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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 4 septembre 2025, n° 22/02815

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/02815

4 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025

(n° 123 /2025, 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/02815 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGE3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2021 - Tribunal judiciaire d'Evry (8ème chambre) - RG n° 16/03962

APPELANTE

S.A. SOCIETE FONCIERE [Localité 7] LANGUEDOC

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 7] sous le n° 612 032 375

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Matthieu Boccon Gibod de la Selarl LX Paris-Versailles-Reims, avocat au barreau de Paris, toque : C2477

Assistée de Me Danielle Smolders du cabinet De Gaulle Fleurance et Associés, avocat au barreau de Paris, toque : K35

INTIMÉE

S.A.S. L'IMMOBILIERE DU GROUPE CASINO

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 428 269 856

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno Regnier de la SCP Regnier, avocat au barreau de Paris, toque : L0050

Assistée de Me Erwan le Douce Bercot du cabinet Jones Day, avocat au barreau de Paris, toque : J001

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 février 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Mme Nathalie Renard, présidente de chambre

Mme Stéphanie Dupont, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par deux actes sous seing privés du 11 septembre 1997, la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc (ci-après la société foncière [Localité 7] Languedoc) a donné à bail commercial à la société Saint Michel Distribution, aux droits de laquelle vient désormais la société L'Immobilière Groupe Casino, divers locaux au sein d'un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 9] (91).

Aux termes du bail A, dit bail 'réserves + centre auto', les biens loués sont composés de :

' - une partie de terrain sur laquelle sont édifiés des locaux d'exploitation devant être détruits et reconstruits par le preneur, à ses frais exclusifs, après avoir obtenu toutes les autorisations administratives nécessaires, figurant sous teinte bleue sur le plan annexé,

- une partie de terrain sur laquelle sont édifiés une station service, un centre auto, une aire de lavage, figurant sous teinte verte sur le plan annexé.'

Les biens loués sont à destination de bureaux et réserves sur la parcelle sous teinte bleue et de centre auto, station service, aire de lavage sur la parcelle sous teinte verte.

Le loyer initial hors charges (HC) et hors taxes (HT) est de 802 800 francs par an.

La durée du bail est de 12 ans.

Aux termes du bail B, dit bail 'surface de vente', les biens loués sont composés d' 'une surface commerciale ouverte au public et destinée à la vente, pour une superficie totale approximative et non garantie d'environ deux mille mètres carrés (2000 m²)', les parties convenant en outre 'd'étendre l'assiette du bail par adjonction d'une boutique de 184 m², tel que défini en bleu sur le plan ci-annexé, et ce au plus tard dans un délai de six mois suivant la prise d'effet du présent bail'.

Les biens loués sont à destination de 'grande distribution commerciale de denrées de tous ordres à l'exception de la vente d'hydrocarbures ou de produits dérivés ou de tous produits toxiques ou dangereux interdits à la vente par suite de dispositions administratives que ce soit en raison de la nature des produits ou des quantités stockées'.

Le loyer annuel initial HC et HT est de 1 600 000 francs et de 1 847 200 francs à compter de la prise d'effet de l'extension de l'assiette du bail.

La durée du bail est de 12 ans.

Par avenant du 24 août 2007 au bail A, les parties sont notamment convenues :

- de la résiliation du bail B lors de la prise d'effet de l'avenant du 24 août 2027 au bail A,

- de la réintégration à l'assiette du bail A des biens qui faisaient précédemment l'objet du bail B,

- d'une durée du bail de 12 années entières et consécutives à compter de la prise d'effet de l'avenant,

- d'un loyer annuel HC et HT de 516 010,39 euros outre un complément de loyer de 60 000 euros par an à compter du 20 janvier 2012.

Par exploit d'huissier du 8 avril 2016, la société L'Immobilière Groupe Casino a fait assigner la société foncière [Localité 7] Languedoc devant le tribunal judiciaire d'Évry, pour voir dire que la clause d'indexation stipulée dans l'avenant du 24 août 2007 est réputée non écrite et condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à lui rembourser le trop-perçu des loyers à compter du 14 septembre 2007.

En cours d'instance, la société L'Immobilière Groupe Casino a en outre sollicité le remboursement des provisions sur charges.

Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Evry a :

dit que l'action de la société L'Immobilière Groupe Casino tendant à voir déclarer non écrite la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 était recevable ;

déclaré irrecevables les demandes de remboursement de loyers et charges pour la période antérieure au 8 avril 2011 ;

déclaré la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 non écrite ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 251 710 euros HT et HC au titre du trop-perçu de loyer arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ce jusqu'à parfait paiement ;

ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino les charges indûment payées à compter du 1er octobre 2013 pour un montant de 1 065 440 euros, 3ème trimestre 2021 inclus ;

dit que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande ;

rappelé que la présente décision était exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 4 février 2022, la société foncière [Localité 7] Languedoc a interjeté appel du jugement en critiquant tous les chefs du dispositif à l'exception de celui qui a déclaré irrecevables les demandes de remboursement des loyers et charges pour la période antérieure au 8 avril 2011.

L'ordonne de clôture a été prononcée le 15 janvier 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er juillet 2024, la société foncière [Localité 7] Languedoc demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien-fondée en son appel ;

Y faisant droit,

infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions et en particulier en ce qu'il a :

dit que l'action de la société L'Immobilière Groupe Casino tendant à voir déclarer non écrite la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 est recevable ;

déclaré la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 non écrite ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 251 710 euros HT et HC au titre du trop-perçu de loyer arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ce jusqu'à parfait paiement ;

ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino les charges indûment payées à compter du 1er octobre 2013 pour un montant de 1 065 440 euros, 3ème trimestre 2021 inclus ;

dit que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande ;

rappelé que le jugement était exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires , mais uniquement lorsqu'il déboute la société foncière [Localité 7] Languedoc de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

juger irrecevable et mal fondée la société L'Immobilière Groupe Casino en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

1) Sur la clause d'indexation

A titre principal,

débouter la société L'Immobilière Groupe Casino de l'intégralité de ses prétentions ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à restituer la somme de 1 502 602,09 euros et à payer à la Société Foncière [Localité 7] Languedoc les intérêts au taux légal sur cette somme depuis la date de son paiement, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an dans les termes de l'article 1154 du code civil ;

condamner en sus la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc,

la somme de 1 110 815,95 euros HT (soit 1 332 956,63 Euros TTC) au titre des loyers impayés, suivant décompte arrêté au 4ème trimestre 2023 (à parfaire), augmenté des intérêts de retard au taux contractuel de 10 % à compter du 17 novembre 2016 et au taux légal en vigueur à compter de chacune des échéances concernées ;

la somme de 68 329,34 euros au titre du complément de garantie ;

A titre subsidiaire,

débouter la société L'Immobilière Groupe Casino de l'intégralité de ses prétentions ;

juger que seule la mention d'un plancher à la baisse peut être réputée non écrite ;

juger que les demandes de la société L'Immobilière Groupe Casino portant sur la période antérieure au 8 avril 2011 sont irrecevables comme prescrites ;

juger que la créance de restitution ne pouvait être calculée sur la base du loyer initial mais ne pouvait l'être que sur celle du loyer acquitté au 8 avril 2011, date du point de départ de la prescription, soit le loyer annuel HT/HC de 602 735,43 euros ;

En conséquence,

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à restituer la somme de 1 502 602,09 euros et payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc les intérêts au taux légal sur cette somme depuis la date de son paiement, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an dans les termes de l'article 1154 du code civil ;

condamner en sus la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc,

la somme de 868 397,43 euros HT (soit 1 042 054,41 euros TTC) au titre des loyers impayés, suivant décompte arrêté au 4ème trimestre 2023 (à parfaire), augmenté des intérêts de retard au taux contractuel de 10 % à compter du 17 novembre 2016 et au taux légal en vigueur à compter de chacune des échéances concernées ;

la somme de 38 559,70 euros au titre du complément de garantie ;

Plus subsidiairement encore, à supposer que la cour écarte du bénéfice de la prescription quinquennale le loyer indexé au 1er février 2011,

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à restituer la somme de 1 502 602,09 euros et payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc, les intérêts au taux légal sur cette somme depuis la date de son paiement, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an dans les termes de l'article 1154 du code civil ;

condamner en sus la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc,

la somme de 380 577,74 euros HT (soit 457 038,90 euros TTC) au titre des loyers impayés, suivant décompte arrêté au 4ème trimestre 2023 (à parfaire), augmenté des intérêts de retard au taux contractuel de 10% à compter du 17 novembre 2016 et au taux légal en vigueur à compter de chacune des échéances concernées ;

la somme de 26 904,65 euros au titre du complément de garantie ;

2) Sur les charges

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à restituer la somme de 1 065 661,85 euros et payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc les intérêts au taux légal sur cette somme depuis la date de son paiement, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an dans les termes de l'article 1154 du code civil ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc la somme de 545 734,49 euros (à parfaire, notamment par régularisation des calculs de répartition de la taxe foncière) au titre de la régularisation des charges locatives depuis le 1er octobre 2013, suivant décompte arrêté au 31 décembre 2023 ;

3) En tout état de cause,

débouter au surplus la société L'Immobilière Groupe Casino de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc une indemnité d'un montant égal à celui qui lui serait alloué dans l'hypothèse d'une remise en cause totale ou partielle de la clause d'indexation et/ou de la méthode de répartition des charges ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en réparation de ses préjudices matériel, moral et d'image ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables causées par l'exécution provisoire du jugement du 16 décembre 2021 ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à verser à la société foncière [Localité 7] Languedoc la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonner toute compensation utile entre les sommes qui resteraient dues entre les parties ;

condamner la société L'Immobilière Groupe Casino aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société foncière [Localité 7] Languedoc fait valoir :

Sur la clause d'indexation,

- que la limitation à la hausse du jeu de la clause d'indexation ne contrevient ni aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce ni aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ;

- que la Cour de cassation a identifié ce principe pour la première fois dans son arrêt du 14 janvier 2016 (n° 14-24.681) ; qu'elle a ensuite tiré ce principe des dispositions des articles L. 145-39 et L. 145-15 du code de commerce dans ses arrêts du 30 juin 2021 (n° 19-23.038) et du 12 janvier 2022 (n° 21-11.169) ; que la portée ainsi donnée à l'article L. 145-39 du code de commerce par la Cour de cassation et la sanction retenue méconnaissent les impératifs constitutionnels en ce que l'article L. 145-39 du code de commerce n'a pas pour objet d'encadrer les conditions de validité d'une clause d'indexation, par ailleurs conforme aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ; qu'aucun motif sérieux n'est susceptible de légitimer la remise en cause d'une clause d'indexation volontairement adoptée par les parties dès 1997, exécutée et confirmée à plusieurs reprises par les parties ultérieurement ;

- qu'à la date de l'assignation, tant la prescription biennale que la prescription quinquennale de droit commun étaient expirées ;

- que la société L'Immobilière Groupe Casino a elle-même volontairement appliqué la limitation à la hausse du jeu de la clause d'indexation, notamment au titre de l'indexation de l'année 2010 (première indexation à la baisse), renonçant ainsi à se prévaloir de l'irrégularité de cette clause ;

- que par la suite, lors de la conclusion d'un avenant le 8 mars 2012, qui n'est finalement pas entrée en vigueur, la société L'Immobilière Groupe Casino a réitéré son accord pour que la clause d'indexation ne s'applique pas à la baisse ;

- que contrairement à ce que soutient la société L'Immobilière Groupe Casino, le loyer convenu dans l'avenant de 2007, qui n'est que l'addition des loyers des baux A et B indexés pour la dernière fois le1er février 2007 sur la base de l'indice INSEE du 3ème trimestre 2006, a été indexé sans qu'une distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire et la durée entre deux révisions n'intervienne ;

- que contrairement à ce que soutient la société L'Immobilière Groupe Casino, le complément de loyer de 60 000 euros n'a pas été actualisé au 20 janvier 2012 puis indexé le 1er février 2012 ; que seul le loyer initial a été indexé le 1er février 2012 avant que n'y soit additionné le complément, le tout étant indexé pour la première fois le 1er février 2013 ;

- à titre subsidiaire, que seule la partie illégale de la clause d'indexation doit être réputée non écrite, ce qui conduirait à appliquer l'indexation à la hausse comme à la baisse ; que l'élimination de toute indexation dénaturerait la volonté des parties ; que l'indexation du loyer est un élément essentiel et déterminant de l'engagement des parties ; que les termes qui font référence à l'évolution à la hausse du loyer au sein de la clause d'indexation sont parfaitement séparables des autres termes de la clause ;

- que l'action en restitution de l'indu est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil de sorte que l'action introduite par la société L'Immobilière Groupe Casino le 8 avril 2016 ne peut avoir pour effet de permettre la restitution des sommes versées avant le 8 avril 2011 ; que le premier juge a, par erreur, pris en compte le loyer payé le 1er avril 2011 au titre du 2ème trimestre 2011 dans le calcul des sommes restituables ;

Sur la régularisation des charges,

- qu'aux termes des baux A et B dont l'avenant de 2007 est la continuation, la société L'Immobilière Groupe Casino est tenue d'acquitter toutes les charges afférentes aux locaux loués, en ce compris la quote-part des charges appelées au titre des conventions conclues avec le syndicat secondaire A ; que cette quote-part, soit 70,01 %, est calculée au prorata des surfaces utiles louées par la société foncière [Localité 7] Languedoc à la société L'Immobilière Groupe Casino ;

- que la société L'Immobilière Groupe Casino sait qu'il n'existe pas de règlement de copropriété de la copropriété [Adresse 3] ainsi que cela est indiqué dans les baux de 1997 ; que ces baux comprennent le détail des états descriptifs de division de la copropriété 446 RN, publiés au service de la publicité foncière ; que le dernier état descriptif de division de la copropriété 446 RN daté du 8 novembre 2013 a été produit ainsi qu'une attestation notariale du 21 juin 2018 pour établir la propriété de la société foncière [Localité 7] Languedoc au sein de la copropriété [Adresse 3] ;

- que la restructuration du centre commercial voulue par le Groupe Casino en 1997 a conduit à une imbrication des surfaces appartenant à la société foncière [Localité 7] Languedoc, initialement autonomes, au sein du centre commercial ;

Sur la mauvaise foi de la société L'Immobilière Groupe Casino,

- qu'après avoir exécuté ses obligations pendant des années sans la moindre réserve et avoir obtenu de son cocontractant de nombreux arrangements, la société L'Immobilière Groupe Casino a opéré un revirement brutal en saisissant le premier juge à un moment où elle avait choisi de délaisser la galerie commerciale pour ne plus se préoccuper que de l'hypermarché ;

- que la société L'Immobilière Groupe Casino multiplie les manoeuvres, en ne produisant pas les plans du site, pour échapper aux obligations souscrites aux termes de l'avenant de 2007 et instaurer une relation de domination au détriment de la société foncière [Localité 7] Languedoc ;

- que ces manoeuvres interviennent dans le contexte du renouvellement du bail ;

- que l'attitude de la société L'Immobilière Groupe Casino, dont la demande inopinée et tardive de remboursement de la totalité des charges, caractérise un abus de son droit d'agir en justice qui doit être sanctionné sur le fondement des articles 1240 et 32-1 du code civil ;

- que la société foncière [Localité 7] Languedoc subit des préjudices matériel, moral et d'image;

- que le préjudice subi par la société foncière [Localité 7] Languedoc ne saurait être inférieur à la somme qui serait allouée à la société L'Immobilière Groupe Casino par suite de la remise en cause de la clause d'indexation et/ou du calcul des charges ;

- que la société foncière [Localité 7] Languedoc sollicite des dommages et intérêts complémentaires de 100 000 euros compte-tenu du comportement dolosif de la société L'Immobilière Groupe Casino et eu égard à la dépréciation du bien loué et de son revenu locatif ainsi qu'à son préjudice moral et d'image ;

Sur les conséquences de l'exécution provisoire

- que la société L'Immobilière Groupe Casino a fait exécuter le premier jugement ; que le paiement d'une somme totale de près de 3 millions d'euros a désorganisé la gestion de la société foncière [Localité 7] Languedoc et a conduit cette dernière à remettre en cause des investissements en cours ; que la société L'Immobilière Groupe Casino doit réparer, sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, même en l'absence de faute, les conséquences dommageables subies par la société foncière [Localité 7] Languedoc.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 juillet 2024, la société L'immobilière Groupe Casino demande à la cour de :

A titre principal :

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 16 décembre 2021 en ce qu'il a :

dit que l'action de la société L' Immobilière Groupe Casino tendant à voir déclarer non-écrite la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 était recevable ;

déclaré la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 non écrite ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 251 710 euros HT et HC au titre du trop-perçu de loyer arrêté au 3e trimestre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ce jusqu'à parfait paiement ;

ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 065 440 euros, au titre des charges indument payées, 3e trimestre 2021 inclus ;

dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;

ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino France la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande ;

rappelé que la décision était exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

débouté la société foncière [Localité 7] Languedoc France de sa demande de condamnation de la société L'Immobilière Groupe Casino France à verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Conformément aux dispositions de l'article 566 du code de procédure civile,

condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 441 981 € à parfaire, au titre des charges dues entre le 1er décembre 2021 et le 30 novembre 2023 ;

limiter toute condamnation prononcée à l'encontre de la société L'Immobilière Groupe Casino à la somme de 2 844€ HT soit 3 413€ TTC au titre de l'indexation entre le 4e trimestre de l'année 2021 et le mois de novembre 2023, à parfaire ;

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 16 décembre 2021 en ce qu'il a :

déclaré irrecevables les demandes de remboursement des loyers et charges pour la période antérieure au 8 avril 2011 ;

débouté la société L'Immobilière Groupe Casino de ses plus amples demandes et notamment de sa demande de restitution du dépôt de garantie ;

Statuant à nouveau :

condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à verser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 243 986 € euros toutes taxes comprises, à parfaire, au titre de l'indexation des loyers facturés entre le 14 septembre 2007 et le 1er avril 2011, outre les intérêts sur cette somme calculés avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 (article 1343-2 nouveau) du code civil ;

condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à verser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 16 785,45 euros au titre de l'ajustement du dépôt de garantie depuis le 14 septembre 2007, outre les intérêts sur cette somme calculés avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 (article 1343-2 nouveau) du code civil ;

A titre subsidiaire,

En cas de réformation du jugement uniquement en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à restituer l'indexation depuis le 1er avril 2011 et s'il était considéré que la prescription quinquennale s'applique à compter du 8 avril 2011 :

condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Casino le trop-perçu de loyer à compter du 8 avril 2011 jusqu'au 30 novembre 2023 inclus pour un montant de 1 245 458€ HT soit 1 493 823€ TTC, sauf à parfaire ;

En cas de réformation du jugement en ce qu'il a réputé non-écrite la clause d'indexation en son entier et s'il était considéré que la clause d'indexation est divisible et doit être maintenue en supprimant uniquement la clause limitant la variation à la hausse :

débouter la société foncière [Localité 7] Languedoc de sa demande de condamnation de la société Immobilière Groupe Casino ;

limiter toute condamnation prononcée à l'encontre de la société L'Immobilière Groupe Casino à la somme de 342 765€ HT soit 411 123€ TTC, sauf à parfaire ;

A titre encore plus subsidiaire, en cas de réformation du jugement en ce qu'il a réputé non-écrite la clause d'indexation et s'il était considéré que la clause d'indexation est licite et peut être maintenue entièrement :

limiter toute condamnation prononcée à l'encontre de la société L'Immobilière Groupe Casino au titre de l'arriéré d'indexation depuis le deuxième trimestre 2011 à la somme de 406.034€ HT soit 486.963€ TTC, sauf à parfaire,

En tout état de cause :

condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc au paiement de la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Bruno Régnier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

débouter la société foncière [Localité 7] Languedoc de sa demande de réparation au titre des conséquences de l'exécution provisoire ;

ordonner la compensation entre toutes les condamnations prononcées à l'encontre des parties dans le cadre de la présente instance.

La société L'Immobilière Groupe Casino fait valoir :

Sur la confirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 16 décembre 2021 en ce qu'il a jugé que la clause d'indexation du bail A réitérée dans l'Avenant de 2007 devait être réputée non écrite,

- que la clause d'indexation du loyer prévue à l'article 13 de l'avenant de 2007 contrevient aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier en ce que :

* elle conduit à une distorsion prohibée, dès la première année, entre la période de variation de l'indice (1 an ) et la période s'écoulant entre la date de prise d'effet de l'avenant, le 14 septembre 2017, et la date de la 1ère révision, le 1er février 2018, (5 mois) ; que contrairement à ce que soutient la société foncière [Localité 7] Languedoc, le loyer fixé aux termes de l'article 10 de l'avenant du 24 août 2027 est nouveau, peu important que son montant soit égal à la somme des loyers du bail A et du bail B en vigueur antérieurement ; que la clause d'indexation aurait dû être amendée pour tenir compte des changements dans les termes du bail introduits par ledit avenant ;

* elle conduit à une nouvelle distorsion prohibée lors de la première indexation qui suit l'entrée en vigueur du loyer complémentaire dès lors que le loyer complémentaire, entrée en vigueur le 20 janvier 2012, s'est vu indexé en prenant en compte la variation de l'indice sur une année entière ;

* elle stipule que l'indexation ne s'applique que si elle conduit à une hausse du loyer, ce qui implique de se référer, en cas de baisse, à une indice remontant à plus d'une année ;

- que la clause d'indexation contrevient aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce en ce qu'elle exclut l'indexation du loyer en cas de baisse du loyer ;

- que l'exécution par la société L'Immobilière Groupe Casino de la clause d'indexation ne vaut pas renonciation à se prévaloir de son illicéité ;

- que les stipulations de la clause d'indexation sont indivisibles de sorte que la clause doit être réputée non écrite dans son intégralité ; que l'exclusion de l'ajustement à la baisse faisait partie intégrante de l'esprit de l'indexation de sorte que la clause est indivisible ; que maintenir partiellement la clause d'indexation en ne supprimant que son mécanisme illégal conduirait à dénaturer l'accord des parties ;

- que les moyens de la société foncière [Localité 7] Languedoc tirée de sa bonne volonté et du fait que les parties auraient modifié leurs accords pour tenir compte d'une perte de valeur de l'ensemble immobilier ne justifient pas que des stipulations illicites d'un contrat ne soient pas sanctionnées ;

Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré l'action en restitution prescrite pour les sommes antérieures au 8 avril 2011

- que la demande de restitution des sommes payées au titre de la clause d'indexation réputée non écrite n'est pas prescrite pour la période antérieure au 8 avril 2011 ; qu'une clause réputée non écrite étant censée n'avoir jamais existé, les parties doivent être remises dans la situation antérieure à l'entrée en vigueur de ladite clause ;

- que la prescription applicable à la restitution des sommes payées au titre de la clause d'indexation réputée non écrite est la prescription de droit commun et non la prescription applicable en matière de répétition de l'indu, l'avenant de 2007 étant antérieur à la loi n° 2008-564 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, cette prescription est de 30 ans ;

- qu'en cas d'application de la prescription quinquennale, la créance de restitution doit être calculée sur la base du loyer initial et non sur la base du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription, le contraire revenant à laisser la clause d'indexation réputée non écrite, censée n'avoir jamais existé, produire ses effets jusqu'au point de départ de la prescription ;

- qu'en cas d'application de la prescription quinquennale, seule la somme payée au titre du loyer due pour la période du 1er au 7 avril 2011 doit être exclue de la créance de restitution et non la totalité du paiement effectué le 1er avril 2021 au titre du loyer du 2ème trimestre 2021 ;

Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société L'Immobilière Groupe Casino de sa demande de remboursement du dépôt de garantie,

- que l'article 19 de l'avenant stipule qu'à chaque variation du loyer, le dépôt de garantie sera modifié dans les mêmes proportions pour toujours représenter une échéance trimestrielle ;

- que le montant du dépôt de garantie versé par la société L'Immobilière Groupe Casino s'élève à 163 376,50 euros alors que compte-tenu du caractère non-écrit de la clause d'indexation, le montant du dépôt de garantie n'aurait pas dû évoluer depuis le 14 septembre 2007, hormis lors de l'entrée en vigueur du loyer complémentaire le 20 janvier 2012, et devrait donc être égal à 146 591,05 euros ;

Sur la demande de la société foncière [Localité 7] Languedoc de dommages et intérêts pour procédure abusive

- que la société L'Immobilière Groupe Casino demande de bonne foi l'application des dispositions légales ; que la signification par la société L'Immobilière Groupe Casino d'une demande de renouvellement de son bail ne saurait caractériser une manoeuvre ou la mauvaise foi de cette dernière, laquelle ne fait qu'user des droits qu'elle tient du statut des baux commerciaux ;

- que la société foncière [Localité 7] Languedoc ne justifie ni de la réalité ni du quantum des préjudices qu'elle allègue ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la prescription quinquennale s'appliquait n'était pas admise et si le jugement était infirmé en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à restituer la somme de 1 251 710,05€ HT,

- que les calculs de la société foncière [Localité 7] Languedoc à l'appui de ses demandes financières sont faux,

- que la prescription quinquennale est applicable à la demande de la société foncière [Localité 7] Languedoc de condamnation au titre des rappels d'indexation ;

Sur la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à restituer les charges,

- que le bailleur ne justifie pas de la réalité de ces coûts ;

- que la société foncière [Localité 7] Languedoc ne précise pas comment il calcule la quote-part qu'il applique à la locataire ;

- que le fait que la société L'Immobilière Groupe Casino soit copropriétaire de la copropriété 'syndicat secondaire A' ne décharge pas la bailleresse de la charge de la preuve du paiement des charges et de la conformité aux termes du bail de la refacturation desdites charges à la locataire ; que de même, le fait qu'une filiale du Groupe Casino, qui exploite certains locaux, ait réalisé des plans et/ou participé à des travaux dans la copropriété ne décharge pas la bailleresse de la charge de la preuve en la matière ;

Sur le rejet des demandes de la société foncière [Localité 7] Languedoc de condamnation de la société L'Immobilière Groupe Casino à indemniser des conséquences dommageables de l'exécution provisoire,

- que le montant de la demande de la société foncière [Localité 7] Languedoc n'est pas justifié.

Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

1- Sur les demandes relatives à l'indexation du loyer

1-1 Sur la demande de la société L'Immobilière Groupe Casino tendant à voir déclarer non écrite la clause d'indexation stipulée dans l'avenant du 24 août 2007

1-1-1 Sur la recevabilité de cette demande

Il est constant que l'action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n'est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405 ; 3e Civ., 16 novembre 2023, pourvoi n° 22-14.091 ; 3e Civ., 23 janvier 2025, pourvoi n° 23-18.643).

En conséquence et contrairement à ce que soutient la société foncière [Localité 7] Languedoc, l'action de la société L'Immobilière Groupe Casino tendant à voir déclarer non écrite la clause d'indexation stipulée dans l'avenant du 24 août 2007 n'est pas prescrite, étant observé que le bail était en cours au moment de l'entrée en vigueur de la Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 qui a modifié les dispositions de l'article L. 145-15 du code de commerce.

Par ailleurs, étant rappelé que la renonciation à un droit, lorsqu'elle est tacite, doit résulter de circonstances qui établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer, il apparait que l'application volontaire et spontanée de la clause d'indexation litigieuse par la société L'Immobilière Groupe Casino dans le passé n'établit pas sa volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir de son caractère illicite. En effet, il n'est pas établi la preuve qu'à l'époque où elle l'a appliquée de manière volontaire et spontanée, la société L'Immobilière Groupe Casino avait conscience du caractère illicite de la clause d'indexation qu'elle invoque dans le cadre de la présente instance.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit que l'action de la société L'Immobilière Groupe Casino tendant à voir déclarer non écrite la clause d'indexation stipulée par l'avenant du 24 août 2007 était recevable.

1-1-2 Sur le bien fondé de cette demande

Selon l'article L.112-1 du code monétaire et financier, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

En l'espèce, la clause d'indexation figurant à l'article 13 de l'avenant du 24 août 2007 est ainsi rédigée :

'13) Variation du loyer

Le montant du loyer est fixé par référence à l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE. L'indice de base est celui du 3ème trimestre 2006, valeur 1381.

Le valeur du loyer variera automatiquement de plein droit, et la première fois le 1er février 2008, mais en cas de hausse seulement - le loyer indiqué ci-dessus étant un minimum- chaque année le 1er février, proportionnellement à la variation du coût de la construction selon la formule suivante :

Nouveau loyer = loyer de base x indice de référence

indice de base

L'indice du coût de la construction publié par l'INSEE qui, au terme de chaque période annuelle servira de référence pour le calcul du coefficient de variation sera l'indice publié par l'INSEE pour le 3ème trimestre de l'année précédant la date de variation.

Les variations seront appliquées sans qu'il soit nécessaire d'accomplir quelconque formalité judiciaire ou extra-judiciaire aux échéances définies ci-dessus.

Par ailleurs, les parties conviennent expressément que la clause de variation ne s'appliquera que lorsque la variation de l'indice l'I.N.S.E.E. entrainera une augmentation de loyer. Dans le cas inverse, et jusqu'à application de la variation suivante, le montant restera au niveau atteint lors de la dernière fixation.

En cas de modification ou de remplacement de l'indice choisi, le nouvel indice sera de plein droit substitué à l'ancien dans les conditions et selon le coefficient de raccordement publié.

En cas de suppression de l'indice ci-dessus retenu, il sera remplacé par un nouvel indice déterminé d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, par un expert choisi par les parties sur la liste des experts des baux commerciaux. Si les parties ne s'entendent pas sur le choix de l'expert, celui-ci sera désigné par Monsieur le juge des loyers saisi par la partie la plus diligente.

Cette clause 'variation du loyer' est une condition essentielle et déterminante du présent avenant sans laquelle celui-ci n'aurait pas été conclu.'

Il est acquis que l'avenant du 24 août 2007 a pris effet le 14 septembre 2007 ainsi que cela résulte des conclusions des parties, concordantes sur ce point.

L'avenant du 24 août 2007 opère fixation d'un nouveau loyer à effet du 14 septembre 2007, peu important que ce loyer ait été déterminé par les parties en additionnant le loyer du bail A et le loyer du bail B en cours au moment de la conclusion de l'avenant. L'article 10 de l'avenant du 24 août 2007, intitulé 'loyer' stipule en effet que 'le présent avenant est consenti et accepté moyennant un loyer annuel hors charges et hors taxes de 516 010,39 € à compter de la date de prise d'effet du présent avenant'.

Dans ces conditions, il apparait que la clause d'indexation ci-dessus rappelée conduit, à chaque indexation annuelle du loyer, à une distorsion entre la période de variation du loyer et la période de variation de l'indice, la période de variation de l'indice étant systématiquement supérieure de plus de 7 mois à la période de variation du loyer.

En effet, l'indexation intervient le 1er février de chaque année alors que le loyer de base a pris effet le 14 septembre 2007. Il en ressort que lors de la première indexation, la période de variation du loyer est de 4 mois et demi, lors de la deuxième indexation d'un an et 4 mois et demi, lors de la troisième indexation de deux ans et 4 mois et demi et cetera.

Or, l'indice de base étant toujours celui du 3ème trimestre 2006 et l'indice de référence celui du 3ème trimestre de l'année précédant la date d'indexation , la période de variation de l'indice est d'un an lors de la première indexation le 1er février 2008, de deux ans lors de la deuxième indexation le 1er février 2009, de trois ans lors de la troisième indexation le 1er février 2010 et cetera.

Cette distorsion prohibée et répétée chaque année résulte du choix des parties à la fois de recourir à un indice de base fixe et de distinguer la date d'indexation de la date anniversaire de la prise d'effet de l'avenant du 24 août 2007.

S'il est constant que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite et que le juge doit rechercher si la stipulation prohibée peut être retranchée de la clause d'indexation sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci, il apparait en l'espèce que la clause d'indexation est indivisible et qu'elle doit être réputée non écrite dans son entier. Le retranchement de la stipulation sur l'indice de base ou de la stipulation sur la date d'indexation ou de la formule d'indexation rendrait la clause d'indexation incohérente et inapplicable.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré la clause d'indexation stipulée dans l'avenant du 24 août 2007 non écrite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la société L'Immobilière Groupe Casino à l'appui de sa demande.

1-2 Sur la demande de la société L'Immobilière Groupe Casino de restitution des sommes payées en exécution de la clause d'indexation réputée non écrite

1-2-1 Sur la prescription de cette demande

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est constant que le locataire à bail commercial qui a acquitté un loyer indexé en vertu d'une clause d'indexation ultérieurement réputée non écrite peut agir en paiement des sommes indûment versées dans les cinq ans précédant sa demande en justice ( 3e Civ., 23 janvier 2025, pourvoi n° 23-18.643).

Au vu de ces éléments, étant rappelé que la société L'Immobilière Groupe Casino a introduit son action par assignation du 8 avril 2016, il apparait que la demande en restitution des sommes versées avant le 8 avril 2011 est prescrite.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de remboursement de loyers pour la période antérieure au 8 avril 2011.

1-2-2 Sur le montant restituable à la locataire

La somme versée le 1er avril 2011 par la société L'Immobilière Groupe Casino à la société foncière [Localité 7] Languedoc, en paiement du loyer du 2ème trimestre 2011, étant précisé que l'avenant du 24 août 2007 stipule que le loyer est payable d'avance et par trimestre, les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année civile, doit être exclue, dans son intégralité, du calcul de la créance de restitution de la société L'Immobilière Groupe Casino. En effet, la demande de restitution de la somme indument versée le 1er avril 2011, soit avant le 8 avril 2011, est prescrite, peu important que ladite somme vienne pour partie en paiement du loyer dû pour une période postérieure au 8 avril 2011.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 251 710 euros HT et HC au titre du trop-perçu de loyer arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus dans la mesure où la somme de 1 251 710 euros retenue par le premier juge tient compte du versement effectué par la société L'Immobilière Groupe Casino le 1er avril 2011.

Les parties ont produit de nombreux tableaux aux débats à l'appui de leurs demandes respectives.

Il résulte de ces tableaux, ainsi que des justificatifs de paiement produits aux débats par la société L'Immobilière Groupe Casino, que cette dernière a payé, postérieurement au 8 avril 2011 et jusqu'au 30 novembre 2023 inclus, au titre des loyers, la somme de 8 519 630 euros HT.

Dès lors qu'une stipulation réputée non écrite est censée n'avoir jamais existé, la créance de restitution de l'indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d'application d'une telle stipulation (3e Civ., 23 janvier 2025, pourvoi n° 23-18.643).

L'avenant du 24 août 2007 stipule que le loyer est de 516 010, 39 euros par an HT et HC. Il prévoit en outre une augmentation de loyer de 60.000 euros par an HT et HC à compter du 20 janvier 2012, cette somme devant être réajustée à la date du 20 janvier 2012 en tenant compte de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction 'entre la valeur du dernier indice connu le 20 janvier 2012 et la valeur de l'indice qui sera paru à la date d'effet des présentes'. Le complément de loyer dû à compter du 20 janvier 2012 s'élève donc à 70 354 euros par an HT et HC.

Il en résulte qu' au titre des loyers du 3ème trimestre 2011 au 4ème trimestre 2023 inclus, sans tenir compte de la clause d'indexation réputée non écrite, la société L'Immobilière Groupe Casino est débitrice envers la société foncière [Localité 7] Languedoc de la somme de 7 290 660 euros HT.

La créance de restitution de la société L'Immobilière Groupe Casino s'élève donc à la somme de 1 228 970 euros HT (8 519 630 - 7 290 660), soit 1 474 116 euros TTC, arrêtée au 30 novembre 2023, loyer du 4ème trimestre 2023 inclus, étant rappelé que le taux de TVA était de 19,6 % jusqu'au 1er janvier 2014.

En conséquence, il convient de condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 228 970 euros HT, soit 1 474 116 euros TTC, arrêtée au 30 novembre 2023, loyer du 4ème trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

La capitalisation des intérêts ainsi dus, ordonnée par le premier juge, est confirmée.

Il convient par ailleurs de débouter la société foncière [Localité 7] Languedoc de sa demande de paiement au titre des loyers impayés suivant décompte arrêté au 4ème trimestre 2023, faute de preuve d'un impayé au 30 novembre 2023.

2 - Sur les demandes des parties au titre du complément du dépôt de garantie

L'article 19 de l'avenant du 24 août 2007, intitulé 'dépôt de garantie' est ainsi rédigé :

'19) Dépôt de garantie

Le preneur a constitué à la prise d'effet des baux initiaux, entre les mains du bailleur, deux dépôts de garantie correspondant chacun à un trimestre de loyer hors taxes.

Le montant du dépôt de garantie versé au titre du bail B 'surface de vente' actuel, soit 89 878,71 € est intégré au montant du dépôt de garantie du bail A 'réserves + centre auto' objet du présent avenant, soit 39 123,88 €, pour représenter un montant total de 129 002,59 €, soit une échéance trimestrielle hors charges et hors taxes.

Il sera automatiquement majoré, à compter du 20 janvier 2012, d'un montant trimestriel équivalent au montant du quart du complément de loyer annuel indiqué ci-avant pour que le dépôt de garantie représente toujours une échéances trimestrielle hors charges et hors taxes.

(...)

A chaque variation du loyer, le dépôt de garantie sera modifié dans les mêmes proportions pour toujours représenter une échéance trimestrielle.

(...).'

La clause d'indexation étant réputée non écrite, le montant du dépôt de garantie s'élève actuellement à 146 591,09 euros, soit 129 002,59 euros, correspondant au montant initial du dépôt de garantie auquel s'ajoutent 17 588,50 euros correspondant au quart du complément de loyer ajusté au 20 janvier 2012 et dû à compter de cette même date.

Or, la société L'Immobilière Groupe Casino justifie avoir réglé la somme de 163 376,50 euros au titre du dépôt de garantie.

En conséquence, la société foncière [Localité 7] Languedoc est redevable envers la société L'Immobilière Groupe Casino de la somme de 16 785,41 euros au titre d'un trop payé de dépôt de garantie, soit 163 376,50 euros - 146 591,09 euros.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société L'Immobilière Groupe Casino de sa demande de condamnation de la société foncière [Localité 7] Languedoc à lui payer la somme de 16 785,45 euros au titre de l'ajustement du dépôt de garantie et de condamner la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 16 785,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, faute de demande de la société L'Immobilière Groupe Casino d'un autre point de départ des intérêts dus sur cette somme.

Il sera en outre ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil.

3- Sur les demandes relatives aux charges

L'avenant du 24 août 2017 est antérieur au 5 novembre 2014. Il n'est donc pas soumis aux dispositions issues de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », et de son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatives à la répartition des charges entre bailleurs et locataires.

Dans ces conditions, la répartition des charges entre la société foncière [Localité 7] Languedoc et la société L'Immobilière Groupe Casino relève de la liberté contractuelle des parties.

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige compte-tenu de la date du bail, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il est constant que des charges qui incombent normalement au bailleur peuvent être mises à la charge du preneur par une clause expresse du bail, claire et précise.

Il est également constant que le bailleur, pour conserver les sommes versées par le preneur à titre de provisions, en les affectant à sa créance de remboursement d'un ensemble de dépenses et de taxes en application du contrat de bail commercial , doit justifier le montant des dépenses et faute d'y satisfaire, doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.

L'avenant du 24 août 2007 stipule concernant les charges :

' 14) conditions générales

Le loyer étant considéré comme net de charges pour le bailleur, le preneur devra faire son affaire personnelle de toutes charges et prestations de toute nature afférentes aux lieux loués, les impôts et taxes, l'enlèvement des ordures ménagères, le déversement à l'égout, la taxe foncière, ... etc. et toutes taxe ou impôt venant en addition ou remplacement de ceux-ci, sans que cette liste soit limitative.

De plus, il remboursera au bailleur les charges TTC de l'immeuble et de l'ensemble du centre commercial pris dans son entité économique (parkings inclus), les impôts et taxes, l'enlèvement des ordures ménagères, le déversement à l'égout, la taxe foncière, la taxe sur les bureaux et locaux commerciaux etc. et toutes taxe ou impôt venant en addition ou remplacement de ceux-ci, sans que cette liste soit limitative.

Il remboursera notamment la quote-part des charges financières supportées par le bailleur en contrepartie des servitudes d'accès et d'utilisation des équipements à usage commun dont bénéficient les lieux loués.

Cette quote-part sera déterminée au prorata des surfaces utiles de boutiques appartenant à la SFPL dans le centre commercial, tel que défini par le permis de construire, mais situées en dehors du syndicat secondaire A.

Dans le cas où ces sommes seraient réclamées ou réglées par le bailleur, le preneur s'engage à les rembourser à ce dernier dans leur intégralité TTC par retour de courrier à la suite de la demande qui lui en sera faite.

15) provisions pour charges

Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et notamment au paragraphe 'conditions générales' le preneur devra acquitter toutes charges afférentes aux lieux loués, et notamment celles correspondant à sa quote-part des charges générales ou spéciales appelées au titre des conventions avec le syndicat de copropriété ou de tout organisme gérant le centre commercial restructuré.

Il remboursera notamment au bailleur la quote-part des charges financières supportées par ce dernier tant dans le cadre de la convention signée avec le syndicat secondaire A en date du 20 janvier 2000 que dans le cadre de la convention subordonnée avec la société Saint Michel distribution (et la société Casino France) en date du 11 septembre 1997, en contrepartie des servitudes d'accès et de la possibilité d'utilisation des services et équipements à usage commun dont bénéficient les locaux loués, dont les divers réseaux.

Une provision sur les charges devra être versée au bailleur en acquittant chaque terme du loyer. Cette provision pourra être révisée à l'initiative du bailleur, chaque année, en fonction des charges de l'année précédente ou à tout autre moment lorsque les charges, pour quelque motif que ce soit, se retrouvent modifiées.

Cette provision est fixée à ce jour à 33 295 € par trimestre.

Il est expressément convenu que si ces charges, qui sont intégralement à la charge du preneur, sont appelées auprès du bailleur par les organismes ad-hoc, et réglées par celui-ci, le versement sera réputé fait à titre d'avance et pour le compte du preneur. Ce dernier les remboursera au bailleur dans un délai maximum de huit jours à compter de la réception du justificatif comptable sous peine de résiliation selon les modalités prévues dans le paragraphe 'clause résolutoire et ce si bon semble au bailleur.'

En l'espèce, la société L'Immobilière Groupe Casino sollicite la confirmation du jugement de première instance, qui a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à lui rembourser la somme de 1 065 440 euros au titre des charges indument payées du 1er octobre 2013 au 3ème trimestre 2021, ainsi que la condamnation de la société foncière [Localité 7] Languedoc à lui rembourser la somme de 441 981 euros au titre des charges dues entre le 1er décembre 2021 et le 30 novembre 2023.

Ainsi, la société L'Immobilière Groupe Casino demande la condamnation de la société foncière [Localité 7] Languedoc à lui rembourser les provisions sur charges payées au titre du 4ème trimestre 2013 au 4ème trimestre 2023 inclus.

Or, la société foncière [Localité 7] Languedoc communique une régularisation des charges concernant cette période. A l'appui de cette régularisation, la société foncière [Localité 7] Languedoc produit aux débats, exclusivement, des factures émanant de la société Sudeco concernant des redevances trimestrielles dues pour des servitudes, étant précisé que la société Sudeco est le syndic du syndicat secondaire A dit du centre commercial du bois des roches. Il est produit l'intégralité des facture du 4ème trimestre 2013 au 4ème trimestre 2023.

Il s'évince de l'examen de ces factures et de la convention du 20 janvier 2000, conclue entre la société foncière [Localité 7] Languedoc et le syndicat secondaire A, par laquelle la société foncière [Localité 7] Languedoc et le syndicat secondaire A se sont consentis des servitudes réciproques moyennant une participation financière forfaitaire annuelle de la société foncière [Localité 7] Languedoc, que les charges dont la société foncière [Localité 7] Languedoc demande le paiement à la société L'Immobilière Groupe Casino dans le cadre de la présente instance sont les charges financières supportées par la société foncière [Localité 7] Languedoc 'dans le cadre de la convention signée avec le syndicat secondaire A en date du 20 janvier 2000". Ces charges ont bien été mises à la charge de la locataire en vertu des stipulations de l'avenant du 24 août 2007 ci-dessus rappelées.

Le paiement de ces charges incombe donc bien à la société L'Immobilière Groupe Casino et la production des factures établies par un tiers est un justificatif suffisant du montant de ces charges.

La société foncière [Localité 7] Languedoc n'impute à la société L'Immobilière Groupe Casino la charge que de 71,99 % de ces factures, ce qui correspond à la proportion des biens loués par la société L'Immobilière Groupe Casino par rapport à la totalité des biens dont la société foncière [Localité 7] Languedoc est propriétaire et qui profitent des servitudes consenties par le syndicat secondaire A. Cette proportion est établie par la production de plans et de mesures effectuées par un géomètre.

La régularisation des charges établie par la société foncière [Localité 7] Languedoc, vérifiée par la cour au vu des factures de charges produites aux débats par la société foncière [Localité 7] Languedoc, et les justificatifs de paiement des provisions sur charges produits aux débats par la société L'Immobilière Groupe Casino, montre que la société L'Immobilière Groupe Casino est redevable envers la société foncière [Localité 7] Languedoc de la somme de 545 734,49 euros au titre des charges locatives arrêtées au 31 décembre 2023 inclus.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino les charges indument payées à compter du 1er octobre 2013 pour un montant de 1 065 440 euros, 3ème trimestre 2021 inclus, sans qu'il soit besoin de condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à restituer à l'appelante les sommes versées par cette dernière en exécution du chef du jugement infirmé. En effet, l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution. Par ailleurs, il est observé que les sommes restituées ne portent intérêt au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de l'arrêt infirmatif et non à compter de la date de paiement desdites sommes en exécution du jugement infirmé.

Il convient en outre de condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société foncière [Localité 7] Languedoc la somme de 545 734,49 euros au titre de la régularisation des charges selon décompte arrêté au 31 décembre 2023 inclus.

4- Sur les demandes de dommages et intérêts de la société foncière [Localité 7] Languedoc

4-1 Pour procédure abusive

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il n'est pas démontré que la société L'Immobilière Groupe Casino, à qui le juge de première instance avait donné raison en totalité et à qui la cour donne raison partiellement, ait agi en justice de manière dilatoire ou abusive. Si la société L'Immobilière Groupe Casino succombe en sa demande de remboursement des provisions sur charges à hauteur d'appel, la cour observe que la société foncière [Localité 7] Languedoc a attendu l'introduction de l'instance pour procéder à la régularisation des charges.

Sans preuve que la société foncière [Localité 7] Languedoc avait opéré les régularisations annuelles de charges avant l'introduction de l'instance, il n'est pas démontré que la société L'Immobilière Groupe Casino, qui s'est toujours acquittée de la provision sur charges stipulée au bail, ait agi de mauvaise foi en sollicitant devant le premier juge puis devant la cour d'appel le remboursement desdites provisions.

En conséquence, il convient de débouter la société foncière [Localité 7] Languedoc de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, étant observé que le premier juge avait omis de statuer sur cette demande.

4-2 A raison des conséquences dommageables de l'exécution provisoire

L'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution dispose que sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire.

L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.

En l'absence de preuve des conséquences dommageables alléguées par la société foncière [Localité 7] Languedoc de manière laconique, étant en outre observé que la société foncière [Localité 7] Languedoc ne justifie pas avoir sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire, il convient de débouter la société foncière [Localité 7] Languedoc de cette demande.

5- Sur la compensation

En application des articles 1347 et suivants du code civil, il est fait droit à la demande conjointe des parties tendant à la compensation des condamnations prononcées contre elles.

6- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il apparait que les parties succombent partiellement. Dans ces conditions, en application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc aux dépens de première instance et de condamner la société L'Immobilière Groupe Casino aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par elles en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Evry du 16 décembre 2021 (RG 16/3962) en ce qu'il a :

- condamné la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 251 710 euros HT et HC au titre du trop-perçu de loyer arrêté au 3ème trimestre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ce jusqu'à parfait paiement ;

- condamner la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc à rembourser à la société L'Immobilière Groupe Casino les charges indûment payées à compter du 1er octobre 2013 pour un montant de 1 065 440 euros, 3ème trimestre 2021 inclus ;

- débouté la société L'Immobilière Groupe Casino de sa demande de remboursement au titre de l'ajustement du dépôt de garantie ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Evry du 16 décembre 2021 (RG 16/3962) en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 1 228 970 euros HT, soit 1 474 116 euros TTC, arrêtée au 30 novembre 2023, loyer du 4ème trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, en restitution des sommes versées indument au titre de l'indexation des loyers ;

Condamne la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc à payer à la société L'Immobilière Groupe Casino la somme de 16 785,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en restitution des sommes versées indument au titre de l'ajustement du dépôt de garantie ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière sur les condamnations ci-dessus prononcées, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute la société L'Immobilière Groupe Casino de sa demande de remboursement des provisions sur charges ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes versées par la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc en exécution des chefs du jugement de première instance infirmés ;

Condamne la société L'Immobilière Groupe Casino à payer à la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc la somme de 545 734,49 euros au titre de la régularisation des charges selon décompte arrêté au 31 décembre 2023 inclus ;

Déboute la société dénommée société foncière [Localité 7] Languedoc de ses demandes de dommages et intérêts ;

Condamne la société L'Immobilière Groupe Casino aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Bruno Régnier et de Maitre Boccon-Gibod conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par elles en appel ;

Ordonne la compensation des condamnations prononcées contre les partie ;

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

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