CA Rennes, 5e ch., 3 septembre 2025, n° 24/06549
RENNES
Arrêt
Autre
5ème Chambre
ARRÊT N°-173
N° RG 24/06549 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VN2I
(Réf 1ère instance : 24/00765)
E.U.R.L. SBS (JOUMA MARKET)
C/
S.C.I. DEDE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Mai 2025
devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
E.U.R.L. SBS (JOUMA MARKET)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
S.C.I. DEDE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Selon acte sous seing privé du 2l janvier 2017, la société SCI boutiques à Nantes a donné à bail commercial à la société SBS des locaux dans les bâtiments A et E d'un ensemble immobilier en copropriété situé [Adresse 1] à Nantes correspondant aux lots n° 107 et 153 pour une durée de 9 ans à compter du 9 septembre 2017, à destination d'épicerie, toutes activités alimentaires hors restauration et sans cuisson, moyennant un loyer annuel de 14 400 euros hors taxe hors charges, payable mensuellement d'avance.
Se plaignant d'un défaut de paiement du loyer malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 28 mai 2024, la société Dede, venant aux droits de la société SCI boutiques à Nantes, a fait assigner la société SBS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes, suivant acte de commissaire de justice en date du 9 juillet 2024.
Par ordonnance de référé en date du 21 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a :
- constaté la résiliation du bail,
- ordonné l'expulsion de la société SBS et celle de tout occupant de son chef au besoin avec l'aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier à compter de la signification de l'ordonnance,
- condamné la société SBS à payer à la société Dede :
* une provision de 21 353,39 euros au titre des loyers et charges dus au 31 octobre 2024,
* une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* une indemnité provisionnelle d'occupation de 1 461,35 euros par mois à compter du 1er novembre 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,
- rejeté toute autre prétention plus ample ou contraire,
- condamné la société SBS aux dépens y compris le coût du commandement de payer du 28 mai 2024 et des frais de levée de l'état des créanciers inscrits
Le 3 décembre 2024, la société SBS a interjeté appel de cette décision, mentionnant toutefois par erreur que la décision contestée est une ordonnance du juge de l'exécution de [Localité 5]. L'affaire a été enregistrée sous le n° de RG 24/6456.
Le 5 décembre 2024, la société SBS a interjeté appel de cette décision régularisant ainsi son appel. L'affaire a été enregistrée sous le n° de RG 24/6549.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance en date du 11 décembre 2024.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 février 2025, la société SBS demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés le 3 décembre 2024 en ce qu'elle a :
* constaté la résiliation du bail,
* ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l'aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier à compter de la signification de l'ordonnance,
* l'a condamnée à payer à la société Dede :
- une provision de 21 353,39 au titre des loyers et charges dus au 31 octobre 2024,
- une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- une indemnité provisionnelle d'occupation de 1 461,35 euros par mois à compter du 1er novembre 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,
* rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,
* l'a condamnée aux dépens, y compris le coût du commandement du 28 mai 2024 et des frais de levée de l'état des créanciers inscrits,
- et statuant à nouveau à titre principal, juger irrecevables et mal fondées les demandes formées par la société Dede,
- débouter la société Dede de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre subsidiaire, condamner la société Dede à lui verser une indemnisation provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur son préjudice,
- ordonner les cas échéant la compensation judiciaire entre créances réciproques,
- en cas de condamnation de la société SBS à verser une provision à la société Dede, lui accorder un délai de paiement de 24 mensualités constantes à l'effet de s'en acquitter,
- en tout état de cause, condamner la société Dede à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 28 février 2025, la société Dede demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nantes du 21 novembre 2024 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- débouter la société SBS de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société SBS à lui payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SBS aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture à bref délai est intervenue le 15 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour s'opposer à la résiliation du bail, la société SBS entend se prévaloir d'une exception d'inexécution.
Elle explique que depuis janvier 2020, un dégât des eaux affecte une partie du local, que le bailleur a reconnu la réalité des désordres et sa responsabilité à son égard, laquelle est donc engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1720 du code civil.
Elle fait état d'un constat dressé le 29 juillet 2024, faisant apparaître des infiltrations par la toiture se propageant dans la boutique et d'échanges téléphoniques avec le syndic de copropriété sans que des réparations interviennent.
Elle expose avoir perdu de la marchandise (plus de 4 000 euros), un chiffre d'affaires conséquent ainsi que sa chambre froide d'une valeur de près de 2 000 euros), qui est désormais hors d'usage.
Elle considère donc que la demande de constat de la résiliation du bail se heurte à des contestations sérieuses.
Elle estime qu'il en est de même de la demande de condamnation au paiement d'une somme de 21 353,39 euros, en ce que la somme visée au commandement de 17 398,48 euros est erronée, comptabilisant des charges de copropriété, des taxes foncières, des provisions sur charges non justifiées, une clause pénale excessive et ne prenant pas en compte les paiements effectués par elle.
À titre subsidiaire, si les demandes étaient accueillies, elle sollicite de faire droit à sa demande de provision à valoir sur son préjudice d'exploitation, d'ordonner la compensation entre les créances respectives et de lui accorder un délai de grâce de 24 mois compte tenu du fait que des infiltrations affectent le local loué.
En réponse, la société Dede déclare justifier précisément d'une créance de 21 353,39 euros, telle que retenue par le juge des référés.
Elle rappelle que le preneur a cessé tout paiement de loyer depuis mai 2024.
En ce qui concerne le moyen tiré d'une exception d'inexécution, au motif d'infiltrations dans le local, elle considère que compte tenu de leur nature, celles-ci relèvent d'un défaut d'entretien du preneur ou sont à la charge du syndicat des copropriétaires, s'agissant de parties communes. Elle soutient que le bailleur n'a pas à répondre du fait d'un tiers et que la société SBS doit diriger ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires.
Elle ajoute que depuis 2020, la société SBS ne lui a fait aucune réclamation, et qu'une exception d'inexécution n'est concevable qu'en cas d'inexploitation totale des locaux loués, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Elle s'oppose enfin aux délais réclamés, estimant la société SBS soutient à tort que des paiements de sa part n'ont pas été pris en compte, alors que tel est le cas au contraire, et qu'elle ne justifie pas sa situation financière.
Aux termes des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article L.145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans un bail commercial, prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Par application des textes précités, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire, lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement et qu'il n'est pas opposé de contestation sérieuse susceptible d'y faire obstacle.
Le bail conclu le 21 janvier 2017 entre la SCI Boutiques à Nantes, aux droits de laquelle la société Dede justifie intervenir et la société SBS prévoit une clause résolutoire à l'article 15.
Le bailleur a délivré un commandement de payer les loyers et charges impayés visant la clause résolutoire le 28 mai 2024 mentionnant un montant d'arriéré locatif de 18 569,09 euros, comprenant des loyers, charges et taxes foncières et une indemnité au titre de la clause pénale, et des frais d'acte de 197,82 euros.
* sur la provision
L'obligation pesant sur le preneur de payer les loyers et les charges n'est pas contestable, étant rappelé que le bail met à la charge de ce dernier un loyer fixé à 14 400 euros hors taxe et hors charge, payable mensuellement, avec clause d'indexation, ainsi notamment que la taxe foncière, les charges de copropriété sur la base des répartitions prévues au réglement de copropriété, les consommations d'eau des parties communes et/ou privatives, et à cet effet une provision mensuelle de 60 euros.
La SCI Dede sollicite paiement d'une provision de 21 353,39 euros représentant :
- loyers de septembre 2020 à octobre 2024 : 55 695,66 euros,
- taxes foncières 2022 et 2023 : 2 389 euros
- charges d'eau 2022 et 2023 : 167,73 euros
- charges de copropriété restant dues en 2021 et 2022 : 700,64 euros,
déduction des versements effectués par le preneur entre 2021 à 2024 (inclus le versement du 15 mai 2024) : 38 059,64 euros.
La société SBS ne discute pas les montants des loyers évoqués. Les avis de taxe foncière 2022 et 2023, les factures d'eau 2022 et 2023, les appels de charges de copropriété réclamées à la société Dede sont versées aux débats.
Le premier juge a justement retenu que la SCI Dede justifiait du bien fondé de sa demande de provision à hauteur de la somme de 21 353,39 euros. L'ordonnance est confirmée de ce chef.
* sur la résiliation du bail
Le commandement de payer porte sur un arriéré ainsi décomposé :
- charges de copropriété 2021 et 2022 : 1 004,57 euros
- facture d'eau 2022 : 81,90 euros
- facture d'eau 2023 : 86,83 euros
- taxe foncière 2022 : 1 390 euros
- taxe foncière 2023 : 1 449 euros
- provisions sur charges 2023 : 120 x 2 = 1 200 euros
- provisions sur charges janvier à avril 2024 = 480 euros
- loyers impayés de mai 2021 à avril 2024 inclus : 11 706,18 euros
- clause pénale 10% : 1 170,61 euros.
Ces sommes sont pour partie incluses dans le décompte fondant la provision ci-dessus accordée.
Il n'est nullement démontré que la somme commandée ne prend pas en compte les versements effectués par le preneur pendant la période alors visée. La bailleresse a justifié en outre les créances invoquées au titre des charges et autres frais.
Une contestation quant au montant de l'indemnité réclamée au titre de la clause pénale ne peut suffire à caractériser des contestations sérieuses permettant de faire échec au jeu de la clause résolutoire, alors que la société SBS n'a réglé aucune des sommes exigibles dans le délai prescrit, et qu'un commandement délivré pour avoir paiement d'une somme supérieure à celle due reste valable pour la partie non contestable de la dette. Ce moyen est écarté.
L'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Une exception d'inexécution peut constituer une contestation sérieuse empêchant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
En l'espèce, pour justifier son inexécution, la société SBS oppose au bailleur l'inexécution de son obligation de délivrance et d'entretien évoquant notamment des infiltrations d'eau dans les locaux donnés à bail.
Elle justifie avoir déclaré un dégât des eaux le 31 janvier 2020 auprès du syndic de copropriété et avoir relancé le syndic le 4 décembre 2020.
Fort justement, le premier juge souligne l'absence de toutes démarches auprès de la bailleresse à ce sujet avant la présente procédure, laquelle a été engagée le 9 juillet 2024. Le constat dressé à sa demande postérieurement à l'introduction de l'instance, soit le 29 juillet 2024, ne peut suffire à démontrer l'existence d'un quelconque manquement du bailleur à ses obligations susceptible de fonder l'absence de paiement des loyers depuis septembre 2020.
Il est observé par ailleurs que les désordres constatés à cette date ne donnent aucune indication tant sur l'antériorité de ceux-ci que leurs causes, qu'il n'est pas davantage discuté que la société SBS a poursuivi l'exploitation de son activité. Aucune pièce ne permet d'affirmer que les infiltrations évoquées ont rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.
Le premier juge écarte à raison cette exception d'inexécution.
Dès lors, aucune contestation sérieuse ne fait obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire, laquelle a ainsi joué de plein droit au 28 juin 2024.
L'ordonnance sera confirmée comme sur les dispositions ordonnant l'expulsion de la société SBS et celle de tous occupants de son chef avec au besoin l'aide de la force publique, et condamnant la société SBS au paiement d'une indemnité d'occupation, étant observé que son montant n'est nullement discuté devant la cour
* sur la demande de dommages et intérêts formée à titre reconventionnel
Ni l'existence d'une obligation du bailleur de prendre en charge les réparations nécessitées par les infiltrations constatées, ni les préjudices allégués ne sont démontrées par la société SBS. La cour confirme le rejet de ses prétentions de ce chef et par suite sa demande de compensation de créances.
* sur les délais de paiement
Conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société SBS n'a pas repris le règlement même partiel des loyers depuis le mois de mai 2024, date du dernier versement justifié, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant de bonne foi.
L'existence d'infiltrations dans partie du local il y a un an ne constitue pas un motif pour prétendre à des délais de paiement.
Par conséquent, la société SBS sera déboutée de sa demande de délais de paiement, formée pour la première fois en cause d'appel.
Succombant en son appel, la société SBS sera condamnée à payer à la SCI Dede la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel. Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société SBS à payer à la SCI Dede la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société SBS du surplus de ses demandes ;
Condamne la société SBS aux dépens d'appel.
Le Greffier La Présidente
ARRÊT N°-173
N° RG 24/06549 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VN2I
(Réf 1ère instance : 24/00765)
E.U.R.L. SBS (JOUMA MARKET)
C/
S.C.I. DEDE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Mai 2025
devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
E.U.R.L. SBS (JOUMA MARKET)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
S.C.I. DEDE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Yann RUMIN de la SELARL VILLAINNE-RUMIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Selon acte sous seing privé du 2l janvier 2017, la société SCI boutiques à Nantes a donné à bail commercial à la société SBS des locaux dans les bâtiments A et E d'un ensemble immobilier en copropriété situé [Adresse 1] à Nantes correspondant aux lots n° 107 et 153 pour une durée de 9 ans à compter du 9 septembre 2017, à destination d'épicerie, toutes activités alimentaires hors restauration et sans cuisson, moyennant un loyer annuel de 14 400 euros hors taxe hors charges, payable mensuellement d'avance.
Se plaignant d'un défaut de paiement du loyer malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 28 mai 2024, la société Dede, venant aux droits de la société SCI boutiques à Nantes, a fait assigner la société SBS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes, suivant acte de commissaire de justice en date du 9 juillet 2024.
Par ordonnance de référé en date du 21 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a :
- constaté la résiliation du bail,
- ordonné l'expulsion de la société SBS et celle de tout occupant de son chef au besoin avec l'aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier à compter de la signification de l'ordonnance,
- condamné la société SBS à payer à la société Dede :
* une provision de 21 353,39 euros au titre des loyers et charges dus au 31 octobre 2024,
* une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* une indemnité provisionnelle d'occupation de 1 461,35 euros par mois à compter du 1er novembre 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,
- rejeté toute autre prétention plus ample ou contraire,
- condamné la société SBS aux dépens y compris le coût du commandement de payer du 28 mai 2024 et des frais de levée de l'état des créanciers inscrits
Le 3 décembre 2024, la société SBS a interjeté appel de cette décision, mentionnant toutefois par erreur que la décision contestée est une ordonnance du juge de l'exécution de [Localité 5]. L'affaire a été enregistrée sous le n° de RG 24/6456.
Le 5 décembre 2024, la société SBS a interjeté appel de cette décision régularisant ainsi son appel. L'affaire a été enregistrée sous le n° de RG 24/6549.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance en date du 11 décembre 2024.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 février 2025, la société SBS demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés le 3 décembre 2024 en ce qu'elle a :
* constaté la résiliation du bail,
* ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l'aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier à compter de la signification de l'ordonnance,
* l'a condamnée à payer à la société Dede :
- une provision de 21 353,39 au titre des loyers et charges dus au 31 octobre 2024,
- une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- une indemnité provisionnelle d'occupation de 1 461,35 euros par mois à compter du 1er novembre 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,
* rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,
* l'a condamnée aux dépens, y compris le coût du commandement du 28 mai 2024 et des frais de levée de l'état des créanciers inscrits,
- et statuant à nouveau à titre principal, juger irrecevables et mal fondées les demandes formées par la société Dede,
- débouter la société Dede de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre subsidiaire, condamner la société Dede à lui verser une indemnisation provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur son préjudice,
- ordonner les cas échéant la compensation judiciaire entre créances réciproques,
- en cas de condamnation de la société SBS à verser une provision à la société Dede, lui accorder un délai de paiement de 24 mensualités constantes à l'effet de s'en acquitter,
- en tout état de cause, condamner la société Dede à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 28 février 2025, la société Dede demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nantes du 21 novembre 2024 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- débouter la société SBS de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société SBS à lui payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SBS aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture à bref délai est intervenue le 15 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour s'opposer à la résiliation du bail, la société SBS entend se prévaloir d'une exception d'inexécution.
Elle explique que depuis janvier 2020, un dégât des eaux affecte une partie du local, que le bailleur a reconnu la réalité des désordres et sa responsabilité à son égard, laquelle est donc engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1720 du code civil.
Elle fait état d'un constat dressé le 29 juillet 2024, faisant apparaître des infiltrations par la toiture se propageant dans la boutique et d'échanges téléphoniques avec le syndic de copropriété sans que des réparations interviennent.
Elle expose avoir perdu de la marchandise (plus de 4 000 euros), un chiffre d'affaires conséquent ainsi que sa chambre froide d'une valeur de près de 2 000 euros), qui est désormais hors d'usage.
Elle considère donc que la demande de constat de la résiliation du bail se heurte à des contestations sérieuses.
Elle estime qu'il en est de même de la demande de condamnation au paiement d'une somme de 21 353,39 euros, en ce que la somme visée au commandement de 17 398,48 euros est erronée, comptabilisant des charges de copropriété, des taxes foncières, des provisions sur charges non justifiées, une clause pénale excessive et ne prenant pas en compte les paiements effectués par elle.
À titre subsidiaire, si les demandes étaient accueillies, elle sollicite de faire droit à sa demande de provision à valoir sur son préjudice d'exploitation, d'ordonner la compensation entre les créances respectives et de lui accorder un délai de grâce de 24 mois compte tenu du fait que des infiltrations affectent le local loué.
En réponse, la société Dede déclare justifier précisément d'une créance de 21 353,39 euros, telle que retenue par le juge des référés.
Elle rappelle que le preneur a cessé tout paiement de loyer depuis mai 2024.
En ce qui concerne le moyen tiré d'une exception d'inexécution, au motif d'infiltrations dans le local, elle considère que compte tenu de leur nature, celles-ci relèvent d'un défaut d'entretien du preneur ou sont à la charge du syndicat des copropriétaires, s'agissant de parties communes. Elle soutient que le bailleur n'a pas à répondre du fait d'un tiers et que la société SBS doit diriger ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires.
Elle ajoute que depuis 2020, la société SBS ne lui a fait aucune réclamation, et qu'une exception d'inexécution n'est concevable qu'en cas d'inexploitation totale des locaux loués, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Elle s'oppose enfin aux délais réclamés, estimant la société SBS soutient à tort que des paiements de sa part n'ont pas été pris en compte, alors que tel est le cas au contraire, et qu'elle ne justifie pas sa situation financière.
Aux termes des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article L.145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans un bail commercial, prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Par application des textes précités, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire, lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement et qu'il n'est pas opposé de contestation sérieuse susceptible d'y faire obstacle.
Le bail conclu le 21 janvier 2017 entre la SCI Boutiques à Nantes, aux droits de laquelle la société Dede justifie intervenir et la société SBS prévoit une clause résolutoire à l'article 15.
Le bailleur a délivré un commandement de payer les loyers et charges impayés visant la clause résolutoire le 28 mai 2024 mentionnant un montant d'arriéré locatif de 18 569,09 euros, comprenant des loyers, charges et taxes foncières et une indemnité au titre de la clause pénale, et des frais d'acte de 197,82 euros.
* sur la provision
L'obligation pesant sur le preneur de payer les loyers et les charges n'est pas contestable, étant rappelé que le bail met à la charge de ce dernier un loyer fixé à 14 400 euros hors taxe et hors charge, payable mensuellement, avec clause d'indexation, ainsi notamment que la taxe foncière, les charges de copropriété sur la base des répartitions prévues au réglement de copropriété, les consommations d'eau des parties communes et/ou privatives, et à cet effet une provision mensuelle de 60 euros.
La SCI Dede sollicite paiement d'une provision de 21 353,39 euros représentant :
- loyers de septembre 2020 à octobre 2024 : 55 695,66 euros,
- taxes foncières 2022 et 2023 : 2 389 euros
- charges d'eau 2022 et 2023 : 167,73 euros
- charges de copropriété restant dues en 2021 et 2022 : 700,64 euros,
déduction des versements effectués par le preneur entre 2021 à 2024 (inclus le versement du 15 mai 2024) : 38 059,64 euros.
La société SBS ne discute pas les montants des loyers évoqués. Les avis de taxe foncière 2022 et 2023, les factures d'eau 2022 et 2023, les appels de charges de copropriété réclamées à la société Dede sont versées aux débats.
Le premier juge a justement retenu que la SCI Dede justifiait du bien fondé de sa demande de provision à hauteur de la somme de 21 353,39 euros. L'ordonnance est confirmée de ce chef.
* sur la résiliation du bail
Le commandement de payer porte sur un arriéré ainsi décomposé :
- charges de copropriété 2021 et 2022 : 1 004,57 euros
- facture d'eau 2022 : 81,90 euros
- facture d'eau 2023 : 86,83 euros
- taxe foncière 2022 : 1 390 euros
- taxe foncière 2023 : 1 449 euros
- provisions sur charges 2023 : 120 x 2 = 1 200 euros
- provisions sur charges janvier à avril 2024 = 480 euros
- loyers impayés de mai 2021 à avril 2024 inclus : 11 706,18 euros
- clause pénale 10% : 1 170,61 euros.
Ces sommes sont pour partie incluses dans le décompte fondant la provision ci-dessus accordée.
Il n'est nullement démontré que la somme commandée ne prend pas en compte les versements effectués par le preneur pendant la période alors visée. La bailleresse a justifié en outre les créances invoquées au titre des charges et autres frais.
Une contestation quant au montant de l'indemnité réclamée au titre de la clause pénale ne peut suffire à caractériser des contestations sérieuses permettant de faire échec au jeu de la clause résolutoire, alors que la société SBS n'a réglé aucune des sommes exigibles dans le délai prescrit, et qu'un commandement délivré pour avoir paiement d'une somme supérieure à celle due reste valable pour la partie non contestable de la dette. Ce moyen est écarté.
L'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Une exception d'inexécution peut constituer une contestation sérieuse empêchant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
En l'espèce, pour justifier son inexécution, la société SBS oppose au bailleur l'inexécution de son obligation de délivrance et d'entretien évoquant notamment des infiltrations d'eau dans les locaux donnés à bail.
Elle justifie avoir déclaré un dégât des eaux le 31 janvier 2020 auprès du syndic de copropriété et avoir relancé le syndic le 4 décembre 2020.
Fort justement, le premier juge souligne l'absence de toutes démarches auprès de la bailleresse à ce sujet avant la présente procédure, laquelle a été engagée le 9 juillet 2024. Le constat dressé à sa demande postérieurement à l'introduction de l'instance, soit le 29 juillet 2024, ne peut suffire à démontrer l'existence d'un quelconque manquement du bailleur à ses obligations susceptible de fonder l'absence de paiement des loyers depuis septembre 2020.
Il est observé par ailleurs que les désordres constatés à cette date ne donnent aucune indication tant sur l'antériorité de ceux-ci que leurs causes, qu'il n'est pas davantage discuté que la société SBS a poursuivi l'exploitation de son activité. Aucune pièce ne permet d'affirmer que les infiltrations évoquées ont rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.
Le premier juge écarte à raison cette exception d'inexécution.
Dès lors, aucune contestation sérieuse ne fait obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire, laquelle a ainsi joué de plein droit au 28 juin 2024.
L'ordonnance sera confirmée comme sur les dispositions ordonnant l'expulsion de la société SBS et celle de tous occupants de son chef avec au besoin l'aide de la force publique, et condamnant la société SBS au paiement d'une indemnité d'occupation, étant observé que son montant n'est nullement discuté devant la cour
* sur la demande de dommages et intérêts formée à titre reconventionnel
Ni l'existence d'une obligation du bailleur de prendre en charge les réparations nécessitées par les infiltrations constatées, ni les préjudices allégués ne sont démontrées par la société SBS. La cour confirme le rejet de ses prétentions de ce chef et par suite sa demande de compensation de créances.
* sur les délais de paiement
Conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société SBS n'a pas repris le règlement même partiel des loyers depuis le mois de mai 2024, date du dernier versement justifié, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant de bonne foi.
L'existence d'infiltrations dans partie du local il y a un an ne constitue pas un motif pour prétendre à des délais de paiement.
Par conséquent, la société SBS sera déboutée de sa demande de délais de paiement, formée pour la première fois en cause d'appel.
Succombant en son appel, la société SBS sera condamnée à payer à la SCI Dede la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel. Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société SBS à payer à la SCI Dede la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société SBS du surplus de ses demandes ;
Condamne la société SBS aux dépens d'appel.
Le Greffier La Présidente