CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 4 septembre 2025, n° 22/01758
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2025
(n° 121/2025, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/01758 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDEK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 décembre 2021 - Tribunal judiciaire de Paris, 18ème chambre, 1ère section - RG n° 19/07746
APPELANTE
S.A. MODE'ESTAH
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 380 412 791
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Matthieu Boccon Gibod de la Selarl LX Paris- Versailles- Reims, avocat au barreau de Paris, toque : C2477
INTIMÉE
La société SCI CADORIAL
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le n° 445 292 022
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Nathalie Lesenechal, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Hélène Bussière, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de la chambre 5-3 et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua,, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
'
Par acte du 17 septembre 1997, les sociétés Ugicomi, Auxilia Financiere Interbail, Fineximmo, Klepierre, Kleber Portefeuille et Cie et Bail Investissement ont donné à bail en renouvellement à la société Mode'estah, qui exploite une école spécialisée dans le secteur de la mode et du luxe, au sein d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 10], « Au 4ème étage de l'immeuble, des locaux commerciaux d'une superficie de 406 m² environ, et correspondant aux lots 401, 402 et 403 du Règlement de copropriété », pour une durée de trois, six, neuf années entières et consécutives à compter du 1er décembre 1997, moyennant un loyer annuel HT de 203.000 francs.
Par avenant du 31 août 1998, l'objet du bail a été étendu au lot de copropriété 10.406, pour une superficie totale de 448 m², les lots visés au bail du 17 décembre 1997 ayant changé de numérotation au profit de 301, 302, 304 et 306.
Par acte sous seing privé en date du 26 juin 2008, le bail qui s'était poursuivi par tacite prolongation, a été renouvelé pour une durée de 9 ans, à compter du 1er juillet 2008 jusqu'au 30 juin 2017, moyennant un loyer annuel HT de 50.028,43 euros.
Par acte sous-seing privé du 16 août 2011, la société SCI Paradis [G], propriétaire de lots au sein de la copropriété, a donné à bail à la société Mode'estah un plateau de 80 m² composé de deux lots 408 et 410, au 4ème étage, pour une durée de trois, six, neuf années entières et consécutives à compter du 1er septembre 2011.
Par un acte extrajudiciaire du 19 octobre 2016, la société Cadorial, venue aux droits des bailleurs, a donné congé à la société Mode'estah pour le 30 juin 2017 en refusant le renouvellement du bail moyennant le paiement, dans l'hypothèse où la société Mode'estah pourrait y prétendre, d'une indemnité d'éviction déterminée dans les conditions de l'article L. 145-14 du code de commerce.
Désignée par ordonnance du 21 août 2017 à la demande de la société Cadorial, Madame [W] [B], expert judiciaire, a, dans son rapport en date du 26 octobre 2018, estimé le montant d'une indemnité d'éviction à la somme de 624.800 € arrondie, à 620.000 euros, composée d'une indemnité principale : 291.122,80 € et d'indemnités accessoires : 333.677 € et à une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2017 d'un montant de 100.000 euros HT et HC, soit un prix unitaire de 250 € /m² HT et HC.
Par acte extrajudiciaire du 25 juin 2019, la société Cadorial a assigné la société
Mode'estah devant la présente juridiction aux fins qu'il soit statué sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation. Par acte extra-judiciaire du 28 juin 2019, la société Mode'estah a assigné la société Cadorial devant la présente juridiction en fixation de l'indemnité d'éviction lui revenant. Les deux instances ont été jointés.
Par jugement du 7 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a, en substance, dit que par l'effet du congé signifié le 19 octobre 2016 par la société Cadorial à la société Mode'Estah, le bail liant les parties a ouvert droit au paiement d'une indemnité d'éviction pour la société preneuse, fixé à la somme globale de 424.155 euros, outre les frais de déménagement sur justificatifs, le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Cadorial à la société Mode'Estah, rejeté la demande de la société Cadorial tendant à dire que le paiement de l'indemnité d'éviction interviendra selon les modalités prévues à l'article L. 145-29 du code de commerce, fixé au montant annuel de 100.000 euros, hors taxes et hors charges, l'indemnité d'occupation due par la société Mode'Estah à compter du 1er juillet 2017, débouté la société Cadorial de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation, dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit, condamné la société Cadorial aux dépens et à payer à la société Mode'Estah la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 20 janvier 2022, la SA Mode'estah a interjeté appel du jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 septembre 2022, la société Mode'estah, appelante, demande à la cour de':
- déclarer irrecevable la société SCI Cadorial en sa demande de désignation d'un séquestre';
- déclarer mal fondée la société SCI Cadorial en son appel incident, et rejeter ses demandes';
- déclarer recevable et bien fondée la société Mode'estah en son appel';
y faisant droit
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':
* dit que le congé ouvrait le droit pour la société Mode'estah à la perception d'une indemnité d'éviction';
* débouté la société SCI Cadorial de ses demandes relatives aux modalités de paiement de l'indemnité d'éviction et à l'indexation de l'indemnité d'occupation';
* condamné la société SCI Cadorial au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens en ce inclus les frais de l'expertise judiciaire de Madame [W] [B]';
- l'infirmer en ce qu'il :
* fixe à la somme globale de 424.155 euros, outre les frais de déménagement sur justificatifs, le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Cadorial à la société Mode'Estah';
* fixe le montant annuel de cette indemnité d'occupation à la somme de 100 000 euros, hors taxes et charges';
* rejette toutes demandes plus amples ou contraires, mais uniquement lorsqu'il rejette les demandes de la société Mode'Estah';
et statuant à nouveau,
- fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par la société SCI Cadorial à la société Mode'estah à la somme de 1.180.664 € à titre principal et 936.208 € à titre subsidiaire, outre les frais de déménagement sur justificatifs':
- condamner la société SCI Cadorial au paiement de la somme fixée';
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation au 1er juillet 2017, à la somme annuelle hors taxes,
* à titre principal de 60.450 €';
* à titre subsidiaire de 74.400 €';
en tout état de cause et y ajoutant :
- débouter la société SCI Cadorial de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société SCI Cadorial au paiement de la somme de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Matthieu Boccon-Gibod, SELARL Lexavoue [Localité 9] Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société Mode'Estah fait valoir que':
- Sur l'indemnité d'éviction,
- Sur l'indemnité principale, sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce, son activité est transférable sans perte de clientèle, l'indemnité principale correspond donc à la valeur de son droit au bail, calculée sur la capitalisation du différentiel entre la valeur locative de marché et le loyer de renouvellement. Concernant la valeur locative de marché, elle est estimée à 350 € HT par m² pour les locaux d'enseignement, en se fondant sur les recherches de relocalisation entreprises en 2022, date la plus proche de l'éviction, et sans que la période de pandémie n'ait eu d'effet sur les prix du marché où la demande est toujours aussi forte où les prix se situaient entre 380 et 700 € HT par m² dans le [Localité 1]. L'évaluation des autres locaux n'est pas contestée. Concernant le loyer de renouvellement, l'appelante indique qu'aucun motif de déplafonnement n'existe et qu'il s'élève à 55.966,80 € selon l'ILC. Le coefficient de capitalisation de 5 retenu par l'expert n'étant pas contesté, il convient de fixer la valeur du droit au bail à 522.541 €, en tenant compte de la nécessité de louer des locaux plus importants pour remplacer la situation existante, incluant la jouissance partagée d'un amphithéâtre';
- Sur les indemnités accessoires';
Sur les frais de remploi, il convient de retenir la somme de 40.223 € correspondant aux honoraires de commercialisation calculée sur la base de 25 % de la valeur locative actualisée et d'y ajouter la somme de 1.500 € au titre des frais de rédaction du bail';
Sur le trouble commercial, il résulte un préjudice du temps perdu pour retrouver de nouveaux locaux. Il convient de retenir, conformément à la jurisprudence, trois mois d'EBE, soit 67.681 €, l'analyse de l'expert de ne retenir qu'un mois et demi compte-tenu de la période estivale étant injustifiée puisque la recherche va être anticipée';
Sur la perte sur salaire, compte tenu des installations spécifiques et de la superficie des locaux, le coefficient usuel de trois jours de masse salariale n'est pas applicable. Il convient de fixer le montant de l'indemnité à huit jours de masse salariale, soit 10.535 €';
Sur les frais de réinstallation, l'article L. 145-14 alinéa 2 n'est pas limitatif. Contrairement à ce que prétend le bailleur, la jurisprudence retient l'indemnisation de l'ensemble des frais nécessaires à la réinstallation et à l'aménagement. Par ailleurs, le bailleur se contredit en ce qu'il minore la valeur du droit au bail en se basant sur des locaux vétustes et non conformes sur le plan réglementaire, en infraction avec son obligation de délivrance, tout en écartant les frais de réinstallation. Il convient donc d'infirmer le jugement qui n'a rien accordé à ce titre, contrairement à l'expert qui s'est basé sur l'estimation d'un architecte, M. [V] dont les conclusions ont été versées aux débats, et de fixer l'indemnité à 450.000 € basés sur l'étude d'un architecte et subsidiairement à 208.544 €, le prix locatif et les coûts de réinstallation étant corrélés';
Sur les frais administratifs, il convient de retenir la somme de 5.000 € pour ce poste';
Sur le double loyer, la SCI Cadorial n'apporte aucune preuve que la société Mode'estah bénéficiera d'une franchise de loyer. Il convient donc de confirmer le jugement qui a retenu la somme de 13.590 € pour ce poste';
Sur les frais de résiliation du bail de la SCI Paradis [G], le bail du local accessoire ne pourra être résilié par la société Mode'estah que dès lors qu'elle aura libéré l'ensemble des lieux. Elle peut donc se retrouver dans l'obligation de payer le loyer pendant 42 mois, ce qui revient à fixer l'indemnité à 69.594 €';
- Sur le montant de l'indemnité d'éviction, il convient de fixer ce montant à la somme de 1.180.664 € à titre principal, et à 939.208 € à titre subsidiaire';
- Sur l'indemnité d'occupation, sur le fondement de l'article L. 145-28 du code de commerce, suite au refus de renouvellement, l'indemnité doit correspondre à la valeur locative, avec un abattement pour précarité d'usage de 10 % ou 20 %. Par ailleurs, les contraintes du cycle scolaire et l'incertitude de l'éviction justifient un abattement supérieur de 35 % à titre principal, ou 20 % à titre subsidiaire, soit une indemnité annuelle HT de 60.450 € ou 74.400 €';
- Sur les demandes de la SCI Cadorial,
Sur la demande relative à l'application de l'article L. 145-29 du code de commerce, une «'demande'» d'application d'un article du code de commerce, sans autre précision, n'est pas une prétention au sens de l'article 954 du code de procédure civile';
Sur la demande de désignation d'un séquestre, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel. Elle est donc irrecevable';
Sur la demande d'indexation de l'indemnité d'occupation, aucune disposition légale ou contractuelle n'impose une telle indexation';
Sur la demande de condamnation aux intérêts, si les intérêts peuvent s'appliquer à l'indemnité d'occupation provisionnelle exigible pendant la durée de la procédure de la fixation des indemnités d'éviction et d'occupation, il n'est pas justifié de les appliquer sur le différentiel qui n'est dû qu'à compter de la décision le fixant.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 juin 2022, la SCI Cadorial, intimée, demande à la cour de':
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 décembre 2021 en ce qu'il a :
* dit que par l'effet du congé signifié le 19 octobre 2016 par la société Cadorial à la société Mode'Estah, le bail liant les parties et portant sur un local situé [Adresse 4] à [Localité 11] a pris fin le 30 juin 2017 et que ce congé a ouvert droit au paiement d'une indemnité d'éviction pour la société preneuse';
* dit que la société Mode'Estah est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2017';
* dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit';
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 décembre 2021 en ce qu'il a :
* fixé à la somme globale de 424.155 euros, outre les frais de déménagement sur justificatifs, le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Cadorial à la société Mode'Estah';
* rejeté la demande de la société Cadorial tendant à dire que le paiement de l'indemnité d'éviction interviendra selon les modalités prévues à l'article L. 145-29 du code de commerce';
* fixé le montant annuel de cette indemnité d'occupation à la somme de 100.000 euros, hors taxes et charges';
* débouté la société Cadorial de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation';
* condamné la société Cadorial aux dépens, en ce inclus les frais de l'expertise judiciaire confiée à Mme [W] [B], et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile';
* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire';
* rejeté toutes demandes plus amples ou contraires, uniquement lorsqu'il s'agit des demandes de la société Cadorial';
En statuant à nouveau :
- recevoir la société SCI Cadorial en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';
En conséquence :
Sur l'indemnité d'éviction :
- fixer l'indemnité d'éviction due par la société SCI Cadorial à la société Mode'estah à la somme de 345.000 € HT et HC (trois cent quarante cinq mille euros), à laquelle s'ajouteront les frais de déménagement, sur justificatifs et les éventuels frais de double loyer sur justificatifs ;
- dire et juger que le paiement de l'indemnité d'éviction interviendra selon les modalités prévues à l'article L.145-29 du code de commerce ;
Sur l'indemnité d'occupation :
- A titre principal, fixer le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2017 à la somme annuelle en principal de 112.000 € HT et HC';
- A titre subsidiaire, fixer le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2017 à la somme annuelle en principal de 100.000 € HT et HC';
- dire et juger que la société Mode'estah devra verser les intérêts au taux légal sur les arriérés d'indemnité d'occupation ainsi que la capitalisation sur lesdits intérêts échus depuis plus d'un an conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil';
Sur la désignation d'un séquestre :
- autoriser la société Cadorial, à séquestrer l'indemnité d'éviction due après compensation des indemnités d'occupation et partant :
- designer le séquestre juridique de l'ordre des avocats de [Localité 9] en qualité de Séquestre de l'indemnité d'éviction à l'effet de recevoir la somme de 345.000 € correspondant à l'indemnité d'éviction due à la société Mode'estah par la société Cadorial, après compensation avec les indemnités d'occupation due par la société Mode'estah, avec la mission attachée par les articles L. 145-29 et L. 145-30 du code de commerce, notamment de recevoir les oppositions ou saisies des créanciers ;
- dire qu'il appartiendra au Séquestre Juridique de l'Ordre des Avocats de [Localité 9] de verser l'indemnité séquestrée à la société Mode'estah sur sa seule quittance s'il n'y a pas d'opposition des créanciers et notamment du bailleur au titre du montant des compléments d'indemnités d'occupations dus, et contre remise des clés du local vide de tous mobiliers, marchandises et occupants du chef de cette dernière, et sur justification du paiement des impôts et sous réserve des réparations locatives et du respect des obligations incombant à la société Mode'estah ;
- dire que le délai de trois mois visé à l'article L.145-30 du code de commerce courra à compter du versement de l'indemnité d'éviction entre les mains du séquestre ;
- dire qu'en cas de non remise des clés dans le délai fixé, le séquestre retiendra 1 % par jour de retard, à compter du jour suivant la fin dudit délai sur le montant de l'indemnité et restituera cette retenue au bailleur sur sa seule quittance ;
- dire que s'il y a opposition, le séquestre devra au préalable, et avant paiement, obtenir mainlevée des oppositions et radiations des inscriptions qui grèvent éventuellement le fonds de commerce, et ce, aux frais du preneur.
sur les frais et dépens de première instance :
- juger que chacune des parties, ayant succombé partiellement en ses demandes de première instance, conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens';
En tout état de cause :
- débouter la société Mode'estah de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions';
- condamner la société Mode'estah au paiement de la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel';
- condamner la Société Mode'estah aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Cadorial oppose que':
- Sur l'indemnité principale d'éviction, sur le fondement de l'article L.145-14 du code de commerce, la transférabilité des locaux sans perte de clientèle n'est pas discutée. Dès lors, le montant de l'indemnité d'éviction sera évalué à partir de la valeur de déplacement du fonds, elle-même basée sur la valeur du droit au bail. Le prix unitaire de 250 euros/m² retenu par l'expert pour les locaux du 4e étage est justifié, contrairement à l'estimation de 350 euros/m² de la société Mode'estah basée sur des références en fourchettes hautes. Ainsi, le tribunal a correctement retenu ce prix compte tenu des caractéristiques modestes de l'immeuble et de l'absence de visibilité depuis la rue. La prise de locaux plus grands par la société Mode'estah ne change rien à la valeur locative des locaux litigieux. Un prix unitaire de 250 € / m² est donc justifié. L'intimée expose que le loyer de renouvellement plafonné s'élève à 55.966,80 € HT et HC, sans motif de déplafonnement. Par ailleurs, le coefficient de capitalisation de 5 n'étant pas contesté, la valeur du droit au bail devrait donc être fixée à 299.000 euros. Il convient donc de réformer le jugement qui a intégré la valeur locative d'un autre local appartenant à la SCI Paradis [G] et a ainsi erronément calculé le loyer plafonné';
- Sur les indemnités accessoires,
Sur le montant des frais de commercialisation et de rédaction d'un nouveau bail, la fixation forfaitaire à 30 % des frais de remploi n'étant pas contestée, il convient de retenir un montant de 34.702 €, comme l'a fait l'Expert';
Sur le montant du trouble commercial, il convient de retenir 1,5 mois d'EBE moyen compte tenu de la période estivale pendant laquelle l'école est fermée, soit la somme de 7.253 € [8], ce qu'il convient de rapporter au prorata de la surface effectivement occupée par le preneur, soit un total de 6.251 €. Contrairement à ce qu'indique la société Mode'estah, la fixation de l'indemnité à 3 mois d'EBE consisterait en une double réparation du trouble, le temps de recherche des nouveaux locaux étant déjà pris en compte dans le montant du trouble commercial';
Sur la perte sur salaire, ce trouble est déjà indemnisé à travers le trouble commercial et les frais de déménagement. Il convient donc de ne pas indemniser ce poste de préjudice'; '
Sur les frais de réinstallation, sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce, le tribunal a justement rejeté toute demande de la société Mode'estah à ce titre, considérant l'absence d'aménagements spécifiques réinstallables dans les locaux vétustes. En effet, les locaux de Mode'estah sont situés dans un immeuble modeste et la société ne prouve pas d'investissements significatifs ou d'aménagements particuliers. Dès lors, la SCI Cadorial n'a pas à prendre en charge des frais de réinstallation supérieurs au standing actuel. La note de l'expert amiable de Mode'estah n'est quant à elle pas pertinente en ce qu'elle omet le principe de réinstallation à l'identique en se fondant sur une future surface plus grande, commet diverses imprécisions ou encore retient des montants excessifs et déconnectés du marché sans tenir compte de la vétusté des équipements. Par ailleurs la charge de la preuve d'aménagements spécifiques incombe au preneur, qui ne justifie pas de tels aménagements. Il convient donc d'exclure toute prise en charge des frais de réinstallation. Subsidiairement, si une indemnité devait être retenue, elle devrait se limiter au coût d'un cloisonnement identique, soit 100 €/m²';
Sur les autres formalités, ces formalités doivent être forfaitairement fixées à 5.000 €, ce qui n'est pas discuté';
Sur les frais de double loyer, dès lors que la société Mode'estah bénéficiera d'une franchise de loyer, aucun frais n'est dû à ce titre Il convient de ne les rembourser que sur justificatif';
Sur les frais liés à la résiliation du bail consenti par la SCI Paradis [G], la bailleresse n'a aucun lien de droit avec la SCI Paradis [G], d'autant plus que le départ des locaux est à l'initiative de la société Mode'estah. Par ailleurs, ce bail n'est pas l'accessoire de celui conclu avec la société Cadorial';
- Sur le montant total des indemnités, le montant total des indemnités accessoires d'éviction est de 45.953 €, hors frais de déménagement à parfaire sur justificatifs. Dès lors le montant total de l'indemnité d'éviction est de 345.000 € HT et HC.
- Sur la fixation du montant de l'indemnité d'occupation au 1er juillet 2017, sur le fondement des articles L. 145-28 et L. 145-33 du code de commerce, l'indemnité d'occupation est égale à la valeur locative de renouvellement. Du fait de la transférabilité du fonds et la durée des formations dispensées, le tribunal et l'expert ne pouvaient pas appliquer un abattement de précarité de 10 %. À titre principal, il convient de fixer une indemnité annuelle de 112.000 euros HT et HC sans abattement. Subsidiairement, il conviendrait de maintenir la somme de 100.000 euros HT et HC retenue par le tribunal';
- Sur le rejet de la demande de la société Cadorial tendant à dire que le paiement de l'indemnité d'éviction interviendra selon les modalités prévues à l'article L. 145-29 du code de commerce, rien n'empêche d'appliquer cette disposition au litige. Il convient donc d'autoriser la société Cadorial, si les conditions de l'article L. 145-29 du code de commerce sont réunies, à séquestrer l'indemnité d'éviction';
- Sur la compensation de plein droit de l'indemnité d'occupation et de l'indemnité d'éviction, il convient de confirmer le jugement sur ce point';
- Sur l'indexation de l'indemnité d'éviction, sur le fondement de l'article 1154 du code civil, le tribunal n'a pas justifié son refus de voir indexer l'indemnité d'occupation. Il convient donc de condamner la société Mode'estah à verser les intérêts au taux légal sur les arriérés d'indemnité d'occupation ainsi que la capitalisation sur lesdits intérêts échus depuis plus d'un an';
- Sur les dépens et article 700 du code procédure civile de première instance, la délivrance par le bailleur d'un congé refusant le renouvellement est l'application pure et simple d'un droit du bailleur. Il convient donc que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles exposés.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
SUR CE,
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction destinée à permettre à ce locataire de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement.
Selon l'article L. 145-28 du même code, le locataire évincé a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de cette indemnité mais doit verser au propriétaire une indemnité d'occupation.
Sur le montant de l'indemnité d'éviction
Sur l'indemnité principale
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, « le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement [..., laquelle] comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.'»
Les conséquences de l'éviction s'apprécie in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.
Cette appréciation implique dans un premier temps d'étudier les caractéristiques du bail s'agissant de sa destination, des clauses usuelles ou exorbitantes de croit commun y incluses, et des locaux s'agissant de leur implantation, de leur emplacement, de leur aménagement, et de leur commercialité, ce que le tribunal a opéré par motifs détaillés que la cour adopte et auxquels il est renvoyé.
Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que l'éviction de la société Mode'Estah n'entraînera ni la perte du fonds de commerce, ni la perte de clientèle. L'indemnité d'éviction, qui prendra la forme d'une indemnité de déplacement, doit réparer le préjudice causé tant par la perte des avantages découlant du bail que du transfert en lui-même, ce qui inclut l'indemnité principale, égale à la valeur du droit au bail, et les indemnités accessoires découlant du transfert de l'activité.
La valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d'usage d'appliquer un coefficient de situation en fonction de l'attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.
La valeur locative est, conformément aux dispositions de l'article L. 145-33 du code de commerce déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Aux termes de l'article R. 145-6 du même code, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
L'article R. 145-7 dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6 et qu'à défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les parties s'accordent à considérer qu'il n'y a pas lieu d'inclure dans ce calcul l'assiette des locaux pris à bail auprès de la SCI [G], ce que la cour approuve ces locaux ne faisant pas l'objet d'une éviction, et les surfaces des locaux pris à bail auprès de la SCI Cadorial ne sont pas discutées, soit 448 m² pour les locaux dédiés à l'enseignement, 51 m² pour les réserves et 3 places de parking. Les parties ne discutent pas les évaluations faites par l'expert concernant les réserves et les parking, qui seront donc retenues.
En revanche, les parties s'opposent sur le prix unitaire de la valeur locative, revendiquée à la somme de 350 € /m² par l'appelante et celle de 250 €/m² par l'intimée.
Les parties ne discutent pas des caractéristiques des lieux loués, dont une partie importante sont des locaux aveugles ou en second jour, ni de l'immeuble, d'architecture sans caractère particulier, en retrait de la rue et avec des parties commues mal entretenues, qui a conduit le tribunal a retenir la valeur proposée par l'expert, soit 250 €/m², évaluée sur la base de 12 références locatives de bureaux, sans classification ERP, situés dans le même arrondissement dont les valeurs se situent entre 211 €/m et 409 €/m² et 19 références portant sur des locaux à usage d'enseignement dont les valeurs se situent entre 182 €/m² et 785 €/m² et une référence judiciaire à hauteur de 10€/m².
Les valeurs concernant les locaux à usage d'enseignement sont à retenir, en ce que les autres ne concernent pas des bâtiments ERP en ce que le coût de la mise aux normes préalables obligatoires fausserait les valeurs affichées. Les arrondissement des 5ème, 7ème, 9ème et 16ème sont à exclure compte-tenu des différences liées à la valeur de l'emplacement.
Si la société Mode'Estah soutient à bon droit que l'indemnité d'éviction doit être évaluée à la date la plus proche de l'éviction, les publications qu'elle verse aux débats au soutien de sa demande de réévaluation du prix unitaire sont inopérantes en ce que ces études générales, d'une part, ne permettent pas d'en tirer des références conformes aux dispositions réglementaires susvisées, d'autre part, ne distinguent pas les locaux ERP au sein de ces tendances générales, de troisième part, l'appelante se réfèrent aux seules fourchettes pour le 10ème arrondissement sans rapporter la preuve qu'elle s'y établira.
Cependant, il n'est pas discuté que les normes retenues par l'expert sont anciennes et que les besoins de réinstallation de la société Mode'Estah porte sur une surface de 528 m² (soit + 18 %), équivalente à celle qu'elle occupe au jours de l'éviction dont le préjudice qui en résulte doit être intégralement indemnisé.
En outre, contrairement à ce que soutient la SCI Cadorial, aucun impact significatif sur les prix du marché locatif commercial n'est caractérisé par la pièce qu'elle verse aux débats qui ne porte que sur l'année 2020. Or, il n'est pas discutée que la demande locative sur [Localité 9] reste forte et, notamment, dans le secteur de l'enseignement où le présentiel reste la norme pour la formation initiale.
Il s'infère de ces éléments que la valeur unitaire locative doit être fixée à la somme de 300 €/m²/an.
La valeur locative doit, par conséquence, être fixée à la somme de':
locaux d'enseignement': 448 m² x 300 €/m² = 134.400 €/m²/an
réserves '.................... : 51 m² x 25 €/m² = 1.275 €/m²/an
parking '.....................': 3 x 800 €/u/an = 2.400 €
soit au total la somme de 138.075 € /an/ HTHC.
Les parties s'accordent sur le montant du loyer s'il avait été renouvelé, en absence de motifs de déplafonnement, de sorte que la valeur de 55.966,80 € HT HC sera retenu, ainsi que sur le coefficient de 5 proposé par l'expert et retenu par la tribunal.
Il s'infère de ces éléments que la valeur du droit au bail est de 410.541 euros [(138.075 ' 55.966,80) x 5].
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur les indemnités accessoires
Frais de remploi ou d'agence :
Ces frais comprennent les frais et droits de mutation que doit supporter le locataire évincé pour se réinstaller et seront fixés à 30 % du montant du loyer de marché, point non discuté par les parties.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la cour fixera le montant de cette indemnité à la somme de 41.422,50 euros.
Frais de déménagement':
Les parties s'accordent sur le fait que ce poste donnera lieu à indemnisation sur justificatif.
Trouble commercial':
Ce préjudice résulte de la gestion de son expulsion par le locataire et, s'agissant d'un déplacement, du temps passé pour le transfert, incluant ainsi la perte de salaire.
Ce poste d'indemnisation est généralement déterminé entre 2 à 3 mois de l'EBE moyen des trois derniers exercices.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, il est d'usage que les établissement d'enseignement soient fermés au moins un mois sur la période estivale de sorte que ce préjudice sera indemnisé sur la base de 2 mois de l'EBE moyen des trois derniers exercices.
La société Mode'Estah justifie, ce qui n'est pas contesté, que l'EBE moyen sur les trois derniers exercices (2018 à 2021) s'élève à la somme de 271.444 euros, qui être ramenée à la surface louée à l'intimée soit 233.938,78 €.
Le trouble commercial sera donc justement indemnisé à la somme arrondie de 38.990 euros et la demande au titre de la perte de salarie sera rejetée.
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
Les frais de réinstallation :
Ces frais sont destinés à indemniser le preneur des sommes engagées pour libérer entièrement les locaux dont il est évincé et des frais nécessaires à la reprise de son activité dans de nouveaux locaux.
Contrairement à ce que soutient le bailleur, l'indemnité d'éviction due au locataire inclut ses frais de réinstallation, sauf si le bailleur établit que le locataire ne se réinstallera pas dans un autre fonds, preuve non rapportée au cas d'espèce.
L'expert a, sur la base d'une étude fournie par la locataire, estimée le montant des frais de réinstallation à la somme de 208.544 euros.
Cependant, il est d'usage qu'un abattement soit appliqué au frais justifiées ou estimés par le locataire évincé pour tenir compte de la vétusté des mobiliers abandonnés et de leur amortissement, peu important qu'il s'agisse d'un mobilier spécifique ou relevant d'un concept spécifique.
Au cas d'espèce et, au regard de la durée d'occupation des locaux par la société Mode'Estah, un abattement de 50 % est justifié.
Les frais de réinstallation seront indemnisés à la somme de 104.272 euros.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur les frais administratifs
Ces frais correspondent essentiellement aux formalités accomplies auprès du registre du commerce, aux frais juridiques, frais de résiliation de contrats..
En l'espèce, les parties s'accorde sur la somme de 5.000 euros retenus par le tribunal.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le double loyer
L'indemnisation du paiement d'un double loyer pendant la période de déménagement et d'aménagement des nouveaux locaux doit être à juste titre fixée à hauteur de la proposition faite par l'expert, correspondant à la période d'immobilisation des nouveaux locaux du fait de la réalisation des travaux et aménagement à compter de leur mise à disposition effective.
Contrairement à ce qu'allègue le bailleur sans aucun élément de nature à justifier cette appréciation, il n'est pas établi que l'appelante bénéficie d'une franchise de loyer lors de son aménagement de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a indemnisé ce poste à hauteur de la somme de 13.590 euros.
Sur les frais de résiliation du bail consenti par la SCI [G]
Il est constant que le preneur doit être indemnisé de la totalité des préjudices subis du fait de l'éviction.
Il n'est pas contestée que la société Mode'Estah a du prendre des locaux supplémentaire pour les besoins de son activité auprès de la SCI [G], par acte sous-seing privé du 16 août 2011, pour une durée de trois, six, neuf années entières et consécutives à compter du 1er septembre 2011. Le bail a donc expiré au 31 août 2020.
En cause d'appel, l'appelante ne justifie pas qu'un nouveau bail ait été conclu, ni que congé avec refus de renouvellement lui ait été donné par le SCI [G] de sorte que le bail se poursuit par tacite reconduction dans les termes du bail de 2011.
Or, comme relevé par le tribunal, le preneur a faculté de résilier le bail à l'expiration de l'une des périodes triennales sous réserve de prévenir son bailleur au moins 6 mois à l'avance pour les deux premières périodes et 12 mois à l'avance pour le terme contractuel du bail.
Les baux consentis par la SCI Cadorial et la SCI [G] étant indépendants, le préjudice résultant pour la société appelante lié à l'éviction sera liquidé par remboursement du montant des loyers qui resteront dûs à la SCI [G] par la Société Mode'Estah entre son départ des lieux, après versement de l'indemnité d'éviction et la période restant à courir avant le congé valablement donné par le preneur.
En conséquence, le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Mode'Estah est de':
- indemnité principale': '................................................... 410.541 €
- indemnités accessoires':
frais de remploi '................................................................ 41.422,50 €
frais de déménagement '.................................................... sur justificatif
trouble commercial '.......................................................... 38.990 €
frais de réinstallation '....................................................... 104.272 €
frais administratif divers '..................................................... 5.000 €
double loyer '..................................................................... . 13.590 €
frais de résiliation du bail consenti par la SCI [G]......... à liquider
Soit la somme totale de': 613.815 euros.
Sur l'indemnité d'occupation
Conformément aux dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est tenu au paiement dune indemnité d'occupation, égale à la valeur locative de renouvellement.
L'indemnité d'occupation est égale à la valeur locative de renouvellement, déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII du chapitre V du code de commerce relatif au bail commercial, dans des conditions exclusives de plafonnement, et non à la valeur locative de marché ; ces deux valeurs ne sont pas identiques, la valeur de renouvellement tenant compte notamment du fait que le bailleur n'a pas à remettre sur le marché son bien et donc à exposer des frais d'agence, de réparations et d'immobilisation notamment.
En l'espèce, les parties s'accordent sur la valeur unitaire de 250 €/m² pour les locaux principaux (449 m²) et la valeur de 25 €/m² pour les réserves (14 m² retenus par l'intimés).
Contrairement à ce que soutient le preneur, l'activité exercée, l'abattement de 10 % pour tenir compte de la précarité liée période d'incertitude qui a suivi le congé est justifié en ce que qu'il est contraint par la calendrier scolaire, en revanche, le cycle de formation des étudiants étant de 3 ou 5 ans, la précarité liée à l'éviction est limitée.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a fixé e montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 100.000 euros hors taxes, hors charges.
Sur la demande de désignation d'un séquestre
Aux termes de l'article L. 145-29 du code de commerce, «'En cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la date du versement de l'indemnité d'éviction au locataire lui-même ou de la notification à celui-ci du versement de l'indemnité à un séquestre. A défaut d'accord entre les parties, le séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l'indemnité ou à défaut par simple ordonnance sur requête.'»
Contrairement à ce qu'elle soutient, la SCI Cadorial n'a pas à «'être autorisée à séquestrer'» le montant de l'indemnité d'éviction, le texte susvisé posant l'alternative d'un versement directement entre les mains du locataire évincé ou de la notification qui lui est faîte du versement de l'indemnité à un séquestre, ce que le propriétaire des locaux peut donc faire d'initiative dès lors qu'un désaccord apparaîtra sur l'élaboration des comptes entre les parties, ce dont il ne peut être préjugé.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.
Sur la demande d'indexation de l'indemnité d'occupation
L'indexation de l'indemnité d'occupation statutaire due par le preneur n'étant prévue par aucune disposition légale ou contractuelle en l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SCI Cadorial de ce chef.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande de compensation
Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que le tribunal a, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, fait droit à la demande.
Il sera donc confirmé de ce chef.
Sur les intérêts
L'article 1231-7 du code civil dispose que «'En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.'»
Contrairement à ce que soutient le bailleur, les intérêts n'ont vocation à courir qu'à compter du présent arrêt et leur capitalisation n'a donc pas lieu d'être accordée.
Sur les demandes accessoires
Contrairement à ce que soutient l'intimée, le tribunal a justement mis à la charge du bailleur les frais d'expertise, qui relèvent des dépens à la charge desquels il a été condamné, sans qu'il ne soit légalement prévu de distinguer entre les dépens.
La contestation du bailleur est donc infondée et le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Mode'Estah, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La SCI Cadorial sera donc condamné à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 décembre 2021 en ce qu'il a fixé à la somme globale de 424 155 euros, outre les frais de déménagement sur justificatifs, le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Cadorial à la société Mode'Estah';
Le confirme pour le surplus dans ses dispositions non contraires au présent arrêt';
Statuant de nouveau,
Fixe à la somme globale de 613 815 euros, outre les frais de déménagement sur justificatifs et les frais de résiliation du bail consenti par la SCI [G] à liquider, le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Cadorial à la société Mode'Estah, se décomposant comme suit':
- indemnité principale': '.............................................................................. 410.541 €
- indemnités accessoires':
frais de remploi '....................................................................... 41.422,50 €
frais de déménagement................................................................ sur justificatif
trouble commercial '................................................................. 38.990 €
frais de réinstallation................................................................... 104.272 €
frais administratif divers '......................................................... 5.000 €
double loyer '............................................................................ 13.590 €
frais de résiliation du bail consenti par la SCI [G] '.......... à liquider';
Dit que les frais de résiliation du bail consenti par la SCI [G] seront liquidés par remboursement du montant des loyers qui resteront dus à la SCI [G] par la Société Mode'Estah entre son départ des lieux, après versement de l'indemnité d'éviction, et la période restant à courir avant le congé donné par le preneur';
Dit que les intérêts sur les sommes respectivement dues par chacune des parties courront à compter du présent arrêt';
Rejette la demande de capitalisation';
Y ajoutant,
Condamne la SCI Cadorial à payer à la société Mode'Estah la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la SCI Cadorial à supporter la charge des dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE