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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/11357

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/11357

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/11357 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4DA

[M] [P] [A]

C/

[W] [X] [A] épouse [U]

S.N.C. 1 ANACHARSIS

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8] en date du 08 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03897.

APPELANT

Monsieur [M] [P] [A]

né le 27 Janvier 1958 à [Localité 8] (13), demeurant [Adresse 6] [Adresse 7]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Etienne PIERI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [W] [X] [A] épouse [U]

née le 12 Décembre 1962 à [Localité 8] (13), demeurant [Adresse 5]

défaillante

S.N.C. 1 ANACHARSIS

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé en date du 8 février 2001, l'Administration de l'Assistance Publique des Hôpitaux de [Localité 8], aux droits de laquelle se trouve la SNC 1 Anarchasis, a donné à bail à M. [C] [A] des locaux situés [Adresse 3] [Adresse 12] ( magasin 1) pour une durée de neuf années commençant le 29 septembre 2000 et se terminant le 29 septembre 2009, destinés à l'exploitation exclusive de ' Vente de vêtements, prêt-à-porter'.

Suite au décès de M. [C] [A], un acte de notoriété en date du 24 juin 2008 désignait ses héritiers comme étant M. [M] [A] et Mme [W] [A] épouse [U] ainsi que son épouse survivante, Mme [B] [E] veuve [A]. Cette dernière est décédée le 22 juillet 2016.

Par acte d'huissier en date du 29 juillet 2010, la SNC 1 Anarchasis a fait délivrer à M. [M] [A], venant aux droits de M. [C] [A], un congé avec refus de renouvellement pour le 31 mars 2011 et offre d'indemnité d'éviction.

Par acte d'huissier en date du 20 décembre 2012, M. [M] [A], Mme [W] [A] épouse [U] et Mme [B] [E] veuve [A] ont notifié à la SNC 1 Anarchasis une demande de renouvellement de bail commercial en vertu de l'article L 145-10 du code de commerce, demande de renouvellement faite pour le 1er janvier 2013.

Par acte du 24 janvier 2013, la SNC 1 Anarchasis a refusé le renouvellement avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

Par ordonnance de référé du 6 mai 2013, Mme [N] [I] a été désignée en qualité d'expert judiciaire avec mission d'évaluer l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation dues par le locataire entre la date de refus de renouvellement du 24 janvier 2013 et la libération effective des lieux.

Selon acte sous seing privé en date du 22 septembre 2005 , l'Administration de l'Assistance Publique des Hôpitaux de [Localité 8], aux droits de laquelle se trouve la SNC 1 Anarchasis, a donné à bail à M. [C] [A] des locaux situés [Adresse 3] [Adresse 12] ( magasin 2) pour une durée de neuf années commençant le 29 septembre 2005 et se terminant le 29 septembre 2014, également destinés à l'exploitation de ' Vente de vêtements, prêt-à-porter'.

Par acte d'huissier des 24 février et 12 mars 2014, la SNC 1 Anarchasis a fait délivrer aux héritiers de M. [C] [A], un congé commercial avec refus de renouvellement pour le 29 septembre 2014 et offre d'indemnité d'éviction.

Par ordonnance de référé du 20 avril 2015, Mme [N] [I] a été désignée en qualité d'expert judiciaire avec mission d'évaluer l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation dues par le locataire entre la date d'effet du congé et la libération effective des lieux.

Par acte d'huissier en date du 15 mars 2013, M. [M] [A], Mme [W] [A] épouse [U] et Mme [B] [E] veuve [A] ont fait assigner la SNC 1 Anarchasis devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de dire et juger que le congé délivré le 29 juillet 2010 pour les locaux, objet du bail du 8 février 2001 est nul et à titre subsidiaire, de voir condamner la bailleresse au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 2.000.000 €.

Par acte d'huissier en date du 5 juillet 2016, les consorts [A] ont fait assigner la SNC 1 Anarchasis devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de la voir condamner à leur verser une indemnité d'éviction d'un montant de 800.000 € au titre des locaux, objet du bail du 22 septembre 2005.

Les deux instances ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance en date du 7 février 2014.

Mme [I] a déposé son rapport définitif dans les deux dossiers le 9 février 2017.

Par jugement en date du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a:

- prononcé la nullité du congé délivrée le 29 juillet 2010 par la SNC 1 Anarchasis concernant le bail du 8 avril ( sic) 2001,

- constaté la résiliation du bail commercial, à la date du 24 janvier 2013, du bail commercial du 8 avril ( sic) 2001,

- constaté la résiliation du bail commercial, à la date du 29 septembre 2014, du bail commercial du 22 septembre 2005,

- fixé l'indemnité d'éviction due par la SNC 1 Anarchasis à la somme de 1.033.284,92 € se décomposant comme suit:

* indemnité principale: 880.000 €

* frais de remploi: 85.815 €,

* frais de déménagement: 23.482 €,

* trouble commercial: 40.113,15 €,

* indemnités de licenciement: 3.874,77 €

- dit que l'indemnité d'éviction sera versée entre les mains de la SELARL [O], en la personne de Me [L] [O], [Adresse 4],

- dit que les honoraires du séquestre resteront à la charge du bailleur, la SNC 1 Anarchasis,

- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [M] [A] et Mme [W] [A] épouse [U] solidairement:

* pour le bail en date du 8 février 2001, à compter du 24 janvier 2013 jusqu'au 29 septembre 2014, à la somme de 36.378 €,

* pour les deux baux du 8 février 2001 et du 22 septembre 2005, du 29 septembre 2014 jusqu'à son départ effectif à la somme de 93.060 € par an,

- ordonné la compensation des sommes mises respectivement à la charge des parties,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront partagés par moitié,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- rejeté le surplus des demandes.

Pour statuer en ce sens, le tribunal a, notamment, retenu que:

- sur la validité du congé donné par la SNC 1 Anarchasis le 29 juillet 2010:

* pour être valide, le congé d'un bail commercial doit être délivré à l'ensemble des locataires,

* en l'espèce, la bailleresse a notifié un congé le 29 juillet 2010 concernant les locaux, objet du premier bail, uniquement à M. [M] [A] mais non à mesdames [W] [A] épouse [U] et Mme [B] [A] aujourd'hui décédée, alors qu'elles étaient titulaires de bail commercial,

- ledit congé est donc nul et aucune indemnité d'occupation n'est due pour la période antérieure au 24 janvier 2013, date du refus de renouvellement du bail,

- sur l'indemnité principale d'éviction:

* le bailleur ne rapporte pas la preuve que l'éviction n'entraîne pas la disparition du fonds, de sorte que le locataire doit être indemnisé de la perte du fonds,

* la valeur du fonds de commerce doit être fixée à 722.376,22 € selon la méthode classique du barème professionnel, soit 90% du CA hors taxe qui est de 802.640,25 € ces quatre dernières années,

* la valeur du droit au bail, selon la méthode par comparaison qui doit être retenue, est de 880.000 € pour 110 m² ( soit 8.000 e le m²),

* la valeur du fonds de commerce ne pouvant être inférieure à la valeur du droit au bail, l'indemnité principale doit être fixée à 880.000 €,

- sur l'indemnité d'occupation:

* l'expert retient que la moyenne de l'ensemble des valeurs toutes causes confondues ressort à 936 € arrondi 940 € par m², auquel il convient d'appliquer un taux de précarité de 10%, soit 846 € par m²,

* la surface utile pondérée à retenir est celle proposée par l'expert, soit 110 m².

Par déclaration en date du 26 juillet 2021, M. [M] [A] a interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration du 27 juillet 2021, la SNC 1 Anarchasis a également relevé appel de ce jugement.

Les deux procédure ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 28 octobre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 31 octobre 2022, M. [M] [A] demande à la cour de:

Vu l'article L 145-28 du code de commerce,

Sur l'appel de M. [A]:

- recevoir M. [M] [A] en son appel limité aux dispositions du jugement entrepris relatives à la fixation de l'indemnité d'occupation pour les locaux [Adresse 1] [Localité 8],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due:

* pour le bail en date du 8 février 2001, à compter du 24 janvier 2013 jusqu'au 29 septembre 2014, à la somme de 36.378 €,

* pour les deux baux du 8 février 2001 et du 22 septembre 2005, du 29 septembre 2014 jusqu'à son départ effectif à la somme de 93.060 € par an,

- fixer:

* pour le bail du 8 février 2001, l'indemnité annuelle d'occupation pour la pépriode du 24 janvier 2013 au 29 septembre 2014 à la somme annuelle de 27.778 €,

* pour les deux baux du 8 février 2001, l'indemnité annuelle d'occupation du 29 septembre 2014 jusqu'au départ effectif à la somme de 71.060 €,

Sur l'appel de la SNC 1 Anarchasis:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction due par la SNC 1 Anarchasis à la somme de 1.033.284,92 €,

- condamner la SNC 1 Anarchasis au paiement de l'indemnité principale et des indemnités accessoires et dire que les indemnités seront versées entre les mains de la SELARL [O], en la personne de Me [L] [O], [Adresse 4], les honoraires du séquestre étant à la charge de la SNC 1 Anarchasis,

Subsidiairement,

- fixer l'indemnité principale d'éviction due par la SNC 1 Anarchasis à la somme de 772.376,22 € et celles pour frais de remploi à 69.937,62 €, pour frais de déménagement à 23.482 €, pour trouble commercial à 40.113,15 € et pour indemnités de licenciement à 3.874,77 €, ces indemnités devant être versées entre les mains de la SELARL [O], en la personne de Me [L] [O], [Adresse 4],

- condamner la SNC 1 Anarchasis à payer en cause d'appel à M. [M] [A] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SNC 1 Anarchasis aux dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Maud Daval-Guedj de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj sur son offre de droit.

La SNC 1 Anarchasis, suivant ses dernières conclusions déposées et signifiées le 15 avril 2022, demande à la cour de:

Vu les articles L 145-9, L 145-14, L 145-28 et L 145-33 du code de commerce,

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a:

- prononcé la nullité du congé délivrée le 29 juillet 2010 par la SNC 1 Anarchasis concernant le bail du 8 avril ( sic) 2001,

- constaté la résiliation du bail commercial, à la date du 24 janvier 2013, du bail commercial du 8 avril ( sic) 2001,

- constaté la résiliation du bail commercial, à la date du 29 septembre 2014, du bail commercial du 22 septembre 2005,

- fixé l'indemnité d'éviction due par la SNC 1 Anarchasis à la somme de 1.033.284,92 € se décomposant comme suit:

* indemnité principale: 880.000 €

* frais de remploi: 85.815 €,

* frais de déménagement: 23.482 €,

* trouble commercial: 40.113,15 €,

* indemnités de licenciement: 3.874,77 €

- dit que l'indemnité d'éviction sera versée entre les mains de la SELARL [O], en la personne de Me [L] [O], [Adresse 4],

- dit que les honoraires du séquestre resteront à la charge du bailleur, la SNC 1 Anarchasis,

- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [M] [A] et Mme [W] [A] épouse [U] solidairement:

* pour le bail en date du 8 février 2001, à compter du 24 janvier 2013 jusqu'au 29 septembre 2014, à la somme de 36.378 €,

* pour les deux baux du 8 février 2001 et du 22 septembre 2005, du 29 septembre 2014 jusqu'à son départ effectif à la somme de 93.060 € par an,

- ordonné la compensation des sommes mises respectivement à la charge des parties,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront partagés par moitié,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- rejeté le surplus des demandes,

Débouter M. [M] [A] de l'ensemble de ses demandes formées à titre d'appel incident dans le cadre des écritures notifiées le 18 janvier 2022,

Par voie de conséquence,

- dire et juger que la valeur du fonds de commerce doit être fixée à la somme maximum de 52% du CA, soit 433.425 €,

- dire et juger que la valeur du droit au bail doit être fixée à la somme maximum de 507.610 €,

- dire et juger que les frais de déménagement et de licenciement seront payables sur justificatifs si le locataire justifie d'une réinstallation,

- dire et juger que l'indemnité de remploi et l'indemnité pour trouble commercial ne seront dues que si le locataire justifie d'une réinstallation,

- désigner tel séquestre qu'il plaira au tribunal pour recevoir le versement de l'indemnité principale et des indemnités accessoires,

- dire et juger que le premier bail en date du 8 février 2011 a pris fin le 31 mars 2011 et que le second bail en date du 22 septembre 2005 a expiré le 29 septembre 2014,

- dire et juger que pour la période du 31 mars 2011 au 29 septembre 2014, le locataire est redevable d'une indemnité d'occupation correspondant à la valeur locative pour la partie du magasin régie par le premier bail ayant pris fin au 31 mars 2011,

- dire et juger que le locataire est redevable, à compter du 30 septembre 2014, compte tenu de l'expiration du second bail, de l' indemnité d'occupation pour la totalité du magasin,

- dire et juger que la valeur locative de l'indemnité d'occupation doit être fixée à 940 € m²/ an hors charges et hors taxes,

- condamner M. [M] [A] et Mme [W] [A] épouse [U] solidairement à payer cette indemnité d'occupation à compter de chaque fin de bail jusqu'à la libération effective des lieux,

- dire et juger que la surface utile pondérée sur la base du rapport d'expertise peut être fixée à 132 m² pour la totalité du magasin,

- condamner les requérants à titre solidaire à payer le différentiel entre l'indemnité d'occupation et le loyer qui a effectivement été payé,

- ordonner la compensation, le cas échéant, entre les créances des parties,

- ordonner la réactualisation de l'indemnité d'occupation conformément à l'indexation prévue au terme du bail,

- condamner M. [M] [A] et Mme [W] [A] épouse [U] à payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 22 avril 2025.

Mme [W] [Z] épouse [U] n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée par acte extra-judiciaire du 23 septembre 2021 remis en l'étude de l'huissier instrumentaire. Il sera statué par défaut.

MOTIFS

Sur la validité du congé délivré le 29 juillet 2010 par la SNC 1 Anarchasis concernant les locaux, objet du premier bail

La bailleresse sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de ce congé, soutenant que le fait qu'il n'ait été notifié qu'à M. [M] [A] constitue une simple irrégularité de forme qui ne cause aucun préjudice aux co-preneurs.

En vertu de l'article L 145-9 du code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l'effet d'une notification faite six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l'événement prévu au contrat. S'agissant d'un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l'expiration de l'une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l'alinéa premier ci-dessus. Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

Il y a lieu de rappeler qu'en cas de pluralité de preneurs, le congé doit être notifié à chacun d'entre eux, en même temps et dans le même acte. De même, en cas de décès, le congé doit être notifié à chacun des héritiers du locataire.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que le congé en date du 29 juillet 2010 délivré par la SNC 1 Anarchasis concernant les locaux, objet du bail du 8 févier 2011, n'a été notifié qu'à M. [M] [A] mais non à Mme [W] [A] épouse [U] et Mme [B] [E] veuve [A], également héritières de M. [C] [Z], locataire décédé.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le congé délivré le 29 juillet 2010 était nul.

Au demeurant, lorsque les consorts [A] ont formé une demande de renouvellement de ce bail le 20 décembre 2012, la SNC 1 Anarchasis a notifié un refus de renouvellement le 24 janvier 2013, sans opposer que le bail aurait déjà été dénoncé en vertu du congé du 29 juillet 2010, admettant de fait que le congé antérieur était sans effet.

En l'état de la nullité du congé du 29 juillet 2010, aucune indemnité d'occupation n'est due concernant le premier bail pour la période antérieure au 24 janvier 2013, date de refus du renouvellement du bail signifié par le bailleur.

La SNC 1 Anarchasis sera donc déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 31 mars 2011, en ce que le bail du 8 février 2001 n'a pas pu prendre fin à cette date par l'effet du congé délivré le 29 juillet 2010.

Sur l'indemnité d'occupation

En considération des développements qui précèdent, l'indemnité d'occupation due par les évincés doit faire l'objet:

- d'une première détermination uniquement pour les locaux, objet du bail du 8 février 2001 pour la période ayant commencé à courir le 24 janvier 2013, date à laquelle le renouvellement de leur bail leur a été refusé, et le 29 septembre 2014, date à laquelle il a été donné congé aux consorts [A] pour les locaux afférents au second bail en date du 29 septembre 2025,

- pour la période courant à compter du 29 septembre 2014, l'indemnité d'occupation doit être calculée en fonction de la totalité de la surface des locaux loués aux consorts [A].

En cas de paiement d'une indemnité d'éviction et conformément à l'article L 145-28 du code de commerce, pendant la durée du maintien dans les lieux, le locataire doit payer une indemnité d'occupation déterminée suivant les mêmes règles que la fixation des loyers commerciaux, compte tenu de tous les éléments d'appréciation et soumise, éventuellement, à la révision légale triennale ou annuelle.

L'indemnité d'occupation doit ainsi être fixée selon la valeur locative, outre l'application d'un éventuel abattement dit de précarité.

L'article L 145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1. Les caractéristiques du local considéré ;

2. La destination des lieux ;

3. Les obligations respectives des parties ;

4. Les facteurs locaux de commercialité ;

5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

L'expert judiciaire retient une valeur locative de 940 € / an / m² hors taxes et hors charges.

Cette évaluation est critiquée par M. [M] [A] qui, pour sa part, conclut à une valeur de 760 €/ an/ m², soutenant qu'il convient de procéder à un écrêtage deux valeurs basses et de sept valeurs hautes.

Or, Mme [I] a significativement diminué la valeur locative proposée en comparaison avec son pré-rapport, à la lecture duquel celle-ci ressortait à 1.700 €/ an /m², en écartant déjà un certain nombre de valeurs précédemment retenues. L'écrêtage supplémentaire réclamé par l'appelant n'est donc pas justifié, étant observé de surcroît que le nombre de valeurs à écarter doit être identique entre les valeurs basses et les valeurs hautes. Enfin, l'expert a pris en compte de nombreuses références relatives à des commerces tous situés [Adresse 14], en prenant en compte pour déterminer la valeur locative des locaux, objet du litige, les caractéristiques intrinsèques du local mais aussi sa situation géographique, à savoir la partie basse de la [Adresse 12], à proximité des [Adresse 15] et Jeune Anarchasis où les commerces ferment davantage que dans la partie haute.

En conséquence, il sera retenu une valeur locative de 940 €/an/m².

Sur cette valeur, M. [A] sollicite l'application d'un abattement dit de précarité de 15% au lieu des 10% proposés par l'expert et retenus par le tribunal.

Pour sa part, le bailleur soutient qu'aucun coefficient de précarité ne peut être retenu ou devra alors être très faible.

Il est fréquemment, appliqué un abattement pour tenir compte de la précarité dans laquelle se trouve désormais le commerçant occupant, du fait de la résiliation du bail.

Il est ainsi d'usage d'appliquer un abattement de l'ordre de 10% , voire 20 % lorsque la procédure a été très longue et les inconvénients, pour le preneur, particulièrement pénalisants. Dans plus de 70% des cas, le taux retenu est de 10%.

En l'espèce, l'appelant n'apporte aucune explication, ni justification sur le taux qu'il réclame à hauteur de 15% et ne met en évidence aucune situation particulière permettant de faire droit à sa demande.

Il convient donc d'appliquer un abattement de 10% sur la valeur locative fixée à 940 €/ an/ m², soit une indemnité d'occupation d'un montant de 846 €/ an/ m².

Mme [I], à l'issue de ses investigations, conclut à une surface utile du magasin dans sa totalité de 152,20 m² et une surface utile pondérée de 110 m². Cette estimation n'est pas contestée par le locataire mais est en revanche critiquée par la bailleur qui considère que la surface utile pondérée totale doit être de 132 m².

L'expert a cependant déterminé cette surface en affectant chaque partie du local d'un coefficient de pondération conformément à la charte de l'expertise en évaluation immobilière et aux recommandations des experts de justice en matière de pondération, de sorte que son calcul ne sera pas remis en cause, à savoir une surface utile pondérée de 110 m² pour la totalité des locaux et de 43 m² pour la surface des locaux, objet du premier bail.

Par conséquent, l'indemnité d'occupation due par les locataires évincés s'établit comme suit:

- pour la période du 24 janvier 2013 eu 29 septembre 2014 où cours de laquelle seule une indemnité d'occupation est due pour les locaux, objet du bail du 8 février 2011, le calcul est le suivant; une valeur de 846 € par m² appliquée à une surface de 43 m², soit 36.378 € par an, hors taxes et hors charges,

- pour la période courant à compter du 29 septembre 2014 et jusqu'à la libération effective des lieux, l'indemnité d'occupation doit concerner la totalité des locaux, à savoir une valeur 846 € par m² appliquée à une surface de 110 m², soit 93.060 € par an, hors taxes et hors charges.

Le jugement sera ainsi confirmé sur l'indemnité d'occupation dont les locataires évincés sont redevables.

Sur l'indemnité d'éviction

Sur l'indemnité principale

En vertu de l'article L 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

L'évaluation de l'indemnité principale d'éviction dépend ainsi de la nature du préjudice subi par le locataire:

- si le locataire subi une perte de son fonds, il bénéficiera d'une indemnité de remplacement dudit fonds qui doit correspondre à la valeur du fonds de commerce, à laquelle s'ajoutent des indemnités accessoires afin de permettre au locataire évincé de procéder à l'acquisition d'un fonds présentant une valeur identique,

- en cas de possible transfert du fonds sans conséquence notable sur la clientèle, le locataire bénéficiera alors d'une indemnité dite de déplacement égale à la valeur du droit au bail, majorée le cas échéant, des indemnités accessoires liées au transfert.

L' article L 145-14 susvisé emporte toutefois présomption que le défaut de renouvellement entraîne la disparition du fonds, ce dont il résulte que le locataire évincé est fondé à solliciter une indemnité principale de remplacement qui doit être égale à la valeur marchande du fonds de commerce disparu.

Ainsi, la charge de la preuve de la transférabilité du fonds, sans perte de clientèle ( ou perte limitée) repose sur le bailleur.

Les locaux, objet du litige, sont situés [Adresse 13] [Localité 8], à proximité immédiate de la [Adresse 10], artère qui prend naissance sur la Canebière pour se terminer [Adresse 11], dans le premier arrondissent de la ville, [Adresse 9]. L'accès y est aisé par les transports en commun, à savoir plusieurs lignes de bus et la ligne de métro n° 1, station [Localité 16]. Il s'agit d'un immeuble élevé de quatre étages sur rez-de-chaussée et sous-sol en bon état foncier apparent, l'expert n'ayant constaté, lors de sa visite, aucun désordre des oeuvres vives du bâti.

Mme [I] précise que le local commercial en cause est la réunion de deux locaux, en rez-de-chaussée avec mezzanine, sur une surface de 152,20 m² et ajoute que les locaux sont parfaitement adaptés à l'activité exercée, en rappelant que le locataire a été autorisé à effectuer des travaux d'aménagement et de transformation afin de réunir les deux locaux concernés par l'éviction.

Compte tenu de l'emplacement du local et de sa surface et de l'absence de locaux comparables, le locataire doit être indemnité de la perte du fonds, ce que ne conteste d'ailleurs pas le bailleur qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une réinstallation possible à proximité des locaux loués sans perte de clientèle.

L'indemnité sera donc calculée en excluant la réinstallation.

Lorsque le fonds n'est pas transférable, le refus de renouvellement du bail entraîne sa disparition. L'indemnité de remplacement due par le bailleur aura pour assiette la valeur du fonds de commerce ( dont le droit au bail est un élément d'appréciation) en prenant en compte les activités principales et accessoires exercées par le locataire sur la base du chiffre d'affaires résultant des déclarations fiscales TTC sauf usages professionnels contraires et éventuelles pondérations en cas d'éléments particuliers.

La consistance du fonds s'apprécie à la date du congé. Toutefois, dès lors que l'éviction n'est pas réalisée et que le locataire se maintient dans les lieux, l'indemnité d'éviction s'apprécie en tenant compte de la valeur du fonds de commerce au jour où le juge statue, lequel se prononce sur l'évolution de la valeur du fonds pendant le cours de la procédure, qu'il s'agisse d'une augmentation ou d'une diminution.

Enfin, si la valeur du fonds est inférieure à celle du droit au bail, l'indemnité sera fixée par référence à la valeur du droit au bail.

L'indemnité d'éviction doit être calculée à la date la plus proche de la réalisation du préjudice, c'est à dire à la date de l'arrêt de la cour lorsque le locataire est encore dans les lieux. La cour doit tenir compte des variations économiques intervenues depuis l'expertise et le jugement frappé d'appel.

En outre, la valeur marchande du fonds de commerce doit être déterminée en fonction des trois dernières années du chiffre d'affaires des preneurs avant l'éviction, soit au moment de la réalisation du préjudice.

Or, l'expert judiciaire, dans son rapport, s'est fondé sur le chiffre d'affaires des années 2013, 2014 et 2015.

En cause d'appel, M. [M] [A] produit les bilans 2016/2017, 2017/2018, 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021, ce dernier concernant plus précisément l'exercice du 1er août 2020 au 31 juillet 2021.

En revanche, il ne produit aucun bilan récent, situation qui est d'ailleurs dénoncée par la bailleresse dans ses écritures.

En considération de ces éléments, la cour n'est pas en mesure de calculer l'indemnité d'éviction à la date la plus proche de la réalisation du préjudice, à savoir à la date de prononcé de son arrêt devant intervenir le 4 septembre 2025.

Il convient d'ordonner, sur l'indemnité d'éviction, la réouverture des débats conformément aux modalités prévues au dispositif.

Les autres demandes des parties ( séquestre, frais irrépétibles et dépens ) seront réservées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition et par défaut,

Confirme le jugement déféré du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du congé délivrée le 29 juillet 2010 par la SNC 1 Anarchasis concernant le bail du 8 avril 2001, sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant la date de ce bail, à savoir le 8 février 2001,

- constaté la résiliation du bail commercial, à la date du 24 janvier 2013, du bail commercial du 8 avril 2001, sauf également à rectifier l'erreur matérielle affectant la date de ce bail, à savoir le 8 février 2001,

- constaté la résiliation du bail commercial, à la date du 29 septembre 2014, du bail commercial du 22 septembre 2005,

- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [M] [A] et Mme [W] [A] épouse [U] solidairement:

* pour le bail en date du 8 février 2001, à compter du 24 janvier 2013 jusqu'au 29 septembre 2014, à la somme de 36.378 €,

* pour les deux baux du 8 février 2001 et du 22 septembre 2005, du 29 septembre 2014 jusqu'à leur départ effectif à la somme de 93.060 € par an,

Avant dire droit, sur le montant de l'indemnité d'éviction,

Ordonne la réouverture des débats,

Invite M. [M] [A] à justifier du chiffre d'affaires de son activité sur les trois dernières années en produisant tous éléments comptables et notamment les bilans 2021/2022, 2022/2023 et 2023/2024 pour le 30 septembre 2025,

Dit que les parties disposeront d'un délai supplémentaire jusqu'au 15 novembre 2025 pour conclure le cas échéant et uniquement sur l'indemnité d'éviction,

Renvoie l'affaire à l'audience du 13 Janvier 2026 à 9h00 Salle 7 Palais MONCLAR avec une nouvelle clôture le 17 Décembre 2025,

Réserve le surplus des demandes des parties.

Le Greffier, La Présidente,

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