CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 4 septembre 2025, n° 25/00068
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025
(n° 131/2025, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 25/00068 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKRRW
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 décembre 2024 -Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 1ère section) - RG n° 23/16471
APPELANTE
S.A.S. KOPSTER [Adresse 11]
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 901 177 972
Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Didier Meynard de la SCP Brodu - Cicurel - Meynard - Gauthier - Marie, avocat au barreau de Paris, toque : P0240
Assistée de Me Richard Zelmati, avocat au barreau de Lyon, substitué à l'audience par Me Bertrand de Belval, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉE
S.A.S. ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 318 771 995
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Assignée à jour fixe le 21 janvier 2025 par remise de l'acte à personne morale
Représentée par Me Stéphane Fertier de la Selarl JRF & Teytaud Saleh, avocat au barreau de Paris, toque : L0075
Assistée de Me Heber-Suffrin Virginie, avocat au barreau de Paris, toque : D1304, substituée à l'audience par Me Markus Van den Boogaard de la Selarl HSA Associés, avocat au barreau de Paris, toque : D1304
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Hélène Bussière, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de la chambre 5-3 et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes d'un bail conclu le 1er juin 2018, la société Enterprise Holdings France exploite des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 10], pour l'exercice de l'activité de « Location de courte durée de tous véhicules automobiles ou engins automobiles sans chauffeurs et autres activités administratives, liées à l'activité du Preneur. »
La société Median, qui exploitait un hôtel situé [Adresse 1] disposait d'un certain nombre de places de parking suivant une convention d'occupation d'une dépendance du domaine public qui lui a été consentie par le propriétaire du terrain, SNCF Réseau.
Pour l'exercice de son activité, la société Enterprise Holdings France a conclu avec la société Median un contrat de mise à disposition portant sur 10 places de parking, à compter du 1er octobre 2018 et pour une durée indéterminée, moyennant le versement de 130 euros TTC par voiture par mois civil.
Par jugement du 26 juin 2020, la société Median a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement du 25 juin 2021, a arrêté le plan de cession du fonds de la société.
Par acte daté du 6 juillet 2021 et à effet du 27 avril 2022, le fonds de commerce de la société Median a été vendu à la société [Adresse 7].
Par contrat à effet du 1er juillet 2021, la société Kopster Porte de Versailles a mis à la disposition de la société Enterprise Holdings les 10 places de parking objets du précédent contrat, moyennant le versement de 200 euros TTC par voiture par mois civil.
Suite à l'installation d'une structure de lavage sur les lieux, les parties ont signé un nouveau contrat annulant et remplaçant le précédent, portant sur 14 places de parking, pour un tarif par voiture inchangé.
Le contrat prévoit notamment que la mise à disposition « est consentie à compter du 1er mars 2022 jusqu'au 31 décembre 2023. Après cette date, le tarif sera susceptible d'être modifié. »
Il est également contractuellement prévu que la société [Adresse 7] bénéficiant d'une convention d'occupation d'une dépendance du domaine public consentie par SNCF Réseau, le contrat est précaire et se trouvera automatiquement résilié de plein droit en cas de résiliation de la convention d'occupation à l'initiative de SNCF Réseau. Les parties sont en outre convenues, aux termes de l'article II-2-2 du contrat, que celui-ci pourra être résilié par chacune d'elle à tout moment, à charge pour la partie souhaitant y mettre un terme d'en informer l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception 15 jours calendaires à l'avance.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2023, signée de Mme [E] [T], directrice générale de la société [Adresse 7], il a été notifié à la société Enterprise Holdings France la résiliation du contrat en application des dispositions de l'article II-2-2 sus visé.
Aux termes de ce même courrier, la société [Adresse 7] a demandé à la société Enterprise Holdings France de quitter les lieux au 31 décembre 2023, en remettant en état le parking et en procédant à la désinstallation de la station de lavage mise en place par la société occupante.
La société Enterprise Holdings France s'est maintenue dans les lieux malgré deux relances et elle a, par acte de commissaire de justice signifié le 19 décembre 2023, fait assigner la société [Adresse 7] devant le tribunal judiciaire de Paris demandant à celui-ci, notamment, de juger que le contrat conclu entre la société Kopster Porte de Versailles et la société Enterprise Holdings France est soumis au statut des baux commerciaux.
Parallèlement, par acte de commissaire de justice du 20 février 2024, la société [Adresse 7] a fait assigner la société Enterprise Holdings France devant le Président du tribunal de commerce de Paris, lequel, par ordonnance du 2 avril 2024, a ordonné à la société Enterprise Holdings France de quitter les lieux sous astreinte.
Par ordonnance du 2 octobre 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de cette ordonnance de référé.
Auparavant, dans le cadre l'instance introduite par la société Enterprise Holdings France devant le tribunal judiciaire de Paris suivant acte du 19 décembre 2023, la société [Adresse 7], par conclusions notifiées par RPVA le 24 février 2024, avait saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence.
Par ordonnance du 12 décembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Kopster Porte de Versailles,
en conséquence, déclaré le Tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur les demandes de la société Enterprise Holdings France, telles que figurant à l'acte introductif d'instance du 19 décembre 2023 ;
rejeté les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
réservé les dépens.
Par déclaration du 30 décembre 2024, la S.A.S. [Adresse 7], a interjeté appel de cette ordonnance.
PRETENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 3 juin 2025, la société Kopster Porte de Versailles, appelante, demande à la cour de :
réformer l'ordonnance du 12 décembre 2024 dont appel, en ce que le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire et l'a déclaré compétent pour qualifier la convention de mise à disposition litigieuse,
Statuant à nouveau,
juger que le litige oppose deux sociétés commerciales,
juger que le tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour qualifier le litige en cause,
déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour qualifier la convention en cause, en tant que juge naturel de deux sociétés commerciales,
condamner la société Enterprise Holdings France à payer à la société [Adresse 7] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
La société Kopster Porte de Versailles fait valoir :
- que le tribunal de commerce de Paris est compétent en application de l'article 721-3 du code de commerce dès lors que les parties sont deux sociétés commerciales ;
- que le fait d'invoquer un congé et de demander une requalification en bail commercial est une supercherie pour tenter de rester dans les lieux de manière illégale ;
- que le contrat fait attribution de compétence aux tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris ;
- que c'est au tribunal de commerce, en tant que juridiction compétente pour apprécier le litige entre deux sociétés commerciales, de dire si le litige concerne un bail commercial ;
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 février 2025, la société Enterprise Holdings France, intimée, demande à la cour de :
la recevoir en toutes ses demandes, fins et prétentions,
débouter la société [Adresse 7] de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 décembre 2024 en toutes ses dispositions,
condamner la société Kopster Porte de Versailles au paiement d'une somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société [Adresse 7] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par Maître Stéphane Fertier de la SELARL JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Enterprise Holdings France fait valoir :
- que le tribunal judiciaire de Paris est compétent en application de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire dès lors que la société Enterprise Holdings France sollicite la requalification du contrat conclu entre les parties en bail commercial ;
- qu'en sa forme actuelle, le contrat s'analyse en une convention d'occupation précaire en matière commerciale qui relève également de la compétence du tribunal judiciaire de Paris en application de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire.
Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
Le tribunal judiciaire, juridiction de droit commun, dispose, en vertu de l'article R.211-3-26 du code de l'organisation judiciaire, d'une compétence exclusive en matière de 'baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnelles et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.'
Le tribunal de commerce, juridiction d'exception, ne connaît, en vertu de l'article L. 721-3 du code de commerce, que :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Il est constant que le tribunal de commerce ne peut pas statuer sur un litige qui relève de la compétence matérielle exclusive du tribunal judiciaire.
En l'espèce, la société Enterprise Holdings France a saisi le tribunal judiciaire de Paris, notamment, pour obtenir la requalification du contrat conclu entre les parties en bail commercial.
L'action en requalification d'un contrat en bail commercial nécessite que la juridiction saisie apprécie si le contrat litigieux entre dans le champ d'application du bail commercial défini par les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.
Elle relève en conséquence de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, peu important le bien fondé de cette action et peu important que les deux parties au contrat dont la requalification est sollicitée soient des sociétés commerciales.
Le moyen soulevé par la société [Adresse 7], tiré de l'existence d'une clause d'attribution de compétence dans le contrat litigieux est inopérant dès lors qu'il s'agit d'une clause d'attribution portant sur la compétence territoriale des tribunaux et non sur leur compétence matérielle.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Kopster Porte de Versailles et déclaré le tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur les demandes de la société Enterprise Holdings France, telles que figurant à l'acte introductif d'instance du 19 décembre 2023.
La procédure de première instance n'ayant pas pris fin, il convient également de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a réservé les dépens de première instance.
La société [Adresse 7], qui succombe en appel, est condamnée aux dépens de la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Stéphane Fertier de la Selarl JRF& associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté les demandes des parties formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société [Adresse 7] à payer à la société Enterprise Holdings France la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposées par cette dernière en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme, en toutes ses dispositions soumises à la cour, l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 12 décembre 2024 (RG n° 23/16471),
Y ajoutant,
Condamne la société [Adresse 7] aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Stéphane Fertier de la Selarl JRF& associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société [Adresse 7] à payer à la société Enterprise Holdings France la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposées par cette dernière en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025
(n° 131/2025, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 25/00068 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKRRW
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 décembre 2024 -Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 1ère section) - RG n° 23/16471
APPELANTE
S.A.S. KOPSTER [Adresse 11]
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 8] sous le n° 901 177 972
Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Didier Meynard de la SCP Brodu - Cicurel - Meynard - Gauthier - Marie, avocat au barreau de Paris, toque : P0240
Assistée de Me Richard Zelmati, avocat au barreau de Lyon, substitué à l'audience par Me Bertrand de Belval, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉE
S.A.S. ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 318 771 995
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Assignée à jour fixe le 21 janvier 2025 par remise de l'acte à personne morale
Représentée par Me Stéphane Fertier de la Selarl JRF & Teytaud Saleh, avocat au barreau de Paris, toque : L0075
Assistée de Me Heber-Suffrin Virginie, avocat au barreau de Paris, toque : D1304, substituée à l'audience par Me Markus Van den Boogaard de la Selarl HSA Associés, avocat au barreau de Paris, toque : D1304
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 juin 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Hélène Bussière, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de la chambre 5-3 et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes d'un bail conclu le 1er juin 2018, la société Enterprise Holdings France exploite des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 10], pour l'exercice de l'activité de « Location de courte durée de tous véhicules automobiles ou engins automobiles sans chauffeurs et autres activités administratives, liées à l'activité du Preneur. »
La société Median, qui exploitait un hôtel situé [Adresse 1] disposait d'un certain nombre de places de parking suivant une convention d'occupation d'une dépendance du domaine public qui lui a été consentie par le propriétaire du terrain, SNCF Réseau.
Pour l'exercice de son activité, la société Enterprise Holdings France a conclu avec la société Median un contrat de mise à disposition portant sur 10 places de parking, à compter du 1er octobre 2018 et pour une durée indéterminée, moyennant le versement de 130 euros TTC par voiture par mois civil.
Par jugement du 26 juin 2020, la société Median a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement du 25 juin 2021, a arrêté le plan de cession du fonds de la société.
Par acte daté du 6 juillet 2021 et à effet du 27 avril 2022, le fonds de commerce de la société Median a été vendu à la société [Adresse 7].
Par contrat à effet du 1er juillet 2021, la société Kopster Porte de Versailles a mis à la disposition de la société Enterprise Holdings les 10 places de parking objets du précédent contrat, moyennant le versement de 200 euros TTC par voiture par mois civil.
Suite à l'installation d'une structure de lavage sur les lieux, les parties ont signé un nouveau contrat annulant et remplaçant le précédent, portant sur 14 places de parking, pour un tarif par voiture inchangé.
Le contrat prévoit notamment que la mise à disposition « est consentie à compter du 1er mars 2022 jusqu'au 31 décembre 2023. Après cette date, le tarif sera susceptible d'être modifié. »
Il est également contractuellement prévu que la société [Adresse 7] bénéficiant d'une convention d'occupation d'une dépendance du domaine public consentie par SNCF Réseau, le contrat est précaire et se trouvera automatiquement résilié de plein droit en cas de résiliation de la convention d'occupation à l'initiative de SNCF Réseau. Les parties sont en outre convenues, aux termes de l'article II-2-2 du contrat, que celui-ci pourra être résilié par chacune d'elle à tout moment, à charge pour la partie souhaitant y mettre un terme d'en informer l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception 15 jours calendaires à l'avance.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2023, signée de Mme [E] [T], directrice générale de la société [Adresse 7], il a été notifié à la société Enterprise Holdings France la résiliation du contrat en application des dispositions de l'article II-2-2 sus visé.
Aux termes de ce même courrier, la société [Adresse 7] a demandé à la société Enterprise Holdings France de quitter les lieux au 31 décembre 2023, en remettant en état le parking et en procédant à la désinstallation de la station de lavage mise en place par la société occupante.
La société Enterprise Holdings France s'est maintenue dans les lieux malgré deux relances et elle a, par acte de commissaire de justice signifié le 19 décembre 2023, fait assigner la société [Adresse 7] devant le tribunal judiciaire de Paris demandant à celui-ci, notamment, de juger que le contrat conclu entre la société Kopster Porte de Versailles et la société Enterprise Holdings France est soumis au statut des baux commerciaux.
Parallèlement, par acte de commissaire de justice du 20 février 2024, la société [Adresse 7] a fait assigner la société Enterprise Holdings France devant le Président du tribunal de commerce de Paris, lequel, par ordonnance du 2 avril 2024, a ordonné à la société Enterprise Holdings France de quitter les lieux sous astreinte.
Par ordonnance du 2 octobre 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de cette ordonnance de référé.
Auparavant, dans le cadre l'instance introduite par la société Enterprise Holdings France devant le tribunal judiciaire de Paris suivant acte du 19 décembre 2023, la société [Adresse 7], par conclusions notifiées par RPVA le 24 février 2024, avait saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence.
Par ordonnance du 12 décembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Kopster Porte de Versailles,
en conséquence, déclaré le Tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur les demandes de la société Enterprise Holdings France, telles que figurant à l'acte introductif d'instance du 19 décembre 2023 ;
rejeté les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
réservé les dépens.
Par déclaration du 30 décembre 2024, la S.A.S. [Adresse 7], a interjeté appel de cette ordonnance.
PRETENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 3 juin 2025, la société Kopster Porte de Versailles, appelante, demande à la cour de :
réformer l'ordonnance du 12 décembre 2024 dont appel, en ce que le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire et l'a déclaré compétent pour qualifier la convention de mise à disposition litigieuse,
Statuant à nouveau,
juger que le litige oppose deux sociétés commerciales,
juger que le tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour qualifier le litige en cause,
déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, seul compétent pour qualifier la convention en cause, en tant que juge naturel de deux sociétés commerciales,
condamner la société Enterprise Holdings France à payer à la société [Adresse 7] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
La société Kopster Porte de Versailles fait valoir :
- que le tribunal de commerce de Paris est compétent en application de l'article 721-3 du code de commerce dès lors que les parties sont deux sociétés commerciales ;
- que le fait d'invoquer un congé et de demander une requalification en bail commercial est une supercherie pour tenter de rester dans les lieux de manière illégale ;
- que le contrat fait attribution de compétence aux tribunaux du ressort de la cour d'appel de Paris ;
- que c'est au tribunal de commerce, en tant que juridiction compétente pour apprécier le litige entre deux sociétés commerciales, de dire si le litige concerne un bail commercial ;
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 février 2025, la société Enterprise Holdings France, intimée, demande à la cour de :
la recevoir en toutes ses demandes, fins et prétentions,
débouter la société [Adresse 7] de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 12 décembre 2024 en toutes ses dispositions,
condamner la société Kopster Porte de Versailles au paiement d'une somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société [Adresse 7] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par Maître Stéphane Fertier de la SELARL JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Enterprise Holdings France fait valoir :
- que le tribunal judiciaire de Paris est compétent en application de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire dès lors que la société Enterprise Holdings France sollicite la requalification du contrat conclu entre les parties en bail commercial ;
- qu'en sa forme actuelle, le contrat s'analyse en une convention d'occupation précaire en matière commerciale qui relève également de la compétence du tribunal judiciaire de Paris en application de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire.
Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
Le tribunal judiciaire, juridiction de droit commun, dispose, en vertu de l'article R.211-3-26 du code de l'organisation judiciaire, d'une compétence exclusive en matière de 'baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnelles et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.'
Le tribunal de commerce, juridiction d'exception, ne connaît, en vertu de l'article L. 721-3 du code de commerce, que :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Il est constant que le tribunal de commerce ne peut pas statuer sur un litige qui relève de la compétence matérielle exclusive du tribunal judiciaire.
En l'espèce, la société Enterprise Holdings France a saisi le tribunal judiciaire de Paris, notamment, pour obtenir la requalification du contrat conclu entre les parties en bail commercial.
L'action en requalification d'un contrat en bail commercial nécessite que la juridiction saisie apprécie si le contrat litigieux entre dans le champ d'application du bail commercial défini par les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.
Elle relève en conséquence de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, peu important le bien fondé de cette action et peu important que les deux parties au contrat dont la requalification est sollicitée soient des sociétés commerciales.
Le moyen soulevé par la société [Adresse 7], tiré de l'existence d'une clause d'attribution de compétence dans le contrat litigieux est inopérant dès lors qu'il s'agit d'une clause d'attribution portant sur la compétence territoriale des tribunaux et non sur leur compétence matérielle.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Kopster Porte de Versailles et déclaré le tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur les demandes de la société Enterprise Holdings France, telles que figurant à l'acte introductif d'instance du 19 décembre 2023.
La procédure de première instance n'ayant pas pris fin, il convient également de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a réservé les dépens de première instance.
La société [Adresse 7], qui succombe en appel, est condamnée aux dépens de la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Stéphane Fertier de la Selarl JRF& associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté les demandes des parties formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société [Adresse 7] à payer à la société Enterprise Holdings France la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposées par cette dernière en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme, en toutes ses dispositions soumises à la cour, l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 12 décembre 2024 (RG n° 23/16471),
Y ajoutant,
Condamne la société [Adresse 7] aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Stéphane Fertier de la Selarl JRF& associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société [Adresse 7] à payer à la société Enterprise Holdings France la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposées par cette dernière en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE