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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/10862

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/10862

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/10862 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2SC

[N] [F] épouse [E]

C/

Etablissement SOCIETE GENERALE*

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me Joseph [Localité 11]

Me [Localité 13] JIMENEZ-MONTES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Président du TJ de [Localité 10] en date du 17 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02963.

APPELANTE

Madame [N] [F] épouse [E]

née le 27 Octobre 1960 à [Localité 12], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Olivier FAUCHEUR, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A. SOCIETE GENERALE

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain JIMENEZ-MONTES de l'AARPI CRJ AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Christophe DENIZOT de l'ASSOCIATION AARPI NICOLAS DENIZOT TRAUTMANN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] [E], née [F] est propriétaire des lots 1, 10 et 14 au rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Adresse 6] [Localité 1].

Selon acte sous seing privé en date du 15 octobre 1982, Mme [C] [F] a donné à bail commercial à la société Société Générale lesdits locaux pour une durée de neuf années jusqu'au 15 octobre 1991.

Aux termes du bail en vigueur, les locaux sont ainsi désignés : « Les locaux dépendent d'un immeuble situé à [Adresse 8] ainsi décrits : Un local commercial d'une superficie d'environ 130 m 2 représentant les lots n° 1, 10 et 14 de la copropriété, ainsi qu'une cour ne portant pas de numéro de la copropriété ».

Selon actes sous seing privé en date des 14 janvier 1993 et 11 octobre 2004, le bail commercial a été renouvelé.

Le dernier bail commercial a été conclu pour une durée de 9 ans prenant effet le 1 er octobre 2004 pour se terminer le 30 septembre 2013, le tout moyennant un loyer annuel s'élevant à la somme de 32.137 euros annuel HT et HC.

Le bail commercial définit la destination contractuelle des lieux en ces termes : '.Les locaux dont s'agit sont loués à l'usage exclusif d'un commerce de banque'.

Par acte d'huissier signifié le 31 janvier 2014, la bailleresse a fait délivrer à la preneuse un congé avec offre de renouvellement prenant effet au 30 septembre 2014, moyennant un loyer renouvelé d'un montant de 45.000 euros annuel hors taxes et hors charges.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2014, la société Société Générale acceptait le principe du renouvellement, tout en sollicitant la fixation du loyer renouvelé au montant annuel de 26.624 euros. .

Par acte d'huissier de justice du 6 avril 2017, la société Société Générale saisissait le juge des loyers commerciaux de [Localité 10] pour, à titre principal, demander la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2014 à un montant annuel de 14.500 euros en principal, hors charges et hors taxes et, subsidiairement, en expertise judiciaire sur la valeur locative.

Par jugement mixte en date du 05.09.2017, le juge des loyers commerciaux de [Localité 10] se prononçait notamment en ces termes :

- constate l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail commercial, afférents aux locaux (lots 1, 10 et 14) situés [Adresse 4] à [Adresse 6], à compter du 1 er octobre 2014 pour une durée de 9 ans,

vu les articles L 145-36 et R 145-11 du code de commerce,

- dit que les locaux litigieux, loués à usage exclusif de banque, relèvent de l'article R 145-11 du code de commerce, et échappent comme tel à la règle du plafonnement de l'article L 145-34 dudit code,

- dit en conséquence, que le loyer sur renouvellement au 1 er octobre 2014 doit être fixé à la valeur locative, selon les modalités prévues par l'article R 145-11 du code de commerce,

- avant-dire droit sur le montant du loyer sur renouvellement désigne un expert, Mme [J] avec en particulier la mission de fournir tous éléments permettant d'estimer la valeur locative des locaux à la date de renouvellement du bail (1er octobre 2014) en fonction des critères édictés par l'article R 145-11 du code de commerce.

Plusieurs experts judiciaires étaient successivement désignés aux termes d'ordonnances de remplacement, dont la dernière en date du 4 décembre 2017, désignant M. [H] [B].

M.[H] [B] déposait son rapport d'expertise judiciaire le 28 avril 2020 aux termes duquel il concluait à une valeur locative au 01.10.2014, de 52.500 euros par an HT et HC.

Par jugement en date du 17 juin 2021, la juridiction des loyers commerciaux de [Localité 10] s'est prononcée en ces termes :

- fixe le loyer du bail renouvelé entre la société Société Générale et Mme [N] [F] épouse [E] à la somme annuelle de 33.310 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er octobre 2014 s'agissant des locaux commerciaux situés [Adresse 4] à [Localité 7],

- dit que les arriérés de loyers produiront intérêts au taux légal pour toutes les échéances dues a compter du 26 juin 2017, a compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs a cette date, et avec capitalisation des intérêts.

- déclare irrecevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

- dit n'y avoir lieu a l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les dépens, comprenant les frais d'expertise, seront partages par moitie entre Mme [N] [F] épouse [E] et la société Société Générale.

- ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 19 juillet 2021, Mme [N] [F] a interjeté appel de ce jugement en ces termes :(...)Il est précisé que le présent appel est relatif aux chefs de la décision ayant notamment :

- fixé le loyer du bail renouvelé entre la Société Générale et Mme [N] [F] épouse [E] à la somme annuelle de 33.310 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er octobre 2014 s'agissant des locaux commerciaux situés [Adresse 4] à [Localité 7];

- dit que les arriérés de loyers produiront intérêts au taux légal pour toutes les échéances dues à compter du 26 juin 2017, à compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs à cette date, et avec capitalisation des intérêts.

- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Débouté Mme [N] [F] épouse [E] de toutes ses demandes notamment au titre des frais irrépétibles, des intérêts ou des dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les dépens, comprenant les frais d'expertise, seront partagés par moitié entre Mme [N] [F] épouse [E] et société Société Générale.

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 1er avril 2025.

CONCLUSIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2025 , Mme [N] [E] Née [F] demande à la cour de:

vu les articles L. 145-33 et suivants,R. 145-11 et suivants du code de commerce,

- recevoir Mme [N] [E] née [F] en son appel ;

- dire le présent recours fondé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

fixé le loyer du bail renouvelé entre la société Générale et Mme [N] [F] épouse [E] à la somme annuelle de 33.310 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er octobre 2014 s'agissant des locaux commerciaux situés [Adresse 4] à [Localité 9],

dit que les arriérés de loyers produiront intérêts au taux légal pour toutes les échéances

dues à compter du 26 juin 2017, à compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs à cette date, et avec capitalisation des intérêts,

déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

débouté Mme [N] [F] épouse [E] de toutes ses demandes notamment au titre des frais irrépétibles, des intérêts ou des dommages et intérêts,

dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

dit que les dépens, comprenant les frais d'expertise, seront partagés par moitié entre Mme [N] [F] épouse [E] et la Société Générale.

statuant à nouveau,

- débouter la société Société Générale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- retenir le rapport d'expertise judiciaire de M. [H] [B] et écarter le rapport amiable de Mme [V] [O], celui-ci ne pouvant être que partial cet expert et la Société Générale collaborant ensemble de manière usuelle ;

- juger que la surface utile des locaux est de 138,64 m², ce qui a été expressément reconnu par le preneur ;

- juger que la charte de l'expertise n'a aucun caractère impératif de sorte qu'il pouvait être écarté la pondération des surfaces ;

- juger que la configuration des lieux quant aux locaux [E] qui ne constituent que des bureaux et la nature de l'activité exercée imposent de ne pas retenir de pondération pour les locaux de même nature ;

- juger que la surface pondérée à 122 m² retenue par l'expert ;

- juger que la valeur locative unitaire est de 450 euros par m² ou a minima de 430 euros par M² tel que déterminé par l'expert judiciaire et par l'expert amiable de la Société Générale ;

- appliquer une majoration de 10 % de la valeur locative afin de tenir compte de l'avantage résultant du fait que le preneur a été autorisé de manière pérenne à relier plusieurs locaux contigus dépendant appartenant à des propriétaires distincts et dépendant de copropriétés distinctes dans le cadre de son exploitation commerciale ;

- condamner la société Société Générale à payer à Mme [N] [E] née [F] un loyer renouvelé au 01.10.2014 d'un montant de 63.000 euros ou à défaut d'un montant de 60.000 euros hors taxes et hors charges.

- condamner la Société Générale au paiement de l'arriéré à compter de cette date augmenté, d'une part, de l'indexation annuelle prévue contractuellement en fonction de l'ICC et, d'autre part, des intérêts au taux légal à compter du 01.10.2014 date de renouvellement du bail, outre la capitalisation des intérêts ;

- condamner la Société Générale à payer à Mme [N] [E] née [F] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et la prise en charge des frais de signification des actes au bailleur (congé, notification de mémoire, etc.) tel que prévu contractuellement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2025 la SA Société Générale demande à la cour de:

vu les articles R 145-8, R 145-11, R 145-23 et suivants du code de commerce,

- déclarer recevable et bien fondée la Société Générale en son appel incident du jugement du tribunal judiciaire du 17 juin 2021 dans le cadre de l'appel principal interjeté par la bailleresse.

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- retenu une surface pondérée de 83,50 m 2

- fixé un prix unitaire de 420 € / m 2 p

l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

- fixer le loyer du bail renouvelé au 1 e octobre 2014 à un montant annuel en principal de 31.700 € en tenant compte d'une déduction au réel du montant de la taxe foncière ;

- fixer subsidiairement le loyer du bail renouvelé au 1 e octobre 2014 à un montant annuel en principal de 30.940 € en tenant compte d'une déduction au réel du montant de la taxe foncière;

en toute hypothèse,

- débouter la bailleresse de l'ensemble de toutes ses demandes, fins et prétentions.

- juger que le loyer trop payé par le locataire portera intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d'effet du nouveau loyer et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts en conformité des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner la bailleresse au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. ,

- condamner la bailleresse au paiement des entiers dépens dont la totalité des frais d'expertise judiciaire,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 1er avril 2025.

MOTIFS

Selon l'article L145-33 du code de commerce :Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Selon l'article R145-3 du code de commerce :Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ,

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Les valeurs suivantes doivent être retenues :

- le jugement déféré a constaté l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail au 1 er octobre 2014 pour une durée de 9 ans,

- l'expert judiciaire M.[H] [B], propose une valeur locative au 01.10.2014 d'un montant de 52.500 €/an HT et HC,

- le jugement déféré fixe le loyer à la somme annuelle de 33.310 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er octobre 2014,

- la bailleresse appelante principale et la preneuse, appelante incidente,sollicitent respectivement la fixation dudit loyer à 63.000 euros hors taxes et hors charges (ou à défaut 60.000 euros) et 31 700 € en tenant compte d'une déduction au réel de la taxe foncière.

1-sur les rapports d'expertise

Il est de principe, d'une part, qu'un rapport d'expertise amiable, soumis à la libre discussion des parties, ne peut être écarté et, d'autre part, que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties.

En outre, il appartient à la juridiction, même en présence d'un rapport d'expertise judiciaire, d'apprécier souverainement la valeur locative des biens loués

En l'espèce, la cour dispose, pour se prononcer sur la valeur locative, de deux rapports d'expertise, le rapport d'expertise judiciaire de M. [H] [B] et un rapport d'expertise-amiable de Mme [J], produit par la preneuse.

Mme [J] a la qualité d'expert auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence , ce qui atteste de son sérieux et de ses compétences professionnelles en la matière.

La cour pourra souverainement apprécier la valeur et la portée de chacun de ces deux rapports judiciaire et amiable, sur chacun des points en litige, même si la SA Société générale ne conteste pas que Mme [J] est déjà intervenue à sa demande à plusieurs reprises, non seulement pour réaliser ce rapport d'expertise amiable non contradictoire, mais également d'autres rapports.

De la même manière, même si la cour devait estimer que le rapport d'expertise judiciaire de M. [H] [B] présentait des faiblesses, elle pourrait alors le confronter au rapport d'expertise amiable produit par la banque. Enfin, la cour pourra se fonder sur l'ensemble des pièces du débat et sur les explications des parties pour se faire une idée de la pertinence des références des deux rapports d'expertise.

Il n'est donc pas nécessaire d'écarter dans leur intégralité l'un ou l'autre des rapports d'expertise produit par les parties.

2-sur les surfaces

Concernant la surface pondérée des bureaux-boutiques et donc de l'agence bancaire litgieuse, il est d'usage d'appliquer la même pondération que celle des boutiques.

De plus, pour calculer cette pondération de la surface des locaux, il faut se référer aux méthodes définies par les experts judiciaires, qui ont recours à la charte de l'expertise en évaluation immobilière.

Concernant la surface utile des locaux loués, la cour retiendra une valeur de 138,64 m2, compte tenu de l'avis de l'expert judiciaire sur ce point (136,64 mètres carrés) et de l'évaluation quasiment identique faite par l'expert amiable, Mme [J]. (138,64 mètres carrés).

Concernant la pondération des surfaces utiles, l'expert judiciaire a refusé de faire application de la charte de l'expertise et n'a appliqué aucun coefficient de pondération sauf pour le sous-sol et les sanitaires.

Pour s'opposer à toute pondération des locaux loués à la SA Société Générale, la bailleresse prétend que le local loué ne saurait être qualifié de bureau boutique, mais de bureau classique du fait de sa configuration spécifique. La bailleresse appelante ajoute que si dans son ensemble, c'est-à-dire en considérant les 3 locaux du rez-de-chaussée réunis, l'agence constitue bien un bureau-boutique, la seule partie correspondant au local loué par elle constitue uniquement des locaux à usage de bureaux.

Pour la preneuse intimée, les locaux loués doivent faire l'objet d'une pondération classique et conforme à la charte de l'expertise en évaluation immobilière. Elle ajoute que l'expert judiciaire a,à tort,pondéré les locaux comme s'il s'agissait de locaux de bureaux tertiaires, ce qui n'est pas le cas puisque les banques sont des bureaux en boutique.

En l'espèce,la cour constate que les locaux loués litigieux rentrent dans le cadre de la catégorie des bureaux-boutiques , la preneuse exerçant une activité d'agence bancaire et recevant de la clientèle contrairement à des locaux à usage de bureaux. Il faut seulement avoir égard à l'activité commerciale autorisée par le bailleur, qui est en l'espèce, l'usage exclusif d'un commerce de banque.

S'agissant de bureaux-boutiques, au regard de l'article R 145-11 du code de commerce, le loyer est de plein droit déplafonné lors du renouvellement et doit correspondre à la valeur locative. De plus, il faut appliquer la charte de l'expertise en évaluation immobilière, puisque, d'une part, les bureaux-boutiques sont soumis aux pondération des boutiques et ,d'autre par, cette charte est usuellement exploitée par les experts judiciaires.

Le rapport d'expertise judiciaire, qui a écarté lesdits coefficients de pondération et qui retient uniquement un coefficient de 1 (sauf pour les toilettes et le sous-sol), ne peut être retenu sur ce point.

La cour pourra en revanche utilement utiliser les données du rapport d'expertise amiable de Mme [J], laquelle a fait justement application des recommandations de la charte de l'expertise en vigueur au moment de la date de renouvellement du bail commercial (1er octobre 2014). En outre, s'agissant de la question des surfaces pondérées, le rapport d'expertise amiable, qui rejoint le rapport d'expertise judiciaire sur la surface réelle de base, est bien détaillé et argumenté.

En conséquence, tout comme le premier juge avant lui, la cour retient une la surface pondérée des locaux loués de 83,50 m 2.

3-sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L'article R.145-11 prévoit :le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence'.

En l'espèce, les experts judiciaire et amiable retiennent respectivement des prix au mètre carré moyen par de 430 euros et de 410 euros (ce prix étant pondéré).

Il convient de rappeler que les activités de banque étant assimilées à celles de bureaux, elles échappent au régime du plafonnement découlant de l'article L.145-34 du code de commerce.

En outre, pour déterminer le prix unitaire des locaux de même nature que l'agence bancaire, la cour se référera au prix unitaire des locaux de même nature, c'est-à-dire les prix des bureaux-boutiques localisés dans le même endroit ou dans un secteur équivalent.

S'agissant des références retenues, la cour prendra utilement en considération les références proposées tant par l'expert judiciaire que par l'expert amiable, lesquelles sont généralement pertinentes et adaptées au litige, ce qui lui permettra d'approcher au mieux du prix unitaire pertinent. La cour note que l'experte amiable propose plus de références relatives à des agences bancaires que l'expert judiciaire, tandis que l'expert judiciaire a toutefois bien argumenté le détail des références retenues par ses soins.

Compte tenu de tout ce qui précède le prix unitaire du bail commercial doit être fixé à 420 euros par mètres carrés, tout comme mentionné par le premier juge.

4-sur la majoration de la valeur locative pour tenir compte de la communication ayant été pratiquée par la preneuse avec les locaux adjacents entre les lots appartenant à plusieurs propriétaires

La bailleresse appelante sollicite l'application d'une majoration de 10 %, au regard de la configuration des lieux, pour tenir compte de la communication ayant été pratiquée par la preneuse, avec les locaux adjacents, entre les lots appartenant à plusieurs propriétaires.

La preneuse intimée rétorque, en défense, que :

- cette demande de majoration de 10 % est irrecevable en cause d'appel, s'agissant d'une demande nouvelle,

- cette demande est infondée, les travaux ayant été financés par elle, alors que les locaux comportaient une cour qui n'avait pas d'intérêt pour l'exploitation d'un commerce de banque,

-à titre subsidiaire, si la cour estimait devoir retenir une majoration, elle ne pourrait être que de 5 % et non pas de 10 %, étant précisé que seul le rez-de-chaussée est relié.

En l'espèce, s'agissant tout d'abord de la recevabilité de la demande de la bailleresse de majoration de la valeur locative pour travaux d'amélioration , la cour relève qu'une telle demande tend aux mêmes fins que les prétentions de la même, formulées en première instance, à savoir obtenir la fixation d'un montant de loyer renouvelé le plus favorable possible pour elle.

En l'espèce, concernant les travaux de communication, il n'est pas contesté qu'à l'origine les lots de la concluante étaient séparés de ceux voisins et que c'est la preneuse, qui, lors de sa prise à bail de divers locaux a réalisé des travaux pour les relier (alors qu'ils appartenaient à plusieurs propriétaires distincts).

Toutefois, il résulte des deux rapports d'expertise versés aux débats (le rapport d'expertise judiciaire et le rapport amiable non contradictoire), que les deux experts ont bien d'ores et déjà tous deux intégré, dans le calcul de la valeur locative, les caractéristiques des locaux loués, soit notamment le fait qu'ils communiquent désormais avec des locaux mitoyens appartenant à des propriétaires différents.

Ainsi, les experts judiciaire et amiable relèvent :

- 'ces locaux ont subi des restructurations afin de s'adapter aux besoins de la banque et ne forment aujourd'hui qu'une seule unité d'exploitation',

-'les travaux de communication entre les différents locaux ont été réalisés il y a plusieurs dizaine d'années(...) Le local considéré a été intégré aux lots contigus dans le cadre d'un réaménagement global des lieux(...) Le local commercial bénéficie d'une bonne visibilité qui a été nettement améliorée par le fait que le local considéré soit relié aux lots voisins appartenant à d'autres propriétaires'.

La cour ne saurait appliquer une majoration au titre des travaux réalisés par la preneuse, les avis des experts sur le montant du loyer renouvelé, tenant déjà compte des avantages conférés aux lieux par lesdits travaux.

5-sur le transfert de charge au titre de la taxe foncière

Concernant les impôts fonciers, le bail commercial litigieux les fait supporter à la preneuse en ces termes : 'le preneur est tenu de régler les divers impôts et charges, en ce compris la taxe foncière, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, ainsi que les taxes d'habitation, professionnelle, les diverses taxes municipales, de balayage, d'éclairage'.,

Pour la preneuse, 1e bailleur ayant transféré sur elle la charge de l'impôt foncier, une déduction au réel de 3.304 euros est applicable (au lieu d'un coefficient de réduction de 5 % comme retenu par le premier juge). Elle ajoute qu'appliquer 5 % représente presque deux fois moins que le montant réel de la taxe foncière dont elle s'est acquittée.

La bailleresse répond qu'il n'y a pas lieu de la déduire de la valeur locative, s'agissant d'un usage courant pour les preneurs et notamment les agences bancaires. Mme [N] [E] estime qu'en tout état de cause, si une minoration devait être admise, elle devrait être de 2 %et non de 5 % contrairement à ce qui a été retenu à tort par le premier juge.

En l'espèce, le bail commercial met expressément à la charge de la preneuse le paiement de la taxe foncière.Pourtant, le débiteur de la taxe foncière est légalement le propriétaire bailleur en application de l'article 1400 du code général des impôts.

Or, il est de principe que la clause du bail mettant à la charge de la preneuse le paiement des impôts fonciers constitue une clause exorbitante de droit commun opérant transfert d'obligations et de charges sur la preneuse. De plus, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Le montant de la taxe foncière sera en conséquence déduit de la valeur locative, le fait que les références citées par l'expert judiciaire concernent des baux prévoyant également transfert de charge étant sans incidence sur l'application de cette minoration.

Par ailleurs, la valeur locative est déterminée en fonction des éléments visés à l'article L145-33 du code de commerce sans qu'il soit nécessaire d'opérer une quelconque majoration des références retenues par l'expert judiciaire puis par la cour, en ce que les baux concernés prévoiraient aussi un transfert de la taxe foncière sur le preneur.

En conséquence, la cour fait droit à la demande de la preneuse d'appliquer une déduction au réel d'un montant de 3.304 euros HT.

6-sur la majoration pour cession du droit au bail seul

Selon l'article L145-16 al 1 du code de commerce :Sont également réputées non écrites, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise.

Le bail commercial litigieux stipule : « Le preneur ne pourra céder son au droit au bail qu'après avoir obtenu l'accord par écrit du bailleur »

La bailleresse appelante sollicite l'application d'une majoration de 5 % sur la valeur locative brute, en raison de la clause précédemment reproduite, conférant, selon elle, à la preneuse, un avantage lié au droit de céder son au droit au bail seul sans le fonds de commerce.

La preneuse intimée estime qu'il n'y a lieu à aucune majoration d'aucune sorte au titre de la clause précédemment reproduite pour les motifs suivants :

- la bailleresse invoque pour la première fois cette majoration,

- le bail n'autorise pas librement le preneur à céder son droit au bail et au contraire l'interdit, sauf autorisation du bailleur, de sorte qu'il n'y a aucun avantage concédé,

- en revanche, le fonds de commerce étant la propriété du locataire, il est logique qu'un preneur puisse le céder à son successeur.

Tout d'abord, la demande de la bailleresse de majoration de 5 % au titre de la clause contractuelle de cession du droit au bail est bien recevable, cette prétention tendant aux mêmes fins que ses prétentions formulées en première instance, à savoir obtenir la fixation d'un montant de loyer renouvelé supérieur à celui proposé par l'expert judiciaire et qui lui soit le plus favorable possible.

Ensuite, sur le fond, la clause autorisant la preneuse à céder son droit au bail après obtention de l'accord écrit du bailleur, ne confère pas un avantage particulier à cette dernière, dès lors que, par principe, le locataire a de toutes les façons un droit de cession de son bail. Au contraire, comme le fait observer la locataire, la clause ci-dessus reproduite est restrictive puisqu'elle soumet la cession du droit au bail à l'accord écrit de la bailleresse.

En conséquence, il n'y a pas lieu de faire application d'une quelconque majoration au titre de la clause relative à la cession du droit au bail.

7-sur le loyer renouvelé

Le montant du loyer renouvelé doit prendre en considération les éléments suivants :

- une surface pondérée globale des locaux loués de 83,50 m 2.

- un prix au m carré moyen de 420 euros,

- une minoration de 3.304 euros HT au titre du transfert des taxes foncières sur la banque preneuse.

La méthode de calcul est la suivante pour déterminer la valeur locative au 1 er octobre 2014 :

- 83,50 m² x 420 € = 35.070 euros.

- 35.070 € - 3.304 € = 31.766 euros.

Infirmant le jugement, la cour fixe le loyer renouvelé à la somme annuelle de 31 766 euros HT/HC par an à compter du 1er octobre 2014.

8-sur les restitutions et les intérêts

L'article 1155 ancien du code civil dispose :Néanmoins, les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.La même règle s'applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur.

Il est de principe que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

Le jugement est confirmé en ce qu'il dit que les arriérés de loyers produiront intérêts au taux légal pour toutes les échéances dues à compter du 26 juin 2017, à compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs à cette date, avec capitalisation des intérêts.

En revanche, le juge des loyers commerciaux n'étant pas compétent pour établir un compte entre les parties, ou pour liquider la créance de rappels de loyers, et l'arrêt de cette cour constituant un titre exécutoire suffisant pour poursuivre le recouvrement des rappels de loyers, la bailleresse appelante est déboutée de sa demande en paiement d'un arriéré.

9-sur la demande reconventionnelle de Mme [N] [E] de dommages-intérêts

Le juge des loyers commerciaux n'étant compétent que pour statuer sur les demandes de fixation de loyer exercées en application du statut des baux commerciaux, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle indemnitaire de Mme [N] [E].

La cour confirme le jugement à ce titre.

10-sur les frais du procès

Au regard de la solution apportée au litige (le montant du loyer renouvelé est diminué par rapport au montant demandé par la bailleresse dans son offre de renouvellement et par rapport au jugement critiqué ), la cour condamne Mme [N] [E] , qui a décidé de former un appel, aux entiers dépens exposés par les parties à hauteur d'appel et à payer une somme de 4000 euros à la preneuse au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement de première instance est en revanche confirmé du chef de l'article 700 et des dépens (en ce compris en ce qu'il partage par moitié les dépens et les frais d'expertise judiciaire entre les parties), la décision de première instance ayant statué dans l'intérêt des deux parties.

Concernant les dépens de première instance (dont le partage est confirmé), la cour rejette la demande de Mme [N] [E] de dire qu'ils doivent inclure des frais qui ne sont pas compris dans ceux visés à l'article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

- confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qui concerne le montant du loyer du bail renouvelé,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- fixe le loyer du bail renouvelé entre la SA Société générale et Mme [N] [E] à la somme annuelle de 31 766 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er octobre 2014,

- rejette la demande de Mme [N] [E] de dire que les dépens doivent inclure des frais qui ne sont pas compris dans ceux visés à l'article 695 du code de procédure civile,

- condamne Mme [N] [E] à payer à la SA Société générale la somme de 4000 euros pour ses frais au titre de l'article 7000 du code de procédure civile (exposés à hauteur d'appel),

- condamne Mme [N] [E] aux entiers dépens exposés par les parties à hauteur d'appel.

Le Greffier, La Présidente,

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