CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 4 septembre 2025, n° 21/10787
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 04 SEPTEMBRE 2025
Rôle N° RG 21/10787 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2L6
S.C.I. JMC
C/
S.A.R.L. KAZUBA
Copie exécutoire délivrée
le : 4 Septembre 2025
à :
Me Philippe-laurent SIDER
Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection de [Localité 6] en date du 28 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/000830.
APPELANTE
S.C.I. JMC
, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.R.L. KAZUBA
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 1er novembre 2009, la SCI JMC a consenti à la SARL Kazuba un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 1] à Arles ( 13200) pour une durée de neuf années et moyennant le versement d'un loyer de 12.000 € HT par an, payable mensuellement.
Indiquant que la SARL Kazuba avait quitté les lieux le 2 novembre 2018 et qu'elle restait redevable d'un arriéré locatif, d'un rappel de taxes foncières outre des frais de remise en état au titre des dégradations commises, la SCI JMC a déposé une requête en injonction de payer devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarascon.
Par ordonnance en date du 24 septembre 2019, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarascon a enjoint à la SARL Kazuba de payer à la SCI JMC les sommes suivantes:
- loyer octobre 2018: 1.999,68 €,
- taxes foncières 2018: 2.242 €
- travaux de remise en état: 4.868,40 €,
- 51,48 € au titre des frais accessoires, outre les dépens.
Cette ordonnance a été signifiée le 30 septembre 2019 à la SARL Kazuba, qui a formé opposition le 3 octobre 2019.
Par jugement en date du 28 mai 2021, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Tarascon a:
- reçu l'opposition de la SARL Kazuba formée à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer du tribunal judiciaire de Tarascon du 24 septembre 2020 ( sic),
- rappelé que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer,
- dit irrecevables les demandes de la SCI JMC dépourvue d'un intérêt à agir à l'encontre de la SARL Kazuba,
- condamné la SCI JMC aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- la SARL Kazuba soutient que la SCI JMC est dépourvue de qualité à agir au motif qu'elle a signé, le 6 janvier 2017, un nouveau bail, se substituant au premier, pour les mêmes locaux mais d'une superficie supérieure, avec la société FJ Immoconcept,
- la SCI JMC qui conteste l'existence de ce deuxième bail, explique que les deux sociétés sont deux entités distinctes qui ont le même objet, l'une étant propriétaire et l'autre s'occupant de la gestion,
- la SCI JMC ne précise, ni ne justifie qui fait quoi, n'apporte pas la preuve de l'acte de propriété dudit immeuble, ni davantage d'un contrat lui permettant de sous-louer lesdits locaux, ou encore d'un mandat de gestion,
- elle ne verse aucune pièce sur la SAS FJ Immoconcept, qu'elle n'a pas attrait à la procédure pour éclairer le débat,
- faute pour la SCI JMC de justifier de son intérêt et de sa qualité à agir, elle doit être déclarée irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Kazuba.
Par déclaration en date du 16 juillet 2021, la SCI JMC a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 avril 2022, la SCI JMC demande à la cour de:
Réformant la décision prononcée
- juger que la SCI JMC est propriétaire des locaux donnés à bail en novembre 2009, bail reconduit tacitement jusqu'en novembre 2018, a intérêt à agir dans le cadre de la présente procédure pour faire reconnaître ses créances,
- juger mal fondée l'opposition formée par la SARL Kazuba,
En conséquence,
- débouter la SARL Kazuba de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions et notamment de ses demandes reconventionnelles visant à la condamnation de la SCI JMC à payer les sommes de 1.280 € et de 2.780,02 €, la saisie conservatoire, non perçue par la SCI JMC couvrant les loyers d'octobre 2018 et les frais engendrés par l'inertie de la société Kazuba et les cautions de 2.700 € devant être imputées non sur le loyer d'octobre 2018 mais éventuellement sur les travaux réalisés par la SCI JMC à ses frais afin de pouvoir relouer plus tôt,
- condamner la SARL Kazuba à payer à la SCI JMC les sommes de:
* 1.420 € HT au titre du loyer du mois d'octobre 2018,
* 246,40 € HT au titre des frais de relance du 1er septembre 2018 et du 1er octobre 2018,
* 2.242 € au titre du rappel de taxes foncières,
* 4.868,40 € au titre des travaux de remise en état,
* 2.000 € pour la résistance abusive,
Toutes ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019,
- condamner la SARL Kazuba à payer à la SCI JMC la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Kazuba aux entiers dépens de la procédure.
La SARL Kazuba, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 août 2022, demande à la cour de:
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarascon le 28 mai 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI JMC, dépourvue d'un intérêt à agir à l'encontre de la concluante,
- débouter la SCI JMC de toutes ses demandes, fins et conclusions pour défaut de qualité et d'intérêt à agir dans le présent litige qui semble concerner la SAS FJ Immoconcept,
A titre subsidiaire et sur le fond,
- annuler l'ordonnance portant injonction de payer en date du 24 septembre 2019,
- débouter la SCI JMC de sa demande en paiement du loyer d'octobre 2018 qui lui a déjà été réglé par compensation avec les dépôts de garantie réglés par la concluante,
- débouter la SCI JMC de sa demande en paiement des frais complémentaires qui ne sont pas justifiés,
- débouter la SCI JMC de sa demande en paiement de rappel de taxes foncières 2017 au motif qu'elle ne justifie pas de la part due par la concluante,
- appliquer les dispositions de l'article L 145-40-1 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 20 juin 2014 au cas d'espèce,
- débouter la SCI JMC de sa demande d'indemnisation au titre de prétendus travaux de remis en état des lieux, au motif d'une part qu'elle ne peut se prévaloir que de la présomption de bon état des lieux à l'entrée de la locataire prévue à l'article 1731 du code civil, et d'autre part, en ce qu'il n'est pas établi que des dégradations soient imputables à la concluante,
- débouter la SCI JMC de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- faire droit aux demandes reconventionnelles de la concluante,
- condamner la SCI JMC à régler à la concluante:
* la somme de 1.280 € correspondant au solde des dépôts de garantie réglés par la concluante dans le cadre des différents baux ayant lié les parties, après déduction du montant du loyer d'octobre 2018, outre intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2018,
* la somme de 2.780,02 € récupérée sur le compte bancaire de la concluante dans le cadre de la saisie conservatoire en date du 23 juillet 2019, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date,
En tout état de cause,
- condamner la SCI JMC à régler à la concluante la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 22 avril 2025.
MOTIFS
En cause d'appel, aucune partie ne discute de la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer du 24 septembre 2019, formée le 3 octobre 2019 par la SARL Kazuba, alors que ladite ordonnance lui avait été signifiée le 30 septembre 2019.
Sur la recevabilité des demandes de la SCI JMC à l'encontre de la SARL Kazuba
La SARL Kazuba oppose en premier lieu à la SCI JMC l'irrecevabilité de ses demandes, faute pour elle de justifier de sa qualité de propriétaire des locaux loués, en s'appuyant sur un nouveau bail qui lui a été consenti le 6 janvier 2017 par la société FJ Immoconcept.
La SCI JMC fait grief au premier retenu d'avoir retenu cette fin de non recevoir alors que la SAS Immoconcept, qui a bien le même gérant, M. [L], n'est pas propriétaire des biens donnés mais s'occupe de leur gestion. En revanche, elle soutient qu'elle a seule la qualité de bailleresse comme étant l'unique propriétaire des locaux litigieux.
En vertu de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Au soutien de ses demandes en paiement à l'encontre de l'intimée, la SCI JMC s'appuie sur un bail commercial en date du 1er novembre 2009 qu'elle a consenti à la SARL Kazuba portant sur des locaux sis [Adresse 2] à Arles ( 13200) d'une superficie totale de 265 m² pour une durée de neuf années devant se terminer le 1er novembre 2018 et moyennant le paiement d'un loyer annuel de 12.000 € hors taxes, payable chaque mois à terme d'avance. Le dépôt de garantie versé par le locataire était de 2.000 €.
Il est prévu par ce bail que la destination est la suivante: ' Vente et stockage de gros équipements sanitaires'.
La partie intimée communique en pièce 2 un bail commercial en date du 6 janvier 2017 conclu entre la SAS FJ Immoconcept, représentée par son président, M. [H] [L], dont il n'est pas contesté qu'il est également le gérant de la SCI JMC, et la SARL Kazuba, portant sur des locaux situés à la même adresse que le précédent bail mais concernant des locaux d'une superficie de 320 m² et toujours aux fins d'exercice d'une activité de vente et stockage en gros de matériel et équipements sanitaires. La date de prise d'effet du bail est fixée au 1er octobre 2016 pour se terminer le 14 octobre 2025. Enfin, il a été consenti pour un loyer annuel hors taxes fixé à 17.040 € ( soit 1.420 € par mois), payable chaque mois et la première fois le 15 octobre 2016. Il est stipulé le versement d'un dépôt de garantie de 2.700 € . La première page de ce bail comporte la mention ' Annule et remplace le précédent'.
La SARL Kazuba communique des avis de loyer émis en 2017 par la SAS FJ Immoconcept ainsi que des relances d'impayés de la part de cette même société en 2018. Elle produit également une attestation de son expert- comptable accompagnée d'un extrait du grand livre précisant qu'une première caution de 2.000 € a été versée en novembre 2009 et une autre caution de 700 € dans le bail Immoconcept.
Il est versé aux débats les extraits Kbis des deux sociétés JMC et FJ Immoconcept qui effectivement mettent en évidence qu'elles ont certes le même représentant légal, M. [L], exercent la même activité et ont leurs sièges sociaux à la même adresse mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de deux entités juridiques totalement distinctes et qu'au regard du second bail qui a été régularisé le 6 janvier 2017, la SCI JMC ne justifie pas de sa qualité de bailleur des locaux donnés en location à la SARL Kazuba en ce que:
- le contrat du 6 janvier 2017 précise qu'il annule et remplace et remplace le précédent et surtout il est consenti par la société FJ Immoconcept, ci-après désigné ' le bailleur' , sans qu'il soit fait à aucun moment référence à l'existence d'un quelconque mandat de gestion qui aurait été confié par la SCI JMC à la SAS FJ Immoconcept afin de conclure un nouveau bail portant sur les mêmes locaux mais de taille supérieure,
- elle réclame un arriéré de loyer calculé sur la base, non du montant convenu dans le premier bail mais à partir de celui fixé dans le second bail, tout en persistant à s'appuyer exclusivement sur le contrat du 1er novembre 2009,
- l'état des lieux de sortie qu'elle a fait établir porte sur la totalité des locaux tels que compris dans le bail du 6 janvier 2017.
En outre, alors que le premier juge a expressément relevé qu'elle ne rapportait pas la preuve de son titre de propriété de l'immeuble sur la période litigieuse, la SCI JMC entend se prévaloir, en cause d'appel, de ses pièces 11 à 13, à savoir:
- un acte notarié du 2 juin 2005 par lequel elle a acquis des locaux consistant en un hangar à usage commercial situés à [Adresse 3], alors que l'adresse des locaux donnés à bail est le [Adresse 2],
- un acte de cession de parts sociales du 30 novembre 2006, en vertu duquel Mlle [F] [L] a cédé à M. [H] [L] les parts qu'elle détenait dans la SCI JMC,
- un plan de division, partiellement illisible datant de 2010 .
Ces quelques éléments ne permettent nullement d'établir que la SCI JMC est toujours propriétaire des locaux au moment de la signature du bail du 6 janvier 2017.
Elle s'abstient, en particulier, de communiquer la moindre pièce contemporaine des faits à l'origine de la procédure et notamment une matrice cadastrale qui aurait permis de vérifier sa qualité de propriétaire des locaux donnés à bail et par là de son intérêt à agir.
Force est de constater que devant la cour, la SCI JMC n'est toujours pas en mesure de justifier de son intérêt et de sa qualité à agir, à savoir sa qualité de bailleresse des lieux donnés en location à la SARL Kazuba.
Elle est donc irrecevable en ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Kazuba, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les demandes reconventionnelles de la SARL Kazuba
Il apparaît que le premier juge a omis de statuer sur les demandes reconventionnelles formées par la société intimée.
Celle-ci réclame en premier lieu la condamnation de la SCI JMC à lui rembourser le dépôt de garantie. Or, au regard des développements qui précèdent, cette demande doit être formée à l'encontre de la SAS FJ Immoconcept.
La société intimée sollicite en outre la condamnation de la SCI JMC à lui restituer la somme de 2.780,02 € correspondant à la somme, objet de la saisie conservatoire effectuée sur son compte bancaire à l'initiative de la SCI JMC.
Il ressort effectivement des pièces produites que par procès-verbal en date du 23 juillet 2019, la SCI JMC a procédé une saisie conservatoire pour une somme de 2.780,02 € entre les mains du CIC Lyonnaise de Banque, établissement qui détient plusieurs comptes bancaires ouverts au nom de la SARL Kazuba. Cette saisie conservatoire a été régulièrement dénoncée, par acte extra-judiciaire du 26 juillet 2019, à la société intimée.
Il n'en demeure pas moins que la saisie conservatoire est une mesure provisoire qui permet au créancier de bloquer une somme d'argent sur les comptes bancaires du débiteur. Cette procédure a pour effet de rendre indisponibles les fonds sur le compte bancaire du débiteur même en l'absence de titre exécutoire, permettant ainsi au créancier de préserver ses chances de recouvrement face à un débiteur défaillant. Or, comme le souligne à juste titre la SCI JMC, elle n'a pas perçu la somme, objet du procès-verbal de saisie conservatoire du 23 juillet 2019 et ne peut donc être condamnée à la rembourser à la SARL Kazuba. Il appartient à cette dernière d'en contester la validité et d'en réclamer la mainlevée auprès du juge de l'exécution, comme cela lui a été rappelé dans l'acte de dénonciation de saisie conservatoire qui lui a été signifié.
La SARL Kazuba sera donc déboutée de ses demandes reconventionnelles.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Tarascon sauf à préciser que l'ordonnance portant injonction de payer a été rendue le 24 septembre 2019 et non le 24 septembre 2020,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Kazuba de ses demandes reconventionnelles,
Condamne la SCI JMC à payer à la SARL Kazuba la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI JMC aux dépens de la procédure d'appel.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 04 SEPTEMBRE 2025
Rôle N° RG 21/10787 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2L6
S.C.I. JMC
C/
S.A.R.L. KAZUBA
Copie exécutoire délivrée
le : 4 Septembre 2025
à :
Me Philippe-laurent SIDER
Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection de [Localité 6] en date du 28 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/000830.
APPELANTE
S.C.I. JMC
, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.R.L. KAZUBA
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2025
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 1er novembre 2009, la SCI JMC a consenti à la SARL Kazuba un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 1] à Arles ( 13200) pour une durée de neuf années et moyennant le versement d'un loyer de 12.000 € HT par an, payable mensuellement.
Indiquant que la SARL Kazuba avait quitté les lieux le 2 novembre 2018 et qu'elle restait redevable d'un arriéré locatif, d'un rappel de taxes foncières outre des frais de remise en état au titre des dégradations commises, la SCI JMC a déposé une requête en injonction de payer devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarascon.
Par ordonnance en date du 24 septembre 2019, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarascon a enjoint à la SARL Kazuba de payer à la SCI JMC les sommes suivantes:
- loyer octobre 2018: 1.999,68 €,
- taxes foncières 2018: 2.242 €
- travaux de remise en état: 4.868,40 €,
- 51,48 € au titre des frais accessoires, outre les dépens.
Cette ordonnance a été signifiée le 30 septembre 2019 à la SARL Kazuba, qui a formé opposition le 3 octobre 2019.
Par jugement en date du 28 mai 2021, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Tarascon a:
- reçu l'opposition de la SARL Kazuba formée à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer du tribunal judiciaire de Tarascon du 24 septembre 2020 ( sic),
- rappelé que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer,
- dit irrecevables les demandes de la SCI JMC dépourvue d'un intérêt à agir à l'encontre de la SARL Kazuba,
- condamné la SCI JMC aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- la SARL Kazuba soutient que la SCI JMC est dépourvue de qualité à agir au motif qu'elle a signé, le 6 janvier 2017, un nouveau bail, se substituant au premier, pour les mêmes locaux mais d'une superficie supérieure, avec la société FJ Immoconcept,
- la SCI JMC qui conteste l'existence de ce deuxième bail, explique que les deux sociétés sont deux entités distinctes qui ont le même objet, l'une étant propriétaire et l'autre s'occupant de la gestion,
- la SCI JMC ne précise, ni ne justifie qui fait quoi, n'apporte pas la preuve de l'acte de propriété dudit immeuble, ni davantage d'un contrat lui permettant de sous-louer lesdits locaux, ou encore d'un mandat de gestion,
- elle ne verse aucune pièce sur la SAS FJ Immoconcept, qu'elle n'a pas attrait à la procédure pour éclairer le débat,
- faute pour la SCI JMC de justifier de son intérêt et de sa qualité à agir, elle doit être déclarée irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Kazuba.
Par déclaration en date du 16 juillet 2021, la SCI JMC a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 avril 2022, la SCI JMC demande à la cour de:
Réformant la décision prononcée
- juger que la SCI JMC est propriétaire des locaux donnés à bail en novembre 2009, bail reconduit tacitement jusqu'en novembre 2018, a intérêt à agir dans le cadre de la présente procédure pour faire reconnaître ses créances,
- juger mal fondée l'opposition formée par la SARL Kazuba,
En conséquence,
- débouter la SARL Kazuba de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions et notamment de ses demandes reconventionnelles visant à la condamnation de la SCI JMC à payer les sommes de 1.280 € et de 2.780,02 €, la saisie conservatoire, non perçue par la SCI JMC couvrant les loyers d'octobre 2018 et les frais engendrés par l'inertie de la société Kazuba et les cautions de 2.700 € devant être imputées non sur le loyer d'octobre 2018 mais éventuellement sur les travaux réalisés par la SCI JMC à ses frais afin de pouvoir relouer plus tôt,
- condamner la SARL Kazuba à payer à la SCI JMC les sommes de:
* 1.420 € HT au titre du loyer du mois d'octobre 2018,
* 246,40 € HT au titre des frais de relance du 1er septembre 2018 et du 1er octobre 2018,
* 2.242 € au titre du rappel de taxes foncières,
* 4.868,40 € au titre des travaux de remise en état,
* 2.000 € pour la résistance abusive,
Toutes ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019,
- condamner la SARL Kazuba à payer à la SCI JMC la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Kazuba aux entiers dépens de la procédure.
La SARL Kazuba, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 août 2022, demande à la cour de:
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarascon le 28 mai 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI JMC, dépourvue d'un intérêt à agir à l'encontre de la concluante,
- débouter la SCI JMC de toutes ses demandes, fins et conclusions pour défaut de qualité et d'intérêt à agir dans le présent litige qui semble concerner la SAS FJ Immoconcept,
A titre subsidiaire et sur le fond,
- annuler l'ordonnance portant injonction de payer en date du 24 septembre 2019,
- débouter la SCI JMC de sa demande en paiement du loyer d'octobre 2018 qui lui a déjà été réglé par compensation avec les dépôts de garantie réglés par la concluante,
- débouter la SCI JMC de sa demande en paiement des frais complémentaires qui ne sont pas justifiés,
- débouter la SCI JMC de sa demande en paiement de rappel de taxes foncières 2017 au motif qu'elle ne justifie pas de la part due par la concluante,
- appliquer les dispositions de l'article L 145-40-1 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 20 juin 2014 au cas d'espèce,
- débouter la SCI JMC de sa demande d'indemnisation au titre de prétendus travaux de remis en état des lieux, au motif d'une part qu'elle ne peut se prévaloir que de la présomption de bon état des lieux à l'entrée de la locataire prévue à l'article 1731 du code civil, et d'autre part, en ce qu'il n'est pas établi que des dégradations soient imputables à la concluante,
- débouter la SCI JMC de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- faire droit aux demandes reconventionnelles de la concluante,
- condamner la SCI JMC à régler à la concluante:
* la somme de 1.280 € correspondant au solde des dépôts de garantie réglés par la concluante dans le cadre des différents baux ayant lié les parties, après déduction du montant du loyer d'octobre 2018, outre intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2018,
* la somme de 2.780,02 € récupérée sur le compte bancaire de la concluante dans le cadre de la saisie conservatoire en date du 23 juillet 2019, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date,
En tout état de cause,
- condamner la SCI JMC à régler à la concluante la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 22 avril 2025.
MOTIFS
En cause d'appel, aucune partie ne discute de la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer du 24 septembre 2019, formée le 3 octobre 2019 par la SARL Kazuba, alors que ladite ordonnance lui avait été signifiée le 30 septembre 2019.
Sur la recevabilité des demandes de la SCI JMC à l'encontre de la SARL Kazuba
La SARL Kazuba oppose en premier lieu à la SCI JMC l'irrecevabilité de ses demandes, faute pour elle de justifier de sa qualité de propriétaire des locaux loués, en s'appuyant sur un nouveau bail qui lui a été consenti le 6 janvier 2017 par la société FJ Immoconcept.
La SCI JMC fait grief au premier retenu d'avoir retenu cette fin de non recevoir alors que la SAS Immoconcept, qui a bien le même gérant, M. [L], n'est pas propriétaire des biens donnés mais s'occupe de leur gestion. En revanche, elle soutient qu'elle a seule la qualité de bailleresse comme étant l'unique propriétaire des locaux litigieux.
En vertu de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Au soutien de ses demandes en paiement à l'encontre de l'intimée, la SCI JMC s'appuie sur un bail commercial en date du 1er novembre 2009 qu'elle a consenti à la SARL Kazuba portant sur des locaux sis [Adresse 2] à Arles ( 13200) d'une superficie totale de 265 m² pour une durée de neuf années devant se terminer le 1er novembre 2018 et moyennant le paiement d'un loyer annuel de 12.000 € hors taxes, payable chaque mois à terme d'avance. Le dépôt de garantie versé par le locataire était de 2.000 €.
Il est prévu par ce bail que la destination est la suivante: ' Vente et stockage de gros équipements sanitaires'.
La partie intimée communique en pièce 2 un bail commercial en date du 6 janvier 2017 conclu entre la SAS FJ Immoconcept, représentée par son président, M. [H] [L], dont il n'est pas contesté qu'il est également le gérant de la SCI JMC, et la SARL Kazuba, portant sur des locaux situés à la même adresse que le précédent bail mais concernant des locaux d'une superficie de 320 m² et toujours aux fins d'exercice d'une activité de vente et stockage en gros de matériel et équipements sanitaires. La date de prise d'effet du bail est fixée au 1er octobre 2016 pour se terminer le 14 octobre 2025. Enfin, il a été consenti pour un loyer annuel hors taxes fixé à 17.040 € ( soit 1.420 € par mois), payable chaque mois et la première fois le 15 octobre 2016. Il est stipulé le versement d'un dépôt de garantie de 2.700 € . La première page de ce bail comporte la mention ' Annule et remplace le précédent'.
La SARL Kazuba communique des avis de loyer émis en 2017 par la SAS FJ Immoconcept ainsi que des relances d'impayés de la part de cette même société en 2018. Elle produit également une attestation de son expert- comptable accompagnée d'un extrait du grand livre précisant qu'une première caution de 2.000 € a été versée en novembre 2009 et une autre caution de 700 € dans le bail Immoconcept.
Il est versé aux débats les extraits Kbis des deux sociétés JMC et FJ Immoconcept qui effectivement mettent en évidence qu'elles ont certes le même représentant légal, M. [L], exercent la même activité et ont leurs sièges sociaux à la même adresse mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de deux entités juridiques totalement distinctes et qu'au regard du second bail qui a été régularisé le 6 janvier 2017, la SCI JMC ne justifie pas de sa qualité de bailleur des locaux donnés en location à la SARL Kazuba en ce que:
- le contrat du 6 janvier 2017 précise qu'il annule et remplace et remplace le précédent et surtout il est consenti par la société FJ Immoconcept, ci-après désigné ' le bailleur' , sans qu'il soit fait à aucun moment référence à l'existence d'un quelconque mandat de gestion qui aurait été confié par la SCI JMC à la SAS FJ Immoconcept afin de conclure un nouveau bail portant sur les mêmes locaux mais de taille supérieure,
- elle réclame un arriéré de loyer calculé sur la base, non du montant convenu dans le premier bail mais à partir de celui fixé dans le second bail, tout en persistant à s'appuyer exclusivement sur le contrat du 1er novembre 2009,
- l'état des lieux de sortie qu'elle a fait établir porte sur la totalité des locaux tels que compris dans le bail du 6 janvier 2017.
En outre, alors que le premier juge a expressément relevé qu'elle ne rapportait pas la preuve de son titre de propriété de l'immeuble sur la période litigieuse, la SCI JMC entend se prévaloir, en cause d'appel, de ses pièces 11 à 13, à savoir:
- un acte notarié du 2 juin 2005 par lequel elle a acquis des locaux consistant en un hangar à usage commercial situés à [Adresse 3], alors que l'adresse des locaux donnés à bail est le [Adresse 2],
- un acte de cession de parts sociales du 30 novembre 2006, en vertu duquel Mlle [F] [L] a cédé à M. [H] [L] les parts qu'elle détenait dans la SCI JMC,
- un plan de division, partiellement illisible datant de 2010 .
Ces quelques éléments ne permettent nullement d'établir que la SCI JMC est toujours propriétaire des locaux au moment de la signature du bail du 6 janvier 2017.
Elle s'abstient, en particulier, de communiquer la moindre pièce contemporaine des faits à l'origine de la procédure et notamment une matrice cadastrale qui aurait permis de vérifier sa qualité de propriétaire des locaux donnés à bail et par là de son intérêt à agir.
Force est de constater que devant la cour, la SCI JMC n'est toujours pas en mesure de justifier de son intérêt et de sa qualité à agir, à savoir sa qualité de bailleresse des lieux donnés en location à la SARL Kazuba.
Elle est donc irrecevable en ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Kazuba, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les demandes reconventionnelles de la SARL Kazuba
Il apparaît que le premier juge a omis de statuer sur les demandes reconventionnelles formées par la société intimée.
Celle-ci réclame en premier lieu la condamnation de la SCI JMC à lui rembourser le dépôt de garantie. Or, au regard des développements qui précèdent, cette demande doit être formée à l'encontre de la SAS FJ Immoconcept.
La société intimée sollicite en outre la condamnation de la SCI JMC à lui restituer la somme de 2.780,02 € correspondant à la somme, objet de la saisie conservatoire effectuée sur son compte bancaire à l'initiative de la SCI JMC.
Il ressort effectivement des pièces produites que par procès-verbal en date du 23 juillet 2019, la SCI JMC a procédé une saisie conservatoire pour une somme de 2.780,02 € entre les mains du CIC Lyonnaise de Banque, établissement qui détient plusieurs comptes bancaires ouverts au nom de la SARL Kazuba. Cette saisie conservatoire a été régulièrement dénoncée, par acte extra-judiciaire du 26 juillet 2019, à la société intimée.
Il n'en demeure pas moins que la saisie conservatoire est une mesure provisoire qui permet au créancier de bloquer une somme d'argent sur les comptes bancaires du débiteur. Cette procédure a pour effet de rendre indisponibles les fonds sur le compte bancaire du débiteur même en l'absence de titre exécutoire, permettant ainsi au créancier de préserver ses chances de recouvrement face à un débiteur défaillant. Or, comme le souligne à juste titre la SCI JMC, elle n'a pas perçu la somme, objet du procès-verbal de saisie conservatoire du 23 juillet 2019 et ne peut donc être condamnée à la rembourser à la SARL Kazuba. Il appartient à cette dernière d'en contester la validité et d'en réclamer la mainlevée auprès du juge de l'exécution, comme cela lui a été rappelé dans l'acte de dénonciation de saisie conservatoire qui lui a été signifié.
La SARL Kazuba sera donc déboutée de ses demandes reconventionnelles.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Tarascon sauf à préciser que l'ordonnance portant injonction de payer a été rendue le 24 septembre 2019 et non le 24 septembre 2020,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Kazuba de ses demandes reconventionnelles,
Condamne la SCI JMC à payer à la SARL Kazuba la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI JMC aux dépens de la procédure d'appel.
Le Greffier, La Présidente,