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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/13327

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/13327

4 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/13327 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDDL

S.C.I. MEGRINE

C/

S.A.R.L. SARL LES PRIMEURS DU SUD

Copie exécutoire délivrée

le : 4 Septembre 2025

à :

Me Layla TEBIEL

Me Morgan DAUDÉ-MAGINOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 22 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00626.

APPELANTE

S.C.I. MEGRINE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [P] [O]

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me David LAIR, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE

S.A.R.L. SARL LES PRIMEURS DU SUD

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Morgan DAUDÉ-MAGINOT de la SELARL MORGAN DAUDE MAGINOT - AVOCAT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 2017, la SCI Megrine a consenti à la SARL Les Primeurs du Sud un bail dérogatoire portant sur un local sis [Adresse 5] à [Localité 3] se composant:

- d'un hangar à usage commercial,

- d'une aire de parking avec accès dont jouira le preneur conjointement avec les autres occupants de l'ensemble immobilier.

Ledit bail a été conclu pour une durée de 36 mois, à effet du 1er juillet 2017 pour se terminer le 30 juin 2020, et moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 3.450 € hors taxes et hors charges.

Par courrier recommandé du 28 mars 2018, la SARL Les Primeurs du Sud a informé la SCI Megrine de son souhait de résilier le contrat de bail. La SCI Megrine s'est opposée à cette résiliation ainsi qu'à la restitution des locaux.

Selon procès-verbal d'huissier en date des 12, 15 et 20 juin 2018, il a été constaté que le fonds n'était plus exploité en raison du départ anticipé de la preneuse et que la porte métallique d'accès au local était fermé.

Par acte du 27 juin 2018, la SCI Megrine a fait assigner en référé la SARL Les Primeurs du Sud devant le président du tribunal de commerce de Toulon, aux fins de l'enjoindre d'exploiter le fonds et de lui régler les loyers impayés.

Par acte du 28 juin 2018, la SARL Les Primeurs du Sud a également fait assigner en référé, devant le président du tribunal de commerce de Toulon, la SCI Megrine aux fins de l'enjoindre à reprendre possession des clés du local sous astreinte.

Les deux procédures ont été jointes et par ordonnance en date du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Toulon.

Par jugement en date du 22 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a:

- prononcé la résolution du contrat en date du 1er décembre 2017 liant la SCI Megrine à la SARL Les Primeurs du Sud,

- rejeté les demandes en exécution forcée du contrat et en paiement des loyers,

- rejeté la demande de remboursement des loyers versés,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour perte d'exploitation,

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Megrine,

- ordonné à la SCI Megrine de venir reprendre les clefs de son local sous astreinte de 10 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la SCI Megrine à verser à la SARL Les Primeurs du Sud la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Megrine aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu principalement que s'agissant de la résolution du contrat:

- il ressort du bail et de la liste des annexes que les documents spécifiques aux risques technologiques et naturels ne sont pas produits, la seule mention d'un classement Seveso sans plus de précision ne permet pas de considérer que le bailleur a satisfait à son obligation d'information, en violation de l'article L 125-5 du code de l'environnement,

- c'est d'autant plus insuffisant qu'il ressort des pièces produites que la situation juridique et l'étendue des possibilités d'exploitation des fonds sont peu claires,

- il convient d'ordonner la résolution du contrat, de sorte que les demandes en exécution forcée et en paiement des loyers ne peuvent qu'être rejetées.

Par déclaration en date du 16 septembre 2021, la SCI Megrine a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 11 avril 2025, la SCI Megrine demande à la cour de:

Vu l'article L 125-5 du code de l'environnement,

Vu les articles L 145-1, L 145-2 et L 145-5 du code de commerce,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon, notamment le prononcé de la résolution du contrat de bail en date du 1er décembre 2017,

- débouter la SARL Les Primeurs du Sud des fins de sa demande de résolution dudit contrat et de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires,

- juger que la SARL Les Primeurs du Sud a manqué à son obligation d'exploiter ledit fonds, objet du contrat de bail,

- condamner la SARL Les Primeurs du Sud à payer à la SCI Megrine la somme de 43.650,43 € au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 30 juin 2020, terme du bail dérogatoire, outre intérêts au taux légal au fur et à mesure de l'échéance de chaque terme avec anatocisme annuel,

- condamner la SARL Les Primeurs du Sud à payer à la SCI Megrine la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner la SARL Les Primeurs du Sud à payer à la SCI Megrine la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel, et également la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles et dépens exposés en première instance, recouvrés par M Philippe Barbier, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux de première instance et ceux d'appel par la SCP Buvat Tiebel,

- débouter la SARL Les Primeurs du Sud de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La SARL Les Primeurs du Sud, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2025, demande à la cour de:

Vu l'article L 125-5 du code de l'environnement,

Vu les articles 1104, 1137, 1191, 1178 et 1188 du code civil,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Toulon en ce qu'il a:

* prononcé la résolution du contrat en date du 1er décembre 2017 liant la SCI Megrine à la SARL Les Primeurs du Sud,

* rejeté les demandes en exécution forcée du contrat et en paiement des loyers,

* rejeté la demande remboursement des loyers versés,

* rejeté la demande de dommages et intérêts pour perte d'exploitation,

* rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Megrine,

* ordonné à la SCI Megrine de venir reprendre les clefs de son local sous astreinte de 10 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

* condamné la SCI Megrine à verser à la SARL Les Primeurs du Sud la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la SCI Megrine aux dépens,

* ordonné l'exécution provisoire,

- débouter la SCI Megrine de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

- condamner la SCI Megrine à payer à la SARL Les Primeurs du Sud la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Morgan Daudé-Maginot, avocat, représentée par Me Daudé-Maginot.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 22 avril 2025.

MOTIFS

Sur la résolution du contrat de bail

Les parties sont en l'état d'un ' bail de courte durée en application de l'article L 145-5 du code de commerce' conclu entre la SCI Megrine, bailleur, et la la SARL Les Primeurs du Sud , preneur, portant sur un local commercial quartier [Adresse 4] d'une surface plancher de 140 m² environ, se décomposant comme suit:

- hangar à usage commercial ( n°4c)

- aire de parking et un accès dont le preneur jouira avec les autres occupants de l'ensemble immobilier.

Ledit bail a été conclu et accepté pour une durée de 36 mois entiers et consécutifs, qui commencera à courir à compter du 1er juillet 2017 pour se terminer le 30 juin 2020, étant précisé que cette durée ne sera susceptible d'aucune reconduction et expirera effectivement le 30 juin 2020, même à défaut de dénonciation à cette date.

Il est indiqué que le preneur devra ' utiliser les locaux loués à usage exclusif de stockage de fruits et légumes; le tout sans apporter de gène visuelle ou de déplacement aux autres locataires de l'immeuble. Il ne pourra, à peine de résiliation du présent bail, modifier, changer ou compléter ces destinations, sous aucun prétexte, par substitution ou addition d'autres activités même momentanément ou prétexte pris des usages locaux.'

Le montant du loyer annuel convenu entre les parties était fixé à la somme de 13.800 €, soit 3.450 € par trimestre, hors taxes et hors charges.

Au soutien de sa demande de résolution du contrat de bail liant les parties, la SARL Les Primeurs du Sud se prévaut:

- d'une part, de la violation de l'obligation d'information mise à la charge du bailleur en vertu de l'article L 125-5 du code de l'environnement, lui imposant la production d'un état des risques naturels et technologiques lors de la conclusion du bail,

- d'autre part, de la mauvaise foi et des manoeuvres dolosives utilisées par la SCI Megrine.

Sur l'obligation de produire un état des risques naturels et technologiques

La SCI Megrine fait grief au premier juge d'avoir prononcé la résolution du contrat de bail, au visa de l'article L 125-5 du code de la consommation, alors qu'une telle obligation ne s'imposait pas dès lors que les parties sont liées par un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux et que la société intimée ne peut utilement soutenir qu'elle aurait accepté de déroger à un tel statut seulement sur la durée, ce qui ne repose sur aucun élément probant.

La société intimée sollicite, pour sa part, la confirmation du jugement querellé, au motif que le bailleur n'a pas respecté son obligation d'information, en faisant valoir que les parties n'ont pas souhaité déroger au statut des baux commerciaux concernant les conditions dans lesquelles le fonds allait être exploité.

Selon l'article L 125-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable au présent litige,

' I. - Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, dans des zones de sismicité ou dans des zones à potentiel radon définies par voie réglementaire, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence de ces risques.

II. En cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

L'état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce.

III. Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte.

IV. Lorsqu'un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité en application de l'article L. 125-2 ou de l'article L. 128-2 du code des assurances, le vendeur ou le bailleur de l'immeuble est tenu d'informer par écrit l'acquéreur ou le locataire de tout sinistre survenu pendant la période où il a été propriétaire de l'immeuble ou dont il a été lui-même informé en application des présentes dispositions. En cas de vente de l'immeuble, cette information est mentionnée dans l'acte authentique constatant la réalisation de la vente.

V. En cas de non-respect des dispositions du présent article, l'acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.'

Il ressort du paragraphe II de cet article, que l'état des risques naturels et technologiques fourni par le bailleur est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L 145-1 et L 145-2 du code de commerce.

Or, la convention litigieuse est 'un bail de courte durée en application de l'article L 145-5 du code de commerce ' qui prévoit que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans.

Il est rappelé en préambule de ce contrat que ' Le bailleur donne par les présentes, à bail à loyer en application de l'article L 145-5 du code de commerce, au preneur qui accepte, les locaux à usage commercial dont la désignation suit. De convention expresse entre les parties, le présent bail est exclu du champ d'application du chapitre V du titre IV du code de commerce, aux dispositions duquel les parties entendent formellement déroger.'

Le bail de courte durée est un contrat de louage de droit commun régi par les dispositions des articles 1709 et suivants du code civil.

Les termes de la convention signée, notamment le résumé en préambule, sont parfaitement clairs quant à la nature du bail conclu, à savoir un bail de courte durée , et à la non application du statut des baux commerciaux. La SARL Les Primeurs du Sud, commerçante inscrite au registre du commerce et des sociétés, est un professionnel qui n'a pu se méprendre sur le sens du contrat qu'elle signait parfaitement. Elle était ainsi parfaitement informée, de la nature et des conditions du bail souscrit et ne peut prétendre avoir accepté de déroger au statut des baux commerciaux uniquement pour la durée mais non concernant les conditions d'exploitation du fonds, ce qui ne ressort pas du bail liant les parties stipulant ne préambule que 'De convention expresse entre les parties, le présent bail est exclu du champ d'application du chapitre V du titre IV du code de commerce, aux dispositions duquel les parties entendent formellement déroger.' mettant en évidence que l'ensemble de la convention est exclu du champ d'application des baux commerciaux et non uniquement les dispositions relatives à la durée.

En outre, l'article L 145-5 est suffisamment clair et ne permet pas aux cocontractants de faire le tri dans les dispositions du bail commercial qu'ils souhaitent voir appliquer au contrat qu'ils régularisent au détriment d'autres.

Ainsi, l'obligation de joindre au contrat de bail un état des risques naturels et technologiques ne s'imposait pas à la SCI Megrine en ce que le contrat liant les parties était exclu du champs d'application des baux commerciaux.

Par voie de conséquence, le premier juge ne pouvait prononcer la résolution du bail de courte durée en raison de l'absence, dans la liste des annexes, de documents spécifiques aux risques technologiques et naturels. sur le fondement de l'article L 125-5 du code l'environnement.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur la mauvaise foi et les manoeuvres dolosives de la SCI Megrine

A titre subsidiaire, la SARL Les Primeurs du Sud considère, au visa de l'article 1178 du code civil, que le bail qui lui a été consenti est nul et s'appuie sur un courrier de la commune de [Localité 3] du 9 octobre 2018 lui confirmant l'impossibilité d'accueillir du public mais également d'exercer une activité d'entreposage de fruits et légumes en ce le fonds était installé en zone Seveso et que le bâti existant souffre d'un défaut de base légale, de sorte que le fonds devenait une coquille vide totalement inexploitable.

Elle soutient que la SCI Megrine, pourtant parfaitement informée de cette situation et ne lui a jamais communiqué le moindre élément en ce sens au moment de la signature du bail alors que de telles informations étaient déterminantes de son consentement. Elle ajoute qu'elle souhaitait souscrire un bail commercial afin d'accueillir du public pour faire également de la vente dans la future zone d'entreposage et qu'elle n'a pas appréhendé la notion de ' destination' dans le bail, pensant de bonne foi que la notion de la commercialité insérée dans la rédaction de la première partie du bail suffisait à l'autoriser à réceptionner du public ainsi qu'à réaliser la vente de fruits et légumes sur place. Elle fait ainsi grief à la bailleresse de lui avoir laissé croire qu'elle pouvait accueillir du public et de lui avoir également affirmé que le local se trouvait dans une zone économique en développement, alors qu'elle savait au contraire que ladite zone connaissait un grave déclin.

Selon l'article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne le constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

L'article 1137 du même code dispose le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Il ressort de l'article 3 du contrat de bail que la société Les Primeurs du Sud devait utiliser les locaux loués 'à usage exclusif de stockage de fruits et légumes' et n'a pas pu se méprendre, comme elle l'affirme, sans fournir le poindre élément probant, sur le sens de cette clause de destination, qui ne prévoyait pas l'accueil du public. La circonstance que l'article 1 désigne les lieux loués comme un local commercial comprenant un hangar à usage commercial n'est pas de nature à créer une confusion dans l'esprit de la preneuse qui n'a pas pu considérer que cela signifiait qu'elle pouvait accueillir du public pour faire également de la vente de fruits et légumes, ce qui est formellement proscrit par l'article 3 du bail ' destination des lieux, enseigne-autorisation administratives- utilisation des locaux loués ' qui stipule que ' le preneur devra utiliser les locaux loués à usage exclusif de stockage de fruits et légumes; le tout sans apporter de gène visuelle ou de déplacement aux autres locataires de l'immeuble. Il ne pourra, à peine de résiliation du présent bail, modifier, changer ou compléter ces destinations, sous aucun prétexte, par substitution ou addition d'autres activités même momentanément ou prétexte pris des usages locaux.'

En outre, le contrat litigieux comporte une clause 5.19 ainsi rédigée ' Dans le cadre d'une classification Seveso du site où est exploité le fonds commercial, le preneur fera son affaire personnelle de toute autorisation à obtenir auprès des administrations et collectivités compétentes pour exploiter en toute sécurité les locaux loués et devra procéder à tous travaux et/ ou aménagement afin que lesdits locaux respectent les normes d'hygiène et de sécurité en vigueur au jour de leur exploitation, de sorte que le bailleur ne soit jamais inquiété ni recherché pour le non respect par le preneur des dispositions qui précèdent'.

Il s'ensuit que la preneuse était informée de la situation des locaux dans un site classé Seveso et a accepté d'en faire son affaire personnelle.

La SARL Les Primeurs du Sud prétend que le fonds était en réalité une coquille vide totalement inexploitable, en s'appuyant sur un courrier qui a été adressé à son conseil par une adjointe déléguée au patrimoine bâti et aménagement urbain le 9 octobre 2018 soit plusieurs mois après qu'elle ait cessé unilatéralement d'exercé son activité, qui indique que ' Le fonds, dont la destination et le bâti existants souffrent d'un défaut de base légale sur le terrain cadastré (...) n'est pas compatible avec les dispositions réglementaires liées à l'installation classée Antargaz et ne peut être régularisé à ce jour'.

Or, la preneuse n'a jamais justifié avoir subi une intervention des services municipaux, ni une injonction de cessation d'activité, pas plus qu'elle n'a reçu la visite de la police municipale lui intimant l'ordre de fermer le local exploité.

Surtout, la SCI Megrine communique:

- un permis de construire et plusieurs permis modificatifs successifs délivrés entre 1994 et 1996, à une époque où le site Antargaz était déjà exploité, démontrant que les bâtiments lui appartenant ont été régulièrement édifiés,

- un extrait PLU du 30 octobre 2006 révisé en date du 15 décembre 2020 de la commune de [Localité 3] qui met en évidence que dans la zone UG , dont dépendant les bâtiments que la bailleresse possède, les activités autorisées visent des logements et commerces de toutes natures,

- divers permis de construire autorisant dès 1982 la construction d'entrepôts, de bureaux et de logement dans cette zone, attestant que l'accueil du public n'a jamais été prohibé.

La SARL Les Primeurs du Sud ne rapporte pas la preuve qui lui incombe ni d'une mauvaise foi, ni de manoeuvres de la part de son cocontractant, déterminantes de son consentement en ce que:

- elle était informée de la situation des locaux dans une zone classée Seveso et a expressément accepté d'en faire son affaire personnelle,

- le bail lui a été consenti à usage exclusif de stockage de fruits et légumes, excluant la vente de tels produits sur place et par là la réception du public,

- les bâtiments appartenant à la SCI Megrine ont été édifiés en vertu de différents permis de construire régulièrement obtenus,

- il existe d'autres fonds de commerce dans cette même zone recevant du public comme Décathlon ou le bowling de Provence,

- elle ne justifie d'aucun trouble dans l'exploitation de son activité, ni d'aucun incident ou décision de fermeture des locaux durant sa période d'occupation.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande subsidiaire tendant à la nullité du contrat.

Sur les demandes en paiement de la SCI Megrine

Le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de bail du 1er décembre 2017 et la SARL Les Primeurs du Sud étant également déboutée de sa demande tendant à la nullité du contrat, il convient de statuer sur les demandes de la SCI Megrine qui sollicite la condamnation de la preneuse à lui verser la somme de 43.650, 43 € au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêté au 30 juin 2020.

A la lecture du bail dérogatoire, la SARL Les Primeurs du Sud devait utiliser les locaux loués à usage exclusif de stockage de fruits et légumes ( article 3).

Elle était par ailleurs, tenue en application de l'article 10.1, d'exploiter personnellement les locaux pendant la durée du bail consenti, soit 36 mois.

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier des 12, 15 et 20 juin 2018 que la SARL Les Primeurs du Sud a unilatéralement décidé, en infraction avec les clauses du bail, de cesser toute exploitation des locaux et de quitter les lieux, en dépit de l'opposition exprimée par la SCI Megrine. Comme le souligne cette dernière, seule une résiliation amiable consentie par toutes les parties aurait permis à la preneuse de se délier de son obligation d'exploiter le fonds jusqu'au terme convenu, à savoir le 30 juin 2020.

La SCI Megrine communique en pièce 11 un décompte actualisé de sa créance arrêtée à la somme de 43.650,43 € TTC au 30 juin 2020 correspondant aux loyers et charges dont la SARL Les Primeurs du Sud est redevable à cette date qui correspond à la fin du bail contractuellement convenue entre les parties.

Ce décompte n'est pas utilement contesté par l'intimée qui sera donc condamnée au paiement de cette somme qui produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

A la demande du créancier, la capitalisation des intérêts sera également ordonnée.

La SCI Megrine sollicite l'allocation d'une somme complémentaire de 10.000 € à titre de dommages et intérêts mais échoue à rapporter la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant du simple retard dans le paiement des sommes qui lui sont dues, lequel est déjà compensé par l'octroi d'intérêts de retard.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon,

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution du contrat de bail en date du 1er décembre 2017,

Déboute la SARL Les Primeurs du Sud de l'intégralité de ses demandes

Condamne la SARL Les Primeurs du Sud à payer à la SCI Megrine la somme de 43.650,43 € TTC au titre des loyers et charges arrêtés au 30 juin 2020, terme du bail dérogatoire,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne, à la demande du créancier, la capitalisation des intérêts,

Déboute la SCI Megrine du surplus de ses demandes indemnitaires,

Condamne la SARL Les Primeurs du Sud à payer à la SCI Megrine la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Les Primeurs du Sud aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

Le Greffier, La Présidente,

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