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Décisions

CA Orléans, ch. com., 4 septembre 2025, n° 23/01691

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/01691

3 septembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/09/2025

la SCP REFERENS

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 04 SEPTEMBRE 2025

N° : 177 - 25

N° RG 23/01691

N° Portalis DBVN-V-B7H-G2J6

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 11] en date du 23 Mai 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265298249377154

La S.C.I. DU POIRIER

Prise en la personne de son dirigeant en exercice

[Adresse 3]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Laurent LALOUM, membre de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265297135658850

La S.A.R.L. BLOW UP

[Adresse 4]

[Localité 7]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Julien BERBIGIER, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 03 Juillet 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 mars 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 13 MARS 2025, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 4 SEPTEMBRE 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte notarié du 25 mai 2000, la SCI du Poirier a donné à bail commercial à la société Blow Up exerçant sous l'enseigne 'Le Café Chaud' un local situé à l'angle de la [Adresse 10] au n° 1 et de la [Adresse 9] au [Adresse 8] à Tours 37000 pour y exploiter un café-bar, pour une durée de neuf ans ayant commencé à courir le 15 avril 1997 pour se terminer le 15 avril 2006, ce bail s'étant poursuivi par tacite prolongation depuis cette date.

Un contrat de bail a été régularisé entre les parties le 26 novembre 2009 pour renouvellement à compter du 1er mai 2009, moyennant le règlement d'un loyer annuel en principal de 12 576 euros (soit 1 048 euros par mois).

Par acte extrajudiciaire du 27 octobre 2017, la SCI du Blow Up a fait délivrer à la société Blow Up un congé avec offre de renouvellement pour le 30 avril 2018, notifiant au locataire sa volonté d'augmenter le loyer annuel en principal à un montant de 22 800 euros.

Le 6 novembre 2017, la société Blow Up a accepté le principe du renouvellement du bail mais a refusé le montant du loyer proposé, indiquant que les éléments de commercialité la concernant ne justifiait pas le déplafonnement du loyer, et a sollicité le renouvellement du bail aux clauses et conditions du précédent bail.

Le juge des loyers commerciaux n'ayant pas été saisi dans le délai de deux ans, la société Blow Up a, par acte du 1er décembre 2021, fait assigner la SCI du Poirier devant le tribunal judiciaire de Tours, au visa des articles L.145-8 et suivants du code de commerce, afin que soit jugé le renouvellement du bail à compter du 1er mai 2018 aux clauses et conditions du bail expiré.

Outre ses demandes relatives au renouvellement du bail, la société Blow Up a formé une demande additionnelle relative à l'exécution de travaux de réfection sous astreinte par la bailleresse au sein du local loué aux fins de mettre un terme définitif à la fuite d'eau relevée au niveau du compteur général de l'immeuble ainsi qu'à l'indemnisation de son préjudice de jouissance en résultant depuis le mois de février 2021.

En cours de procédure, la SCI du Poirier a fait délivrer à la société Blow Up, par acte extrajudiciaire du 6 septembre 2022, une sommation d'avoir à se mettre en conformité avec la destination prévue au bail en visant la clause résolutoire insérée audit bail.

La SCI du Poirier a sollicité reconventionnellement la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, à tout le moins la résiliation judiciaire du bail, et l'expulsion de la société locataire, ainsi que la fixation d'une indemnité d'occupation, pour non-respect de la clause de destination du bail. Subsidiairement, en cas de non résiliation du bail, elle a demandé la désignation d'un expert aux fins de décrire les désordres affectant la cave et en déterminer les causes, déterminer et chiffrer les travaux réparatoires, fournir toutes précisions utiles quant à la détermination des responsabilités encourues.

Par jugement mixte contradictoire du 23 mai 2023, le tribunal judiciaire de Tours a :

- dit que le bail commercial renouvelé à compter du 1er mai 2018 entre la SCI du Poirier et la SARL Blow Up est régi par les clauses et conditions du bail expiré du 26 novembre 2009 et que le loyer annuel après révision est de 13 591,75 euros HT,

- débouté la SARL Blow Up de sa demande de dommages-intérêts au titre du bail renouvelé,

- débouté la SCI du Poirier de sa demande en paiement d'un dépôt de garantie de 2 265,29 euros,

- débouté la SARL Blow Up de ses demandes de réalisation de travaux sous astreinte et au titre du préjudice de jouissance,

- débouté la SCI du Poirier de ses demandes d'une part de résiliation de plein droit du bail commercial et d'autre part de résiliation judiciaire,

- condamné la SCI du Poirier à verser à la SARL Blow Up une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné avant dire droit une expertise,

- désigné pour y procéder M. [E] [J] [Adresse 2] avec mission de:

* convoquer et entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion des opérations ou de la tenue de réunions d'expertise,

* se rendre sur les lieux de l'établissement 'le café chaud' sis [Adresse 6],

* vérifier l'existence des désordres dénoncés par la SARL Blow Up dans ses écritures et les pièces y annexées,

le cas échéant,

* les décrire et en indiquer la ou les causes,

* indiquer les conséquences de ces désordres quant à la solidité, l'usage des lieux et plus généralement quant à la conformité à sa destination,

* décrire les travaux pour y remédier et en estimer le coût et la durée,

* donner tous les éléments de fait permettant de dire si les lots litigieux sont achevés et le cas échéant la date à compter de laquelle ils l'ont été,

* donner tous les éléments de fait permettant de déterminer l'existence et de chiffrer les préjudices subis et à subir par l'ensemble des parties,

(...)

- dit que les frais et honoraires de l'expert seront avancés par la SCI du Poirier,

- fixé à 2 000 euros la provision à valoir sur ses frais et honoraires qui devra être versée par la SCI du Poirier dans les deux mois de la présente décision, à l'ordre de la Régie du tribunal judiaire de Tours,

(...)

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience dématérialisée de mise en état du 15 janvier 2024,

- réservé les dépens.

Suivant déclaration du 3 juillet 2023, la SCI du Poirier a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'une part de résiliation de plein droit du bail commercial et d'autre part de résiliation judiciaire et l'a condamnée à verser à la SARL Blow Up une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 février 2025, la SCI du Poirier demande à la cour de:

Vu l'article L.145-47 du code de commerce,

Vu les articles 1728 et 1729 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement du 23 mai 2025 en ce qu'il a :

* débouté la SCI du Poirier de ses demandes d'une part de résiliation de plein droit du bail commercial et d'autre part de résiliation judiciaire,

* condamné la SCI du Poirier à verser à la SARL Blow Up une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Blow Up de toutes ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident,

en conséquence,

- constater, avec toutes les conséquences de droit et de fait, l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail, à effet au 6 octobre 2022, soit un mois après la sommation restée infructueuse,

- constater la résiliation de plein droit du bail commercial liant la société Blow Up et la SCI du Poirier en date du 26 novembre 2009,

- dire et juger que la société Blow Up est occupante sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] et [Adresse 5] à compter de cette date,

- ordonner son expulsion, de même que tout occupant de son chef, par toutes voies et moyens de droit, même avec l'assistance de la force publique si besoin est,

- condamner la société Blow Up au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle qui ne saurait être inférieure à 1 132,65 euros augmentée des charges et taxes, payable le 1er de chaque mois et pour la première fois au mois d'octobre 2022 et jusqu'à libération effective et complète des lieux,

- débouter la société Blow Up de toutes ses demandes sur ce point,

A tout le moins,

- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial liant la société Blow Up et la SCI du Poirier en date du 26 novembre 2009,

- dire et juger que la société Blow Up est occupante sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] et [Adresse 5] à compter du jugement à intervenir prononçant la résiliation judiciaire du bail,

- ordonner son expulsion, de même que tout occupant de son chef, par toutes voies et moyens de droit, même avec l'assistance de la force publique si besoin est,

- condamner la société Blow Up au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle qui ne saurait être inférieure à 1 132,65 euros augmentée des charges et taxes, payable le 1er de chaque mois et pour la première fois à compter du jugement prononçant la résiliation judiciaire et jusqu'à libération effective et complète des lieux,

- débouter la société Blow Up de toutes ses demandes sur ce point,

Et,

- condamner la société Blow Up à payer à la SCI du Poirier la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais de première instance,

- condamner la société Blow Up à payer à la SCI du Poirier la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais d'appel,

- condamner la société Blow Up aux entiers dépens de première instance et d'appel dont les frais de sommation.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 février 2025, la SARL Blow Up demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1103 et suivants du code civil, et l'article 1719 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 561 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence précitée et les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours en date du 23 mai 2023 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SARL Blow Up de ses demandes aux fins de réalisation forcée des travaux sous astreinte et de l'indemnisation de son préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau sur ces deux points,

- condamner la SCI du Poirier sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à la vue de la seule minute, à faire réaliser par toute entreprise notoirement solvable, indépendante et compétente les travaux nécessaires à l'élimination des moisissures au sein du local loué, tels que préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport du 5 avril 2024,

- condamner la SCI du Poirier à verser à la SARL Blow Up la somme de 1 000 euros par mois en réparation de son préjudice, courant à compter du 12 mars 2021 (date de constat de la fuite) et jusqu'à réalisation complète et parfaite des travaux préconisés par l'expert judiciaire, soit 48 000 euros au jour de la rédaction des présentes (1 000 euros x 48 mois), somme à parfaire au jour des plaidoiries,

- débouter la SCI du Poirier de l'intégalité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SCI du Poirier à régler à la SARL Blow Up une somme de 6 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de la procédure.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mars 2025 et l'affaire plaidée à l'audience du 13 mars 2025.

MOTIFS :

Sur la résiliation du bail commercial :

La SCI du Poirier sollicite pour non-respect de la destination des lieux la résiliation de plein droit du bail commercial liant les parties, à défaut le prononcé de la résiliation judiciaire du bail pour manquement grave du locataire à ses obligations.

Il est acquis que le bail a été renouvelé entre les parties à compter du 1er mai 2018 aux clauses et conditions du précédent bail du 26 novembre 2009.

Le bail du 26 novembre 2009 comprend la clause de 'destination des lieux', à distinguer de la 'désignation', suivante :

'Les locaux présentement loués sont destinés à l'exploitation ensemble ou séparément d'un débit de boissons et de programmes visuels, sonores et audiovisuels et artistiques'.

Il est à noter que les précédents baux communiqués en date des 17, 23 et 26 avril 1987 d'une part et 25 mai 2000 d'autre part ne prévoient pas une autre destination des lieux, laquelle est demeurée inchangée depuis de nombreuses années comme le concède la société Blow Up.

Par requête du 29 juin 2022, la SCI du Poirier a sollicité du président du tribunal judiciaire de Tours la désignation d'un huissier de justice aux fins d'effectuer un constat des installations présentes dans le sous-sol des locaux loués à la société Blow Up.

Par ordonnance du 8 juillet 2022, il a été fait droit à la demande et Me [R] a été désignée aux fins de constat, précision faite de nuit et en présence de la clientèle.

Dans son procès verbal de constat du 7 août 2022 de 2 h 50 à 3 h 20, l'hussier relate :

Equipements :

'Je constate au sous-sol de l'établissement la présence de matériel de son professionnel, de jeux de lumières fixés. Le tout correspond à du matériel professionnel.

Je constate la présence de tables de mixage et platines. Je constate que de la musique est diffusée par ces éléments, le tout géré par un DJ, présent.

Le DJ est équipé d'un casque et d'un ordinateur portable.

Je constate également au niveau de la piste de danse la présence de ventilateurs et d'un écran de télévision. Un miroir de sécurité utilisé sur les voiries est également présent'.

Clientèle :

'Lors de mon arrivée au sous-sol, je procède à un décompte du nombre de clients présents.

Je constate que 42 clients sont présents.

Je constate qu'une trentaine d'entre eux dansent sur la piste de danse, certains munis d'un verre d'alcool à la main. Je constate que des boissons alcoolisées et non alcoolisées sont vendues au bar se trouvant dans ce sous sol.

Je constate que les lieux sont enfumés. Une très forte humidité est présente, créant une sensation de gêne pour respirer'.

Suivant acte extrajudiciaire du 6 septembre 2022, la SCI du Poirier a fait délivrer à la société Blow Up une sommation d'avoir à se mettre en conformité avec le bail commercial visant la clause résolutoire. Après avoir relevé au vu du procès verbal de constat susvisé que la société Blow Up utilisait les locaux pour une activité de discothèque alors que cette activité n'est pas prévue au bail et n'a pas été autorisée par le bailleur, rappelé les termes de la clause de destination des lieux et ceux de la clause résolutoire insérée au bail, la SCI du Poirier a fait sommation à la société Blow Up 'd'avoir à se mettre en conformité avec le bail commercial en mettant un terme à l'exercice illégal de l'activité de discothèque en violation de celui-ci et d'en justifier, dans le délai d'un mois à compter de la date portée en tête du présent acte'.

La société Blow Up s'est prévalue de la nullité de cette sommation de faire visant la clause résolutoire en raison de la mauvaise foi de la SCI du Poirier qui a délivré l'acte dans le cadre de l'instance en renouvellement du bail en réponse à l'absence d'augmentation du loyer et à la suite de sa demande d'indemnisation de plusieurs préjudices. Elle soutient encore que si elle n'exploite pas une discothèque, force est de constater que ce type d'activité n'est pas interdit par le contrat de bail et que la clause résolutoire insérée au contrat de bail -laquelle doit s'interpréter strictement- ne prévoit pas la possibilité pour le bailleur de dénoncer le contrat en cas d'inobservation de la destination prévue au bail, dès lors que celui-ci ne prévoit pas que l'adjonction d'activités est interdite ou soumise à autorisation, visant en cela un arrêt de la cour de

cassation du 6 mars 2013. Enfin, elle fait valoir qu'il n'y a eu aucune modification de la destination, la piste de danse présente au sous-sol ayant toujours existé, ce que la SCI du Poirier sait parfaitement depuis son acquisition des locaux en 1999, et qu'elle a toujours organisé des soirées dansantes au sous-sol du bar conformément à la destination des lieux de 'débit de boisson et de programmes visuels, sonores, audiovisuels et artistiques' qui correspond à l'activité de bar dansant qu'elle exerce.

En l'espèce, la clause résolutoire figurant au bail du 26 novembre 2009 stipule : 'A défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ou de tout rappel de loyer consécutif à une augmentation de celui-ci, comme à défaut de remboursement de frais, taxes locatives, imposition, charges ou prestations qui en constituent l'accessoire, ou enfin à défaut de l'exécution de l'une ou l'autre des conditions du présent bail (ou du règlement de copropriété qui fait également la convention des parties, si les biens loués dépendent d'un immeuble soumis à ce régime) ou encore d'inexécution des obligations imposées aux locataires par la loi ou les règlements et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter restés sans effet, contenant mention de la présente clause et faisant état de ce délai, le présent bail sera résilié de plein droit'.

La SCI du Poirier adhère dans ses écritures à l'argumentation du locataire selon laquelle le bail ne prévoit pas que l'adjonction d'activités ou le changement de destination sont interdites ou soumises à autorisation et que dès lors au regard de l'arrêt de la cour de cassation du 6 mars 2013 (3ème Civ. 6 mars 2023, n° 12-12.200) la clause résolutoire qui vise le défaut d'exécution de l'une ou l'autre des conditions du bail ne pourrait jouer pour le non-respect de la destination des lieux, ce dont il convient de prendre acte.

Ne renonçant pas pour autant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, elle soutient que la clause résolutoire vise en outre l'inexécution par le locataire des obligations imposées par la loi et que pour exercer l'activité de discothèque, activité non prévue par le bail, la société Blow Up devait respecter la procédure prévue à l'article L.145-47 du code de commerce permettant au locataire d' 'adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires', à savoir notification au bailleur par acte extrajudiciaire de l'extension envisagée, ouvrant à celui-ci un délai de 2 mois à peine de déchéance pour faire connaître s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire ; en cas de contestation la partie la plus diligente peut saisir le tribunal pour qu'il soit prononcé sur ce caractère, ce que la société Blow Up n'a pas fait, manquant ainsi à une obligation qui lui est imposée par la loi, manquement expressément visé par la clause résolutoire.

Si la clause résolutoire stipulée au bail vise effectivement des manquements autres que le seul défaut de paiement du loyer et de ses accessoires, il est constant qu'elle ne vise pas le manquement aux dispositions de l'article L 145-47 du code de commerce. Certes, l'obligation de respecter la destination des locaux et, par voie de conséquence, les dispositions du code de commerce ci-dessus visées, présente un caractère d'ordre public et s'impose même si elle n'est pas explicitement stipulée. Toutefois, la clause résolutoire constitue un mécanisme particulièrement rigoureux écartant tout pouvoir d'appréciation du juge. Un tel mécanisme ne peut résulter que d'une clause explicite du bail qui doit également viser de façon explicite les manquements qu'elle entend sanctionner de telle façon. Il ne peut donc être soutenu comme le fait le bailleur, que tout manquement du preneur aux dispositions légales du code de commerce entraînerait de plein droit application de la clause résolutoire.

En conséquence, la clause résolutoire ne pouvait être mise en oeuvre de ce chef. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Poirier de sa demande de résiliation de plein droit du bail commercial liant les parties.

Néanmoins, il ressort du procès-verbal de constat circonstancié du 7 août 2022 que la société Blow Up exerce au sous-sol des locaux une activité de discothèque. Si la société locataire conteste l'usage de ce terme appliqué à son activité, elle reconnaît néanmoins diffusé de la musique et mettre à la disposition de la clientèle une piste de danse. Elle ne conteste pas la présence d'un DJ et de matériel de son et de jeux de lumière professionnel lors de l'organisation de ces soirées et qualifie elle-même son activité de café bar avec un service annexe de piste de danse.

Dans son rapport du 5 avril 2024, l'expert judiciaire a spontanément mentionné 'l'usage de discothèque dans le sous-sol' avant, après avoir été repris par le conseil de la société locataire en considération du jugement de première instance, de bien vouloir convenir que la société Blow Up n'exerce pas l'ativité de discothèque mais celle de bar dansant.

Le fait que l'établissement exploité par la société Blow Up soit classé administrativement en catégorie N soit 'restaurants et débits de boissons' ne signifie pas qu'elle n'exploite pas en réalité le sous-sol à usage de discothèque comme constaté.

S'il est avéré qu'il existe une piste de danse dans les locaux au sous-sol depuis de très nombreuses années quand bien même cette piste de danse ne figure pas dans la désignation des locaux du bail du 26 novembre 2009 ('au sous-sol : escalier, dégagement d'environ 7 m², salle de café de 32 m² environ et salle en retrait avec escalier de 16 m² environ'), pour autant l'existence d'une telle piste ne signifie pas, au regard de la destination des lieux figurant au bail qui ne prévoit pas l'usage de discothèque ni même de salle de danse, que de telles activités sont prévues par le bail.

Il ne saurait non plus être excipé de ce que le bailleur a toujours eu pleine connaissance de l'activité exercée au sous-sol, dès lors qu'il est constant qu'une simple tolérance ne peut valoir autorisation implicite. De surcroît, l'existence d'une piste de danse, même connue de la bailleresse en ce que celle-ci a à tout le moins visité les locaux lors de leur acquisition en 1999 et en ce qu'il avait été un temps convenu par les parties de faire figurer 'la piste de danse ou scène' dans la désignation des locaux loués dans le projet d'acte de renouvellement de 2018, ne permet pas de déroger à la destination des lieux qui ne prévoit pas l'activité de discothèque ou de salle de danse.

Le non-respect de la destination des lieux constitue un manquement du locataire à ses obligations. En l'espèce, ce manquement revêt un caractère de gravité certain en ce que l'activité de discothèque ou de salle de danse adjointe nécessite de respecter des règles de sécurité autres que celles existantes pour un débit de boissons. Ceci est corroboré par la remarque de l'expert judiciaire page 13 de son rapport 'conseillant la mise en conformité avec les services municipaux et départementaux de sécurité. En effet, l'usage de discothèque dans le sous-sol n'est apparemment pas connu des services...', ce que confirme le courrier de la ville de [Localité 11] du 3 octobre 2022.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du bail pour non-respect de la destination des lieux par la société Blow Up, d'ordonner son expulsion et de condamner celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer en cours augmenté des charges et taxes applicables jusqu'à la libération des lieux.

Sur l'appel incident de la société Blow Up :

La société Blow Up sollicite la réalisation par la SCI du Poirier sous astreinte de travaux permettant d'éliminer les moisissures au sein du local loué, tels que préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport du 5 avril 2024.

Le bail étant résilié à compter de ce jour et la société Blow Up devenue occupante sans droit ni titre, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

Quant à la demande d'indemnisation à raison du préjudice subi de ce chef, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Blow Up, après avoir considéré à juste titre que l'existence d'un préjudice de jouissance n'était pas démontré puisque les locaux du sous-sol ont toujours été exploités avec une piste de danse et un public nombreux, ce qu'a confirmé l'expert qui a mentionné dans son rapport que les désordres dénoncés n'avaient entraîné à sa connaissance aucune fermeture de l'établissement et aucune diminution de la fréquentation, la baisse de chiffre d'affaires invoquée par la société locataire n'étant de surcroît étayée par aucune pièce financière.

Sur les autres demandes :

La société Blow Up, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à la SCI du Poirier la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du 23 mai 2023 du tribunal judiciaire de Tours en ce qu'il a débouté la SCI du Poirier de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire du bail liant les parties, débouté la société Blow Up de sa demande de réalisation des travaux sous astreinte et condamné la SCI du Poirier à verser à la société Blow Up une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le confirme dans ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation du bail commercial renouvelé à compter du 1er mai 2018 aux clauses et conditions du bail du 26 novembre 2009, liant la société Blow Up et la SCI du Poirier,

Dit que la société Blow Up est occupante sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] et [Adresse 5] à compter du présent arrêt,

Ordonne son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique, un mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux resté infructueux,

Condamne la société Blow Up à payer à la SCI du Poirier une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer en cours augmenté des charges et taxes, payable le 1er de chaque mois et pour la première fois le 1er du mois suivant le présent arrêt prononçant la résiliation du bail, et ce jusqu'à la libération effective des lieux,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société Blow Up aux fins de réalisation forcée des travaux sous astreinte,

Condamne la société Blow Up à verser à la SCI du Poirier la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

Condamne la société Blow Up aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de la sommation du 6 septembre 2022.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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