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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 3 septembre 2025, n° 20/11111

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/11111

3 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT MIXTE

DU 03 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 20/11111 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQRA

S.N.C. JUIN SAINT HUBERT

C/

[W] [G]

S.A.R.L. RIVIERA GELATI

Copie exécutoire délivrée

le : 3 septembre 2025

à :

Me Emmanuelle ISTRIA

Me Thierry BENSAUDE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce d'Antibes en date du 16 Septembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/000862.

APPELANTE

S.N.C. JUIN SAINT HUBERT,

société en nom collectif au capital de 1.524,49 €, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° 420 118 739, dont le siège social est [Adresse 2], représentée par son représentant légal en exercice,

représentée par Me Emmanuelle ISTRIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Fiona CASSUTO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉS

Monsieur [W] [G]

Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « RIVIERA GELATI »(Enseigne LOVE BIO), demeurant [Adresse 1]

défaillant

S.A.R.L. RIVIERA GELATI,

(enseigne « LOVE BIO BY FRATINI »), SARLimmatriculée au RCS d'[Localité 4] sous le numéro 813 857 695, ayantson siège social dans le local n° M1 situé au sein du CentreCommercial POLYGONE RIVIERA, [Adresse 7]

[Adresse 3],

représentée par Me Thierry BENSAUDE de la SELARL INTERJURIS FRANCE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SNC Juin Saint-Hubert est bailleresse de deux locaux situés au sein du centre commercial Polygone Riviera donnés en location à la société Riviera Gelati.

Selon ordonnance de référé en date du 7 novembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Grasse a':

- rejeté la demande de nullité du bail commercial sous seing privé du 30 décembre 2013;

- reçu la SARL Riviera Gelati en sa demande reconventionnelle de communication sous astreinte des factures insérées dans le cahier des charges techniques preneurs et figurant dans la fiche "travaux preneur" ;

- condamné en conséquence la SNC Juin Saint-Hubert à remettre au preneur lesdites factures d'un montant global de 81 983,02 euros mais qui ne lui aurait été répercutées qu' à hauteur de 38 000 euros, sous astreinte ;

- rejeté la demande de communication sous astreinte de la clé de répartition, du récapitulatif du compte général de l'année 2016, 2017 et le détail du sous-compte parking ;

- constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties en date du 30 décembre 2013 et de son avenant du 11 novembre 2015 par le jeu de la clause résolutoire rappelée dans le commandement délivré par acte d'huissier du 20 décembre 2017, à compter du 21 janvier 2018;

- débouté la SARL Riviera Gelati de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets et de la réalisation de la clause résolutoire contractuelle ;

- ordonné l'expulsion de la SARL Riviera Gelati ;

- condamné la SARL Riviera Gelati à porter et payer à la SNC Juin Saint-Hubert une provision de 120 776,16 euros TTC au titre des loyers et indemnités d'occupation telle que détaillée en pièce n° 13 de son bordereau de communication de pièces et d'une provision à valoir sur les charges limitées à 30 000 euros TTC sur celle de 62 532,82 euros TTC qu'elle revendique;

- dit que les intérêts de retard courront sur la créance locative stricto sensu due au titre des loyers échus au 31 décembre 2017 à compter du commandement de payer du 20 décembre 2017 et pour le surplus à compter de l'assignation du 9 avril 2018 sur les loyers dus à cette date et pour le surplus à compter de ce jour et à compter de ce jour sur la provision à valoir sur les charges;

- dit que la SNC Juin Saint-Hubert conservera à titre de dommages-intérêts le montant du dépôt de garantie versé par le preneur à hauteur de 22 516,62 euros ;

- condamné la SARL Riviera Gelati à porter et payer à la SNC Juin Saint-Hubert une provision de 77 484,53 euros TTC au titre de la déchéance de la franchise et des réductions exceptionnelles du loyer de base qu'elle lui a consenties ;

- fixé le montant de l'indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle à la somme de 11 368,40 euros TTC, à compter du 21 janvier 2018 jusqu'au départ effectif de la SARL Riviera Gelati et remise des clés, charges en sus sur justificatif, charges et taxes sur justificatifs ;

- condamné la SARL Riviera Gelati à payer à la SNC Juin Saint-Hubert cette indemnité ;

- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande tendant à ce que toutes les sommes payées postérieurement au 21 janvier 2018 s'imputeront sur les indemnités d'occupation dues à compter de cette date ;

- dit n'y avoir lieu à réactualisation de l'indemnité d'occupation à l'expiration d'un délai d'un an si la SARL Riviera Gelati se maintenait dans les locaux ;

- condamné la SARL Riviera Gelati aux dépens';

- débouté la SNC Juin Saint Hubert et la SARL Riviera Gelati de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 18 février 2019, la SNC Riviera Gelati a interjeté appel de l'ordonnance.

Par jugement du 12 mars 2019, le tribunal de commerce d'Antibes a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Riviera Gelati et a désigné Maître [W] [G] en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er avril 2019, la SNC Juin Saint Hubert a déclaré sa créance pour un montant de 290.443,38 euros à titre privilégié en sa qualité de bailleresse d'un local n°M1, d'une surface de 85 m² environ, situé au niveau 0 du centre commercial Polygone Riviera et d'un local n°M1, d'une surface de 20 m² environ, situé au niveau -1 du même centre commercial, à usage de réserve, donnés en location à la société Riviera Gelati.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 18 novembre 2019, le mandataire judiciaire a informé la SNC Juin Saint-Hubert que sa créance était discutée dans son intégralité.

Par acte extrajudiciaire en date du 10 janvier 2020, la SNC Juin Saint Hubert a fait délivrer un commandement de payer la somme de 36'955,69 euros visant la cause résolutoire au titre des loyers, charges et accessoires dus au 8 janvier 2020.

Par acte extrajudiciaire en date du 30 janvier 2020, la SNC Riviera Gelati a assigné la SNC Juin Saint-Hubert en opposition au commandement de payer.

Par ordonnance du 16 septembre 2020, le juge commissaire du tribunal de commerce d'Antibes a constaté l'existence d'une instance en cours devant le tribunal judiciaire de Grasse.

Par déclarations en date du 24 septembre 2020 et du 16 novembre 2020, la SNC Juin Saint Hubert a interjeté appel de cette décision.

Selon arrêt avant dire droit rendu par défaut le 6 mars 2025, les deux affaires n° 20/11111 et 20/9120 ont été jointes.

Selon conclusions n°2 notifiées le 22 décembre 2022, la SNC Juin Saint-Hubert demande à la cour de':

Infirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce d'Antibes le 16 septembre 2020 en ce qu'il a, à tort, constaté l'existence d'une instance en cours devant le tribunal judiciaire de Grasse';

Statuant à nouveau,

Rejeter comme mal fondée la contestation non motivée élevée par la SARL Riviera Gelati et relayée par Maître [W] [G], mandataire judiciaire';

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la société Riviera Gelati';

Admettre la créance de la SNC Juin Saint-Hubert à titre privilégié au passif de la SARL Riviera Gelati pour un montant de 290.433,38 euros.

A l'appui de ses demandes, l'appelante soutient que c'est à tort que le juge commissaire a constaté l'existence d'une instance en cours pour les motifs suivants':

- une instance en référé n'étant pas une instance en cours,

- la procédure au fond opposant les parties a été introduite après l'ouverture de la procédure collective, non à l'encontre du débiteur mais à l'encontre du créancier,

- le tribunal n'est pas saisi au fond de la fixation de la créance antérieure au jugement ouvrant la procédure collective mais d'une demande en paiement des loyers et charges postérieurs à l'ouverture de la procédure.

L'appelante soutient ensuite que la contestation du mandataire est insuffisamment motivée et ne lui a pas permis d'en comprendre la portée.

A titre subsidiaire, l'appelante conteste la nullité du bail, fait valoir qu'elle produit les bilans de l'ASL, les rapports sur l'examen des comptes de l'expert-comptable ainsi que les justificatifs des travaux preneurs. Elle conteste le caractère illicite des clauses relatives aux redevances parking, aux charges de fonds marketing, restreignant la possibilité pour le locataire de céder son fonds de commerce et les clauses pénales. Enfin, elle soutient que les sommes réclamées au titre des loyers et des charges sont justifiées contractuellement et par les factures communiquées à l'intimée.

Selon conclusions notifiées le 14 février 2021, la société Riviera Gelati demande à la cour de':

Dire et juger que les contestations portant sur les charges réclamées par le bailleur au titre de sa déclaration de créance font l'objet d'une procédure en cours dont est saisi le tribunal judiciaire de Grasse';

Dire et juger que les contestations portant sur les charges dont le paiement est réclamé par la société Juin Saint Hubert ne relèvent pas de la compétence du juge commissaire';

Confirmer l'ordonnance dont appel ;

A titre subsidiaire,

Enjoindre à la société Juin Saint-Hubert de saisir la juridiction compétente pour obtenir la fixation de sa créance';

Dire et juger que le seul contrat de bail signé entre le propriétaire du local donné en location et le preneur résulte de l'acte sous seing privé intervenu le 11 novembre 2015';

Dire et juger que les pièces que le bailleur s'établit à lui-même, le groupe Unibail étant à la fois propriétaire et gestionnaire du centre par l'entremise de filiales qu'elle détient à 100 %, n'ont pas de force probante dès lors qu'elles ne permettent pas au preneur de vérifier la régularité du compte de charges communes et de leur répartition';

Dire et juger qu'en s'abstenant de justifier d'une clé de répartition conforme aux conditions du bail, c'est-à-dire en fonction des surfaces louées pondérées, le bailleur ne met pas le preneur en situation de vérifier la répartition des charges, étant par ailleurs rappelé que la répartition par tantièmes figurant dans les appels de charges est irrégulière, outre le fait qu'elle n'est pas conforme au bail';

Dire et juger que le bilan sommaire mentionnant le montant global des actifs et des passifs de l' [Adresse 5], comme les dépenses prévisionnelles, et le commentaire du commissaire aux comptes sur les chiffres globaux, ne permettent pas au locataire de vérifier la régularité des comptes de charges dans leur détail, et notamment l'affectation de la somme correspondant à 2,4 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des commerçants du centre destinée à compenser les deux heures de gratuité du parking, tout comme le montant total des frais de gestion pouvant être dissimulés dans des sous -comptes inappropriés';

Dire et juger qu'en s'abstenant de produire les documents comptables sollicités par le preneur, tels qu'ils sont définis par le règlement n°2014-03 du 5 juin 2014, le bailleur a commis un manquement aux dispositions de l'article R.145-36 du code commerce et à la charge de la preuve qui lui incombe';

Dire et juger qu'en s'abstenant de mettre en 'uvre l'organe représentatif des preneurs du centre alors que les dépenses projetées devaient faire l'objet d'une concertation avec les preneurs, que le budget devait être variable, et alors qu'aux termes du bail le locataire est supposé adhérer sans discernement à une politique non définie, le bailleur a commis une faute';

Dire et juger que la clause par laquelle le bailleur annule les remises de loyers convenues au titre des quatre premières années de contrat, ce qui revient à établir un loyer progressif, en cas de défaut de paiement, constitue une clause pénale au sens de la loi';

Dire et juger que la mise en 'uvre de cette clause pénale implique une mise en demeure préalable rappelant expressément cette sanction';

Dire et juger que la cascade de pénalités stipulées au contrat consistant en l'application d'un taux d'intérêts élevé, d'une pénalité de 10 % et de l'annulation des remises contractuelles, est manifestement excessive, en ce qu'elle peut dépasser 48 % du loyer, et sans rapport avec le préjudice réellement subi';

Dire et juger que la société Juin Saint Hubert n'est pas fondée à annuler les remises contractuelles du montant du loyer au titre des quatre premières années de location';

Dire et juger que la société Juin Saint Hubert ne justifie pas des travaux preneurs facturés à la société Riviera Gelati, étant relevé qu'elle a expressément déclarer renoncer à refacturer la plupart d'entre eux, et que s'agissant des travaux résiduels ceux-ci consistent en de gros travaux de construction du centre commercial dont les pièces produites se limitent à des marchés relatifs à l'ensemble du centre sans qu'aucune règle précise et vérifiable soit de nature à confirmer la mise à charge du preneur, celle-ci étant d'ailleurs contraire aux dispositions législatives en matière de gros travaux, et dans tous les cas fixées contractuellement de manière aléatoire';

En conséquence, rejeter en totalité la créance relative aux charges et dépenses marketing';

Réintégrer le montant des travaux preneurs au bénéfice du locataire';

Ramener à la somme de 1 euro le montant des pénalités et clauses pénales';

Rejeter en totalité la créance déclarée par la société Juin Saint-Hubert';

Condamner la société Juin Saint-Hubert à payer à la société Riviera Gelati la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamner la société Juin Saint-Hubert à payer les entiers dépens de l'instance qui seront distraits par Maître Thierry Bensaude.

A l'appui de ses demandes, l'intimée, d'une part, indique qu'elle considère que le contrat de bail commercial est entaché de nullité, et, d'autre part, conteste les charges locatives et les pénalités pratiquées par le bailleur. Elle soutient que ces contestations relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Elle conteste que l'article L.624-2 du code de commerce ne vise que l'instance en cours engagée contre le débiteur et ne vise pas celle engagée par le débiteur.

Sur l'insuffisance motivation de la contestation du mandataire, l'intimée soutient que la jurisprudence excluant la possibilité de rejeter une créance en raison du défaut de réponse du créancier dans le délai de 30 jours de la contestation lorsque ladite contestation est imprécise, n'est pas applicable à l'espèce dès lors que le créancier a répondu dans le délai de 30 jours et qu'il n'est pas demandé le rejet de la créance pour ce motif.

La cour renvoie au dispositif des conclusions de l'intimée pour l'exposé de ses autres moyens.

Me [G] assigné à domicile ès qualités de mandataire le 7 décembre 2020 est défaillant.

Les parties ont été avisées le 20 février 2025, par la voie électronique, de l'appel de l'affaire à l'audience des plaidoiries, en audience de conseiller rapporteur, du 15 mai 2025 et de la date prévisible de la clôture.

La clôture a été prononcée le 7 mai 2025.

A l'audience qui s'est tenue le 15 mai, le conseiller rapporteur a sollicité du conseil de la SNC Juin Saint Hubert que la société Frey Riviera justifie venir aux droits de la SNC Juin Saint-Hubert.

Selon note en délibéré communiquée par RPVA le 3 juin 2025, la SNC Juin Saint-Hubert a confirmé avoir fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société Frey Riviera, de sorte que celle-ci vient aux droits de la première.

Selon note en délibéré en date du 19 juin 2025, la société Riviera Gelati fait valoir que la dissolution sans liquidation de la société Juin Saint Hubert a entraîné la disparition de la personne morale, que la société Juin Saint Hubert n'a plus d'existence, ne pouvait donc pas être représentée, à la date à laquelle l'audience s'est tenue et que la société Frey Riviera devait régulariser sa constitution et former ses demandes en son nom, cette constitution ne pouvant se faire par une note en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les notes en délibéré

Il convient de les accepter dès lors qu'ont été sollicitées à l'audience des précisions quant à la situation de la SNC Juin Saint-Hubert.

Il résulte de la consultation des extraits KBis communiqués par l'appelante que la SNC Juin Saint-Hubert a été dissoute le 12 janvier 2024 par la réunion entre les mains de son associée unique, la société Frey Riviera, de toutes les parts sociales ou actions en une seule main en vertu de l'article 1844-5 du code civil à compter du 10 novembre 2023 et que la SNC Juin Saint-Hubert a été radiée.

En cas de'dissolution'après réunion en une seule main des parts d'une société, il y a'transmission'universelle'du'patrimoine'de la société à l'associé unique personne morale.

Par voie de conséquence, l'associé unique personne morale recueille l'intégralité du'patrimoine'social. Il se substitue à la société dissoute dans tous ses biens,'droits'et obligations. Ainsi, lorsque la personne morale a disparu, il prend la suite de celle-ci dans les actions en justice en'cours'au moment de la'dissolution'de celle-ci.

Il'n'y a donc pas lieu à rouvrir les débats.

Sur la motivation de la contestation du mandataire

Aux termes de l'article R. 624-1 du code de commerce, si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27 du même code.'

L'absence de motivation de la lettre de contestation émise par le mandataire a simplement pour effet de ne pas priver le créancier qui n'a pas répondu dans les 30 jours du droit de contester la décision de'rejet'du juge-commissaire en application L.622-27 et R.624-1 du code de commerce

Le courrier du mandataire de contestation comporte les termes suivants': «' Contestation totale de la créance. Contestation des loyers déclarés au-delà de ce que prévoyait le bail et contestation de la totalité des charges'».

En tout état de cause, la contestation du mandataire apparaît suffisante pour éclairer le créancier sur la nature de la con

testation.

L'appelante sera donc déboutée de sa demande de rejet de la créance pour défaut de motivation de la contestation du mandataire.

Sur l'instance en cours

L'article L.624-2 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose que

« Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.»

La notion d'instance en cours de l'article L.624-2 renvoie directement à celle de l'article L.622-21 qui énonce que le jugement d'ouverture interrompt toute action en justice engagée par le créancier dont la créance est née antérieurement. Il s'agit des actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L.622-22 du même code, « Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.»

L'instance en cours, qui ôte au juge commissaire le pouvoir de statuer sur la créance, est donc le procès engagé contre le débiteur avant le jugement d'ouverture et devant un juge du fond pour obtenir d'une juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.

L'instance en cours ne peut donc être le procès engagé par le débiteur avant le jugement d'ouverture devant un juge du fond.

Or, l'instance en cours a été introduite par acte extrajudiciaire en date du 30 janvier 2020, par la SNC Riviera Gelati qui a assigné la SNC Juin Saint-Hubert en opposition au commandement de payer visant la clause résolutoire.

Ensuite, une'ordonnance'de'référé'n'a pas, au principal, autorité de chose jugée. Dès lors, le juge-commis

saire saisi d'une'contestation'd'une'créance'déclarée doit se prononcer sur l'existence, la nature et le montant de cette'créance'sans pouvoir fonder sa décision sur une'ordonnance'de référé, même exécutoire, ayant accordé une'provision'au créancier sur l'obligation en cause (Cass. com. 14 juin 2023 ' n° 21-21.686).

C'est donc de manière infondée que le juge commissaire a constaté qu'une instance était en cours. L'ordonnance querellée sera infirmée.

Sur les contestations élevées

Conformément à l'article L.624-2 du code de commerce, en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion.

En l'état de la contestation portant tant sur la validité du contrat de bail que sur le décompte des charges et l'application de la clause pénale, la cour d'appel statuant en appel de l'ordonnance du juge commissaire, doit décliner sa compétence et inviter la partie qu'il désigne, à saisir le juge compétent pour trancher la contestation.

En conséquence, conformément à l'article R.624-5 du code de commerce ;

- l'ordonnance frappée d'appel sera infirmée en ce que le juge commissaire a retenu sa compétence pour trancher les contestations sérieuses élevées par les parties,

- la société'SNC Juin Saint Hubert sera invitée à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision à peine de forclusion et devra en justifier auprès du greffe de la juridiction de céans.

Dans l'attente, il sera sursis à statuer sur le fond du dossier et le sort des dépens et l'examen des prétentions formulées au titre des frais irrépétibles seront réservés.

Le dossier sera renvoyé à l'audience d'incident du JEUDI 11 DECEMBRE 2025 à 8h35 pour vérification de la saisine par la SNC Juin Saint Hubert du juge compétent.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mixte rendu par défaut, mis à disposition au greffe,

Reçoit les notes en délibéré communiquées le 3 juin 2025 et le 19 juin 2025 ;

Dit n'y avoir lieu à réouverture des débats';

Infirme l'ordonnance querellée ;

Décline la compétence du juge commissaire pour trancher ces contestations ;

Invite, à peine de forclusion, la SNC Juin Saint-Hubert à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et à en justifier auprès du greffe de la juridiction de céans ;

Sursoit à statuer dans l'attente de la décision définitive à intervenir concernant ces contestations;

Renvoie la cause et les parties à l'audience d'incident du JEUDI 11 DECEMBRE 2025 à 8h35 pour vérification de la saisine du juge compétent par la SNC Juin Saint-Hubert ;

Réserve, dans l'attente, le sort des dépens et l'examen des prétentions formulées au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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