Livv
Décisions

CA Cayenne, ch. com., 4 septembre 2025, n° 24/00277

CAYENNE

Arrêt

Autre

CA Cayenne n° 24/00277

4 septembre 2025

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]

Chambre commerciale

ARRÊT N° 139

N° RG 24/00277 -

N° Portalis 4ZAM-V-B7I-BKN4

PG/HP

S.C.O.P. S.A. CODEPEG

C/

S.A. COGUMER

S.A.S. [N] [P] ET FILS

............

S.C.P. BR ASSOCIES

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025

Ordonnance Référé, origine Président du TJ à compétence commerciale de [Localité 15], décision attaquée en date du 14 Juin 2024, enregistrée sous le n° 2024000918

APPELANTE :

S.C.O.P. S.A. CODEPEG

[Adresse 14]

[Localité 10]

représentée par Me Lucie LOUZE-DONZENAC, avocate postulante au barreau de GUYANE, Me Jean-marie DENOEL, avocat plaidant au barreau de LORIENT

INTIMEES :

S.A. COGUMER

[Adresse 3]

[Localité 12]

défaillante

S.A.S. [N] [P] ET FILS La société [N] [P] ET FILS est prise en la personne de son Président, Monsieur [M] [Z] [P], représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 9]

[Localité 11]

représentée par par Me Emmanuelle PAIRE, avocate postulante au barreau de GUYANE, Me Pierre-Edouard GONDRAN DE ROBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES Prise en la personne de Maître [F] [H], domiciliée en cette qualité audit établissement

Es qualités d'administrateur judiciaire de la société COMPAGNIE GUYANAISE DE TRANSFORMATION DES PRODUITS DE LA MER (COGUMER)

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par Me Cyril CHELLE, avocat au barreau de GUYANE

S.C.P. BR ASSOCIES Prise en la personne Maître [G] [B], domiciliée en cette qualité audit établissement

Es qualités de liquidateur judiciaire de la société COMPAGNIE GUYANAISE DE TRANSFORMATION DES PRODUITS DE LA MER (COGUMER)

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentée par Me Cyril CHELLE, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 avril 2025 en audience publique et mise en délibéré au 12 juin 2025 prorogé au 04 septembre 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Aurore BLUM,

Mme Patricia GOILLOT, Conseillère

M. Laurent SOCHAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Hélène PETRO, Greffière, présente lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par jugement en date du 22 septembre 2022, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (ci-après dénommé COGUMER), laquelle exerce une activité d'achat, vente, importation et exportation de tous les produits de la mer.

La SELARL AJ Associés prise en la personne de Maître [H] a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP BR&Associés prise en la personne de Maître [B] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 22 mars 2024, le tribunal mixte de commerce a converti la procédure ouverte au bénéfice de la société COGUMER en liquidation judiciaire avec poursuite de l'activité jusqu'au 22 juin 2024, en maintenant la SELARL AJ Asssocié en qualité d'administrateur judiciaire pendant la poursuite d'activité et BR Associés en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement rendu le 30 avril 2024, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a arrêté le plan de cession des actifs de la société COGUMER au profit de la société [N] [P] & Fils.

Par acte d'huissier en date du 4 juin 2024, la SAS [N] [P] & Fils a saisi le président du tribunal mixte de commerce en référé aux fins notamment que les sociétés COGUMER et CODEPEG lui permettent l'accès aux locaux situés [Adresse 13] à Cayenne, parcelle AC [Cadastre 4] renumérotées aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7], ainsi qu'aux archives s'y trouvant.

Par ordonnance contradictoire en date du 14 juin 2024, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée,

- ordonné à la Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (COGUMER) de libérer les lieux et permettre l'accès à la SAS [N] [P] &Fils aux locaux situés [Adresse 13] à [Localité 15] (parcelle AC427 numérotées aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]), sous astreinte de 10 000€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la signification de la présente décision et ce pendant une durée provisoire de quatre mois,

- ordonné à la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) de donner accès à la SAS Société [N] [P] & Fils aux locaux situés [Adresse 13] à [Localité 15] (parcelle AC427 numérotées aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]), sous astreinte de 10 000€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la signification de la présente décision et ce pendant une durée provisoire de quatre mois,

- condamné solidairement la Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (COGUMER) et la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) à payer la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (COGUMER) et la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) aux dépens,

- rejeté pour le surplus toutes les autres demandes,

- taxé et liquidé les frais de greffe à la somme de 33,88 €.

Par déclaration en date du 24 juin 2024, la SA CODEPEG a relevé appel de la décision du 14 juin 2024, appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués (RG n°24/277).

Par avis du 10 juillet 2024, l'affaire a été fixée à bref délai.

La SAS [N] [P] & Fils a constitué avocat le 5 juillet 2024.

Les premières conclusions d'appelant ont été transmises le 29 juillet 2024. L'intimée a transmis ses premières conclusions le 29 août 2024.

Par une nouvelle déclaration en date du 30 juillet 2024, la SA CODEPEG a formé appel de la même décision (RG N°24/350) .

La SELARL AJAssociés és qualités d'administrateur judiciaire de la COGUMER et la SCP BR Associés és qualités de liquidateur judiciaire ont constitué avocat le 15 octobre 2024.

Par ordonnance en date du 9 janvier 2025, la présidente de chambre a ordonné la jonction des instances répertoriées N°RG/350 et N°RG 24/277, qui se poursuivront sous le numéro RG 24/277.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant récapitulatives n°3 transmises le 10 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) sollicite, au visa des articles R145-23 du code de commerce, que la cour :

- juge recevable et bien fondé la déclaration d'appel de la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) ,

- juge incompétent le juge des référés du tribunal de commerce de Cayenne pour statuer sur les demandes présentées par la SAS [N] [P] &Fils qui relevaient de la compétence du juge du tribunal judiciaire de Cayenne,

- infirme du chef de la compétence l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Cayenne du 14 juin 2024,

- infirme l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Cayenne du 14 juin 2024 en toutes ses dispositions,

- juge que la société [N] [P] & Fils ne dispose d'aucun fondement légal au soutien de l'ensemble de ses demandes, lesquelles sont en tout état de cause irrecevables et mal fondées,

- déboute la SAS [N] [P] & Fils de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamne la SAS [N] [P] & Fils à payer à la SA CODEPEG la somme de 10 000€ pour procédure abusive,

- condamne la SAS [N] [P] & Fils à payer à la SA CODEPEG la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SAS [N] [P] & Fils aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société CODEPEG expose que dans le cadre du plan de cession des actifs de la SA COGUMER au profit de la société [N] [P] & Fils arrêté par jugement du tribunal mixte de commerce du 30 avril 2024, le périmètre de la reprise des actifs de la SA COGUMER par cette dernière comprenait notamment la reprise du bail commercial conclu le 1er mai 2018 entre la SA COGUMER et la société CODEPEG. Elle explique que le bail portait sur 2 parcelles de terrain sis [Adresse 13] à [Localité 15] comprenant la parcelle cadastrée n°AC n°[Cadastre 5] d'une surface de 1319m2 sur laquelle est édifiée une usine avec des chambres froides et une seconde parcelle cadastrée AC n° [Cadastre 4] d'une surface de 251 m2 sur laquelle est édifiée une baraque en bois de 140m2 hébergeant les locaux administratifs de la COGUMER.

La société appelante soutient que l'intimée a fondé son action sur les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile, alors que le présent litige est relatif à l'exécution du bail commercial conclu le 1er mai 2018 entre la SA COGUMER et la SA CODEPEG, et non sur l'exécution du plan de cession. Elle estime en conséquence que le litige ne relève pas de la procédure de liquidation judiciaire, ouverte à l'encontre de la SA COGUMER, mais d'un litige entre la SA CODEPEG et la société [N] [P] & Fils relatif aux effets du bail, litige relevant en conséquence de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

La société CODEPEG soutient par ailleurs que la société [P] & Fils est en possession depuis le début du mois de mai 2024 des clés lui permettant d'accéder au local administratif édifié sur la parcelle AC N°[Cadastre 4] ainsi qu'aux archives qu'il contenait. Elle ajoute avoir reçu un courrier le 24 juillet 2024 du représentant de la nouvelle direction de la COGUMER à la suite de la reprise lui indiquant qu'elle était en droit d'occuper une partie des locaux situés avenue de la liberté.Elle rappelle qu'elle n'a jamais été dépositaire des archives de la SA COGUMER, et que l'intimée ne justifie pas en quoi ces archives seraient essentielles à la poursuite des activités. Elle joute que M. [C], représentant légal de la société CODEPEG, a adressé par courrier du 30 octobre 2023 à la société COGUMER une lettre visant la résiliation du bail signé le 1er mai 2018, mais qu'il s'agit d'une demande de résiliation du bail litigieux déposée avant la cession des actifs de la SA COGUMER.

L'appelante précise enfin renoncer à sa demande de sursis à statuer, compte tenu de ce que le juge commissaire a rejeté le 25 octobre 2024 sa requête tendant à constater la résiliation judiciaire du bail litigieux pour défaut de paiement des loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure COGUMER.

Aux termes de ses conclusions d'intimée transmise le 30 décembre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société [N] [P] & Fils sollicite, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, que la cour :

- confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 24 juin 2024 du tribunal mixte de commerce de Cayenne ,

- rejette la demande d'incompétence,

- rejette la demande de sursis à statuer de la société CODEPEG,

- déboute la CODEPEG de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamne la Société CODEPEG à payer la somme de 10 000€ pour procédure abusive,

- condamne la Société CODEPEG à payer la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, la société [N] [P] & Fils expose que dans le cadre de la cession de la société COGUMER, elle a notamment repris le bail commercial avec la CODEPEG sur les parcelles AC427 et AC429, et que par jugement du 30 avril 2024, le tribunal mixte de commerce a arrêté le plan de cession de la société COGUMER en rappelant cette reprise du bail commercial ainsi que les archives. Elle précise qu'il a été pris acte dans ce jugement de ce que la CODEPEG prise en la personne de son dirigeant M. [C] renonçait à toute résiliation dudit bail. Elle précise que la date d'entrée en jouissance a été fixée au 1er mai 2024, et que malgré cette décision, la COGUMER à travers son dirigeant et avec la complicité du dirigeant de la CODEPEG, a refusé à la société Achee & Fils l'accès aux locaux administratifs situés sur la parcelle [Cadastre 4] (renumérotés aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]) , tout comme l'accès aux archives stockés dans ces locaux.

L'intimée estime que ceci fait obstcale à son entrée en jouissance et met à mal le sauvetage de l'entreprise. Elle rappelle les dispositions de l'article R662-3 du code de commerce, et le fait que le jugement de cession rappelle de manière explicite que le bail commercial fait partie des actifs incorporels cédés. Elle explique que l'accès à la deuxième parcelle est indispensable pour faire fonctionner l'usine puisqu'il s'y trouve, outre les archives, les bureaux administratifs indispensables à la production agro-alimentaire ainsi que du matériel. Elle affirme que l'accès partiel ne permet pas de faire tourner les installations qui ne sont pas existantes au Larivot, de telle sorte que l'activité se trouve en arrêt technique 6 mois après le jugement de cession. Elle en déduit le lien existant entre le bail commercial et la procédure collective, et souligne que l'action en référé avait pour seul objectif de permettre à la SAS [N] [P] & Fils d'exécuter le jugement de cession, et non l'exécution du bail commercial.

La société [N] [P] & Fils se prévaut par ailleurs des dispositions de l'article L642-7 du code de commerce qui prévoit que le tribunal ordonne le transferts des contrats que le candidat estime nécessaire , transfert qui s'impose aux contractants, rappelant que le tribunal a fixé la date d'entrée en jouissance au lendemain du prononcé du jugement, soit au 1er mai 2024.

Aux termes de leurs conclusions d'intimées et d'appel incident transmise le 22 octobre 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la SELARL AJAssociés és qualités d'administrateur judiciaire de la COGUMER et la SCP BR Associés és qualités de liquidateur judiciaire, sollicitent, au visa des articles R145-23 et L642-7 du code de commerce, 75, 32-1, 872 et 873 du code de procédure civile et 1240 du code civil, que la cour :

- déclare la société AJAssociés, prise en la personne de Me [F] [H], és qualités d'administrateur judiciaire de la COGUMER et la société BR Associés, prise en la personne de Me [G] [B], és qualités de liquidateur judiciaire de la COGUMER, recevables en leur appel incident,

- infirme l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

- ordonné à la Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (COGUMER) de libérer les lieux et permettre l'accès à la SAS [N] [P] &Fils aux locaux situés [Adresse 13] à [Localité 15] (parcelle AC427 numérotées aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]), sous astreinte de 10000€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la signification de la présente décision et ce pendant une durée provisoire de quatre mois,

- condamné solidairement la Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (COGUMER) et la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) à payer la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la Compagnie Guyanaise de Transformation des Produits de la Mer (COGUMER) et la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) aux dépens,

Statuant à nouveau,

- constate que la COGUMER n'est plus en jouissance ni juridiquement ni matériellement des locaux situés [Adresse 13] à [Localité 15] (parcelle AC427 renumérotés aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]),

- constate que la demande de libération des locaux de la SAS [N] [P] & Fils à l'encontre de la COGUMER est devenue sans objet,

En conséquence,

- rejette l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la SAS [N] [P] & Fils à l'encontre de la COGUMER, prise en la personne de son liquidateur judiciaire,

- confirme la décision pour le surplus,

En tout état de cause,

- condamne la CODEPEG à payer la société AJAssociés és qualités d'administrateur judiciaire de la société COGUMER la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- condamne la CODEPEG à payer la société BR Associés és qualités de liquidateur judiciaire de la société COGUMER la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l'appui de leurs demandes, les intimées exposent qu'aux termes du jugement du 30 avril 2024 arrêtant le plan de cession de la société COGUMER en faveur de la SAF, le bail commercial conclu initialement entre CODEPEG, bailleresse, et COGUMER, locataire, a été cédé à la SAF, la juridiction ayant au surplus pris acte de l'engagement de la société CODEPEG de renoncer à tout acte de résiliation de bail commercial. Ils expliquent que la COGUMER s'est cependant vue signifier par la CODEPEG le 14 mai 2024 un commandement de payer les loyers pour la période courant de janvier 2023 à avril 2024, et que la CODEPEG a ensuite saisi le juge commissaire pour voir constater la résiliation du bail judiciaire pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement de redressement judiciaire.

Les intimés indiquent s'en rapporter concernant l'exception d'incompétence soulevée par la CODEPEG. Ils soulignent que la demande de sursis à statuer formée par la CODEPEG est sans objet du fait de la décision du juge commissaire qui sera rendu au moment où la cour statuera.

Ils font valoir les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile, et L642-7 du code de commerce, rappellent qu' aux termes du plan de cession ordonné par jugement le 30 avril 2024, le bail commercial conclu initialemen entre CODEPEG bailleresse et COGUMER locataire a été cédé à la SAF avec date d'entrée en jouissance à compter du 1er mai 2024, la juridiction ayant en outre pris acte de l'engagement de la société CODEPEG de renoncer à tout acte de résiliation de bail commercial.

Ils estiment en conséquence qu'à compter du 1er mai 2024, la COGUMER n'était ni juridiquement ni matériellement en possession des locaux, le litige portant en réalité sur une partie des locaux dont l'accès est entravé par la seule CODEPEG. Ils affirment que les actifs de la COGUMER ont tous été transmis à la SAF dès le 1er mai 2024, et qu'ils justifient de la réalisation d'un état des lieux avec le repreneur et de la remise des clés , de telle sorte que la COGUMER ne peut être condamnée à libérer les lieux sous astreinte, et que les demandes présentées par la SAF à l'encontre de COGUMER sont devenues sans objet.

Sur ce, la cour

Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société CODEPEG

Aux termes de l'article 872, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile prévoient que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé toutes mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application des dispositions de l'article L642-7 du code de commerce, le tribunal détermine les contrats de location nécessaires au maintien de l'activité, et le jugement qui arrête le plan emporte cession de ces contrats.

Par jugement en date du 30 avril 2024, le tribunal mixte de commerce de Cayenne ( pièce n°2 appelante) a arrêté le plan de cession de la COGUMER en faveur de la société [N] [P] & Fils en précisant notamment :

- "Dit que la cession comprend les dispositions suivantes; (...)

Le repreneur s'engage à reprendre :

Au titre des contrats : le candidat entend poursuivre les contrats d'assurance, d'énergie, les contrats conclus avec les pêcheurs sous licence européenne, le bail commercial avec la CODEPEG sur les parcelles AC [Cadastre 4] et AC [Cadastre 5] (...), les archives commerciales (...), les archives sociales (...,) les archives techniques et informatiques et tous contrats y afférents (...)

- Le droit au bail signé le 4 août 2023 modifié par avenant du 23 janvier 2007 et attaché à l'ensemble immobilier situé [Adresse 13] à [Localité 15] (...)

- Prenons acte de la reprise du contrat de bail commercial conclu entre la société COGUMER et la CODEPEG conformément aux engagements pris par le représentant légal de la CODEPEG, M. [C], lequel a affirmé à l'audience avoir renoncé à tout acte de résiliation avant la cession (...)"

Le bail commercial versé aux débats (pièce N° 4 appelante) conclu entre la CODEPEG (bailleresse) et la COGUMER (locataire) le 1er mai 2018 porte sur la parcelle AC [Cadastre 5] de 1319m2 comprenant notamment un atelier de traitement des produits de la mer, des chambres froides, un bâtiment composé de bureaux, et la parcelle AC [Cadastre 4] de 251m2 comprenant 140m2 de bureaux et un local d'archives.

Au vu du jugement de cession et des dispositions susvisées, il convient de constater que la société [P] & Fils est fondée à solliciter l'accès aux deux parcelles concernées, accès apparaissant indispensable à la poursuite de l'activité de la société, puisque s'y trouvent, outre les archives, des bureaux et matériaux lui permettant de faire tourner les installations, et d'éviter un arrêt technique mettant à mal la sauvegarde des emplois et la reprise de l'activité.

Dès lors, et afin de prévenir le dommage imminent qui résulterait de ce que la société [P] & Fils ne pourrait reprendre l'activité de la société objet de la cession dans les conditions arrêtée par le plan décidé à cet effet, il convient de retenir la compétence du président du tribunal de commerce statuant en référé en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 873 du code de procédure civile.

Au surplus, il sera relevé que l'action en référé poursuit en l'espèce à titre principal la mise en oeuvre du plan de cession et l'accès aux locaux nécessaire en découlant, et non l'exécution du bail lui-même.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée.

Il sera dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision à intervenir, la CODEPEG ayant renoncé à cette demande du fait de la décision rendue depuis.

Sur les demandes de la société [P] &Fils

Les intimés organes de la procédure de liquidation de la COGUMER indiquent qu'ils ont permis la jouissance par le repreneur des locaux auxquel il avait accès et de tous les actifs transmis, et que le litige porte sur une partie des locaux dont l'accès est entravé par la seule société CODEPEG. Ils produisent la réalisation d'un état des lieux avec le repreneur (pièce N°7), outre un bordereau de remise des clés à ce dernier (pièce N°8).

Dès lors, ces points n'étant pas contestés par ailleurs par la société [P] & Fils, et étant relevé que la société COGUMER n'est plus en jouissance ni juridique ni matérielle des locaux litigieux, il conviendra de constater que les demandes formées à son encontre sont devenues sans objet.

Au vu des développements précédents relevant la nécessité pour la société [P] & Fils d'accéder aux locaux concernés, la décision de première intance sera confirmée en ce qu'elle a ordonné à juste titre à la CODEPEG de donner accès à la SAS [N] [P] & Fils aux locaux situés [Adresse 13] à [Localité 15] (parcelle AC427 numérotées aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]).

Une astreinte de 1000€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la signification du présent arrêt sera ordonnée, et ce pendant une durée provisoire de trois mois, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Sur les demandes au titre de procédure abusive

Les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile prévoient que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un montant de 10000€, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce, les éléments de la procédure ne permettent pas de caractériser un abus du droit d'exercer une action en justice, tant pour la société CODEPEG, que pour la sociéte [P] & Fils.

Dans ces conditions, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la société CODEPEG à ce titre, et la société [P] & Fils sera déboutée de sa demande formée sur ce fondement, étant ainsi ajouté au jugement déféré.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au vu de la solution du litige à hauteur d'appel, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société COGUMER à payer la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CODEPEG sera condamnée à payer à la société [P] & Fils la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel, ainsi que la somme de 2000€ à chacun des organes de la procédure sur ce même fondement.

La CODEPEG sera débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CODEPEG sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement en matière de référé, par décision contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,

INFIRME l'ordonnance rendue par le tribunal mixte de commerce de Cayenne en date du 14 juin 2024, hormis en ce qu'elle a :

- ordonné à la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) de donner accès à la SAS Société [N] [P] & Fils aux locaux situés [Adresse 13] à [Localité 15] (parcelle AC427 numérotées aujourd'hui [Cadastre 8] et [Cadastre 7]),

- condamné la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) à payer la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Et statuant de nouveau des chefs infirmés,

DIT que l'accès aux locaux concernés devra être donné par la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) sous astreinte de 1000€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la signification du présent arrêt, et ce pendant une durée provisoire de trois mois,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de sursis à statuer,

CONSTATE que les demandes formées à l'encontre de la société COGUMER sont devenue sans objet,

Et y ajoutant,

DEBOUTE la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,

CONDAMNE la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) à payer à SAS Société [N] [P] & Fils la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,

CONDAMNE la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) à payer à la SELARL AJAssociés és qualités d'administrateur judiciaire de la COGUMER et la SCP BR Associés és qualités de liquidateur judiciaire la somme de 2000€ à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,

CONDAMNE la Société Coopérative des Pêcheurs de Guyane (CODEPEG) aux entiers dépens d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.

La Greffière La Présidente de chambre

Hélène PETRO Aurore BLUM

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site