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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 24/09420

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/09420

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 24/09420 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNORI

[I] [Z]

[F] [D] épouse [Z]

C/

[O] [C]

[G] [B]

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me [V] BERENGER

Me Véronique DAGHER-PINERI

Arrêt en date du 04 Septembre 2025 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 Janvier 2024, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 53 F-D rendu le 15 Septembre 2021 par la cour d'appel de NÎMES ( 4ème Chambrecommerciale).

DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [I] [Z]

né le 01 Janvier 1974 à [Localité 8] (52), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me David BURILLE de la SELARL FRANCON BURILLE, avocat au barreau de VALENCE

Madame [F] [D] épouse [Z]

née le 31 Août 1972 à [Localité 8] (52), demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me David BURILLE de la SELARL FRANCON BURILLE, avocat au barreau de VALENCE

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [O] [C]

né le 16 Novembre 1946 à [Localité 13] (07), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Véronique DAGHER-PINERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE substitué par Maître Christine FISCHER-MERLIER, avocate au abrreau de VALENCE

Monsieur [G] [B]

venant aux droits de Madame [J] [C] épouse [B].

né le 03 Janvier 1995 à [Localité 11] (74), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Véronique DAGHER-PINERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE substitué par Maître Christine FISCHER-MERLIER, avocate au abrreau de VALENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente,

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié du 28 novembre 1988, M. [K] [C], M. [O] [C] et Mme [J] [B] née [C], ont donné à bail à loyer commercial à M. [T] [H] [P] un local commercial.

Le bail commercial stipule que le local donné à bail est une 'maison d'habitation et de commerce' située dans la commune de [Localité 12] (Ardèche), cité du barrage.

Concernant la destination contractuelle des lieux, le bail commercial prévoit:' les locaux présentement loués sont exclusivement destinés savoir le magasin le fournil et la farinière à l'exploitation d'un commerce de boulangerie, patisserie, épicerie, qui est actuellement installé et le surplus à l'habitation bourgeoise du preneur'.

Concernant la nature de ce bail commercial mixte (à usage d'habitation et de commerce), le bail commercial sitpule 'il est précisé que la location est considérée comme indivisible et ayant le caractère commercial pour le tout'.

Le bail initial a été consenti pour une durée de 9 années entières et consécutives, commençant à courir le 1 er octobre 1988 pour expirer le 30 septembre 1997, moyennant un loyer annuel de 26.040 francs, soit 3.969,77 euros.

Le bâtiment loué comprend donc une boulangerie et un logement d'habitation.

A compter du 17 juin 1998, les époux [F] [D] et [I] [Z] ont acquis le fonds de commerce de M. [P], le preneur initial, devenant les nouveaux preneurs du bail commercial litigieux.

M. [O] [C] et M. [G] [B] sont les bailleurs actuels.

Ledit bail s'est ensuite renouvelé tacitement pour une nouvelle période de 9 années entières et consécutives commençant à courir le 1 er octobre 1988, pour se terminer le 30 septembre 2006.

Par acte extra-judiciaire en date du 12 septembre 2006, les bailleurs notifiaient aux preneurs leur acceptation au principe du renouvellement sous réserve de la fixation du loyer annuel à la somme de 4.369,44 euros.

Par acte d'huissier signifié le 6 février 2015, les bailleurs ont fait délivrer aux preneurs un congé avec offre de renouvellement dudit bail à compter du 1 er octobre 2015 avec demande de déplafonnement du loyer et fixation du loyer du bail renouvelé à 10.667,40 euros.

Par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception en date du 9 juillet 2015, les preneurs ont fait connaître leur acceptation au principe du renouvellement à compter du 30 septembre 2015, contestant toutefois la demande de déplafonnement, soutenant que les facteurs locaux de commercialité n'avaient pas été modifiés et que le montant du loyer devait être de 418 euros par mois.

Par jugement en date du 2 novembre 2016, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande Instance de Privas, a sursis à statuer et a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [V] [A], afin de voir déterminer la valeur locative réelle du bien objet dudit bail commercial.

M. [V] [A], expert judiciaire désigné, a rendu son rapport d'expertise judiciaire le 10 janvier 2018, concluant à une valeur locative pour le local commercial de 8400 euros HT

Par jugement du 2 août 2018, le juge des loyers commerciaux de [Localité 10] se prononçait notamment en ces termes :

- fixe à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an le montant du bail renouvelé rétroactivement à compter du 1er octobre 2015, date du renouvellement du bail commercial,

- condamne M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] à payer à M. [O] [C] et Mme [B] née [J] [C] le loyer rétroactivement fixé à compter du 1er octobre 2015 à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an, déduction faite des versements de loyers déjà effectués depuis le 1 er octobre 2015 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de ladite décision.

- déboute M.[I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] de leur demande reconventionnelle au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamne M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] à payer à M.[I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- déboute M.[I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M.[I] [Z]. et Mme [F] [Z] née [D] aux entiers dépens, sous réserve des frais d'expertise judiciaire supportés uniquement à hauteur de la moitié dont distraction au profit des avocats sur leur affirmation de droit,

- rejette toutes les autres demandes de M.[I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D]

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour fixer le montant du loyer du bail renouvelé rétroactivement à 8400 euros hors taxe et hors charges par an, à compter du 1er octobre 2015 (soit le montant proposé par l'expert judiciaire), le tribunal retenait en particulier que ce dernier avait tenu compte de 'l'évolution des facteurs de commercialité tant sur la période 1988-2017 que la période de 2006 à 2017 ',ajoutant : 'notamment une évolution démographique, une progression de l'activité touristique en lien avec l'ouverture de la caverne du pont d'arc et des flux.de véhicules qu'elle engendre aux alentours de la commune de Bourg Saint Andeol'

Le 8 octobre 2019, M.[I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D], preneurs, formaient appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs dernières conclusions développées devant la cour d'appel de Nimes, ils s'opposaient à tout déplafonnement du loyer et demandaient la fixation au 1er octobre 2015 du montant du loyer du bail renouvelé à 418 euros par mois.

Par arrêt rendu le 15 septembre 2021, la cour d'appel de Nimes se prononçait en ces termes :

- confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions ;

- dit que les parties conserveront à leurs charges leurs frais et dépens d'appel ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour confirmer le jugement et retenir le prix du bail renouvelé tel que proposé par l'expert judiciaire et adopté par le premier juge (8400 euros hors taxes et hors charge par an), la cour d'appel estimait en particulier que si l'expert judiciaire avait 'pris en compte des périodes plus larges que la période de référence', ces périodes plus larges restaient pertinentes en ce qu'il avait intégré 'une évolution constante dans le même sens depuis de nombreuses années et qui a vocation à perdurer'.

Statuant sur le pourvoi formé Mme [F] [D], épouse [Z] et M. [I] [Z], par arrêt en date du 25 janvier 2023, la cour de cassation a partiellement cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel.

Par arrêt rendu le 25 janvier 2024, la cour de cassation se prononçait en ces termes :

- casse et annule, sauf en ce qu'il rejette la demande des locataires endommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

- remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- condamne MM. [C] et [B], en sa qualité d'héritier d'[J] [C],aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [C] et [B], en sa qualité d'héritier d'[J] [C], et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros.

La cour de cassation s'est prononcée sur le moyen au visa des articles L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce en ce sens: il résulte de ces textes que la valeur locative est déterminée notamment au regard des facteurs locaux de commercialité, dont l'évolution notable au cours du bail à renouveler et jusqu'à la date d'effet du nouveau bail permet, si elle a une incidence favorable sur l'activité exercée dans les locaux loués,d'écarter la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé et de le fixer selon la valeur locative.Pour fixer le loyer renouvelé à la valeur locative, l'arrêt énonce que l'expert judiciaire a constaté une évolution des facteurs locaux de commercialité tan sur la période 1988-2017 que sur la période 2006-2017, notamment une évolution démographique, une progression de l'activité touristique en lien avec l'ouverture de la caverne du [Localité 9] et des flux de véhicules, qu'elle engendre, aux alentours de la commune de [Localité 7].Il retient que les périodes prises en compte par l'expert sont pertinentes en ce qu'il intègre une évolution constante dans le même sens depuis de nombreuses années et qui a vocation à perdurer.En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser sur la seule période du bail à renouveler jusqu'à la date d'effet du nouveau bail, une modification des facteurs locaux de commercialité présentant un caractère notable et ayant eu une incidence favorable sur l'activité de boulangerie exercée par les locataires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

La présente cour de renvoi a été saisie par déclaration au greffe de la juridiction le 20 juillet 2014 par les bailleurs appelants, les époux [F] [D] et [I] [Z]

L'ordonnance de clôture, révoquée le 6 mai 2025 était finalement prononcée à la même date avant l'ouverture des débats.

CONCLUSIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2025, Mme [F] [D], épouse [Z] et M. [I] [Z] demandent à la cour de:

vu les articles 1719 et 1720 du code civil, 6 de la loi du 6 juillet 1989, 1224 et 1231-1 du code civil,

statuant sur l'appel à l'encontre de la décision rendue le 2 août 2018 par le tribunal de grande instance de Privas,

- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 1er avril 2025,

le déclarant recevable et bien fondé,

y faisant droit,

infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

vu les articles L 145-33 et suivants et R 145-23 et suivants du code de commerce.

- fixé à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an le montant du bail renouvelé rétroactivement à compter du 1er octobre 2015, date du renouvellement du bail commercial.

- condamné M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] à payer à M. [O] [C] et Mme [B] née [J] [C] le loyer rétroactivement fixé à compter du 1er octobre 2015 à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an, déduction faite des versements de loyers déjà effectués depuis le 1 er octobre 2015. Avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

- débouté M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] de leur demande reconventionnelle au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] à payer à M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.,

- débouté M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.,

- condamné M. [I] [Z]. et Mme [F] [Z] née [D] aux entiers dépens, sous réserve des frais d'expertise judiciaire supportés uniquement à hauteur de la moitié dont distraction au profit des avocats sur leur affirmation de droit,

- rejeté toutes les autres demandes des parties,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

statuant à nouveau,

- débouter M. [O] [C] et M. [G] [B] de leurs entières demandes,

- juger qu'il n'y a pas lieu à déplafonner le loyer payé par M. [I] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] à M. [O] [C] et M. [G] [B],

- dire que le bail du loyer liant M. [O] [C] et M. [G] [B], en qualité de bailleurs à M. [I] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] en qualité de locataires et ayant pris effet le 1 er octobre 2015 est d'un montant mensuel de 418 euros,

- ordonner le remboursement par liant M. [O] [C] et M. [G] [B] des sommes versées par les époux [Z] en application de l'exécution provisoire assortie au jugement de première instance et en conséquence condamner M. [O] [C] et M. [G] [B] à payer M. [I] [Z] et Mme [F] [D], épouse [Z] la somme 31.369,84 €, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir

- dire que la condamnation au titre de la restitution des sommes versées par les époux [Z] en application de l'exécution provisoire portera intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018,

- condamner solidairement M. [O] [C] et M. [G] [B] à la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [O] [C] et M. [G] [B] aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel ainsi que les frais d'expertise

- débouter M. [O] [C] et M. [G] [B] de leurs entières demandes,

- prononcer la résiliation du bail commercial portant sur local situé [Adresse 4] ayant pris effet du 1 er octobre 2015 au 30 novembre 2024 et poursuivi par tacite reconduction liant M. [O] [C] et M. [G] [B], en qualité de bailleurs, à M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] aux torts exclusifs de Messieurs [O] [C] et [G] [B],

- condamner solidairement M. [O] [C] et M. [G] [B] à payer à M. [I] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] la somme de 63 000 euros en réparation du préjudice matériel lié à la disparition de leur fonds de commerce résultant de la résiliation du bail commercial aux torts exclusifs des bailleurs,

- condamner solidairement M. [O] [C] et M. [G] [B] à payer à M. [I] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] la somme de 10.000 euros au titre du préjudice matériel et économique lié à leur déménagement et leur relogement ainsi que la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral

à titre subsidiaire,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

vu les articles L 145-33 et suivants et R 145-23 et suivants du code de commerce,

- fixé à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an le montant du bail renouvelé rétroactivement à compter du 1er octobre 2015, date du renouvellement du bail commercial.

- condamné M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] à payer à M. [O] [C] et Mme [B] née [J] [C] le loyer rétroactivement fixé à compter du 1er octobre 2015 à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an, déduction faite des versements de loyers déjà effectués depuis le 1 er octobre 2015. Avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision.

- débouté M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] de leur demande reconventionnelle au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] à payer à M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] née [D] aux entiers dépens, sous réserve des frais d'expertise judiciaire supportés uniquement à hauteur de la moitié dont distraction au profit des avocats sur leur affirmation de droit,

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

statuant à nouveau,

- débouter M. [O] [C] et M. [G] [B] de leurs entières demandes,

- juger qu'il n'y a pas lieu à déplafonner le loyer payé par M. [I] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] à M. [O] [C] et M. [G] [B],

- dire que le bail du loyer liant M. [O] [C] et M. [G] [B], en qualité de bailleurs à M. [I] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] en qualité de locataires et ayant pris effet le 1 er octobre 2015 est d'un montant mensuel de 418 euros,

- ordonner le remboursement par liant M. [O] [C] et M. [G] [B] des sommes versées par les époux [Z] en application de l'exécution provisoire assortie au jugement de première instance et en conséquence condamner M. [O] [C] et M. [G] [B] à payer M. [I] [Z] et Mme [F] [D], épouse [Z] la somme 31.369,84 €, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- dire que la condamnation au titre de la restitution des sommes versées par les époux [Z] en application de l'exécution provisoire portera intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018

- condamner solidairement M. [O] [C] et M. [G] [B] à la somme de 10 000 € en application de l'article code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [O] [C] et M. [G] [B] aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel ainsi que les frais d'expertise

- débouter, M. [O] [C] et M. [G] [B] de leurs entières demandes,

- prononcer la résiliation du bail commercial portant sur local situé [Adresse 5] ayant pris effet du 1 er octobre 2015 au 30 novembre 2024 et poursuivi par tacite reconduction liant M. [O] [C] et M. [G] [B], en qualité de bailleurs, à M. [I] [Z] et Mme [F] [Z] aux torts exclusifs de Messieurs [O] [C] et [G] [B] aux torts exclusifs des bailleurs

- désigner tel expert qui plaira à la juridiction avec pour mission de :

- se rendre sur les lieux en présence des parties dûment convoquées

- se faire remettre par les parties tout document relatif au litige nécessaire à

l'accomplissement de sa mission

- décrire et chiffrer le préjudice de toute nature subi par M. [I] [Z]. et Mme [F] [Z] née [D] du fait la résiliation du bail commercial du 1er octobre 2015 les liant à Messieurs [O] [C] et [G] [B]

- fournir au tribunal tous les éléments permettant d'établir les responsabilités

- répondre aux dires des parties après le dépôt d'un pré-rapport

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2025, M. [O] [C] et M. [G] [B] demandent à la cour de:

vu les articles L 145-33 et L 145-47, R 145-3, R 145-5, R 145-6 et R 145-8 du code de commerce, 1729 du code civil,

statuant sur l'appel formé par Mme [F] [D] épouse [Z] et M. [I] [Z], à l'encontre de la décision rendue le 2 août 2018 par le tribunal de grande instance de Privas,

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il fixe le montant du loyer déplafonné à la somme de 8400 euros hors taxes et hors charges par an, et statuant à nouveau fixer le montant du loyer déplafonné à la somme de 10 667,40 euros hors charges et hors taxes par an à compter du 1 er octobre 2015 ;

à titre subsidiaire :

- ordonner un complément d'expertise et désigner tel expert que la cour voudra bien désigner avec pour mission, palliant à la carence du rapport de M [A],

- dire s'il existe, durant la seule période du 1 er octobre 2006 au 30 septembre 2015, une modification des facteurs locaux de commercialité profitant au commerce de boulangerie pâtisserie des consorts [Z], tels que visés à l'article R 145-6 du code de commerce,et les décrire,

- donner tous éléments d'appréciation sur la valeur locative des lieux loués à la date du 1 er octobre 2015 au regard des paramètres mentionnés aux 1 0 à 5 0 de l'article L 145- 33 du code de commerce,

- débouter les consorts [Z] de leurs demandes contraires et de leur nouvelle demande de résiliation du bail aux torts des bailleurs, comme irrecevables et mal fondées,

- condamner M. et Mme [Z] à payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [Z] aux entiers dépens.

MOTIFS

1-Sur l'étendue de la saisine de la cour:

L'article 624 du code de procédure civile dispose :La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Par arrêt rendu le 15 septembre 2021, la cour d'appel de Nimes se prononçait en ces termes :

- confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions,

- dit que les parties conserveront à leurs charges leurs frais et dépens d'appel,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 25 janvier 2024, la Cour de cassation se prononçait en ces termes :

- casse et annule, sauf en ce qu'il rejette la demande des locataires en dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes,

- remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'aix-en-provence,

- condamne MM. [C] et [B], en sa qualité d'héritier d'[J] [C],aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [C] et [B], en sa qualité d'héritier d'[J] [C], et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros,

La cassation n'étant que partielle, sont définitives les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'elles rejettent la demande des locataires en dommages-intérêts pour procédure abusive

En revanche, sont annulées les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'elles:

- confirment le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions (hormis la demande indemnitaire des preneurs en dommages-intérêts pour procédure abusive),

- dit que les parties conserveront à leurs charges leurs frais et dépens d'appel,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Par ailleurs, le litige implique les données financières suivantes :

- selon l'expert judiciaire désigné, M. [V] [A], la valeur locative du bien loué est de 8400 euros HT,

- par jugement du 2 août 2018, le juge des loyers commerciaux de [Localité 10] a fixé à la somme de 8 400 euros hors taxes et charges par an le montant du bail renouvelé rétroactivement à compter du 1er octobre 2015, date du renouvellement du bail commercial,

- les preneurs appelants et les bailleurs intimés sollicitent, pour les premiers, un loyer de 418 euros par mois et, pour les seconds, un montant de loyer déplafonné de 10667,40 euros hors charges et hors taxes par an à compter du 1 er octobre 2015.

2-sur la qualification du bail

En l'espèce, le bail commercial litigieux, qui porte à la fois sur des locaux à usage commercial et à usage d'habitation, est un bail mixte. En outre, l'article 2 du bail commercial, intitulé 'Destination des lieux'stipule : 'il est précisé que la location est considérée comme indivisible et ayant le caractère commercial pour le tout'.

Ainsi, même si le présent bail commercial est de nature mixte en ce qu'une partie des locaux est utilisée en tant qu'habitation, le statut des baux commerciaux s'applique.

Enfin quand bien même tout le bail est soumis au statut des baux commerciaux, dès lors qu'il est renouvelé à compter du 1er octobre 2006, la partie à usage d'habitation est soumise aux règles de décence fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.

3-sur la demande des bailleurs intimés aux fins d'expertise judiciaire

Selon l'article 146 du code de procédure civile :Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, les bailleurs appelants ne produisent pas d'éléments pertinents sur la modification des facteurs locaux de commercialité sur la période considérée, étant précisé que le rapport d'expertise judiciaire initial ne pallie pas leur carence dans l'administration de la preuve.

La cour rejette la demande des bailleurs d'expertise judiciaire sur la modification des facteurs locaux de commercialité.

4-sur le montant du loyer du bail renouvelé et sur la question du déplafonnement

Selon l'article L145-33 du code de commerce : Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré,

2 La destination des lieux,

3 Les obligations respectives des parties,

4 Les facteurs locaux de commercialité,

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage,

Selon l'article R145-3 du code de commerce :Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

L'article L145-34 du code de commerce dispose enfin :A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans.

Les preneurs appelants s'opposent à tout déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé pour les motifs suivants :

- il appartient aux intimés de caractériser d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité de boulangerie sur la période du 1 octobre 2006 au 30 septembre 2015 et cette période ne peut être noyée dans une période plus grande,

- le juge de première instance a motivé sa décision par une analyse des évolutions des facteurs locaux de commercialité antérieurs et postérieurs au bail renouvelé,

-à aucun moment, il n'est caractérisé en quoi cette évolution est notable, le juge de première instance se contentant de parler d'évolution,

- il n'est pas démontré en quoi l'évolution des facteurs locaux de commercialité représente un intérêt pour l'activité exercée par les preneurs,

- les bailleurs sont défaillants dans l'administration de la preuve, ceux-ci ne rapportant ni la preuve d'une évolution des éléments visés aux alinéas 1 à 4 de l'article L. 145-33 du code de commerce, ni à supposer qu'il soit démontré de l'évolution desdits éléments du caractère notable de cette évolution,

- la surface des locaux n'a pas augmenté, les obligations des locataires n'ont pas diminué.

Les bailleurs intimés invoquent au contraire un déplafonnement du prix du bail renouvelé, précisant :

- il existe une évolution notable de l'ensemble des critères posés à l'article L 145-33 du code de commerce,

- une augmentation importante de l'impôt foncier à la charge du bailleur constitue une modification d'un des éléments de la valeur locative pouvant justifier le déplafonnement,

- le prix avait été fixé originairement à un montant anormalement bas, soit 3 969,77 euros par an, soit 330 eurso par mois en 1988, et, en 27 ans, le loyer a seulement connu une augmentation de 47 euros,

- compte tenu de la faiblesse du loyer et des charges, de l'importance des dépenses d'entretien engagées, et de la taxe foncière mise à leur charge, les bailleurs sont en constant déficit foncier depuis plusieurs années,

- il existe une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant le déplafonnement.

Il est de principe que le loyer du bail renouvelé peut être fixé contractuellement ou amiablement et que le bailleur peut solliciter le déplafonnement du loyer et la fixation à la valeur locative en cas de modification d'un élément de la valeur locative.

De plus, la charge de la preuve de la modification notable neutralisant la règle du plafonnement incombe au bailleur qui demande le déplafonnement du loyer.

En l'espèce, il appartient aux bailleurs de démontrer que la modification notable des éléments de l'article L 145-34 du code de commerce, comme cause de déplafonnement du loyer, a eu lieu durant la période du bail renouvelé, soit en l'espèce, entre le 1 er octobre 2006 et le 30 septembre 2015.

- sur les caractéristiques du local considéré et sur une modification notable

Concernant la répartition des travaux entre les parties, le bail commercial stipule :

- tous embellissements, améliorations, installations et décors quelconques qui seraient faits par le preneur dans les lieux loués pendant le cours du bail, resteront à la fin de celui-ci, à quelques époques et de quelque manière qu'elle arrive, la propriété du bailleur,

- toutes les réparations, grosses et menues, et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets et rideaux, de fermeture de la boutique, seront à la charge exclusive du preneur.

Il est de principe que le bailleur, à qui incombe la charge des travaux de réparations, autres que celles locatives, qui intéressent la structure et la solidité de l'immeuble loué, peut, par une clause claire et précise dont la portée doit être interprétée restrictivement, en transférer la charge au preneur.

Il y a lieu de rechercher si une clause claire et précise met à la charge de la locataire les travaux de réfection de la toiture.

Tout d'abord, les bailleurs ne démontrent pas, même au travers du rapport d'expertise judiciaire que, sur la seule période considérée, soit du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2015, il y aurait eu une modification notable concernant l'axe très passant sur lequel se trouve le local commercial.

Ensuite, les bailleurs intimés font état de travaux de rénovation à hauteur de 50 000 euros qu'ils disent avoir fait exécuter depuis une quinzaine d'années, ajoutant que le déplafonnement peut résulter de travaux de rénovation exécutés dans l'immeuble par le bailleur.

Cependant, il est de principe que des travaux réalisés par le bailleur ne peuvent constituer un motif de déplafonnement s'ils n'ont pas eu une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur.

En outre,le déplafonnement ne peut pas résulter de travaux que le bailleur a l'obligation de réaliser, tels les grosses réparations ou., des travaux de mise en conformité nécessaires à l'adaptation des locaux à leur destination, qui relèvent de l'obligation de délivrance.

En l'espèce, concernant les travaux réalisés par les bailleurs, le rapport d'expertise judiciaire mentionne que ces derniers ont effectivement financé des travaux, au sein des locaux considérés, pour un coût total de 46 542, 66 euros.

Cependant,en premier lieu, ces travaux n'ont pas tous été effectués au sein de la seule période de référence (du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2015.), l'expert judiciaire détaillant au contraire des travaux réalisés à compter du 9 juillet 1988.

En outre, une certaine partie desdits travaux réalisés par les bailleurs relèvent de la responsabilité de ces derniers et leur incombaient en ce qu'il s'agit soit de travaux de mise en conformité nécessaires à l'adaptation des locaux à leur destination (comme les travaux de mise aux normes EDF en l'absence de clause claire, précise, expresse du bail transférant leur charge aux preneurs), soit de travaux relevant de sa responsabilité et de son obligation de délivrance (notamment les travaux de réfection de la toiture en l'absence de clause claire et précise du bail opérant le transfert de la charge de tels travaux . sur les preneurs).

En tout état de cause, les bailleurs intimés n'établissent pas que lesdits travaux ont eu une incidence favorable sur l'activité exercée par les preneurs au sein de la seule période de référence (du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2015).

Aucun motif de déplafonnement tiré des travaux réalisés et financés par les bailleurs ne peut être retenu et plus généralement aucun motif de déplafonnement au titre d'une modification notable des éléments mentionnés au 1° de L145-33 du code de commerce.

- sur la destination des lieux et sur une modification notable de cet élément

Selon l'article L145-47 du code de commerce :Le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.A cette fin, il doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire, en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé. Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. En cas de contestation, le tribunal de grande instance, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l'évolution des usages commerciaux.Lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués.

Concernant la destination contractuelle des lieux, le bail commercial prévoit:' le magasin le fournil et la farinière à l'exploitation d'un commerce de boulangerie, patisserie, épicerie, qui est actuellement installé et le surplus à l'habitation bourgeoise du preneur'.

Toujours au soutien de leur demande de déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé, les bailleurs intimés font valoir que les preneurs ont, sans leur accord préalable, étendu unilatéralement la destination des lieux à l'activité de traiteur, ajoutant que la jurisprudence considère que l'adjonction d'une activité complémentaire peut être un motif de déplafonnement du loyer. Les bailleurs précisent.e que s'agissant d'activités complémentaires, elles ont manifestement entraîné un surplus d'activité, d'attractivité en termes de clientèle et de rentabilité du local loué.

Il est de principe que l'adjonction d'activité non autorisée par les bailleurs doit avoir un caractère notable pour entraîner le déplafonnement.

En l'espèce, les bailleurs ne démontrent aucunement l'adjonction, par les preneurs d'une activité non autorisée par le bail commercial, et en l'espèce, d'une réelle activité de traiteur. Sur ce point, l'expert a d'ailleurs relevé dans le cadre de son rapport d'expertise judiciaire qu'il n'avait pas 'observé d'activité de traiteur, les plats cuisinés proposés tels que quiches, pizzas, feuilletés, tourtes salées, sandwichs... allant de pair avec une activité d'artisan boulanger' .

L'expert judiciaire a ajouté qu'il pouvait seulement mentionner, lors de sa visite, qu'il n'avait pas' constaté l'exercice d'une activité de traiteur telle que décrite dans la nomenclature, à savoir préparation et vente de plats cuisinés prêts à être emportés par ses clients ou livrés à domicile et organisation de banques et buffets'.

Le déplafonnement ne peut être retenu pour modification notable de la destination des lieux sur la période en litige.

- sur les obligations respectives des parties et sur une modification notable de cet élément

- sur l'augmentation de la taxe foncière

Il est de principe qu'une augmentation des charges légales pesant sur le bailleur peut justifier un déplafonnement, en application de l'article R. 145-8 du code de commerce.

Selon les bailleurs intimés, leurs avis de taxes foncières, sur la période considéré de 2006 à 2015, démontrent que la taxe foncière est passé de 608 euros en 2006 à 1.248 euros en 2015, ce qui serait une cause de déplafonnement du loyer. Ils précisent que ladite taxe a doublé et que cette augmentation a affecté de manière très substantielle les revenus tirés du local.

En l'espèce, il est exact que, sur la période considérée, soit du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2015, la taxe foncière laissée à la charge des bailleurs, a presque doublé, passant de 632 euros en 2007 à 1248 euros en 2015.

Cependant, au regard des revenus tirés de location (4336 euros HT par an en 2006 selon l'expert judiciaire et 418 euros par mois, soit 5016 euros par an à partir du 1er octobre 2015 selon les preneurs appelants), l'augmentation de la taxe foncière n'est pas particulièrement importante ni ne constitue une modification notable à la hausse pesant sur les bailleurs.

Aucun déplafonnement du loyer ne peut être envisagé pour le motif tiré de l'augmentation de la taxe foncière sur la période en litige.

- sur une modification importante des modalités de fixation du prix

L'article R. 145-8 , alinéa 4, du code de commerce énonce qu'il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Il est de principe que le déplafonnement peut intervenir lorsque les modalités de fixation du prix se trouvent sensiblement modifiées.

En l'espèce, pour tenter d'obtenir un déplafonnement du prix du bail renouvelé, les bailleurs soutiennent que les locaux appartenaient à leur père, qui n'a pas procédé, compte tenu de son âge avancé et de son ignorance à la fixation d'un loyer correspondant à une valeur réelle. Ils précisent que le bail a été consenti pour un loyer hors charges de 26.040 francs soit 3.969,77 € par an (330 € par mois) en 1988.

Toutefois, il convient de rappeler qu'un loyer anormalement bas n'est pas en soi une cause de déplafonnement, étant précisé qu'il n'est pas en l'espèce justifié de circonstances particulières , comme par exemple des relations commerciales particulières, expliquant ce loyer originaire.

Il n'est pas justifié de mettre fin au plafonnement du loyer pour un motif tiré d'un loyer initial anormalement bas.

- sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité

Selon l'article R145-6 du code de commerce :Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Il est de principe que le bailleur peut obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé en invoquant une modification des facteurs locaux de commercialité. Toutefois, il faut que la modification constatée soit notable et qu'elle ait une incidence sur l'activité du locataire.

En l'espèce, les bailleurs échouent à démontrer l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité, se référant principalement au rapport de l'expert judiciaire, qui n'a cependant pas analysé l'évolution des facteurs locaux de commercialité sur la seule période utile admise (la période du bail échu allant du 1 er octobre 2006 et le 30 septembre 2015).

En outre, les bailleurs n'établissent pas davantage que la modification alléguée aurait eu une incidence sur l'activité des preneurs.

Aucun motif de déplafonnement, lié à l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité, ne peut être retenu.

- sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

Il est de principe que la valeur locative ne peut être estimée en se référant à la moyenne arithmétique des loyers sélectionnés. Seule l'analyse comparative de chacun des éléments de référence, en considération de l'ensemble des facteurs de valorisation, permet d'apprécier la valeur locative.

Les bailleurs intimés ne justifient pas, ni au travers du rapport d'expertise judiciaire, ni au moyen de leurs pièces, l'existence d'une modification notable des prix couramment pratiqués dans le voisinage sur la période considérée. En effet, s'ils produisent des justificatifs des prix pratiqués dans le voisinage (principalement des annonces en ligne extraites du site internet le Bon coin), ces justificatifs ne concernent pas tous la période en litige et ne sont pas tous adaptés. Ces références ne comprennent pas une partie habitation et sont parfois sans rapport avec un commerce de boulangerie-patisserie. Par ailleurs, la partie habitation des locaux loués aux preneurs est loin d'être parfaite et présente des manquements aux critères de la décence (d'après le rapport du 18 novembre 2021 de l'association Soliha versé aux débats par les preneurs).

Aucun motif de déplafonnement, lié aux prix couramment pratiqués dans le voisinage, ne peut être retenu.

Compte tenu des développements qui précèdent, la cour fait droit à la demande des époux [F] [D] et [I] [Z] de dire qu'il n'y pas lieu de déplafonner le loyer du bail renouvelé, tout en précisant que cette absence de déplafonnement vaut pour le 1er octobre 2015.

- sur le montant du loyer renouvelé

Pour les bailleurs intimés, si la cour retenait une évolution notable de l'ensemble des éléments posés à l'article L. 145-33 du code de commerce, et donc un déplafonnement, le loyer du bail commercial renouvelé devrait être fixé à 10.667 € HT par an. Ils ajoutent que si la cour ne devait pas retenir ce montant, il conviendrait de se référer à la valeur fixée par l'expert judiciaire soit un loyer de 8.400 euros HT / an.

Les preneurs mentionnent qu'il ne peut pas y avoir de déplafonnement au 1er octobre 2015 , date de renouvellement du bail commercial,et que le montant du loyer du bail renouvelé est d'un montant mensuel de 418 euros.

Par ailleurs, la cour de cassation a considéré que la cour d'appel de Nimes, en retenant un loyer de 8400 euros HT, avait fixé le loyer renouvelé à la valeur locative.

En l'espèce, la cour n'ayant pas retenu une modification notable des éléments mentionnés à l'article L 145-33 du code de commerce, la règle du plafonnement du loyer renouvelé ne saurait être écartée.

Infirmant le jugement, la cour fixe le montant du loyer renouvelé à 418 euros par mois à compter du 1er octobre 2015.

- 5-sur les demande des preneurs appelants de résiliation du bail commercial aux torts des bailleurs, en indemnisation et en expertise judiciaire sur leur préjudice

Aux termes de l'article R145-23 du code de commerce :Les contestations relatives àla fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer,devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.

Les preneurs présentent les demandes reconventionnelles suivantes :

- demande de résiliation judiciaire du bail commercial aux torts du bailleur (en invoquant un diagnostic de performance énergétique réalisé le 5 octobre 2023 avec un classement G,un raccordement de l'immeuble à l'assainissement collectif non conforme),

- demandes indemnitaires à hauteur de 63 000 euros et 10 000 euros au titre d'un préjudice matériel lié à la disparition de leur fonds de commerce, d'un préjudice matériel et économique lié à leur déménagement et relogement, d'un préjudice moral,

- demande d'expertise judiciaire sur le préjudice subi en lien avec la résiliation du bail commercial aux torts des bailleurs.

Pour s'opposer aux demandes reconventionnelles des preneurs, les bailleurs intimés font valoir que de telles demandes, en tout état de cause infondées, sont irrecevables comme nouvelles.

Il est de principe que le juge des loyers commerciaux est incompétent pour les contestations sans rapport avec la fixation du loyer lui-même. Il est seulement compétent pour statuer sur le loyer du bail commercial dans le cadre d'une révision ou d'un renouvellement.

La présente cour d'appel, saisie d'un appel contre un jugement prononcé par le juge des loyers commerciaux et qui ne peut statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, déclare irrecevables les demandes reconventionnelles des appelants tendant à la résiliation judiciaire du bail commercial, à l'indemnisation de leurs préjudices, en expertise judiciaire.

6-les restitutions et les intérêts

L'article 1155 ancien du code civil dispose :Néanmoins, les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.La même règle s'applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur.

Il est de principe que la décision du juge des loyers commerciaux constitue un titre exécutoire bien qu'elle se contente de fixer le prix du bail et qu'elle ne prononce pas de condamnation.

Ainsi, en application de l'article R. 145-23 du code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire, est exclusive du prononcé d'une condamnation.

Enfin, les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La cour d'appel ne peut que rejeter la demande des époux [D] [Z] en restitution de loyers.

7-sur les frais du procès

Au regard de la solution apportée au litige (aucun déplafonnement n'est admis), infirmant le jugement sur ces points, la cour condamne M. [O] [C] et M. [G] [B] aux entiers dépens de première instance et d''appel (incluant ceux des preneurs ) et à payer aux époux [F] [Y] et [I] [Z] la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant les frais d'expertise judiciaire, la cour confirme le jugement en ce q u'il dit que chaque partie en supportera la moitié.(s'agissant d'une mesure d'instruction ordonnée dans l'intérêt des deux parties).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

vu le jugement du 2 août 2018 du tribunal de grande instance de Privas,

vu l'arrêt de la cour d'appel de Nimes du 15 septembre 2021,

vu l'arrêt de la cour de cassation du 25 janvier 2024,

- déclare irrecevables les demandes reconventionnelles des époux [F] [D] et [I] [Z] tendant à la résiliation judiciaire du bail commercial, à l'indemnisation de leurs préjudices, en expertise judiciaire,

- infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il condamne les époux [F] [D] et [I] [Z] à payer la moitié des frais de l'expertise judiciaire à. M.[O] [C] de M. [G] [B],

statuant à nouveau et y ajoutant,

- rejette la demande de M. [O] [C] de M. [G] [B] d'expertise judiciaire sur la modification des facteurs locaux de commercialité,

- dit qu'il n'y pas lieu de déplafonner le loyer du bail renouvelé et précise que cette absence de déplafonnement vaut pour le 1er octobre 2015,

- fixe le montant du loyer renouvelé à 418 euros par mois à compter du 1er octobre 2015,

- rejette la demande des époux [F] [D] et [I] [Z] en restitution de loyers avec intérêts,

- condamne M. [O] [C] et M. [G] [B] à payer aux époux [F] [D] et [I] [Z] une somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamne M. [O] [C] et M. [G] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel (incluant ceux exposés par les époux [F] [D] et [I] [Z]).

Le Greffier, La Présidente,

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