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Décisions

CA Cayenne, ch. civ., 4 septembre 2025, n° 24/00094

CAYENNE

Arrêt

Autre

CA Cayenne n° 24/00094

4 septembre 2025

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]

Chambre Civile

ARRÊT N° 135

N° RG 24/00094 -

N° Portalis 4ZAM-V-B7I-BJA7

[N] [C]

C/

S.C.I. BALATA

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4], décision attaquée en date du 22 Février 2024, enregistrée sous le n° 22/00158

APPELANTE :

Madame [N] [C]

[Adresse 7]

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Béatrice TORO, avocat au barreau de GUYANE

INTIMEE :

S.C.I. BALATA

Centre commercial Family Plaza -

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle DENIS, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2025 en audience publique et mise en délibéré au 21 juillet 2025 prorogé au 04 Septembre 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Aurore BLUM,

Mme Patricia GOILLOT, Conseillère

M. Laurent SOCHAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Hélène PETRO, Greffière, présente lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon contrat en date du 22 décembre 2016, la SCI Balata a donné à bail commercial un local « Cabinet médical 5 » à la SCI Balata en qualité de bailleur et au Dr [N] [C] en qualité de preneur exerçant la profession de dentiste, moyennant un loyer mensuel de 1300 € outre 225 € de charges mensuelles.

Le bail porte sur un local présentant une surface de 50 m2 qui se situe dans un ensemble immobilier dépendant du centre commercial de Family Plaza à [Localité 5][Adresse 1] [Adresse 10].

Le Dr [C] a sollicité la société Balata à plusieurs reprises concernant des infiltrations d'eau, endommagement des dalles du faux plafond, des odeurs et dysfonctionnements du système électrique.

Le 15 novembre 2021, le Dr [C] s'est vu remettre un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire par la SCI Balata.

Par acte du 14 décembre 2021, le Dr [C] a assigné la SCI Balata devant le tribunal judiciaire de Cayenne afin de solliciter l'annulation du commandement visant la clause résolutoire.

Par jugement contradictoire en date du 22 février 2024, le tribunal judiciaire de Cayenne a :

écarté les conclusions de la SCI Balata communiquées le 2 novembre 2023, postérieurement à la date fixée dans le calendrier de procédure ainsi que les pièces 20 et 21 ;

rejeté la demande d'annulation du commandement visant la clause résolutoire ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 16 décembre 2021 ;

autorisé la SCI Balata à faire procéder à l'expulsion du Dr [N] [C] du 'cabinet médical 5", d'une surface de 50 m2, situé dans un ensemble immobilier dépendant du centre commercial Family Plaza situé à Matoury (97351)[Adresse 1] [Adresse 9] et à celle de tous occupants de son chef, à défaut pour le Dr [N] [C] d'avoir libéré les lieux dans les trois mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ;

condamné le Dr [N] [C] à exécuter la décision en libérant le local, et ce, dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision ;

dit que, passé ce délai, le Dr [N] [C] sera redevable d'une astreinte provisoire de 150 € par jour de retard pendant 90 jours ;

condamné le Dr [C] à payer à la SCI Balata la somme totale de 12 564, 09 € au titre des loyers impayés et des charges, dit que la somme de 11 840, 75 € se verra appliquer le taux légal à compter du 15 novembre 2021 et aux taux d'intérêt conventionnellement prévu de 5 % pour le surplus ; le tout augmenté d'un intérêt conventionnel calculé sur ces sommes au taux Euribor 3 mois majoré de 200 points de base à compter du 15 novembre 2021 ;

condamné le Dr [N] [C] à payer à la SCI Balata une indemnité d'occupation à compter de la date de résiliation jusqu'à la libération effective des lieux loués ;

fixé l'indemnité d'occupation mensuelle à une somme égale au montant du loyer outre charges contractuels ;

condamné le Dr [N] [C] à verser à la SCI Balata une somme totale qu'il est équitable de fixer à 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande de remboursement de la taxe foncière 2019 ;

condamné la SCI Balata à payer au Dr [N] [C] la somme de 5 000 € au titre de son préjudice moral ;

condamné le Dr [N] [C] aux dépens ;

rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 14 mars 2024, Madame [N] [C] a relevé appel du jugement du 22 février 2024, appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

Par avis du 25 mars 2024, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le conseiller de la mise en état de la chambre civile de la cour d'appel.

La SCI Balata a constitué avocat le 30 avril 2024. Les premières conclusions d'appelant ont été notifiées le 13 juin 2024 et les premières conclusions d'intimé ont été notifiées le 12 septembre 2024.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 juin 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [N] [C] sollicite, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, de l'article L. 145-40-2 du code de commerce, du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, et des pièces versées au débat, que la cour :

dise et juge que Mme [C] est recevable et fondée en son appel ;

infirmer le jugement entrepris en tout point.

Et statuant à nouveau,

constate la mauvaise foi du bailleur au jour de la délivrance du commandement de payer du 15 novembre 2021 visant la clause résolutoire ou à une période contemporaine à celle-ci ;

dise et juge l'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire du 15 novembre 2021 ;

condamne la SCI Balata à payer au Dr [C] la somme de 956,17€ au titre du remboursement de la taxe foncière 2019 ;

constate que la SCI Balata a fait preuve d'une résistance abusive quant à son obligation de réaliser les travaux lui incombant.

En conséquence,

condamne la SCI Balata à payer au Dr [C] la somme de 20 000€ au titre des dommages et intérêts ;

dise et juge qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du Dr [C] les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts;

En conséquence,

condamne la SCI Balata au paiement de la somme de 6 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamne la SCI Balata aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Béatrice Toro, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Mme [N] [C] fait valoir que la clause résolutoire a été mise en 'uvre de mauvaise foi par le bailleur et qu'il s'agit d'une man'uvre pour échapper à la réalisation des travaux demandés par le preneur sous réserve de la suspension des loyers. Elle indique avoir interpellé à plusieurs reprises le bailleur concernant les désordres, puis avoir suspendu le paiement des loyers dans l'attente de la réalisation des travaux nécessaires.

Mme [C] conteste d'une part la validité du commandement de payer en ce qu'il ne comporte pas de décompte détaillé des encaissements et de leur imputation sur les mois et les charges correspondantes. Elle ajoute qu'elle s'est acquittée de la taxe foncière alors que son paiement ne faisait pas l'objet d'une stipulation expresse du bail commercial conformément aux dispositions de l'article L.145-40-2 du code de commerce. Elle en déduit, au visa de la Loi Pinel, que la stipulation contractuelle mettant à sa charge l'ensemble des charges et taxes constitue une clause léonine.

D'autre part, Mme [C] fait état de plusieurs manquements qu'elle impute à la SCI Balata, dénonçant l'inertie du bailleur quant aux travaux à réaliser pour la mise en place de sanitaires pour les personnes à mobilité réduite, pour traiter les infiltrations d'eaux pluviales et mettre fin aux odeurs nauséabondes, et pour sécuriser l'installation électrique de son cabinet.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 12 septembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Balata sollicite, au visa de l'article L.145-41 alinéa 1 du code de commerce, des articles 1103 et 1104 du code civil, 1231-1, 1231-2, 1231-3, 1231-4 du code civil, de l'article L 131-3, L 433-1 et R 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article 700 du code de procédure civile, et vu l'adage selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, que la cour :

dise et juge la SCI Balata recevable et bien fondée en ses demandes.

confirme le jugement de première instance en ce qu'il a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 16 décembre 2021 ;

autorisé la SCI Balata à faire procéder à l'expulsion du Docteur [N] [C] du 'cabinet médical 5", d'une surface de cinquante mètres carrés, situé dans un ensemble immobilier dépendant du centre commercial Family Plaza situé à [Adresse 6] et à celle de tous occupants de son chef, à défaut pour le Docteur [N] [C] d'avoir libéré les lieux dans les trois mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ;

condamné le Docteur [N] [C] à exécuter la décision en libérant le local, ce dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision ;

dit que, passé ce délai, le Docteur [N] [C] sera redevable d'une astreinte provisoire de 150€ par jour de retard pendant 90 jours ;

condamné le Docteur [N] [C] à payer à la SCI Balata la somme totale de 12.564,09€ au titre des loyers impayés et des charges, dit que la somme de 11.840,75€ se verra appliquer le taux légal à compter du 15 novembre 2021 et au taux d'intérêt conventionnellement prévu de 5% pour le surplus, le tout augmenté d'un intérêt conventionnel calculé sur ces sommes au taux Euribor 3 mois majoré de 200 points de base à compter du 15 novembre 2021 ;

condamné le Docteur [N] [C] à payer à la SCI Balata une indemnité d'occupation à compter de la date de la résiliation jusqu'à la libération effective des lieux loués ;

fixé l'indemnité d'occupation mensuelle à une somme égale au montant du loyer outre charges contractuels,

condamné le Docteur [N] [C] à verser à la SCI Balata une somme totale qu'il est équitable de fixer à 2000 euros sur le fondement de1'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande de remboursement de la taxe foncière 2019 ;

infirme le jugement de première instance en ce qu'il a :

condamné la SCI Balata à payer au Docteur [N] [C] la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral ;

Et statuant à nouveau,

condamne Madame [C] au paiement de la somme de 30.000€ à titre de dommages et intérêts au profit de la SCI Balata en réparation du préjudice que lui a causé la présente procédure abusive et du préjudice moral consécutif à son comportement de mauvaise foi envers son bailleur alors même qu'elle est elle-même responsable des désordres dont elle se prévaut ;

condamne Madame [C] au paiement de la somme de 20.000€ au profit de la SCI Balata sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Isabelle Denis, avocat.

Au soutien de ses prétentions, la SCI Balata fait valoir que le commandement de payer était accompagné d'un extrait du décompte des loyers et charges permettant à Mme [C] d'être parfaitement informée de l'étendue et de la justification de sa dette locative.

L'intimée ajoute qu'en application du décret n°2014-1317 du novembre 2014 (R.145-35 3° code du commerce), la taxe foncière peut être mise à la charge du preneur dès lors que cette obligation fait l'objet d'une mention expresse dans le bail, ce qui est le cas en l'espèce. La SCI en déduit qu'il est établi que le remboursement de la taxe foncière par Mme [C] à la SCI Balata est expressément prévu dans le bail commercial et constitue dès lors un engagement contractuel du preneur.

La SCI Balata souligne que Mme [C] ne pouvait diminuer unilatéralement le montant des loyers et ce en l'absence d'une décision judiciaire, d'autant plus qu'elle n'avait jusqu'alors pas saisi le juge à cet effet. Elle en déduit que l'appelante n'est pas fondée à se prévaloir du principe de l'exception d'inexécution pour s'abstenir de régler ses loyers et ne pas avoir déféré aux causes du commandement de payer.

La société fait valoir que les désordres dont se prévaut Mme [C] ne sont pas de la responsabilité du bailleur et qu'elle a procédé aux réparations nécessaires conformément aux dispositions de l'article 606 du code civil. Elle soutient que le changement de dalle et le traitement des odeurs nauséabondes demandés par l'appelante relève de sa responsabilité puisque ce dommage résulte de l'installation réalisée par le locataire dans le cadre des évacuations des eaux usées et des différents matériels qui ne sont pas conformes.

La SCI Balata conclut que le commandement de payer signifié le 15 novembre 2021 est valable et emporte l'acquisition de la clause résolutoire, un mois suivant la signification soit à compter du 16 décembre 2021.

La clôture de l'affaire a été prononcée le 09 Janvier 2025.

Sur ce, la cour

Sur le paiement de la taxe foncière

Aux termes de l'article L.145-40-2 du code de commerce, tout contrat de location doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Pendant toute la durée du bail, le bailleur doit informer le locataire des nouveaux impôts, charges, taxes et redevances.

Le cas échéant, il incombe au bailleur qui réclame un remboursement au preneur, de rapporter la créance en démontrant l'existence et le montant de ces charges conformément au contrat de bail commercial le stipulant.

L'article A.4.2.2 du contrat de bail stipule s'agissant du loyer que « le preneur devra en conséquence supporter, outre les dépenses liées à son exploitation, sa quote-part des charges, prestations, taxes et impôts de toute nature (ainsi que toute nouvelle contribution ou taxe ou leur augmentation) ordinairement à la charge des preneurs et rembourser au bailleur ceux qui incombent normalement aux bailleurs, y compris toutes contributions fiscales, toutes dépenses d'entretien et de maintenance et tous travaux de réparations, de réfections, de remplacements ou de mises aux normes de toute nature, même ceux nécessités par la force majeure ou imposés par l'administration, les lois ou les règlements ».

L'article A.4.4 du contrat de bail dispose que « toutefois, les taxes foncières et taxes annuelles sur les bureaux et/ou sur les locaux commerciaux ou de stockage seront refacturées par le bailleur au preneur, et devront être payées par ce dernier dès leur exigibilité et ne seront donc pas comprises dans les provisions mensuelle ci-dessus définies ».

En l'espèce, il résulte de la lecture combinée des articles A.4.2.2 et A.4.4 du contrat de bail que les parties avaient convenu que Mme [C] supporterait la charge de la taxe foncière.

L'appelante invoque que le paiement de toutes les charges et taxes par le preneur constitue une clause léonine en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties au profit du bailleur.

Toutefois, en application des dispositions de l'article R.145-35 du code de commerce, peuvent être imputées au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

Dès lors, le paiement de la taxe foncière peut être imputé à Mme [C] en application des dispositions légales et conventionnelles susvisées.

En conséquence, Mme [C] n'est pas fondée à solliciter le paiement de la taxe foncière qui lui incombe, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande sur ce point.

Sur la demande d'annulation du commandement de payer et la mise en 'uvre de la clause résolutoire

Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur est réputé être de mauvaise foi lorsqu'il met en 'uvre la clause résolutoire dans le but de se soustraire aux travaux lui incombant et réclamés par le preneur avant la délivrance de la mise en demeure.

1) Sur l'exception d'inexécution alléguée

Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Les dispositions de l'article 1219 prévoient qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il est admis que le preneur ne peut suspendre le paiement des loyers et ne peut invoquer l'exception d'inexécution qu'en cas d'impossibilité d'utiliser les lieux, impossibilité qui peut être constituée notamment par le fait que le bailleur ne respecte pas ses obligations d'assurer une jouissance paisible des lieux et ne fasse pas exécuter les travaux de consolidation indispensable.

En l'espèce, il résulte des mails échangés entre février et juin 2018 (pièces d'appelante n°2 et 3), entre juillet et octobre 2019 ainsi que du PV d'huissier du 29 mai 2019 (pièces d'appelante n°4, 7 et 8), que Mme [C] avait sollicité l'intervention du bailleur concernant des infiltrations d'eau notamment au plafond, des problèmes d'humidité, des nuisances olfactives récurrentes et des coupures de courants.

Par courrier du 26 mars 2020 (pièce d'appelante n°5) elle a informé son bailleur de sa décision de suspendre 'l'intégralité du versement des loyers des mois d'aout, septembre, décembre 2019", de retenir la somme de 400 € sur le loyer du mois de novembre 2019, 'non réglé la majoration de 28, 89 euros sur le loyer de février 2020 au titre de l'indexation' et de suspendre dans sa totalité le loyer du 'mois de mars 2020" ainsi que les loyers suivants et les sommes relatives au paiement de la taxe foncière.

Il résulte de ces échanges et des mails produits par l'intimée (pièces intimée n° 4, 6 et 8), que malgré des interventions, des problèmes ont persisté, et la SCI avait notamment indiqué à Mme [C] dans un mail du 26 mars 2020 que les infiltrations « étaient difficiles à détecter » et qu'elle attendrait un « épisode pluvieux » pour éclaircir la situation.

Il ressort ainsi que la SCI est intervenue et a effectué les travaux nécessaires à la suite de chaque sollicitation de Mme [C], de sorte que la récurrence des désordres invoqués par cette dernière ne saurait suffire à caractériser un manquement à son obligation de réalisation de travaux de gros 'uvre dans le cadre du bail commercial.

Qui plus est, Mme [C] ne démontre pas que l'état du local ne permettait pas son usage normal ou l'avait rendu inexploitable en raison des désordres dont elle se prévaut.

Dans ces conditions, aucun manquement, ni mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations, ne peuvent être caractérisés à l'encontre du bailleur et Mme [C] ne démontre pas que la survenance des désordres présente un caractère suffisamment grave justifiant la mise en 'uvre de l'exception d'inexécution en suspendant le paiement des loyers.

2) Sur la validité du commandement de payer

En application des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, la mise en 'uvre de la clause résolutoire suppose :

une infraction à une stipulation expresse du bail ;

que l'infraction soit visée par la clause résolutoire ;

que la clause résolutoire soit invoquée de bonne foi par le bailleur compte tenu de la nature des faits reprochés et du délai imparti au preneur qui peut également tenter de s'en exonérer en invoquant la force majeure ;

que le manquement ait perduré au-delà d'un mois après un commandement ou mise en demeure.

A ce titre, le commandement doit mentionner la clause résolutoire stipulée par le bail, préciser les clauses dont il invoque l'inexécution par le preneur, le détail des sommes mises en recouvrement au titre du loyer ou des charges et le délai d'un mois prévu par l'article L. 145-41 du code du commerce.

En l'espèce, le commandement de payer et le décompte joint (pièces d'intimée n°15 et 16) portent sur une créance à titre principal au titre des loyers dus au 29.10.2021 à hauteur de 14 282, 75 €', de l'émolument proportionnel (art A444-31 C.com) de 19, 30 € et du coût de l'acte ttc, soit 196,03 €. Il y est indiqué que l'acte résulte des loyers et charges impayés par la locataire et que dans le cadre du bail écrit, la SCI Balata entend se prévaloir de la clause résolutoire insérée dans le bail prévoyant la résiliation de celui-ci en cas précis de non paiement des loyers et charges à leur échéance normale. Le commandement de payer énonce en son intégralité l'article A.8 Clause résolutoire du bail (pièce d'intimée n°2 et 15) et les dispositions des articles L.145-41 et L.145-17 du code de commerce.

Or, il est établi que Mme [C] avait suspendu le paiement de la taxe foncière, des loyers et des charges depuis le 26 mars 2020 et ce, jusqu'au jour de la délivrance du commandement de payer le 15 novembre 2020.

Le commandement de payer est conforme aux dispositions légales en ce qu'il comporte toutes les mentions nécessaires à sa mise en 'uvre, y compris la référence au délai d'un mois prévu par l'article L.145-41 et un décompte des sommes dues suffisamment précis concernant la nature des sommes dues au titre des loyers et charges impayés.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et faute pour Mme [C] d'avoir régularisé les impayés dans le délai imparti, il ne peut qu'être constaté l'acquisition de la clause résolutoire au jour de la délivrance du commandement de payer.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur ce point, et subséquemment en ce qu'il a ordonné l'expulsion de Mme [C] sous astreinte , et condamné cette dernière à payer les loyers et charges impayés à hauteur de 11 840, 75 €, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et charges contractuels.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [C]

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, ni les circonstances du litiges, ni les éléments de la présente procédure ne permettent de justifier un préjudice moral lié à la jouissance du bien à hauteur de 20 000 €. En effet, il résulte de l'intervention de l'EURL Alcide plomberie du 26 avril 2024 (pièce d'intimée n° 22) que les infiltrations d'eaux et les nuisances olfactives du local sont la conséquence des installations réalisées par la locataire, Mme [C], de sorte que ces désordres et leurs conséquences préjudiciables ne peuvent être imputées à la SCI Balata.

Il ressort des différents constats de commissaire de justice (pièces d'appelante n°8 à 10) que seul le remplacement tardif des dalles à la suite des fuites de la toiture relevant de travaux au niveau de la toiture incombant au bailleur ont causé un préjudice de jouissance de nature à justifier une indemnisation à Mme [C], indemnisation que le jugement déféré a exactement fixé à la somme de 5000€.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Balata

L'ensemble des éléments du dossier ne permettent pas d'établir que Mme [C] aurait agi en justice de manière abusive, étant relevé de surcroît qu'il est partiellement fait droit à sa demande au titre du préjudice de jouissance.

La SCI Balata, qui ne démontre en outre pas le préjudice dont elle se prévaut, sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts, étant ainsi ajouté au jugement entrepris.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, Mme [N] [C] sera condamnée à payer à la SCI Balata la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel, et sera déboutée de sa demande formée sur ce fondement.

Mme [N] [C] sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne rendu le 22 février 2024;

Et y ajoutant,

DEBOUTE la SCI Balata de sa demande de dommages et intérêts,

DEBOUTE le Docteur [N] [C] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

CONDAMNE le Docteur [N] [C] à verser à la SCI Balata la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel

CONDAMNE le Docteur [N] [C] aux dépens en cause d'appel, et autorise Me Isabelle DENIS à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.

La Greffière La Présidente de chambre

Hélène PETRO Aurore BLUM

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