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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 4 septembre 2025, n° 24/06067

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 24/06067

4 septembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 24/06067 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QO7Z

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 NOVEMBRE 2024

Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER N° RG 24/31182

APPELANTE :

Société SME FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me CHAREAU substituant Me Karine LEBOUCHER de la SELARL LEBOUCHER AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.C.I. EBAIL

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Romain SUBIRATS de la SELARL SUBIRATS AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 13 Mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2025,en audience publique, devant Mme Virginie HERMENT, Conseillère, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 29 juin 2022, la société civile immobilière Ebail a donné à bail à la société par actions simplifiée à associé unique SME France des locaux à usage commercial, représentant les lots portant les numéros 1, 2 et 12, situés [Adresse 3] à [Localité 5], pour une durée de neuf années, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 36 000 euros ttc hors charge les trois premières années et de 40 320 euros ttc hors charge à partir de la quatrième année, payable trimestriellement, outre la somme annuelle de 2 700 euros ht à titre de provision sur charges et la somme annuelle de 3 300 euros ht à titre de provision sur la taxe foncière.

Le 8 décembre 2023, la société Ebail a fait délivrer à la société SME France un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 12 743, 61 euros en principal.

Aux termes d'un avenant du 1er mars 2024, une modification du bail initial a été convenue entre les parties. Les parties ont convenu qu'à compter de cette date, les locaux loués ne seraient plus constitués que du lot portant le numéro 12 et que le loyer annuel serait de 11 250 euros hors taxe et que le montant annuel des provisions sur charges serait de 3 000 euros ttc.

Le 25 avril 2024, la société Ebail a fait délivrer à la société SME France un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme de 22 282,20 euros en principal.

Puis, par acte de commissaire de justice en date du 19 juin 2024, la société Ebail a fait assigner la société SME France en référé devant le président du tribunal judiciaire de Montpellier afin qu'il :

- constate la résiliation du bail intervenue de plein droit du fait du jeu de la clause résolutoire,

- déclare en conséquence, la société SME France occupante sans droit ni titre,

- ordonne son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef, et ce au besoin avec l'aide de la force publique, à compter de la signification de la décision à intervenir,

- dise que l'indemnité d'occupation, due à compter de la résiliation du bail au 25 mai 2024, serait équivalente à ce qu'aurait été le loyer, hors taxe et hors charge, si le bail n'avait pas été résilié,

- dise que la société SME France serait tenue au paiement des charges au prorata de son occupation,

- condamne la société SME France au paiement de la somme de 22 282, 20 euros à titre de provision sur les loyers et charges, arrêtés à la date du commandement de payer et échus depuis ce commandement, la somme de 1 114 euros à titre de provision sur l'indemnité forfaitaire, l'indemnité trimestrielle d'occupation au prorata de son occupation, ainsi que la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les coûts de dénonce aux créanciers inscrits.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 14 novembre 2024, le président du tribunal judiciaire de Montpellier a :

- constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties par l'effet du commandement de payer en date du 25 avril 2024, et ce à compter du 27 mai 2024,

- ordonné l'expulsion de la société SME France qui devrait laisser les lieux loués libres de sa personne, de ses biens, et de tous occupants de son chef, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

- dit qu'à défaut, il pourrait être procédé à son expulsion avec assistance de la force publique, si besoin était,

- condamné la société SME France à payer à la société Ebail les sommes provisionnelles suivantes :

* une provision de 22 100, 41 euros en deniers et quittances à valoir sur les loyers et charges dus jusqu'au deuxième trimestre 2024 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

* une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle égale au loyer, soit la somme de 937,50 euros, à compter du 27 mai 2024 et jusqu'à libération effective des lieux,

- débouté la société Ebail de ses demandes formées au titre de la clause pénale,

- condamné la société SME France à payer à la société Ebail la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SME France aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer en date du 7 mars 2024.

Par déclaration en date du 6 décembre 2024, la société SME France a relevé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées le 11 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet et ses moyens et prétentions, la société SME France demande à la cour, au visa de l'article 1345-5 du code civil, de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 14 novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Montpellier en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle :

* a constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties par l'effet du commandement de payer en date du 25 avril 2024, et ce à compter du 27 mai 2024,

* a ordonné son expulsion et lui a ordonné de laisser les lieux loués libres de sa personne, de ses biens, et de tous occupants de son chef, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

* a dit qu'à défaut, il pourrait être procédé à son expulsion avec assistance de la force publique, si besoin était,

* l'a condamnée à payer à la société Ebail les sommes provisionnelles suivantes :

- une provision de 22 100, 41 euros en deniers et quittances à valoir sur les loyers et charges dus jusqu'au deuxième trimestre 2024 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle égale au loyer, soit la somme de 937,50 euros, à compter du 27 mai 2024 et jusqu'à libération effective des lieux,

Et statuant à nouveau

- lui donner acte qu'elle ne conteste pas les montants réclamés par le bailleur,

- lui accorder des délais de paiements sur 24 mois,

- suspendre le jeu de la clause résolutoire jusqu'à règlement de l'échéancier,

- débouter la société Ebail de l'ensemble de ses autres demandes, et notamment de sa demande de résiliation du bail commercial.

Au soutien de ses demandes, la société SME France fait valoir qu'elle a subi les conséquences du Covid, puis des liquidations judiciaires successives de ses partenaires contractuels habituels, et qu'elle entend s'acquitter de sa dette, la perte de son local ne pouvant que conduire à des difficultés supplémentaires irrémédiables.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées le 10 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société Ebail demande à la cour, au visa des articles L.141-41 du code du commerce et 1240 du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Montpellier du 14 novembre 2024 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la société SME France au paiement de la somme de 10 000 euros à son bénéfice à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société SME France au paiement de la somme de 3 000 euros à son bénéfice au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SME France au paiement des entiers dépens,

- débouter la société SME France de l'intégralité de ses demandes.

La société Ebail souligne que postérieurement à la délivrance du commandement de payer, la société SME France n'a effectué aucun paiement et n'a fait aucune proposition de règlement. Elle précise qu'au surplus, les loyers et charges échus sont demeurés impayés.

De plus, elle indique que la demande de délais de paiement formée par la société SME France n'a pour objectif que de la soustraire à ses obligations de paiement. Elle ajoute que cette dernière ne produit aucun élément justifiant d'une situation financière obérée l'empêchant de régler les sommes dues, et ne justifie d'aucun élément favorable à la mise en place d'un échéancier qui pourrait être respecté. Elle précise en outre que depuis la signification de l'ordonnance, la société SME France se maintient dans les lieux, qu'elle n'a pas réglé la moindre somme et qu'elle est redevable d'une somme de 39 454, 92 euros.

Enfin, elle indique qu'en ne s'acquittant pas des loyers dont le montant a été diminué après renégociation du bail, en la contraignant à l'assigner devant le président du tribunal judiciaire et en formant un appel qui n'est fondé sur aucun élément objectif, la société SME France fait preuve de mauvaise foi. Elle ajoute que cette dernière multiplie à son égard des démarches qui affecte la propriété et la sécurité des locaux, puisqu'elle a quitté les lieux et vendu l'intégralité du matériel à un ancien salarié.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de délais de paiement formée par la société SME France

Selon les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, la cour ne peut que confirmer les dispositions de la décision rendue le 14 novembre 2024, en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail et a condamné la société SME France au paiement d'une provision d'un montant de 22 100, 41 euros, à valoir sur les loyers et charges dus jusqu'au deuxième trimestre 2024 inclus, la demande d'infirmation de ces dispositions n'étant fondée sur aucun moyen de droit ou de fait.

En effet, l'appelante ne conteste pas les sommes réclamées par le bailleurs et ne conteste pas ne pas s'être acquittée du montant visé au commandement de payer dans le délai qui lui était imparti.

S'agissant de la demande de délais de paiement, la cour observe qu'il ressort du décompte produit par la bailleresse arrêté au 21 mars 2025, non contesté, qu'à cette date, l'arriéré locatif du par la société SME France s'élevait à la somme de 39 454, 92 euros, et qu'après la signature de l'avenant et la délivrance du commandement de payer, elle ne s'est pas régulièrement acquittée du montant du loyer, pusqu'hormis des versements d'un montant total de 6 247, 90 euros effectués au mois de juillet 2024, elle ne s'est acquittée d'aucune somme postérieurement à la signature de l'avenant et la délivrance du commandement de payer.

De plus, si la société SME France invoque des difficultés résultant de la crise sanitaire liée au Covid 19, elle n'en justifie pas précisément.

Du reste, faute par elle de produire le moindre élément sur sa situation économique et financière, elle ne démontre pas qu'elle serait en mesure de s'acquitter de sa dette dans le délai de vingt quatre mois qu'elle sollicite.

Dans ces conditions, la cour ne peut que rejeter la demande de délais de paiement formée par l'appelante et confirmer la décision déférée en ce qu'elle a ordonné son expulsion et l'a condamnée au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Ebail

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à une dette de dommages-intérêts qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

Ces éléments ne sont pas établis en l'espèce de la part de la société SME France.

De plus, la société Ebail ne démontre pas précisément que les lieux seraient occupés de manière illégale par un tiers. En effet, si elle produit des courriels émanant de la société SME France, desquels il ressort que celle-ci a laissé les clés à M. [F], il apparaît que c'est pour que celui-ci restitue les lieux et que d'autre part, l'appelante s'est engagée à vider le local si la bailleresse le souhaitait.

De même, la société Ebail ne démontre pas précisément que l'appelante aurait refusé d'être représentée à l'état des lieux de sortie puisque si elle indique que son président ne pourra être présent, elle précise qu'une personne l'y représentera.

En tout état de cause, l'intimée ne verse aux débats aucune pièce susceptible de justifier du préjudice qui serait résulté pour elle des agissements de la société SME France.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par la société Ebail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société SME France succombant, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamnée aux dépens, outre le versement à la société Ebail d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La décision sera confirmée sur ces points.

Succombant en son appel, elle sera également condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au versement d'une indemnité complémentaire de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société SME France de ses demandes de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

Déboute la société Ebail de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamne la société SME France à verser à la société Ebail une indemnité complémentaire de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SME France aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente

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