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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 4 septembre 2025, n° 25/03828

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/03828

4 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025

(n° 133 /2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 25/03828 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK4TJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 octobre 2024- Tribunal judiciaire de CRETEIL (3ème chambre baux commerciaux)- RG n° 24/18867

APPELANTE

S.A. LA POSTE

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 10] sous le n° 356 000 000

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique Etevenard, avocat au barreau de Paris, toque : K0065

Assistée de Me Jean-Pierre Blatter, avocat au barreau de Paris, toque : P441

INTIMÉE

S.C.I. CAPSTONE CARRE IVRY

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 751 584 582

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Marc Zimmer de l'AARPI Accent Legal, avocat au barreau de Paris, toque : E1623

Assistée de Me Caroline Binet, avocat au barreau de Paris, toque : J48

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 917 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et Mme Stéphanie Dupont, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Stéphanie Dupont, conseillère

Mme Hélène Bussière, conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Stéphanie Dupont, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de la chambre 5-3 et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 30 octobre 2014, la société Capstone Mure, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Capstone Carré Ivry, a donné à bail, en renouvellement, à la société La Poste des locaux à usage commercial situés [Adresse 2] à [Adresse 7] [Localité 1], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2015, moyennant un loyer annuel hors taxe (HT) et hors charges (HC) de 389 986,78 euros.

Aux termes du contrat de bail, les locaux sont à destination d'activité principale de tri.

Par acte extra-judiciaire du 2 mars 2023, la société Capstone Carré Ivry a fait délivrer un congé à sa locataire pour le 31 décembre 2023, avec offre de renouvellement du bail pour une durée de neuf ans moyennant le loyer annuel de 600 000,00 € HT et HC.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2024, la société Capstone Carré Ivry a notifié à la société La Poste un mémoire préalable afin de voir fixer le loyer de renouvellement à compter du 1 janvier 2024 à la somme de 580 960 € HT et HC par an.

Les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord sur le montant du loyer du bail renouvelé.

Dès lors, la société Capstone Carré Ivry a, suivant assignation délivrée le 18 avril 2024, attrait la société La Poste devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil, en fixation du loyer du bail commercial renouvelé.

Par jugement du 18 octobre 2024, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil a :

constaté le renouvellement du bail entre la société Capstone Carré Ivry et la société La Poste, pour le local à usage commercial situé [Adresse 3]), à compter du 1er janvier 2024 pour une période de neuf années entières et consécutives ;

convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,

se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

visiter les locaux litigieux,

entendre les parties en leurs dires et explications,

procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties,

fournir les éléments sur les travaux effectués,

rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2024, au regard des usages observés dans la branche d'activité considérée en application des articles L. 145-33 et R. 145-10 du code de commerce,

du tout, dresser rapport ;

dit qu'en cas d'empêchement, l'expert sera remplacé par ordonnance rendue sur requête ;

rappelé que conformément à l'article 276 alinéa 4 du code de procédure civile, l'expert "devra faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées" par les parties dans les dires déposés ;

dit que, préalablement au dépôt, l'expert adressera aux parties un document de synthèse présentant ses conclusions provisoires et destiné à provoquer leurs observations ;

dit que l'expert devra fixer la date limite de dépôt des observations qui lui seront adressées, rappellera qu'il n'est pas tenu de répondre aux observations transmises après cette date limite et rappellera la date de dépôt de son rapport ;

désigné le magistrat chargé du service du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Créteil ou son délégataire à l'effet de suivre l'exécution de la présente mesure d'instruction ;

dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe dans les six mois de l'avis de consignation ;

dit que la société Capstone Carré Ivry devra consigner à la régie du tribunal judiciaire de Créteil (par chèque à l'ordre du régisseur du tribunal), dans le mois de l'avis de consignation adressé par le greffe, la somme de 4 000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;

dit que dans les trois mois de sa saisine, l'expert indiquera aux parties et au juge chargé du contrôle le montant de sa rémunération définitive prévisible, notamment au regard de l'intérêt du litige, afin que soit éventuellement fixée une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile ;

dit qu'en l'absence de versement de la consignation dans le délai précité, la désignation de l'expert sera caduque ;

rappelé, conformément à l'article R. 145-31 du code de commerce, que dès le dépôt du rapport, le greffe avisera par lettre recommandée avec avis de réception les avocats des parties de la date à laquelle l'affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l'exécution de la mesure d'instruction devront être échangés ;

fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges ;

sursis à statuer sur le surplus des demandes ;

réservé les dépens et les frais irrépétibles ;

rappelé que l'exécution provisoire était de droit.

Sur saisine de la société La Poste, par ordonnance du 13 février 2018, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a :

- autorisé la société La Poste à former appel immédiat du jugement du 18 octobre 2024,

- fixé l'affaire à l'audience de la chambre 5-3 de la cour d'appel de Paris se tenant le 24 juin 2025 à 14 heures,

- dit que la cour serait saisie et statuerait comme en matière de procédure à jour fixe.

La société La Poste a interjeté appel du jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil du 18 octobre 2024 par déclaration du 18 février 2025 et a fait assigner la société Capstone Carré Ivry à l'audience du 24 juin 2025 par acte du 10 mars 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans son assignation, la société La Poste, appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement du juge des loyers du tribunal judiciaire de Créteil du 18 octobre 2024 en ce qu'il a donné mission à l'expert de :

« rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2024 au regard des usages observés dans la branche d'activité considérée en application des articles L. 145-33 et R. 145-10 du code de commerce »

statuant à nouveau,

juger que cette disposition de la mesure d'expertise sera remplacée par les dispositions suivantes :

- de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2024 au regard des dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-3 et R.145-8 du code de commerce, ainsi que le montant du loyer plafonné à cette date,

le reste des mission étant inchangé,

débouter la société société Capstone Ivry de toutes ses demandes,

condamner la société Capstone Carré Ivry aux dépens de l'instance devant la cour ainsi qu'au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

juger que l'avocat constitué soussigné pourra procéder au recouvrement direct des dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société La Poste fait valoir :

Sur le caractère habituellement « plafonnable » du loyer des locaux à usage de bureau de poste,

- qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le loyer des locaux à usage de bureaux de poste doit être fixé par application de l'article L. 145-34 du code de commerce, sauf modification notable de l'un des quatre premiers éléments de la valeur locative tels qu'ils sont définis par l'article L. 145-33 du même code ;

- que lorsque les activités autorisées au bail sont multiples, comme c'est le cas en l'espèce, le locataire n'est pas tenu, sauf disposition expresse du bail, d'exercer toutes les activités ensemble ;

- que la société bailleresse a fondé son action sur l'article L.145-34 du code de commerce et a invoqué une modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 mars 2025, la société Capstone Carré Ivry, intimée, demande à la cour de :

faire droit aux demandes de la société La Poste tendant à l'infirmation du jugement du 18 octobre 2024 et, statuant à nouveau, à la modification des termes de la mission de l'Expert judiciaire afin qu'il statue pour déterminer la valeur locative au regard des dispositions de l'article L. 145-33 et R. 145-3 à R. 145-8 du code de commerce ;

débouter la société La Poste de sa demande de condamnation de la société Capstone Carré Ivry à la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter la société La Poste de sa demande de condamnation de la société Capstone Carré Ivry aux dépens;

dire que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens exposés pour les besoins de l'instance.

La société Capstone Carré Ivry fait valoir :

- qu'elle ne s'oppose pas à la modification des termes de la mission confiée à l'expert judiciaire afin qu'il détermine la valeur locative au regard des dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-3 à R. 145-8 du code de commerce ;

- que l'erreur qui affecte le jugement querellé ne procède pas de son fait, étant rappelé qu'elle n'a jamais qualifié les locaux de 'locaux monovalents'.

SUR CE,

Compte-tenu de l'accord des parties à hauteur d'appel sur l'absence de caractère monovalent des locaux loués et sur la mission de l'expert, il convient de faire droit à la demande des parties tendant à la modification de la mission de l'expert.

En outre, étant rappelé que le juge n'est pas limité par les demandes des parties dans la mission qu'il donne à l'expert désigné pour l'éclairer, il convient de compléter la mission de l'expert en lui demandant de donner son avis sur l'existence d'éventuels motifs de déplafonnement du loyer.

En l'absence de partie succombante, il convient de laisser à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés pour la procédure d'appel.

Par ailleurs, l'équité commande de débouter la société La Poste de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Créteil du 18 octobre 2024 (RG n° 24/10) en ce qu'il a donné pour mission à l'expert de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2024, au regard des usages observés dans la branche d'activité considérée en application des articles L. 145-33 et R. 145-10 du code civil ;

Statuant à nouveau,

Dit que l'expert devra rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er janvier 2024 au regard des dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-3 à R. 145-8 du code civil, déterminer le montant du loyer plafonné au 1er janvier 2024 et donner son avis sur l'existence d'éventuels motifs de déplafonnement du loyer, le reste de sa mission étant inchangé ;

Dit que chaque partie conservé la charge des dépens de la procédure d'appel qu'elle a exposés ;

Déboute la société La Poste de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente,

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