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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 4 septembre 2025, n° 24/06935

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06935

4 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 SEPTEMBRE 2025

N° RG 24/06935 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W3IJ

AFFAIRE :

[M] [Z]

...

C/

[G] [V]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 Septembre 2024 par le Président du TJ de Nanterre

N° RG : 23/02081

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04.09.2025

à :

Me Aurore BONAVIA, avocat au barreau de VAL D'OISE (129)

Me Caline NKONTCHOU KAMYA, avocat au barreau de PARIS (W16)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Maître [M] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 8]

membre de la SELARL [M] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la société SR2C

Maître [Y] [I]

ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL SR2C

[Adresse 4]

[Localité 8]

S.A.R.L. SR2C

N° SIRET : 901 215 665

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentant : Me Aurore BONAVIA, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 129 - N° du dossier E000798Q

Plaidant : Me Audrey Milhamont du barreau de Paris

APPELANTS

****************

Monsieur [G] [V]

né le 30 Juin 1944 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Madame [D] [N] épouse [V]

née le 28 Juin 1946 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Caline NKONTCHOU KAMYA de l'AARPI AVOCAP EXERCICE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W16 - N° du dossier CK.23.19

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Monsieur Hervé HENRION, Conseiller,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 1er juillet 2015, M. [G] [V] et Mme [D] [N] ont donné à bail à la SAS ACM un local commercial situé au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 10], pour une durée de neuf années, moyennant un loyer annuel s'élevant à la somme de 24 000 euros hors taxes et hors charges, payable par trimestre et d'avance, pour l'exploitation d'un commerce de café, brasserie, restaurant. Ce local comprend en outre une pièce à usage d'habitation, au premier étage, et deux caves en sous-sol.

A la suite de cessions successives, le bail a été transféré à la S.A.R.L. SR2C, par acte du 30 juillet 2021.

Des loyers et des charges sont demeurés impayés.

Par acte de commissaire de justice du 30 mai 2023, M. [V] et Mme [N] ont fait délivrer à la société SR2C un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour un arriéré de loyers et charges s'élevant à la somme de 14 852,03 euros au 30 avril 2023, lequel est demeuré infructueux.

Par acte de commissaire de justice délivré le 8 août 2023, M. [V] et Mme [N] ont fait assigner en référé la société SR2C aux fins d'obtenir principalement :

- l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail,

- l'expulsion de la société SR2C,

- le paiement des loyers et charges à titre provisionnel,

- le versement d'une indemnité d'occupation due à compter de l'acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance contradictoire rendue le 12 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

- rejeté la demande de la société SR2C tendant à ordonner une expertise judiciaire,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire stipulée par le bail conclu le 1er juillet 2015 entre M. [V] et Mme [N] et la société ACM, à laquelle a succédé la société SR2C, le 30 juin 2023 à minuit,

- ordonné l'expulsion de la société SR2C ou de tous occupants de son chef du local commercial situé au rez-de-chaussée d'un immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 10] outre une pièce à usage d'habitation au premier étage et deux caves en sous-sol,

- dit qu'à défaut pour la société SR2C ou de tous occupants de son chef d'avoir libéré les lieux dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, M. [V] et Mme [N] pourront recourir au concours de la force publique et d'un serrurier,

- rappelé que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-l du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné à titre provisionnel la société SR2C à payer à M. [V] et Mme [N] la somme de 20 905,21 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 novembre 2023, comprenant les indemnités d'occupation échues après le 30 juin 2023,

- condamné à titre provisionnel la société SR2C à payer à M. [V] et Mme [N], une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 1er juillet 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des taxes et charges afférentes, qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,

- débouté la société SR2C de sa demande de délai de paiement,

- condamné la société SR2C à verser la somme de 2 000 euros à M. [V] et Mme [N], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SR2C aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.

Par jugement rendu le 3 octobre 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société SR2C en redressement judiciaire. Il a nommé Maître [M] [Z], membre de la SELARL [M] [Z], en qualité de mandataire judiciaire de la société SR2C, et Maître [Y] [I], membre de la SELARL BCM, en qualité d'administrateur judiciaire de la société SR2C.

Par déclaration reçue au greffe le 30 octobre 2024, la société SR2C, Maître [M] [Z], membre de la SELARL [M] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la société SR2C et Maître [Y] [I], membre de la SELARL BCM, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société SR2C ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 6 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société SR2C, Maître [M] [Z], membre de la SELARL [M] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la société SR2C et Maître [Y] [I], membre de la SELARL BCM, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société SR2C demandent à la cour, au visa des articles 144, 145, 695, 700, 834 et 835 du code de procédure civile, L. 145-38 et suivants du code de commerce, 1343-5 du code civil, de :

'- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre du 12 septembre 2024 en toutes ses dispositions dirigées à l'encontre de la société SR2C,

statuant à nouveau,

I- sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire,

- constater que le tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement du 3 octobre 2024, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société SR2C,

en conséquence,

- rejeter la demande d'acquisition de clause résolutoire du bail commercial formée par Mme [N] et de M. [V],

II- sur la demande reconventionnelle d'une expertise,

- constater l'existence de désordres qui caractérise un non-respect par les bailleurs de leur obligation de délivrance et qui réduisent la taille exploitable du restaurant, provoquant un préjudice de jouissance et financier au preneur,

en conséquence,

- ordonner une mesure d'expertise et désigner un expert avec mission d'expertise usuelle, et notamment de :

- convoquer les parties et leurs avocats et se faire remettre tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission,

- se rendre dans l'immeuble du [Adresse 5] et procéder à toutes les constatations utiles,

- décrire les désordres existant tant dans les parties privatives du rez-de-chaussée du [Adresse 5],

- déterminer leur origine et leur cause,

- donner les moyens propres à y remédier (travaux) en les chiffrant,

- dire si ces désordres ont entraîné un préjudice de jouissance, depuis quelle date,

- dire s'il convient ou non, en cas d'urgence constatée et de réel danger, de procéder à la mise en place et à la réalisation de telles mesures de sauvegarde ou de travaux particuliers de nature à éviter toute aggravation de l'état qu'ils présentent actuellement,

- donner au tribunal les éléments d'appréciation des responsabilités,

- fournir tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices subis notamment en référence au loyer contractuellement dû,

- de manière générale donner au tribunal tous les éléments d'appréciation,

- de faire assister de tout spécialiste, en dehors de son domaine d'expertise, après avoir recueilli l'avis des parties,

- dire que l'expert accomplira sa mission, conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport dans l'année de sa saisine,

- dire qu'il vous en sera référé en cas de difficulté,

- fixer la provision à consigner à la régie de la cour d'appel de Versailles, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par l'ordonnance à intervenir, en les répartissant par moitié entre les bailleurs et SR2C, avec possibilité pour cette dernière de réaliser la totalité du versement si les bailleurs n'obtempéraient pas,

III- sur la fixation de la créance des bailleurs au passif,

- constater l'absence d'accord des parties sur la révision du loyer et à la date à laquelle la demande des bailleurs a été portée à la connaissance de la société SR2C,

en conséquence,

- débouter M. [V] Mme [N] de leur demande tendant à voir appliquée leur demande d'application de la révision du loyer à compter du 1er octobre 2021,

- déclarer que le solde restant dû par la société SR2C au 14 août 2024 est de 9 940,68 euros,

- fixer la créance des bailleurs au passif de la société SR2C à la somme de 9 940,68 euros au titre de l'arriéré des loyers et charges au 14 août 2024,

en tout état de cause,

- condamner M. [V] et Mme [N] à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 10 juin 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [V] et Mme [N] demandent à la cour de :

'- déclarer M. [V] et Mme [N] recevables et bien fondés en leurs demandes et appel incident,

- débouter la société SRC de ses demandes, fins et conclusions,

- admettre la créance de M. [V] et Mme [N] au passif de la société SR2C pour la somme de :

- 20 905,21 euros,

- 1 277,00 euros et

- 2 000,00 euros

- fixer la créance de M. [V] et Mme [N] au passif de la société SR2C à la somme de 1 500 euros concernant les charges locatives de juin 2023 à novembre 2023,

- fixer la créance de M. [V] et Mme [N] au passif de la société SR2C à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit concernant les dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 juin 2025.

Par message RPVA en date du 16 juin 2025, il a été demandé aux parties transmettre leurs observations, sous forme de note en délibéré, sur la recevabilité de la demande de fixer au passif de la société faisant l'objet d'une procédure collective une créance alors qu'une provision susceptible d'être accordée par le juge des référés n'est par nature qu'une créance provisoire.

Par note en délibéré du 23 juin 2025, le conseil de la société SR2C indique que toute demande de fixation d'une créance à son passif est irrecevable.

Par note en délibéré du 23 juin 2025, le conseil de M. et Mme [V] expose que les contestations de la créance des époux [V] ainsi que les demandes de fixation à la baisse desdites créances, ne peuvent relever de la compétence de la cour.

Il indique que ce n'est que parce que l'appelant a conclu à une demande à la baisse de la créance des époux [V], que ces derniers ont également conclu en demandant la fixation de leur créance. Il déclare que les intimés s'en remettent à la sagesse de la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

sur la résiliation du bail et les demandes subséquentes

La société SR2C expose que, compte tenu de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 3 octobre 2024 par le tribunal de commerce de Nanterre, aucun constat de l'acquisition de la clause résolutoire ne peut intervenir.

Elle conteste le montant des sommes réclamées au titre des loyers et des charges et propose que soit fixée au passif la créance de 9 940, 68 euros.

M. [V] et Mme [N] épouse [V] sollicitent la confirmation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle a fixé le montant de la dette et demandent que leur créance soit admise à cette hauteur.

Ils ne s'expliquent pas sur les conséquences de l'ouverture d'une procédure collective sur l'acquisition de la clause résolutoire.

Sur ce,

L'article L. 622-21 I du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure collective " interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° À la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° À la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent."

En application de ces dispositions, applicables à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ainsi qu'à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte donc de ces dispositions que la bailleresse ne peut pas poursuivre en justice le constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour des loyers et des charges impayés échus avant l'ouverture de la procédure collective une fois le redressement prononcé compte tenu de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers.

Au cas présent, la décision dont appel date du 12 septembre 2024 tandis que la procédure de redressement judiciaire de la société 221 B Vélizy a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 3 octobre 2024, de sorte qu'à cette date, elle n'était pas passée en force de chose jugée.

En application des textes susvisés, à défaut de décision passée en force de chose jugée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, une demande tendant à la constatation en référé de l'acquisition d'une clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement de loyers échus avant l'ouverture de la procédure collective se heurte à l'interdiction des poursuites et doit être déclarée irrecevable.

Il est par ailleurs constant que seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l'objet d'une fixation au passif d'une société en redressement judiciaire et qu'une provision susceptible d'être accordée par le juge des référés n'étant par nature qu'une créance provisoire, ne peut faire l'objet d'une telle fixation, la demande concernant cette créance devant être soumise au juge-commissaire dans le cadre de la procédure de vérification des créances.

Par voie d'infirmation, il convient dès lors de déclarer M. [G] [V] et Mme [D] [N] épouse [V] irrecevables en toutes leurs demandes formées à l'encontre de la société SR2C.

sur la demande d'expertise

La société SR2C affirme que les locaux donnés à bail sont affectés de nombreux désordres qui empêchent leur exploitation en totalité, faisant état de fuites d'eau ( la première antérieure à leur entrée dans les lieux, puis de nouveau en septembre 2021, juin 2022, novembre 2023 et février 2024) et de désordres électriques.

Elle explique que l'état des locaux ne lui permet pas d'exercer son activité sereinement, qu'une partie du restaurant est inaccessible et que ses clients se plaignent de ces désordres.

L'appelante conteste que ces troubles puissent relever de l'entretien courant et soutient qu'au contraire, leur récurrence démontre qu'ils sont imputables à l'état structurel de l'immeuble.

Elle conclut à la nécessité d'organiser une mesure d'expertise judiciaire.

M. [V] et Mme [N] épouse [V] s'opposent à la demande d'expertise, affirmant avoir pris en charge certains travaux et soutenant que l'assureur de la société SR2C est également intervenu.

Ils rappellent que le contrat de cession de bail prévoit que le cessionnaire prend à sa charge toutes réparations et mises en conformité du matériel ou des installations, et font valoir que les réparations relatives aux fuites d'eau incombent au preneur.

Sur ce,

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

L'application de ces dispositions suppose que soit constaté qu'il existe un procès non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés par les défendeurs, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.

Par ailleurs, le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer le bien-fondé de l'action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.

En l'espèce, le bail commercial conclu entre les époux [V] et la société ACM prévoit en son article 4 que :

'1/ le preneur prend les lieux loués dans l'état où ils se trouvent au jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger à quelque époque et sous quelque prétexte que ce soit, aucune réparation ou amélioration, ni aucune réduction de loyer de ce chef.

2/ le preneur fera à ses frais, pendant le cours du bail, tous travaux d'entretien qui seront nécessaires (...),

6/ le preneur assurera à ses frais, sans recours contre le bailleur, même si ces réparations étaient rendues nécessaires pour cause de vétusté :

- la réparation, l'entretien et le remplacement de tous compteurs, appareils et canalisations à usage privatif situés exclusivement à l'intérieur des lieux loués,

- l'entretien et le remplacement éventuel du cabinet d'aisances, des tuyaux d'arrivée et d'évacuation des eaux ainsi que des installations diverses mises à la disposition du preneur.'

Le fonds de commerce a été cédé en 2019 par la société ACM à la société Chez nous.

L'acte de cession de fonds de commerce conclu entre la société 'Chez nous' et la société SR2C le 30 juillet 2021 précise que 'les locaux ont fait l'objet d'une déclaration de sinistre par la précédents propriétaires le 28 juillet 2019 en raison d'une fuite d'eau qui a été indemnisée à hauteur de 1 647, 37 euros et d'une autre déclaration de sinistre faite le 9 mai 2020 par téléphone concernant une fuite d'eau dans la salle principale en cours d'investigation par l'assureur.'

La société SR2C démontre avoir contacté à de nombreuses reprises le mandataire de M. et Mme [V] en se plaignant de plusieurs désordres liés à des dégâts des eaux :

- le 5 septembre 2021 :'nous avons entamé des travaux de fond, notamment des enduits afin d'assainir les murs, et c'est en exécutant ces travaux d'enduits que nous nous sommes aperçus que, par endroits, la toile fibrée dont sont recouverts les murs se décollait par pans entiers. A l'endroit précis de la fuite, ce sont la toile fibrée et le faux plafond qui se sont détachés, laissant apparaître la garniture intérieure du faux plafond dans un état de décomposition avancée.',

- le 8 juin 2022 : 'nous avons constaté une fuite dans la cave le jeudi 19 mai 2022 (...) Le vendredi 20 mai, cette société a trouvé la source de la fuite dans une colonne que l'on pensait alors desservir uniquement notre restaurant. Le plombier a coupé la vanne de cette colonne pour stopper l'écoulement de l'eau. Après plusieurs plaintes de résidents de l'immeuble, nous nous sommes alors rendu compte aux alentours de 14h que cette vanne n'était pas privative mais qu'elle desservait bien plusieurs appartements de l'immeuble (...) Il est alors apparu que la source de la fuite était située dans un appartement du 1er étage et que l'eau s'écoulait jusque dans la cave.',

- le 18 novembre 2022 : 'nous avons reçu ce matin à 10h la visite de la société de plomberie pour réparation de la fuite (...) La réparation est temporaire puisqu'il ne s'agit pas de la fuite d'un joint, mais d'un tuyau (...).

L'appelante produit deux constats de commissaire de justice, des 9 juin 2022 et 10 novembre 2023, qui démontrent la présence d'une très forte humidité dans les murs et l'existence de désordres électriques, les photographies laissant apparaître des dégradations importantes du local loué. Elle verse également aux débats plusieurs attestations de ses clients indiquant avoir été incommodés par des odeurs d'humidité.

Enfin il est établi par des rapports d'expertise amiable réalisés en 2024 que différentes fuites d'eau ont été découvertes dans des appartements de l'immeuble où se trouve le local litigieux.

Ces éléments suffisent à caractériser le motif légitime dont bénéficie la société SR2C à solliciter la mesure d'expertise au regard de la persistance et de la gravité des infiltrations d'eau qu'elle subit, et des désordres qui en résultent.

Dès lors, même s'il existe un doute sur la répartition de la charge des réparations entre la société SR2C et les époux [V] en raison de la rédaction des contrats susvisés, l'existence d'un procès en germe n'est pas exclue à ce stade puisqu'au surplus certaines infiltrations semblent provenir des parties communes de l'immeuble ou d'autres appartements, excluant par là même que leur réparation puisse être mise à la charge de la locataire.

Il convient en conséquence d'ordonner une expertise selon les modalités prévues au dispositif, étant précisé que la consignation sera à la charge de la société SR2C, demanderesse à la mesure.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la nature de la présente décision, l'infirmation relevant pour l'essentiel de l'ouverture d'une procédure collective au profit de la société SR2C, la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

L'expertise étant ordonnée au bénéfice de la société SR2C, celle-ci supportera les dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 3 octobre 2024 par le tribunal de commerce de Nanterre intéressant la société SR2C,

Infirme l'ordonnance entreprise à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare M. [G] [V] et Mme [D] [N] épouse [V] irrecevables en leurs demandes d'acquisition de la clause résolutoire et en paiement formées à l'encontre de la société SR2C, ainsi qu'en leur demande de fixation au passif ;

Ordonne une expertise judiciaire,

Commet pour y procéder M. [B] [U]

[Adresse 6]

[Localité 7]

[Courriel 9]

[XXXXXXXX01]

Avec pour mission de :

- convoquer les parties et leurs avocats et se faire remettre tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission,

- se rendre dans l'immeuble du [Adresse 5] et procéder à toutes les constatations utiles,

- décrire les désordres relatifs à des fuites d'eau ou à des désordres électriques existant dans les parties privatives du rez-de-chaussée du [Adresse 5] loué à la société SR2C,

- déterminer leur origine et leur cause,

- donner les moyens propres à y remédier (travaux) en les chiffrant,

- dire si ces désordres ont entraîné un préjudice de jouissance, depuis quelle date,

- dire s'il convient ou non, en cas d'urgence constatée et de réel danger, de procéder à la mise en place et à la réalisation de mesures de sauvegarde ou de travaux particuliers de nature à éviter toute aggravation de l'état qu'ils présentent actuellement,

- donner au tribunal les éléments d'appréciation des responsabilités,

- fournir tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices subis notamment en référence au loyer contractuellement dû,

- de manière générale donner au tribunal tous les éléments d'appréciation,

- de faire assister de tout spécialiste, en dehors de son domaine d'expertise, après avoir recueilli l'avis des parties,

Dit que l'expert accomplira sa mission, conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport dans les 4 mois de sa saisine,

Dit que le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Nanterre sera chargé du suivi de cette expertise ;

Fixe la provision à 3000 euros à consigner à la régie du tribunal judiciaire de Nanterre à titre d'avance sur les honoraires de l'expert,

Dit que cette consignation devra être versée dans les 6 semaines du prononcé de l'arrêt, sous peine de caducité de la mesure ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société SR2C aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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