Il apparaît que la Commission de sécurité a, le 13 juillet suivant, interdit l'utilisation de cette mezzanine en raison de la difficulté pour les personnes présentes de la quitter en cas de déclenchement d'un incendie. La locataire a pu signaler le 18 décembre 2021 à son bailleur, sans être démentie, que compte tenu de l'emprise de l'escalier menant à cet étage partiel, 103 m² soit 11 % de la surface objet du bail était ainsi inutilisable.

12. Dans la mesure où les travaux de mise en conformité d'un local sont, sauf clause contraire, à la charge du bailleur, l'appelante a un intérêt légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile à réclamer que soit ordonnée une expertise aux fins de permettre l'évaluation du préjudice de jouissance résultant le cas échéant de la restriction de l'usage des surfaces louées et de l'éventuel préjudice d'exploitation pouvant en résulter.

13. La cour infirmera l'ordonnance entreprise de ce chef et, statuant à nouveau, ordonnera une expertise confiée à Madame [E] [U], dont la mission sera détaillée au dispositif de la présente décision.

Sur la créance de loyers

14. Le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et fait droit à la demande en paiement d'une provision présentée par la société Garhone au titre des loyers échus et impayés et d'une indemnité d'occupation à compter du 22 juillet 2022.

15. Il n'est pas discuté par les parties en cause d'appel qu'il est constant en droit que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictées par l'article L.622-21 du code de commerce, applicable en matière de liquidation judiciaire par renvoi de l'article L.641-3).

Il en résulte que seul le juge-commissaire a désormais le pouvoir de statuer sur la déclaration de créance qui a d'ailleurs été dûment effectuée par le bailleur le 7 novembre 2024 à la suite de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de sa locataire.

16. L'intimée tend par ailleurs à la condamnation de la société CCB au paiement d'une provision de 74.228,69 euros au titre des indemnités d'occupation postérieures à la procédure de sauvegarde.

Cependant, ainsi qu'il vient d'être énoncé, la cour n'a pas le pouvoir de statuer en référé sur cette demande qui relève des pouvoirs du juge commissaire.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

17. La société Philae es qualités soutient qu'en application de la règle de l'interdiction des poursuites, le juge des référés n'a pas le pouvoir de constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial lorsque le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société preneuse est intervenu alors que la décision entreprise en appel, n'était pas passée en force de chose jugée et

que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure

collective.

18. En l'espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 16 juin 2022 et la société CCB a fait assigner son bailleur le 12 juillet suivant, avant l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article L.145-41 du code de commerce.

19. Or il est constant en droit qu'il résulte de la combinaison des articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie après ce jugement.

20. Il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.

21. Il est conforme à l'équité de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Les dépens de l'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance prononcée le 7 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et condamné la société CCB à payer à la S.C.I. Garhone, au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 31 289,27 euros par trimestre jusqu'à libération des lieux et, au titre des loyers, indemnités d'occupation ou charges, la somme provisionnelle de 200 000 euros.

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions précitées.

Infirme l'ordonnance prononcée le 7 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'elle a débouté la société CCB de sa demande d'expertise.

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne une expertise et commet pour y procéder Madame [E] [U] -16 [Adresse 13] Tél : [XXXXXXXX01] [Localité 12]. : 06 21 71 05 39 Mèl : [Courriel 14] , qui aura pour mission de :

- visiter les locaux commerciaux situés lot n°2 - lotissement [Adresse 7] [Adresse 5] à [Localité 9] ;

- se faire remettre tout document et donner tous éléments permettant d'évaluer le préjudice de jouissance et, le cas échéant, le préjudice d'exploitation subi par la société Compagnie Commerciale du Bassin depuis son entrée dans les lieux et résultant de l'impossibilité d'utiliser l'étage partiel.

Dit que l'expert déposera au greffe du Tribunal Judiciaire de Bordeaux et adressera aux parties un pré-rapport, comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission, dans un délai de huit mois à compter du jour de sa saisine (sauf à solliciter un délai complémentaire auprès du magistrat du Tribunal Judiciaire chargé du contrôle des expertises).

Dit qu'il laissera aux parties un délai minimum d'un mois à compter du dépôt de son pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voie de dire récapitulatif.

Dit que l'expert déposera son rapport définitif au secrétariat-greffe du Tribunal Judiciaire de Bordeaux dans les 10 mois suivant l'avis qui lui sera donné de la consignation de l'avance à valoir sur ses honoraires.

Rappelle que, pour l'accomplissement de cette mission, l'expert aura la faculté de :

- se faire communiquer ou remettre tous documents et pièces, y compris par des tiers, sauf à en référer au magistrat chargé de suivre les opérations d'expertise, en cas de difficultés, et entendre tous sachants qu'il estimera utiles ;

- en cas de besoin et conformément aux dispositions de l'article 278 du code de procédure civile, recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, à charge pour l'expert de joindre cet avis à son rapport (article 282 du Code de procédure civile) ;

Dit que dans les deux mois du présent arrêt, la société Philae es qualités devra consigner à la régie du Tribunal Judiciaire de Bordeaux une somme de 4.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert.

Dit qu'à défaut de consignation intégrale de ces provisions dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile, sauf prorogation du délai de consignation.

Vu l'article 964-2 du code de procédure civile,

Confie le contrôle de cette expertise au magistrat du tribunal judiciaire de Bordeaux chargé du contrôle des mesures d'instruction.

Confirme pour le surplus l'ordonnance prononcée le 7 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement d'une provision au titre des indemnités d'occupation postérieures à la procédure de sauvegarde.

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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