CA Rouen, ch. civ. et com., 4 septembre 2025, n° 24/02495
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/02495 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWWF
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00345
Tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. LE [Localité 19]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Mathilde THEUBET de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE
INTIMEE :
S.C.I. DU [Adresse 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 24 avril 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 24 avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 septembre 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 septembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er octobre 2006, la SCI du [Adresse 5] a donné à bail à la SARL Le [Localité 19] un local commercial situé au [Adresse 7], pour une durée de neuf années entières ayant commencé à courir le 1er octobre pour se terminer le 30 septembre 2015, moyennant un loyer de 24 000 euros annuel hors taxes.
La société Le [Localité 19] exploite un restaurant dans ce local commercial.
Le bail conclu en 2006 s'est poursuivi par tacite reconduction.
Par acte extrajudiciaire du 8 juin 2021, la société Le [Localité 19] a fait signifier au bailleur sa demande de renouvellement du bail aux mêmes charges et conditions que le bail initial et au prix annuel hors taxe de 28.757,71 euros.
Par acte extrajudiciaire du 6 septembre 2021, la société [Adresse 5] a accepté le renouvellement du bail moyennant un loyer annuel de 43 200 euros hors taxes et hors charges.
Par lettre recommandée avec avis de réception, la société Le [Localité 19] a fait notifier un mémoire préalable à l'action en fixation du prix du loyer du bail renouvelé à la société [Adresse 5], aux fins, notamment de voir fixer le montant du loyer à la somme annuelle de 25.000 euros hors taxe hors charges à la date du renouvellement du bail et obtenir la restitution du trop-perçu du loyer à compter du 1er octobre 2021.
Par un mémoire en réponse signifié par acte d'huissier le 15 décembre 2021, la société [Adresse 5] s'est opposé à la demande et a réclamé la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 43.200 euros hors taxe, hors charge, les autres clauses et conditions du bail restant inchangées.
Les parties n'étant pas parvenues à trouver un accord, par acte d'huissier du 14 février 2022, la société [Adresse 5] a fait assigner la société Le [Localité 19] devant le juge des loyers du tribunal judiciaire du Havre.
Par jugement du 20 janvier 2023, le juge des loyers commerciaux a, avant dire droit sur la demande de fixation du loyer du bail renouvelé, désigné M. [L] [K] en qualité d'expert judiciaire, avec mission de visiter et décrire les locaux commerciaux objets du litige et de donner son avis sur l'évolution des éléments déterminant la valeur locative et de fournir tous les éléments permettant de déterminer la valeur des locaux.
Monsieur [K] a déposé son rapport le 15 juin 2023.
Suivant mémoire en ouverture de rapport, notifié le 24 novembre 2023, la société [Adresse 5] a sollicité du juge des loyers commerciaux qu'il fixe la valeur locative du loyer de renouvellement à la somme de 40.146 euros par an hors taxe et hors charge, à compter du 1er octobre 2021.
Suivant mémoire en réponse notifié le 18 janvier 2024, la société Le [Localité 19] a conclu au rejet des demandes et a sollicité que le loyer de renouvellement hors taxe et hors charge soit fixé à la somme annuelle de 22.785 euros.
Par jugement du 17 mai 2024, le tribunal judiciaire du Havre a :
- dit que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 139,39 m²';
- fixé à la somme annuelle de 26.348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35'461 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76)';
- limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10% du montant du loyer acquitté l'année précédente';
- débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit';
- rejeté toute autre demande';
- fait masse des dépens, dans lesquels seront inclus les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur [O], et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.
La société Le [Localité 19] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 juillet 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 18 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société Le [Localité 19] qui demande à la cour de :
- déclarer bien fondé l'appel de la société Le [Localité 19] à l'encontre du jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire du Havre le 17 mai 2024, en ce qu'il a :
* dit que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 139,39 m2';
* fixé à la somme annuelle de 26 348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35 461,00 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76) ;
* limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10 % du montant du loyer acquitté l'année précédente ;
* débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* rejeté toute autre demande ;
* fait masse des dépens, dans lesquels seront inclus les frais de l'expertise judiciaire de M. [O], et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.
Réformant le jugement entrepris':
- débouter la société la société [Adresse 5] de ses demandes d'augmentation de loyers ;
- débouter de toutes ses demandes fins et conclusions la société [Adresse 5]';
- dire que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 120,56 m²';
- fixer le montant du bail renouvelé à la somme annuel de 22.785 euros hors taxe à compter de 1er octobre 2021 outre les charges prévues au bail.
Subsidiairement':
- fixer le loyer annuel à la somme de 26.723,33 euros hors taxe à compter du 1er avril 2022';
- condamner la société [Adresse 5] à la restitution du trop-perçu de loyer compter du 1er octobre 2021 ;
- déclarer mal fondé l'appel incident de la société [Adresse 5].
En conséquence,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
- condamner la société [Adresse 5] aux entiers dépens y compris les frais de signification de demande de renouvellement et à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 19 novembre 2024 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société [Adresse 5] qui demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024 en ce qu'il :
* fixé à la somme annuelle de 26.348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35'461 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76)';
* limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10% du montant du loyer acquitté l'année précédente';
* débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau':
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme en principal annuelle de
40 146 euros hors taxe, soit 3 345,5 euros hors taxe par mois hors taxes et hors charges, rétroactivement à compter du 1er octobre 2021, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées';
- condamner, la société Le [Localité 19] au paiement des intérêts au taux légal sur chacune des échéances dues à compter du dixième jour de la signification de la décision à intervenir, comportant injonction de payer';
- juger que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil pour ceux correspondant à la créance de loyers due depuis plus d'un an.
Subsidiairement,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024 (N° RG 22/00345 - N° Portalis DB2V-W-B7G-F4BS) en toutes ces dispositions sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles.
En toute hypothèse,
- débouter la société Le [Localité 19] de toutes ces demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires';
- condamner la société Le [Localité 19] société au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens lesquels comprendront les frais de signification d'acceptation de l'offre de renouvellement, et de signification du mémoire en réponse, d'expertise judiciaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
Il résulte des dispositions de l'article L. 145-12 du code de commerce que la durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue, et que le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent.
Au cas présent, le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2021 n'est pas en lui-même contesté, les parties s'accordant tant sur le principe que sur la date de ce renouvellement.
Il est constant que le bail initial qui a pris effet le 1er octobre 2006 pour une durée de neuf années et qui prenait fin le 1er octobre 2015 a été tacitement prolongé à compter de cette dernière date jusqu'au 1er octobre 2021, la société Le [Localité 19] ayant fait signifier au bailleur le 8 juin 2021 une demande de renouvellement à compter du 1er octobre 2021 pour une durée de neuf années au montant annuel de 28.757,71 euros, les autres conditions et clauses du bail initial restant inchangées.
Le bail, du fait de la tacite prolongation, a ainsi duré 15 ans jusqu'au 1er octobre 2021 de sorte que le plafonnement du loyer ne s'applique plus.
En conséquence, le loyer du bail commercial portant sur le local exploité par la société Le [Localité 19] situé [Adresse 6] doit être fixé selon sa valeur locative au 1er octobre 2021, déterminée en fonction des cinq critères posés par l'article L. 145-33 du code de commerce.
Aux termes de cet article, le montant des loyers des baux renouvelés, la valeur locative, à défaut d'accord, est déterminée d'après : 1° les caractéristiques du local considéré ; 2° la destination des lieux ; 3° les obligations respectives des parties ; 4° les facteurs locaux de commercialité ; 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Dans le cadre d'une procédure de fixation du loyer renouvelé d'un bail commercial devant le juge des loyers commerciaux, les rapports d'expertise amiables soumis à la libre discussion des parties constituent des éléments de preuve parmi d'autres. Par conséquent, il sera tenu compte du rapport du 26 novembre 2018 de M.[C] mandaté par la société Le [Localité 19] pour avoir son avis sur la valeur locative du restaurant.
Par ailleurs, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [K] dont le rapport a été déposé le 15 juin 2023.
Afin de renouveler le loyer en considération de la valeur locative du bien en cause, le juge doit préciser les critères de l'article L. 145-33 du code de commerce qu'il a utilisés sans qu'aucune méthode de calcul ne lui soit imposée.
Le prix du bail renouvelé s'apprécie à la date du renouvellement et ne peuvent être pris en considération pour le calcul du prix du bail renouvelé que les éléments existant à la date du renouvellement.
Les parties s'opposent pour l'essentiel sur l'évaluation de la surface des locaux loués ainsi que sur la détermination de la valeur unitaire du loyer, au regard des facteurs locaux de commercialité comme des références à retenir.
- Sur les caractéristiques du local commercial
Moyens des parties
La société Le [Localité 19] soutient que':
* le montant du loyer commercial doit s'établir à partir de la surface de 120,56 m² ; l'empiétement de 18,83 m² sur les parties communes de la copropriété [Adresse 10] n'est pas contestable';
* l'illégalité de l'empiétement vient réduire la surface du local, l'extension pouvant être remise en cause avec pour conséquence la réduction du nombre de tables et donc de couverts';
* en cas de vente du fonds de commerce, Le [Localité 19] devra informer son acheteur du problème relatif à l'extension et de la possible contestation par la copropriété sur cette extension, ce qui peut être dissuasif.
La SCI du [Adresse 5] réplique que':
* doit être prise en compte la totalité de la surface pondérée sur laquelle la société est titrée, et sur laquelle la société Le [Localité 19] est elle-même régulièrement titrée'; la partie sous l'arcade constitue une part de surface définitivement attribuée à la société Le [Localité 19] et ne constitue en rien le résultat d'une occupation précaire ou révocable';
* s'il s'agissait d'une part de surface dépendant des parties communes, force est de constater que la prescription trentenaire est acquise de sorte qu'il serait simple de régulariser la reconnaissance de la propriété pleine et entière de la société sur l'intégralité de cette surface sous arcades.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article R. 145-3 du code de commerce': «'Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.'»
Il ressort de l'expertise judiciaire et de l'expertise amiable que les locaux sont en parfait état d'entretien, qu'il s'agit de locaux d'angle qui présentent une large vitrine au sud sur le [Adresse 14] ainsi qu'à l'ouest [Adresse 16]. L'expert judiciaire, M.[K], note que le local se situe dans un immeuble construit en 1957 (classé [N]) et comprend au rez-de-chaussée : une salle de restaurant, bar, cuisine et deux WC, et au sous-sol, dont l'accès s'effectue par un escalier en bois depuis la cuisine : deux réserves lingerie, deux bureaux, vestiaire, WC.
Au titre de la détermination de la surface louée, une discussion porte sur la prise en compte ou non dans la surface des locaux commerciaux, de celle de 18,83 m2 correspondant à la partie du restaurant située sous arcade.
Il ressort du rapport de l'expert judiciaire, M.[K], que, lors du calcul de surface des locaux commerciaux, le cabinet Diagmater a retenu que la partie de restaurant située sous arcade représentant une surface de 18,83 m2 est une partie commune appartenant à la copropriété.
Compte tenu de cet élément, M. [K] a retenu une surface pondérée de 139,39 m2, comprenant la partie sous arcade, ou de 120,56 m2 si l'on exclut les 18,83 m2 de la partie en question.
Pour retenir une surface pondérée de 139,39 m2, le premier juge a relevé que :
- la SCI bailleresse a obtenu, en 1991, l'autorisation de procéder à l'extension de la salle de restaurant à la surface située sous arcade ainsi que cela ressort de l'avis favorable et de l'accord délivrés par le service de l'urbanisme de la ville du Havre, les 23 et 28 octobre 1991 et de l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France,
- la SCI 77 Southampton justifie aussi de ce que la copropriété avait, à l'époque, donné son accord sur les travaux projetés.
Le juge des loyers a ensuite retenu que':
- il ne ressort pas de ces documents que l'extension de la salle de restauration sous arcade aurait effectivement été prise sur une partie commune car il s'avère également possible que celle-ci se soit effectuée sur des surfaces relevant du domaine public, avec l'accord et l'autorisation de la collectivité territoriale,
- il n'entre pas dans le champ de compétence de la présente juridiction de se prononcer sur la question de savoir si la surface située sous arcade a été prise sur une partie commune ou une surface dépendant du domaine public pas plus qu'il ne lui appartient de statuer sur la question d'une éventuelle prescription acquisitive concernant cette partie.
Le premier juge a pour finir considéré que':
- depuis 1991, la partie située sous arcade est résolument affectée à l'exploitation commerciale du restaurant et elle constitue une surface attribuée à la SCI bailleresse, incluse dans le périmètre et le descriptif des locaux donnés à bail à la société Le [Localité 19] sans qu'il ne puisse constituer le résultat d'une simple occupation précaire'; cette dernière bénéficie donc, en qualité de preneur, des investissements et travaux d'extension de la surface commerciale et d'aménagement de la façade réalisés par le propriétaire en 1991,
- le droit d'occupation de la surface donnée à bail à la SARL Le [Localité 19] porte bien sur l'intégralité de la salle de restaurant en ce compris l'extension et cet ensemble n'est pas divisible,
- il n'existe aucun motif justifiant qu'il soit procédé à quelque retranchement que ce soit pour le calcul de la surface pondérée.
Ces motifs demeurent pertinents au stade de l'appel et la cour les adopte.
Par ailleurs, s'agissant du courrier adressé par la copropriété à la société locataire en septembre 2013 et des courriers échangés entre cette dernière et le bailleur en novembre 2013 au sujet de cette partie située sous arcade, ils ne modifient en rien le constat de son affectation à l'exploitation commerciale du restaurant de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 139,39 m2.
- Sur la destination des lieux
Il ressort du bail que les locaux sont exclusivement destinés à usage de restaurant. Il s'agit ainsi d'une destination restrictive qui selon l'expert judiciaire empêche l'activité de café-bar.
- Sur les obligations respectives des parties
Si la société Le [Localité 19] soutient que la SCI bailleresse n'a pas rempli ses obligations de mise aux normes pour l'accès des personnes handicapées aux toilettes, de mise aux normes du système électrique et si l'expert judiciaire a noté que les travaux de conformité sont à la charge du bailleur ce que ce dernier conteste, la société Le [Localité 19] n'a sollicité aucun abattement à ce titre.
- Sur les facteurs locaux de commercialité
Moyens des parties
La société Le [Localité 19] soutient que':
* la situation générale de la ville du [Localité 9] est caractérisée par une perte d'attractivité et sa population se paupérise'; le quartier est en retrait'; le succès du restaurant est dû à ses propriétaires qui ont su attirer une clientèle qui se déplace mais qui n'est pas celle de promeneurs attirés par les travaux d'aménagement';
* il n'a pas été tenu compte par le juge des loyers de l'observation de l'expert sur le chauffage au gaz en forte augmentation';
* son loyer avait été augmenté au moment de la cession des parts en 2006 passant de 16.464,48 euros hors taxe à 24.000 euros hors taxe par an';
* l'augmentation du chiffre d'affaires n'est pas due à une augmentation du nombre de clients mais à l'inflation';
* la terrasse qui est une véranda semi-ouverte est essentiellement exploitée durant la période estivale'; la terrasse existait déjà lors de la conclusion du bail en 2006'; les travaux de 2018 sont des travaux de reconstruction'; la preneuse ne peut plus chauffer sa terrasse aménagée non fermée et non étanche à l'air'; cette occupation reste précaire '; elle a reçu récemment un avis de taxe foncière qui en augmente le coût d' exploitation';
* la terrasse sur le trottoir est exploitée de façon très aléatoire même en été'; les terrasses donnent lieu à perception à de redevances'; «'l'effet terrasse » ne peut être que très relatif en Normandie';
La SCI du [Adresse 5] réplique que':
* l'analyse des experts sur la situation économique de la ville est obsolète';
* les références prise en compte par M. [C] sont sans rapport avec la situation actuelle de ce secteur de la ville ; l'analyse de l'environnement économique par l'expert judiciaire tient manifestement d'un préjugé un peu daté';
* l'évolution du secteur par les travaux d'aménagement a eu des conséquences très positives sur les facteurs de commercialité du site d'implantation du [Localité 19]';
* quant aux prix pratiqués dans le voisinage, les références à prendre en compte sont celles qui permettent de retenir 240 euros par mètre carré pondéré';
* en fait de véranda semi-ouverte, il s'agit d'une véranda couverte qui peut être utilisée en période froide'; elle accueille 40 places, alors que la salle de restaurant accueille 56 places, elle donne une visibilité plus importante au restaurant sur le quai'; la terrasse sur le trottoir est ouverte d'avril à septembre.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article R145-6 du code de commerce : «'Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.'»
Tant M.[C] que M. [K] ont retenu que la ville est en perte régulière d'habitants, que le taux de chômage est supérieur à 20% ainsi que le taux de pauvreté, que seulement 40% des ménages sont propriétaires de leur logement. Toutefois l'expert judiciaire mentionne que l'établissement est situé dans le centre-ville, quartier Notre-Dame, reconstruit par Auguste [N] dans les années 1950. Il évoque un quartier agréable, à proximité des bassins, du port de plaisance et de la plage. Il relève que le stationnement automobile (payant) est relativement aisé et que Le [Localité 19] est une institution au [Localité 9], fréquentée par les milieux d'affaires, en raison de l'investissement et du travail de ses gérants. Il ajoute que la ville a créé une promenade ininterrompue entre la ville de [Localité 17] et le quartier des pêcheurs de [Localité 18] en longeant la plage, le port de plaisance et les bassins. Déjà en 2018, M.[C] avait relevé que le secteur du [Adresse 13] était l'objet d'une rénovation urbaine par l'aménagement d'espaces verts ouverts au public aux lieu et place des quais sans affectation et que cette modernisation des abords et équipements urbains était favorable. La SCI du [Adresse 5], qui produit des articles de presse en ce sens, souligne l'attractivité du quartier où se situe Le Sorrento qui est proche du musée [11] de renommée nationale et reconnu pour la qualité de ses expositions. Ces articles mentionnent la mise en 'uvre à partir de 2018 des travaux d'aménagement du [Localité 8] Quai du Havre dont le quai de Southampton et la transformation de ce secteur en promenades et espaces verts, inauguré pour la première tranche, en juin 2019 et ceci aux abords du Sorrento qui ont, ainsi que relevé par l'expert judiciaire, permis un afflux de promeneurs qu'il situe à partir d'avril 2022.
Il s'agit cependant de modifications qui se sont amorcées en 2018 soit au cours du bail expiré (du 1eroctobre 2006 au 1er octobre 2021) et qui présentent un intérêt pour la SARL Le [Localité 19] puisqu'elles ont rendu le quartier plus agréable et plus attractif, la spécificité de ce restaurant dont il est noté par l'expert qu'il est fréquenté par une certaine clientèle (le milieu des affaires) ne le maintenant pas pour autant à l'écart de cet afflux de promeneurs.
Il convient de relever que M.[C] en 2018 avait noté l'existence d'un seul restaurant entre la [Adresse 16] et la [Adresse 15] alors que M.[K] a relevé l'existence de neuf commerces dans cet espace soit des restaurants, bars, glacier ce qui signe l'attractivité de ce secteur rénové qui profite également de la venue de paquebots de croisière.
- Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
Selon les dispositions de l'article R145-7 du code de commerce «'Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.'»
Ne pouvant être pris en considération pour le calcul du prix du bail renouvelé que les éléments existant à la date du renouvellement, il convient d'écarter comme éléments de comparaison, les locaux dont le bail n'a commencé à courir que postérieurement à la période de référence.
L'expert judiciaire a retenu cinq références de locaux (restaurants) dont le bail est antérieur au 1er octobre 2021 soit l'Ardoise (bail de 2012), le [Localité 12] (2017), le grand Quai (2017), les saveurs Ile Maurice (2005), Architect (2018), le loyer du m2 pondéré s'élevant respectivement à 162 euros, 180 euros, 207 euros, 164 euros, 260 euros ce qui donne une moyenne de 194,60 euros le m2.
Pour chacun des quatre premiers baux également retenus par M.[C], l'impôt foncier est remboursé au propriétaire.
Les deux références citées par la SCI du [Adresse 5] datent de 2023 et ne sont donc pas pertinentes et par ailleurs comme relevé par l'expert judiciaire, la surface retenue par l'agence Adrian Parker est erronée puisqu'elle n'est pas pondérée et la référence émanant de l'agence Orpi a été faite à partir d'un fichier informatique des maisons mises en location ce qui ne correspond pas aux locaux dont s'agit. Quant à la référence produite par la société Le [Localité 19] sur un local de 175 m2 loué 120 euros HT HC par m2, sa date n'est pas connue.
- Sur la prise en compte des terrasses
S'agissant de la prise en compte des terrasses se trouvant sur le domaine public et ne faisant pas partie des lieux loués, il est traditionnellement retenu une majoration de la valeur locative en raison de leur impact économique dont le bailleur peut réclamer l'appréciation.
L'expert judiciaire a considéré qu'il y avait lieu au cas particulier à une majoration de la valeur locative en raison de « l'effet terrasse » après avoir rappelé que cette valorisation n'avait pas de caractère systématique et que s'agissant d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, celle-ci pouvait ne pas être renouvelée. Cependant la cour relève que la société Le [Localité 19] ne prétend pas a fortiori n'établit pas avoir été amenée à interrompre l'exploitation des terrasses.
Si la SCI 77 Southampton souhaite voir retenir une majoration de 20 % pour l'exploitation des terrasses non désignées dans le bail, au motif notamment que la terrasse de 41,38 m2 est couverte et peut être utilisée toute l'année, la SARL Le [Localité 19] produit un procès-verbal de constat du 13 mars 2025 duquel il ressort qu'il s'agit d'une terrasse ouverte aménagée, que côté coursive sur l'ensemble de la longueur de la terrasse, la demi cloison est libre en partie haute et ouverte.
M. [K] a considéré, d'une part, que la terrasse semi couverte de 41,38 m2 était indispensable à l'exploitation et en considération de la surface de la salle de restaurant de 82,10 m2, il a retenu une majoration de 5 % et, d'autre part, en ce qui concerne la terrasse située sur le trottoir d'avril à octobre, il a retenu une majoration de 1% compte tenu des conditions climatiques aléatoires en Normandie. Il a ainsi parfaitement justifié les pourcentages retenus.
Toujours s'agissant des terrasses la SARL Le [Localité 19] paie des redevances à la ville du [Localité 9] de 2 739 euros pour la première et de 2 383 euros pour la deuxième.
L'analyse de l'évolution du chiffre d'affaires et du nombre de couverts du preneur sur la période de référence fait ressortir une progression, le chiffre d'affaires ayant atteint 624 973 euros en 2019 pour 17 016 couverts alors que les trois années précédentes il était en moyenne de l'ordre de 530 000 euros pour environ 14 400 couverts. Quant à l'augmentation du coût du chauffage au gaz, elle n'est pas contemporaine de la date de renouvellement du bail renouvelé fixée au 1er octobre 2021 alors que la situation des locaux doit être appréciée à cette date.
M.[K] propose de retenir une valeur locative pondérée du mètre carré de 189 euros jusqu'au 31 mars 2022 HT HC, pour une surface pondérée de 139,39 m2, puis une valeur locative pondérée du mètre carré de 254,40 euros à compter du 1er avril 2022, HT HC, ces valeurs intégrant une majoration de 5% pour la première période puis de 6% pour la deuxième période au titre de l'effet terrasse. Il propose de distinguer les deux périodes au motif que la date d'achèvement des travaux se situe au printemps 2022. Il s'agit cependant d'un élément postérieur à la date de renouvellement du bail qui n'a donc pas à être pris en compte.
- Sur le prix du bail renouvelé au 1er octobre 2021
En conséquence, compte tenu des éléments de comparaison précités, au regard des facteurs de la valeur locative précédemment décrits et en prenant en considération la bonne situation des locaux au sein d'un quartier agréable, dont la rénovation et l'aménagement ont débuté en 2018, et leur bonne visibilité avec une prise importante notamment sur le [Adresse 14] et également sur la [Adresse 16], la valeur locative de 194,60 euros HT HC du m2 pondéré sera retenue qu'il convient de majorer de 6 % afin de tenir compte de l'impact économique résultant de l'exploitation des terrasses soit une valeur locative du m2 pondéré de 206,27 euros arrondie à 206 euros.
Il s'ensuit que le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76)'est fixé à 28 714,34 euros (139,39 x 206) à compter du 1er octobre 2021.
Par conséquent, le jugement sera infirmé sur la valeur retenue.
Dans la logique du montant fixé par la cour, la demande de la SCI du [Adresse 5] portant sur la condamnation de la SARL Le [Localité 19] au paiement des intérêts au taux légal sur chacune des échéances dues apparaît sans objet.
Le présent arrêt qui fixe le montant du loyer à 28 714,34 euros constitue le cas échéant le titre ouvrant droit à la restitution de sommes versées en trop depuis le 1er octobre 2021. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.
Sur les demandes accessoires
Ainsi que relevé par le premier juge et aussi par la cour aucune des modalités proposées par les parties pour le calcul du loyer commercial du bail renouvelé n'a été retenu de sorte qu'aucun élément tiré de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque d'entre elles et ceci que ce soit en première instance ou en cause d'appel.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé sur les dépens et les parties supporteront par moitié les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du juge des loyers du tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024 en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a fixé à la somme annuelle de 26.348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35.461 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au Havre (76)'; limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10% du montant du loyer acquitté l'année précédente';
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme annuelle de 28 714,34 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 4] [Localité 9] (76)';
Rejette la demande de condamnation de la SARL Le [Localité 19] au paiement des intérêts au taux légal';
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de condamnation de la SCI du [Adresse 5] à restituer les sommes versées en trop depuis le 1er octobre 2021,
Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties,
Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00345
Tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. LE [Localité 19]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Mathilde THEUBET de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE
INTIMEE :
S.C.I. DU [Adresse 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 24 avril 2025 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme VANNIER, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 24 avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 septembre 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 septembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er octobre 2006, la SCI du [Adresse 5] a donné à bail à la SARL Le [Localité 19] un local commercial situé au [Adresse 7], pour une durée de neuf années entières ayant commencé à courir le 1er octobre pour se terminer le 30 septembre 2015, moyennant un loyer de 24 000 euros annuel hors taxes.
La société Le [Localité 19] exploite un restaurant dans ce local commercial.
Le bail conclu en 2006 s'est poursuivi par tacite reconduction.
Par acte extrajudiciaire du 8 juin 2021, la société Le [Localité 19] a fait signifier au bailleur sa demande de renouvellement du bail aux mêmes charges et conditions que le bail initial et au prix annuel hors taxe de 28.757,71 euros.
Par acte extrajudiciaire du 6 septembre 2021, la société [Adresse 5] a accepté le renouvellement du bail moyennant un loyer annuel de 43 200 euros hors taxes et hors charges.
Par lettre recommandée avec avis de réception, la société Le [Localité 19] a fait notifier un mémoire préalable à l'action en fixation du prix du loyer du bail renouvelé à la société [Adresse 5], aux fins, notamment de voir fixer le montant du loyer à la somme annuelle de 25.000 euros hors taxe hors charges à la date du renouvellement du bail et obtenir la restitution du trop-perçu du loyer à compter du 1er octobre 2021.
Par un mémoire en réponse signifié par acte d'huissier le 15 décembre 2021, la société [Adresse 5] s'est opposé à la demande et a réclamé la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 43.200 euros hors taxe, hors charge, les autres clauses et conditions du bail restant inchangées.
Les parties n'étant pas parvenues à trouver un accord, par acte d'huissier du 14 février 2022, la société [Adresse 5] a fait assigner la société Le [Localité 19] devant le juge des loyers du tribunal judiciaire du Havre.
Par jugement du 20 janvier 2023, le juge des loyers commerciaux a, avant dire droit sur la demande de fixation du loyer du bail renouvelé, désigné M. [L] [K] en qualité d'expert judiciaire, avec mission de visiter et décrire les locaux commerciaux objets du litige et de donner son avis sur l'évolution des éléments déterminant la valeur locative et de fournir tous les éléments permettant de déterminer la valeur des locaux.
Monsieur [K] a déposé son rapport le 15 juin 2023.
Suivant mémoire en ouverture de rapport, notifié le 24 novembre 2023, la société [Adresse 5] a sollicité du juge des loyers commerciaux qu'il fixe la valeur locative du loyer de renouvellement à la somme de 40.146 euros par an hors taxe et hors charge, à compter du 1er octobre 2021.
Suivant mémoire en réponse notifié le 18 janvier 2024, la société Le [Localité 19] a conclu au rejet des demandes et a sollicité que le loyer de renouvellement hors taxe et hors charge soit fixé à la somme annuelle de 22.785 euros.
Par jugement du 17 mai 2024, le tribunal judiciaire du Havre a :
- dit que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 139,39 m²';
- fixé à la somme annuelle de 26.348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35'461 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76)';
- limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10% du montant du loyer acquitté l'année précédente';
- débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit';
- rejeté toute autre demande';
- fait masse des dépens, dans lesquels seront inclus les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur [O], et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.
La société Le [Localité 19] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 juillet 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 18 mars 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société Le [Localité 19] qui demande à la cour de :
- déclarer bien fondé l'appel de la société Le [Localité 19] à l'encontre du jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire du Havre le 17 mai 2024, en ce qu'il a :
* dit que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 139,39 m2';
* fixé à la somme annuelle de 26 348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35 461,00 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76) ;
* limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10 % du montant du loyer acquitté l'année précédente ;
* débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* rejeté toute autre demande ;
* fait masse des dépens, dans lesquels seront inclus les frais de l'expertise judiciaire de M. [O], et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.
Réformant le jugement entrepris':
- débouter la société la société [Adresse 5] de ses demandes d'augmentation de loyers ;
- débouter de toutes ses demandes fins et conclusions la société [Adresse 5]';
- dire que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 120,56 m²';
- fixer le montant du bail renouvelé à la somme annuel de 22.785 euros hors taxe à compter de 1er octobre 2021 outre les charges prévues au bail.
Subsidiairement':
- fixer le loyer annuel à la somme de 26.723,33 euros hors taxe à compter du 1er avril 2022';
- condamner la société [Adresse 5] à la restitution du trop-perçu de loyer compter du 1er octobre 2021 ;
- déclarer mal fondé l'appel incident de la société [Adresse 5].
En conséquence,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
- condamner la société [Adresse 5] aux entiers dépens y compris les frais de signification de demande de renouvellement et à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 19 novembre 2024 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la société [Adresse 5] qui demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024 en ce qu'il :
* fixé à la somme annuelle de 26.348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35'461 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76)';
* limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10% du montant du loyer acquitté l'année précédente';
* débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau':
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme en principal annuelle de
40 146 euros hors taxe, soit 3 345,5 euros hors taxe par mois hors taxes et hors charges, rétroactivement à compter du 1er octobre 2021, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées';
- condamner, la société Le [Localité 19] au paiement des intérêts au taux légal sur chacune des échéances dues à compter du dixième jour de la signification de la décision à intervenir, comportant injonction de payer';
- juger que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil pour ceux correspondant à la créance de loyers due depuis plus d'un an.
Subsidiairement,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024 (N° RG 22/00345 - N° Portalis DB2V-W-B7G-F4BS) en toutes ces dispositions sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles.
En toute hypothèse,
- débouter la société Le [Localité 19] de toutes ces demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires';
- condamner la société Le [Localité 19] société au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens lesquels comprendront les frais de signification d'acceptation de l'offre de renouvellement, et de signification du mémoire en réponse, d'expertise judiciaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
Il résulte des dispositions de l'article L. 145-12 du code de commerce que la durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue, et que le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent.
Au cas présent, le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2021 n'est pas en lui-même contesté, les parties s'accordant tant sur le principe que sur la date de ce renouvellement.
Il est constant que le bail initial qui a pris effet le 1er octobre 2006 pour une durée de neuf années et qui prenait fin le 1er octobre 2015 a été tacitement prolongé à compter de cette dernière date jusqu'au 1er octobre 2021, la société Le [Localité 19] ayant fait signifier au bailleur le 8 juin 2021 une demande de renouvellement à compter du 1er octobre 2021 pour une durée de neuf années au montant annuel de 28.757,71 euros, les autres conditions et clauses du bail initial restant inchangées.
Le bail, du fait de la tacite prolongation, a ainsi duré 15 ans jusqu'au 1er octobre 2021 de sorte que le plafonnement du loyer ne s'applique plus.
En conséquence, le loyer du bail commercial portant sur le local exploité par la société Le [Localité 19] situé [Adresse 6] doit être fixé selon sa valeur locative au 1er octobre 2021, déterminée en fonction des cinq critères posés par l'article L. 145-33 du code de commerce.
Aux termes de cet article, le montant des loyers des baux renouvelés, la valeur locative, à défaut d'accord, est déterminée d'après : 1° les caractéristiques du local considéré ; 2° la destination des lieux ; 3° les obligations respectives des parties ; 4° les facteurs locaux de commercialité ; 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Dans le cadre d'une procédure de fixation du loyer renouvelé d'un bail commercial devant le juge des loyers commerciaux, les rapports d'expertise amiables soumis à la libre discussion des parties constituent des éléments de preuve parmi d'autres. Par conséquent, il sera tenu compte du rapport du 26 novembre 2018 de M.[C] mandaté par la société Le [Localité 19] pour avoir son avis sur la valeur locative du restaurant.
Par ailleurs, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [K] dont le rapport a été déposé le 15 juin 2023.
Afin de renouveler le loyer en considération de la valeur locative du bien en cause, le juge doit préciser les critères de l'article L. 145-33 du code de commerce qu'il a utilisés sans qu'aucune méthode de calcul ne lui soit imposée.
Le prix du bail renouvelé s'apprécie à la date du renouvellement et ne peuvent être pris en considération pour le calcul du prix du bail renouvelé que les éléments existant à la date du renouvellement.
Les parties s'opposent pour l'essentiel sur l'évaluation de la surface des locaux loués ainsi que sur la détermination de la valeur unitaire du loyer, au regard des facteurs locaux de commercialité comme des références à retenir.
- Sur les caractéristiques du local commercial
Moyens des parties
La société Le [Localité 19] soutient que':
* le montant du loyer commercial doit s'établir à partir de la surface de 120,56 m² ; l'empiétement de 18,83 m² sur les parties communes de la copropriété [Adresse 10] n'est pas contestable';
* l'illégalité de l'empiétement vient réduire la surface du local, l'extension pouvant être remise en cause avec pour conséquence la réduction du nombre de tables et donc de couverts';
* en cas de vente du fonds de commerce, Le [Localité 19] devra informer son acheteur du problème relatif à l'extension et de la possible contestation par la copropriété sur cette extension, ce qui peut être dissuasif.
La SCI du [Adresse 5] réplique que':
* doit être prise en compte la totalité de la surface pondérée sur laquelle la société est titrée, et sur laquelle la société Le [Localité 19] est elle-même régulièrement titrée'; la partie sous l'arcade constitue une part de surface définitivement attribuée à la société Le [Localité 19] et ne constitue en rien le résultat d'une occupation précaire ou révocable';
* s'il s'agissait d'une part de surface dépendant des parties communes, force est de constater que la prescription trentenaire est acquise de sorte qu'il serait simple de régulariser la reconnaissance de la propriété pleine et entière de la société sur l'intégralité de cette surface sous arcades.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article R. 145-3 du code de commerce': «'Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.'»
Il ressort de l'expertise judiciaire et de l'expertise amiable que les locaux sont en parfait état d'entretien, qu'il s'agit de locaux d'angle qui présentent une large vitrine au sud sur le [Adresse 14] ainsi qu'à l'ouest [Adresse 16]. L'expert judiciaire, M.[K], note que le local se situe dans un immeuble construit en 1957 (classé [N]) et comprend au rez-de-chaussée : une salle de restaurant, bar, cuisine et deux WC, et au sous-sol, dont l'accès s'effectue par un escalier en bois depuis la cuisine : deux réserves lingerie, deux bureaux, vestiaire, WC.
Au titre de la détermination de la surface louée, une discussion porte sur la prise en compte ou non dans la surface des locaux commerciaux, de celle de 18,83 m2 correspondant à la partie du restaurant située sous arcade.
Il ressort du rapport de l'expert judiciaire, M.[K], que, lors du calcul de surface des locaux commerciaux, le cabinet Diagmater a retenu que la partie de restaurant située sous arcade représentant une surface de 18,83 m2 est une partie commune appartenant à la copropriété.
Compte tenu de cet élément, M. [K] a retenu une surface pondérée de 139,39 m2, comprenant la partie sous arcade, ou de 120,56 m2 si l'on exclut les 18,83 m2 de la partie en question.
Pour retenir une surface pondérée de 139,39 m2, le premier juge a relevé que :
- la SCI bailleresse a obtenu, en 1991, l'autorisation de procéder à l'extension de la salle de restaurant à la surface située sous arcade ainsi que cela ressort de l'avis favorable et de l'accord délivrés par le service de l'urbanisme de la ville du Havre, les 23 et 28 octobre 1991 et de l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France,
- la SCI 77 Southampton justifie aussi de ce que la copropriété avait, à l'époque, donné son accord sur les travaux projetés.
Le juge des loyers a ensuite retenu que':
- il ne ressort pas de ces documents que l'extension de la salle de restauration sous arcade aurait effectivement été prise sur une partie commune car il s'avère également possible que celle-ci se soit effectuée sur des surfaces relevant du domaine public, avec l'accord et l'autorisation de la collectivité territoriale,
- il n'entre pas dans le champ de compétence de la présente juridiction de se prononcer sur la question de savoir si la surface située sous arcade a été prise sur une partie commune ou une surface dépendant du domaine public pas plus qu'il ne lui appartient de statuer sur la question d'une éventuelle prescription acquisitive concernant cette partie.
Le premier juge a pour finir considéré que':
- depuis 1991, la partie située sous arcade est résolument affectée à l'exploitation commerciale du restaurant et elle constitue une surface attribuée à la SCI bailleresse, incluse dans le périmètre et le descriptif des locaux donnés à bail à la société Le [Localité 19] sans qu'il ne puisse constituer le résultat d'une simple occupation précaire'; cette dernière bénéficie donc, en qualité de preneur, des investissements et travaux d'extension de la surface commerciale et d'aménagement de la façade réalisés par le propriétaire en 1991,
- le droit d'occupation de la surface donnée à bail à la SARL Le [Localité 19] porte bien sur l'intégralité de la salle de restaurant en ce compris l'extension et cet ensemble n'est pas divisible,
- il n'existe aucun motif justifiant qu'il soit procédé à quelque retranchement que ce soit pour le calcul de la surface pondérée.
Ces motifs demeurent pertinents au stade de l'appel et la cour les adopte.
Par ailleurs, s'agissant du courrier adressé par la copropriété à la société locataire en septembre 2013 et des courriers échangés entre cette dernière et le bailleur en novembre 2013 au sujet de cette partie située sous arcade, ils ne modifient en rien le constat de son affectation à l'exploitation commerciale du restaurant de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que pour le calcul du loyer commercial, la surface pondérée du local commercial objet du bail est de 139,39 m2.
- Sur la destination des lieux
Il ressort du bail que les locaux sont exclusivement destinés à usage de restaurant. Il s'agit ainsi d'une destination restrictive qui selon l'expert judiciaire empêche l'activité de café-bar.
- Sur les obligations respectives des parties
Si la société Le [Localité 19] soutient que la SCI bailleresse n'a pas rempli ses obligations de mise aux normes pour l'accès des personnes handicapées aux toilettes, de mise aux normes du système électrique et si l'expert judiciaire a noté que les travaux de conformité sont à la charge du bailleur ce que ce dernier conteste, la société Le [Localité 19] n'a sollicité aucun abattement à ce titre.
- Sur les facteurs locaux de commercialité
Moyens des parties
La société Le [Localité 19] soutient que':
* la situation générale de la ville du [Localité 9] est caractérisée par une perte d'attractivité et sa population se paupérise'; le quartier est en retrait'; le succès du restaurant est dû à ses propriétaires qui ont su attirer une clientèle qui se déplace mais qui n'est pas celle de promeneurs attirés par les travaux d'aménagement';
* il n'a pas été tenu compte par le juge des loyers de l'observation de l'expert sur le chauffage au gaz en forte augmentation';
* son loyer avait été augmenté au moment de la cession des parts en 2006 passant de 16.464,48 euros hors taxe à 24.000 euros hors taxe par an';
* l'augmentation du chiffre d'affaires n'est pas due à une augmentation du nombre de clients mais à l'inflation';
* la terrasse qui est une véranda semi-ouverte est essentiellement exploitée durant la période estivale'; la terrasse existait déjà lors de la conclusion du bail en 2006'; les travaux de 2018 sont des travaux de reconstruction'; la preneuse ne peut plus chauffer sa terrasse aménagée non fermée et non étanche à l'air'; cette occupation reste précaire '; elle a reçu récemment un avis de taxe foncière qui en augmente le coût d' exploitation';
* la terrasse sur le trottoir est exploitée de façon très aléatoire même en été'; les terrasses donnent lieu à perception à de redevances'; «'l'effet terrasse » ne peut être que très relatif en Normandie';
La SCI du [Adresse 5] réplique que':
* l'analyse des experts sur la situation économique de la ville est obsolète';
* les références prise en compte par M. [C] sont sans rapport avec la situation actuelle de ce secteur de la ville ; l'analyse de l'environnement économique par l'expert judiciaire tient manifestement d'un préjugé un peu daté';
* l'évolution du secteur par les travaux d'aménagement a eu des conséquences très positives sur les facteurs de commercialité du site d'implantation du [Localité 19]';
* quant aux prix pratiqués dans le voisinage, les références à prendre en compte sont celles qui permettent de retenir 240 euros par mètre carré pondéré';
* en fait de véranda semi-ouverte, il s'agit d'une véranda couverte qui peut être utilisée en période froide'; elle accueille 40 places, alors que la salle de restaurant accueille 56 places, elle donne une visibilité plus importante au restaurant sur le quai'; la terrasse sur le trottoir est ouverte d'avril à septembre.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article R145-6 du code de commerce : «'Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.'»
Tant M.[C] que M. [K] ont retenu que la ville est en perte régulière d'habitants, que le taux de chômage est supérieur à 20% ainsi que le taux de pauvreté, que seulement 40% des ménages sont propriétaires de leur logement. Toutefois l'expert judiciaire mentionne que l'établissement est situé dans le centre-ville, quartier Notre-Dame, reconstruit par Auguste [N] dans les années 1950. Il évoque un quartier agréable, à proximité des bassins, du port de plaisance et de la plage. Il relève que le stationnement automobile (payant) est relativement aisé et que Le [Localité 19] est une institution au [Localité 9], fréquentée par les milieux d'affaires, en raison de l'investissement et du travail de ses gérants. Il ajoute que la ville a créé une promenade ininterrompue entre la ville de [Localité 17] et le quartier des pêcheurs de [Localité 18] en longeant la plage, le port de plaisance et les bassins. Déjà en 2018, M.[C] avait relevé que le secteur du [Adresse 13] était l'objet d'une rénovation urbaine par l'aménagement d'espaces verts ouverts au public aux lieu et place des quais sans affectation et que cette modernisation des abords et équipements urbains était favorable. La SCI du [Adresse 5], qui produit des articles de presse en ce sens, souligne l'attractivité du quartier où se situe Le Sorrento qui est proche du musée [11] de renommée nationale et reconnu pour la qualité de ses expositions. Ces articles mentionnent la mise en 'uvre à partir de 2018 des travaux d'aménagement du [Localité 8] Quai du Havre dont le quai de Southampton et la transformation de ce secteur en promenades et espaces verts, inauguré pour la première tranche, en juin 2019 et ceci aux abords du Sorrento qui ont, ainsi que relevé par l'expert judiciaire, permis un afflux de promeneurs qu'il situe à partir d'avril 2022.
Il s'agit cependant de modifications qui se sont amorcées en 2018 soit au cours du bail expiré (du 1eroctobre 2006 au 1er octobre 2021) et qui présentent un intérêt pour la SARL Le [Localité 19] puisqu'elles ont rendu le quartier plus agréable et plus attractif, la spécificité de ce restaurant dont il est noté par l'expert qu'il est fréquenté par une certaine clientèle (le milieu des affaires) ne le maintenant pas pour autant à l'écart de cet afflux de promeneurs.
Il convient de relever que M.[C] en 2018 avait noté l'existence d'un seul restaurant entre la [Adresse 16] et la [Adresse 15] alors que M.[K] a relevé l'existence de neuf commerces dans cet espace soit des restaurants, bars, glacier ce qui signe l'attractivité de ce secteur rénové qui profite également de la venue de paquebots de croisière.
- Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
Selon les dispositions de l'article R145-7 du code de commerce «'Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.'»
Ne pouvant être pris en considération pour le calcul du prix du bail renouvelé que les éléments existant à la date du renouvellement, il convient d'écarter comme éléments de comparaison, les locaux dont le bail n'a commencé à courir que postérieurement à la période de référence.
L'expert judiciaire a retenu cinq références de locaux (restaurants) dont le bail est antérieur au 1er octobre 2021 soit l'Ardoise (bail de 2012), le [Localité 12] (2017), le grand Quai (2017), les saveurs Ile Maurice (2005), Architect (2018), le loyer du m2 pondéré s'élevant respectivement à 162 euros, 180 euros, 207 euros, 164 euros, 260 euros ce qui donne une moyenne de 194,60 euros le m2.
Pour chacun des quatre premiers baux également retenus par M.[C], l'impôt foncier est remboursé au propriétaire.
Les deux références citées par la SCI du [Adresse 5] datent de 2023 et ne sont donc pas pertinentes et par ailleurs comme relevé par l'expert judiciaire, la surface retenue par l'agence Adrian Parker est erronée puisqu'elle n'est pas pondérée et la référence émanant de l'agence Orpi a été faite à partir d'un fichier informatique des maisons mises en location ce qui ne correspond pas aux locaux dont s'agit. Quant à la référence produite par la société Le [Localité 19] sur un local de 175 m2 loué 120 euros HT HC par m2, sa date n'est pas connue.
- Sur la prise en compte des terrasses
S'agissant de la prise en compte des terrasses se trouvant sur le domaine public et ne faisant pas partie des lieux loués, il est traditionnellement retenu une majoration de la valeur locative en raison de leur impact économique dont le bailleur peut réclamer l'appréciation.
L'expert judiciaire a considéré qu'il y avait lieu au cas particulier à une majoration de la valeur locative en raison de « l'effet terrasse » après avoir rappelé que cette valorisation n'avait pas de caractère systématique et que s'agissant d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, celle-ci pouvait ne pas être renouvelée. Cependant la cour relève que la société Le [Localité 19] ne prétend pas a fortiori n'établit pas avoir été amenée à interrompre l'exploitation des terrasses.
Si la SCI 77 Southampton souhaite voir retenir une majoration de 20 % pour l'exploitation des terrasses non désignées dans le bail, au motif notamment que la terrasse de 41,38 m2 est couverte et peut être utilisée toute l'année, la SARL Le [Localité 19] produit un procès-verbal de constat du 13 mars 2025 duquel il ressort qu'il s'agit d'une terrasse ouverte aménagée, que côté coursive sur l'ensemble de la longueur de la terrasse, la demi cloison est libre en partie haute et ouverte.
M. [K] a considéré, d'une part, que la terrasse semi couverte de 41,38 m2 était indispensable à l'exploitation et en considération de la surface de la salle de restaurant de 82,10 m2, il a retenu une majoration de 5 % et, d'autre part, en ce qui concerne la terrasse située sur le trottoir d'avril à octobre, il a retenu une majoration de 1% compte tenu des conditions climatiques aléatoires en Normandie. Il a ainsi parfaitement justifié les pourcentages retenus.
Toujours s'agissant des terrasses la SARL Le [Localité 19] paie des redevances à la ville du [Localité 9] de 2 739 euros pour la première et de 2 383 euros pour la deuxième.
L'analyse de l'évolution du chiffre d'affaires et du nombre de couverts du preneur sur la période de référence fait ressortir une progression, le chiffre d'affaires ayant atteint 624 973 euros en 2019 pour 17 016 couverts alors que les trois années précédentes il était en moyenne de l'ordre de 530 000 euros pour environ 14 400 couverts. Quant à l'augmentation du coût du chauffage au gaz, elle n'est pas contemporaine de la date de renouvellement du bail renouvelé fixée au 1er octobre 2021 alors que la situation des locaux doit être appréciée à cette date.
M.[K] propose de retenir une valeur locative pondérée du mètre carré de 189 euros jusqu'au 31 mars 2022 HT HC, pour une surface pondérée de 139,39 m2, puis une valeur locative pondérée du mètre carré de 254,40 euros à compter du 1er avril 2022, HT HC, ces valeurs intégrant une majoration de 5% pour la première période puis de 6% pour la deuxième période au titre de l'effet terrasse. Il propose de distinguer les deux périodes au motif que la date d'achèvement des travaux se situe au printemps 2022. Il s'agit cependant d'un élément postérieur à la date de renouvellement du bail qui n'a donc pas à être pris en compte.
- Sur le prix du bail renouvelé au 1er octobre 2021
En conséquence, compte tenu des éléments de comparaison précités, au regard des facteurs de la valeur locative précédemment décrits et en prenant en considération la bonne situation des locaux au sein d'un quartier agréable, dont la rénovation et l'aménagement ont débuté en 2018, et leur bonne visibilité avec une prise importante notamment sur le [Adresse 14] et également sur la [Adresse 16], la valeur locative de 194,60 euros HT HC du m2 pondéré sera retenue qu'il convient de majorer de 6 % afin de tenir compte de l'impact économique résultant de l'exploitation des terrasses soit une valeur locative du m2 pondéré de 206,27 euros arrondie à 206 euros.
Il s'ensuit que le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au [Localité 9] (76)'est fixé à 28 714,34 euros (139,39 x 206) à compter du 1er octobre 2021.
Par conséquent, le jugement sera infirmé sur la valeur retenue.
Dans la logique du montant fixé par la cour, la demande de la SCI du [Adresse 5] portant sur la condamnation de la SARL Le [Localité 19] au paiement des intérêts au taux légal sur chacune des échéances dues apparaît sans objet.
Le présent arrêt qui fixe le montant du loyer à 28 714,34 euros constitue le cas échéant le titre ouvrant droit à la restitution de sommes versées en trop depuis le 1er octobre 2021. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.
Sur les demandes accessoires
Ainsi que relevé par le premier juge et aussi par la cour aucune des modalités proposées par les parties pour le calcul du loyer commercial du bail renouvelé n'a été retenu de sorte qu'aucun élément tiré de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque d'entre elles et ceci que ce soit en première instance ou en cause d'appel.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé sur les dépens et les parties supporteront par moitié les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du juge des loyers du tribunal judiciaire du Havre du 17 mai 2024 en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a fixé à la somme annuelle de 26.348 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 et jusqu'au 31 mars 2022, puis à la somme annuelle de 35.461 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2022, toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 3] au Havre (76)'; limité l'augmentation du loyer sur la durée du bail renouvelé, à compter du 1er avril 2022, à 10% du montant du loyer acquitté l'année précédente';
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme annuelle de 28 714,34 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2021 toutes les autres conditions du bail demeurant inchangées, le montant du loyer commercial du bail renouvelé des locaux situés au numéro [Adresse 4] [Localité 9] (76)';
Rejette la demande de condamnation de la SARL Le [Localité 19] au paiement des intérêts au taux légal';
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de condamnation de la SCI du [Adresse 5] à restituer les sommes versées en trop depuis le 1er octobre 2021,
Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties,
Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,