Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 3 septembre 2025, n° 21/00627

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/00627

3 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 03 SEPTEMBRE 2025

N° RG 21/00627 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZB6

Société [F]

C/

[E] [G]

SA BOULANGERIE TRADITION TECHNOLOGIE BTB

Copie exécutoire délivrée le : 3 septembre 2025

à :

Me Isabelle FICI

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge commissaire d'[Localité 3] en date du 08 Janvier 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2020008870.

APPELANTE

Société [F]

société par actions simplifiée, au capital de 1.525.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 971 506 191, et dont le siège social est situé au [Adresse 2], représentée par son Président en exercice, domicilié ès-qualité audit siège

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Sandrine MOLLON de la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMÉS

Maître [E] [G]

es qualités de liquidateur judiciaire de la société BOULANGERIE TRADITION BIOTECHNOLOGIE, désigné par jugement du Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence en date du 15 décembre 2020, domicilié [Adresse 1].

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA BOULANGERIE TRADITION TECHNOLOGIE BTB

dont le siège social est sis, [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2025

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Boulangerie tradition biotechnologie (ci-après la société BTB), spécialisée dans la fabrication industrielle de pain et de pâtisserie, exploitait deux sites de production distincts situés à [Localité 5] et [Localité 6].

La société [F] est spécialisée dans la conception et la fabrication des applications en froid industriel et le conditionnement d'air de process.

La société BTB a acquis de la société [F] un groupe froid Trane selon facture en date du 10 mai 2010, pour le site d'[Localité 4].

Le groupe Trane ayant connu des dysfonctionnements, il a été remplacé par la société [F] par un groupe froid de type MDA, lequel a été mis en service le 7 juillet 2014.

La société BTB a également conclu plusieurs contrats de maintenance de ses installations frigorifiques avec la société [F]':

- pour le site d'[Localité 5], un contrat d'entretien sur équipements frigorifiques de type F1 intitulé « Maintenance programmée seule » le 16 avril 2008, qui est entré en vigueur le 1er mai 2008,

- pour le site de [Localité 6], un contrat de maintenance P1 intitulé « Maintenance préventive programmée BTB [Localité 6]» le 1er mai 2013,

- pour le site d'[Localité 5], un contrat de maintenance P1 intitulé « Maintenance préventive programmée » le 1er mai 2013.

Par courrier recommandé en date du 26 septembre 2014, la société BTB a informé la société [F] de la résiliation des contrats de maintenance P1 conclus le 1er mai 2013 concernant ses deux sites avec effet au 31 décembre 2014.

Selon courrier recommandé en date du 29 janvier 2015, la société [F] a mis en demeure la société BTB d'avoir à régler la somme de 26.091,33 euros correspondant au montant des factures émises au titre de diverses prestations.

Selon acte extra judiciaire en date du 13 janvier 2015, la société BTB a fait assigner la société [F] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir sa condamnation, sur le fondement de la garantie des vices cachés, à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des pertes subies et du gain manqué.

Par acte extra judiciaire en date du 13 janvier 2015, la société BTB a appelé en la cause la société Trane.

Selon jugement avant dire droit en date du 17 janvier 2018, le tribunal de commerce de Lyon a désigné un expert aux fins, notamment, de':

- donner toutes informations sur l'origine du sinistre et/ou sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les sociétés [F] et Trane';

- donner une analyse des demandes émanant de la société BTB au titre de la demande relative aux pertes subies ainsi que la demande relative au gain manqué';

- chiffrer les montants des dommages éventuels subis par la société BTB';

- donner les éléments permettant d'apprécier la part de responsabilité de chacune des parties en cause.

Selon courrier recommandé en date du 14 juin 2019, la société [F] a mis en demeure la société BTB d'avoir à régler la somme de 25'757,61 euros correspondant au montant des factures émises au titre de diverses prestations.

Selon ordonnance de référé en date du 11 février 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon a condamné la société BTB à payer à la société [F] :

- la somme de 27 757.61 euros TTC au titre des factures N°CSF 75261 du 8 septembre 2014, NºCSF 75262 du 8 septembre 2014, NºCSF 75268 du 8 septembre 2014, NºCSF 75269 du 8 septembre 2014, NºCSF 76325 du 9 novembre 2014, NºCSF 76326 du 9 octobre 2014, NºCSF 76381 du 10 octobre 2014, NºCSF 76844 du 27 octobre 2014, NºCSF 76842 du 27 octobre 2014, N°CSF 76852 du 28 octobre 2014, NºCSF 76853 du 28 octobre 2014, NºCSF 76854 du 28 octobre 2014, N°CSF 76873 du 28 octobre 2014, NºCSF 76875 du 28 octobre 2014, Nºl2461 REI du 25 juin 2014, NºCSF 78403 du 16 décembre 2014, NºCSF 78404 du 16 décembre 2014, NºCSF 78405 du 16 décembre 2014. NºCSF 78407 du 16 décembre 2014, NºCSF 78418 du 16 décembre 2014, NºCSF 78423 du 16 décembre 2014, NºCSF 78924 du 31 décembre 2014 et NºCSF 79051 du 31 décembre 2014 outre intérêts correspondant à trois fois le taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures susvisées, à savoir :

-à compter du 8 octobre 2014 pour la facture NºCSF 75261 du 8 septembre 2014 d'un montant de 267 euros TTC, la facture NºCSF 75262 du 8 septembre 2014 d'un montant de 1.947,77 euros TTC, la facture NºCSF 75268 du 8 septembre 2014 d'un montant de 533.88 euros TTC et la facture NºCSF 75269 du 8 septembre 2014 d'un montant de 2.269,30 euros TTC ;

-à compter du 9 novembre 2014 pour la facture NºCSF 76381 du 10 octobre 2014 d'un montant de 1.127,08 euros TTC ;

-à compter du 26 novembre 2014 pour la facture NºCSF 76844 du 27 octobre 2014 d'un montant de 720,35 euros TTC ;

-à compter du 27 novembre 2014 pour la facture NºCSF 76852 du 28 octobre 2014 d'un montant de 1.143,89 euros TTC, la facture NºCSF 76853 du 28 octobre 2014 d'un montant de 91,16 euros TTC, la facture NºCSF 76854 du 28 octobre 2014 d'un montant de 365,04 euros TTC, la facture NºCSF 76873 du 28 octobre 2014 d'un montant de 440,46 euros TIC et la facture NºCSF 76875 du 28 octobre 2014 d'un montant de 2.238,20 euros TTC;

-à compter du 8 décembre 2014 pour la facture NºCSF 76325 du 9 novembre 2014 d'un montant de 3.338,40 euros TTC et la facture NºCSF 76326 du 9 octobre 2014 d'un montant de 2.178 euros TTC ;

-à compter du 15 août 2014 pour la facture Nºl2461 du 25 juin 2014 d'un montant de 5.880 euros TTC ;

-à compter du 15 janvier 2015 pour la facture NºCSF 78403 du 16 décembre 2014 d'un montant de 338,64 euros TTC, la facture NºCSF 78404 du 16 décembre 2014 d'un montant de 258,66 euros TTC, la facture NºCSF 78405 du 16 décembre 2014 d'un montant de 213,54 euros TTC, la facture NºCSF 78407 du 16 décembre 2014 d'un montant de 643,32 euros TIC, la facture NºCSF 78418 du 16 décembre 2014 d'un montant de 457,92 euros TTC, la facture NºCSF 78423 du 16 décembre 2014 d'un montant de 255,24 euros TTC ;

-à compter du 30 janvier 2015 pour la facture NºCSF 78924 du 31 décembre 2014 d'un montant de 619,26 euros TTC et la facture NºCSF 79051 du 31 décembre 2014 d'un montant de 430,50 euros TTC';

- la somme de 880 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement';

- la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

Autorisé la société BTB à se libérer de sa dette en 24 mensualités successives, le premier versement devant intervenir dans le mois suivant la signification de la présente décision et les suivants le 1er de chaque mois suivant';

Dit qu'en cas de condamnation exécutoire de la société [F] au titre de l'action pendante devant les juges du fond, la totalité de la somme restante due par la société BTB au titre de la présente instance deviendra immédiatement et de plein droit exigible, sans mise en demeure';

Rejeté la demande au titre de la clause pénale';

Condamné la société BTB aux dépens.

L'ordonnance de référé n'a pas été frappée d'appel.

Selon jugement en date du 28 janvier 2020, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société BTB et a désigné Me [E] en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl de Saint Rapt et Bertholet en qualité d'administrateur judiciaire.

Le 16 mars 2020, la société [F] a procédé à une déclaration de sa créance chirographaire entre les mains du mandataire judiciaire à hauteur de la somme en principal, intérêts, frais et accessoires de 34.403,27 euros.

Me [G] [E] ès qualités a contesté cette créance par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 8 juillet 2020.

Par courrier avec accusé de réception en date du 21 juillet 2020, la société [F] a contesté ce motif de contestation.

Selon jugement en date du 15 décembre 2020, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire et désigné Me [E] en qualité de liquidateur.

Par ordonnance en date du 8 janvier 2021, le juge commissaire a sursis à statuer sur la contestation et a déclaré les dépens frais privilégiés de la procédure.

La société [F] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a refusé de faire droit à sa déclaration de créance et sursis à statuer en l'état.

Selon conclusions notifiées le 17 avril 2025, la société [F] demande à la cour de':

Déclarer recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société [F] à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 8 janvier 2021';

Infirmer l'intégralité des dispositions de l'ordonnance du 8 janvier 2021 par le juge commissaire';

Et statuant à nouveau,

Débouter Maître [E] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BTB, de sa demande de sursis à statuer';

Admettre au passif de la liquidation judiciaire de la société BTB, la créance de la société [F] à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 34 403,27 euros';

Condamner Maître [G] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BTB, à payer à la société [F] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Débouter Maître [G] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BTB de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens de procédure et plus globalement, de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires';

Dire et juger que les dépens de procédure seront inscrits en frais privilégiés au passif de procédure collective de la société BTB';

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour devait confirmer l'ordonnance entreprise, Débouter en équité Maître [G] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BTB, des demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ou la réduite, très subsidiairement, à une indemnité symbolique.

A l'appui de ses demandes, la société [F] soutient en premier lieu que l'instance en cours qui enlève au juge-commissaire le pouvoir de statuer sur la créance s'entend d'une instance engagée à l'encontre du débiteur et non d'une instance introduite par ce dernier.

En fait, elle soutient que, contrairement à ce qui est avancé par le liquidateur, l'objet de sa déclaration de créances est distinct de la procédure engagée par la société BTB devant le tribunal de commerce de Lyon'; que sa déclaration de créances concerne des factures qu'elle a émises ensuite de ses prestations de maintenance, lesquelles sont postérieures aux désordres allégués par la société BTB, objet de la procédure au fond pendante devant le tribunal de commerce ayant donné lieu à une expertise judiciaire'; que le groupe de froid Trane à l'origine des désordres, fourni par la société Trane, a été effectivement remplacé par un nouveau groupe de froid MTA qui a été mis en service le 7 juillet 2014 et que depuis l'installation de ce groupe de froid, aucun désordre n'a été ni constaté, ni allégué par la société BTB, de telle sorte que les factures relatives à la maintenance postérieures à ce changement d'installation sont justifiées.

Elle ajoute que les quatre autres factures N° 76326, N° 76844, N° 76952 et N° 76853 ayant donné lieu à sa déclaration de créance, ont été émises pour le site de Marignane qui n'est pas concerné par le litige au fond pendant devant tribunal de commerce.

La société [F] fait également valoir que l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 11 février 2020 a intégralement débouté la société BTB de l'ensemble de ses arguments également fondés sur la procédure au fond en cours et n'a pas donné lieu à un appel. Elle ajoute que, même en l'absence de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de référé, elle n'avait pas l'obligation de saisir la juridiction du fond.

Elle écarte également le moyen qui lui est opposé de son absence d'action en paiement pendant quatre ans.

La société [F] s'oppose à l'exception d'inexécution invoquée par le liquidateur et conteste toute défaillance dans les prestations ayant donné lieu aux factures objets de la déclaration de créance.

Enfin, elle soutient que le moyen de la créance indemnitaire qui lui est opposée est sans incidence sur sa déclaration.

Selon conclusions notifiées le 8 juillet 2021 par la voie électronique, Me [E] ès qualités de mandataire liquidateur de la société BTB et la société BTB demandent à la cour de':

Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions';

Débouter la société [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions';

Condamner la société [F] au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

La condamner aux dépens.

A l'appui de leurs demandes, les parties défenderesses indiquent que les dysfonctionnements répétés du groupe Trane ont désorganisé son activité et nécessité de nombreuses interventions techniques avant que la société [F] ne se résolve à changer le groupe froid. Elles font valoir que, selon le sapiteur désigné par l'expert judiciaire, le groupe Trane était incompatible avec l'usage industriel prévu et que le pré-rapport d'expertise conclut que ces dysfonctionnements ont entraîné un préjudice global d'un montant minimum de 270'000 euros et que les défauts de fonctionnement du groupe Trane ont généré une surexploitation du second groupe froid installé dans l'usine qui ont nécessité de nouvelles interventions de la société [F] dont le règlement, avec celui des interventions sur le groupe Trane, a été demandé en référé.

Elles font valoir que l'ordonnance de référé n'a pas autorité de la chose jugée au principal.

Elles soutiennent que l'action au fond diligentée contre la société [F] est connexe avec la réclamation de la société [F], que l'existence de ce litige explique l'absence d'action de celle-ci en paiement des facturations et qu'elle est bien fondée à opposer l'exception d'inexécution à la société [F].

Les parties ont été avisées le 20 novembre 2024 de la fixation de l'affaire à l'audience de conseiller rapporteur du 15 mai 2025 et de la date prévisible de la clôture.

La clôture date du 24 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

La cour n'étant saisie d'aucun moyen de contestation de la recevabilité de l'appel, il est sans objet de statuer sur la demande des appelantes tendant à les recevoir en leur appel.

Sur l'instance en cours

L'article L.624-2 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose que

« Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.»

La notion d'instance en cours de l'article L.624-2 renvoie directement à celle de l'article L.622-21 qui énonce que le jugement d'ouverture interrompt toute action en justice engagée par le créancier dont la créance est née antérieurement. Il s'agit des actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L.622-22 du même code, « Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.»

L'instance en cours, qui ôte au juge commissaire le pouvoir de statuer sur la créance, est donc le procès engagé contre le débiteur avant le jugement d'ouverture et devant un juge du fond pour obtenir d'une juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.

L'instance en cours ne peut donc être le procès engagé par le débiteur avant le jugement d'ouverture devant un juge du fond.

Il n'appartenait donc pas au juge commissaire de constater qu'une instance était en cours.

Sur les effets de l'ordonnance de référé

Une'ordonnance'de'référé'n'a pas, au principal, autorité de chose jugée. Dès lors, le juge-commissaire saisi d'une'contestation'd'une'créance'déclarée doit se prononcer sur l'existence, la nature et le montant de cette'créance'sans pouvoir fonder sa décision sur une'ordonnance'de référé, même exécutoire, ayant accordé une'provision'au créancier sur l'obligation en cause (Cass. com. 14 Juin 2023 ' n° 21-21.686).

Il n'appartenait donc pas au juge commissaire de constater qu'une instance était en cours.

Sur la contestation soulevée

La contestation soulevée par les intimés consiste en l'existence d'une instance au fond visant à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant des dysfonctionnements du groupe Trane installé par le groupe [F].

Ce groupe Trane a été remplacé le 7 juillet 2014 par un groupe froid de type MDA.

Or, d'une part, la plupart des factures dont il est demandé le paiement sont relatives à des prestations postérieures au 7 juillet 2014, période à partir de laquelle la société BTB n'allègue aucun dysfonctionnement imputable à la société [F] lui ayant causé un préjudice dont elle aurait demandé l'indemnisation.

D'autre part, quatre factures ( N° 76326, N° 76844, N° 76952 et N° 76853 ) sont relatives à des prestations effectuées sur le site de [Localité 7] au sujet duquel il n'est allégué aucun dysfonctionnement.

La contestation soulevée n'a ainsi pas d'incidence directe sur le principe et le montant de la créance déclarée et elle ne peut être considérée comme sérieuse.

Il n'y avait donc pas lieu de surseoir à statuer et il convient d'infirmer l'ordonnance querellée en ce qu' elle a sursis à statuer sur la contestation.

La déclaration de créance de la société [F] porte sur les sommes suivantes':

- 25 57,61 euros au titre des factures d'intervention,

- 5458 euros au titre des intérêts conventionnels,

- 880 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement selon ordonnance de référé en date du 11 février 2020,

- 2000 euros au titre des frais irrépétibles selon ordonnance de référé en date du 11 février 2020,

- 306,98 euros au titre des dépens de procédure.

La société [F] justifie des factures fondant sa déclaration de créances pour un montant de 25'757,61 euros.

Également, les sommes de 880 euros et de 2000 euros au titre des frais de procédure et irrépétibles demandées sur le fondement de l'ordonnance de référé sont fondées.

En revanche, la société [F] ne justifie ni des dépens de procédure ni du calcul des intérêts. Les sommes de 5458 euros et de 306,98 euros doivent donc être écartées.

Au regard de ce qui précède, il échet d'admettre au passif de la liquidation judiciaire de la société BTB, la créance de la société [F] à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 28'637,61 euros.

La société BTB et Me [E] ès qualités succombent et seront condamnés aux dépens d'appel qui seront inscrits en frais privilégiés de la procédure.

En équité, il convient de débouter les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Déclare sans objet la demande de la société [F] tendant à ce que l'appel soit déclaré recevable ;

Infirme l'ordonnance querellée en ce qu'elle a sursis à statuer'sur la contestation ;

Statuant à nouveau';

Admet la créance de la société [F] au passif de la liquidation judiciaire de la société Boulangerie tradition biotechnologie à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 28'637,61 euros ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société Boulangerie tradition biotechnologie et Me [G] [E] ès qualités aux dépens d'appel qui seront inscrits en frais privilégiés de la procédure.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site