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Décisions

CA Agen, ch. civ., 3 septembre 2025, n° 24/00663

AGEN

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

ADP (S.A.S.), SMA (S.A.)

CA Agen n° 24/00663

2 septembre 2025

ARRÊT DU

03 septembre 2025

DB/CH

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N° RG 24/00663 -

N° Portalis DBVO-V-B7I-DH2N

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[L] [B]

C/

S.A.S. ADP

S.A. SMA SA

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS

------------------

EXPÉDITIONS le

aux avocats

ARRÊT n°208-25

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [L] [B]

de nationalité française, ajusteur monteur Airbus

domicilié : [Adresse 5]

[Localité 8]

représenté par Me Catherine NICOULAUD MOREAU, avocat postulant au barreau d'AGEN

et par Me Stéphane MONTAZEAU, SELARL MONTAZEAU & CARA, avocat plaidant substitué à l'audience par Me François-Xavier DUFOUR, avocats au barreau de TOULOUSE

APPELANT d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH du 24 avril 2024, RG 22/00028

D'une part,

ET :

S.A.S. ADP LOCATION

RCS DE [Localité 9] 403 270 978

[Adresse 13]

[Localité 4]

S.A. SMA

RCS DE [Localité 11] 332 789 296

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentées par Me Guy NARRAN, avocat postulant au barreau d'AGEN

et par Me Emmanuel GILLET, SELARL CARCY GILLET, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS

représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège au regard de la qualité d'assuré social de M. [B] sous le numéro [Numéro identifiant 1]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N'ayant pas constitué avocat

INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 mai 2025 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience,

Edward BAUGNIET, Conseiller

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Le 13 mai 2016, [L] [B] a pris en location auprès de la SAS ADP Location, un broyeur de végétaux 'Brel 01" que cette dernière avait acquis auprès de la SAS Gasco Vert, de marque Eliet.

Le 15 mai 2016, alors qu'il utilisait le broyeur, suite à un 'bourrage' généré par des branches et des feuilles, et afin de les retirer, il a soulevé la grille de sécurité se trouvant en partie basse de l'appareil, a essayé de prendre les végétaux bloqués dans la zone d'évacuation des chutes, mais l'appareil étant toujours en fonctionnement, sa main droite a été happée par le système de broyage.

Très sérieusement blessé à la main, il a dû être conduit à l'hôpital Purpan à [Localité 12].

L'appareil a été ramené à la SAS ADP Location le 17 mai 2016.

En l'absence d'accord amiable sur sa demande d'indemnisation de ses blessures, par acte du 10 avril 2019, M. [B] a fait assigner la SAS ADP Location et la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gers (CPAM), devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auch qui, par ordonnance du 21 mai 2019, a désigné le Dr [I], ensuite remplacé par le Dr [X], afin d'examiner ses blessures.

Le Dr [X] a déposé son rapport le 10 janvier 2020.

Par actes délivrés les 20, 21 et 23 décembre 2021, M. [B] a fait assigner la SAS ADP Location, son assureur la SA SMA, et la CPAM, devant le tribunal judiciaire d'Auch afin de voir reconnaître la responsabilité de la première dans la survenance de l'accident et d'être indemnisé des préjudices subis.

Par jugement rendu le 24 avril 2024, le tribunal judiciaire d'Auch a :

- déclaré la SAS ADP Location responsable à hauteur de 75 % des préjudices subis par M. [L] [B],

- condamné in solidum la SAS ADP Location et la SA SMA à verser à M. [L] [B] les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2021 :

* 3 105 Euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

* 15 000 Euros au titre de l'incidence professionnelle,

* 5 353,12 Euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 11 250 Euros au titre des souffrances endurées,

* 3 750 Euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts,

- condamné in solidum la SAS ADP Location et la SA SMA à verser à M. [L] [B] la somme de 3 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SAS ADP Location et la SA SMA à verser à la CPAM du Gers les sommes suivantes :

* 23 201,61 Euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2022 au titre des dépenses de santé actuelles,

* 15 532,24 Euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2022 au titre de la perte de gains professionnels actuels,

* 1 114 Euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

* 800 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné in solidum la SAS ADP Location et la SA SMA au paiement des entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise médicale,

- rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le tribunal a admis que l'action en indemnisation pouvait être intentée à l'encontre du loueur, mais que l'absence de preuve que le vice invoqué existait dès l'origine y faisait obstacle compte tenu qu'il n'était pas concevable que le dysfonctionnement du système de sécurité a existé dès la mise en circulation du broyeur en 2004 ; que seule la responsabilité contractuelle du loueur pouvait être retenue ; que si l'accident a eu lieu, c'est nécessairement du fait que le moteur ne s'est pas arrêté lorsque la grille basse a été retirée ; qu'il existait toutefois une faute de la victime qui avait introduit sa main dans le système alors qu'il fonctionnait encore ; et a indemnisé le préjudice corporel sur la base du rapport d'expertise judiciaire au vu des justificatifs déposés aux débats en rejetant certaines demandes.

Par acte du 27 juin 2024, [L] [B] a déclaré former appel du jugement en désignant la société ADP Location, la SA SMA et la CPAM du Gers en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- déclaré la SAS ADP Location responsable à hauteur de 75 % des préjudices subis par M. [L] [B],

- condamné in solidum la SAS ADP Location et la SA SMA à verser à M. [L] [B] les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2021 :

* 3 105 Euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

* 15 000 Euros au titre de l'incidence professionnelle,

* 5 353,12 Euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 11 250 Euros au titre des souffrances endurées,

* 3 750 Euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- rejeté le surplus de ses demandes.

La clôture a été prononcée le 23 avril 2025 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 14 mai 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 10 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [L] [B] présente l'argumentation suivante :

- La SAS ADP Location est responsable de l'accident :

* le régime juridique applicable est la responsabilité des produits défectueux instituée aux articles 1245-1 et suivants du code civil, lequel ne repose pas sur la faute mais sur le défaut de sécurité du produit.

* la SAS ADP Location ne peut invoquer la responsabilité du fabriquant dès lors qu'elle ne lui a en pas communiqué l'identité dans les trois mois de l'assignation, et que c'est seulement en avril 2022 qu'elle l'a fait.

* le broyeur était équipé de 2 sécurités provoquant l'arrêt du moteur : une barre en haut du chargement, et une grille en bas qui n'a pas été restée lorsque l'engin lui a été remis, mais dont il pouvait penser qu'elle fonctionnait.

* cette grille a nécessairement dysfonctionné, sinon l'accident ne se serait pas produit et à défaut de production d'un carnet d'entretien, il est difficile de dater ce dysfonctionnement, comme l'a pourtant fait le tribunal.

* subsidiairement, la responsabilité du loueur instituée à l'article 1721 du code civil pourra être retenue.

* selon son carnet d'entretien, ce type de machine doit faire l'objet d'une révision toutes les 20 heures, ce qui n'a pas été le cas, et la SAS ADP Location a récupéré le broyeur en se gardant d'indiquer ce qu'il est devenu.

* le tribunal lui a imputé une faute, mais l'accident est survenu très vite alors qu'il ne pouvait pas savoir que le système de sécurité de la grille ne fonctionnait pas.

* des mensonges ont été proférés à son égard sur le fait qu'il aurait neutralisé les systèmes de sécurité.

- Son préjudice corporel doit être intégralement indemnisé :

* il est monteur ajusteur chez Airbus, a dû être affecté à un poste administratif et dépose aux débats les justificatifs de ses revenus.

* il ne peut plus pratiquer ni le handball ni le moto-cross.

* c'est un montant total de 782 888,90 Euros qui doit lui être accordé en indemnisation de son préjudice corporel.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- réformer le jugement sur les points de son appel,

- dire qu'il n'a pas commis de faute exonératoire de la responsabilité de SAS ADP Location, ou subsidiairement, fixer la part de responsabilité restant à sa charge à 5 %,

- condamner la SAS ADP Location, sous garantie de son assureur la SMABTP, à lui payer :

* 782 888,80 Euros, à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2021, avec capitalisation un an après,

* 10 000 Euros en réparation de son préjudice moral lié aux fausses accusations formulées dans les pièces versées au cours de la procédure judiciaire,

* 4 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre les dépens à leur charge, incluant les frais d'expertise judiciaire.

*

* *

Par conclusions d'intimées notifiées le 20 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SAS ADP Location et la SA SMA présentent l'argumentation suivante :

- La responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être appliquée à la SAS ADP Location :

* la responsabilité du loueur a un caractère subsidiaire par rapport à celle du fabriquant.

* M. [B] connaissait le nom de ce dernier qui figure sur la photographie intégrée à son assignation et il en a été informé au plus tard en avril 2022.

* le délai de 3 mois retenu par le tribunal, qui figure à l'article 1245-6 du code civil, n'est assorti d'aucune sanction.

- La preuve d'un défaut du broyeur n'est pas apportée :

* elle produit aux débats la facture d'achat et le certificat de conformité de l'appareil qui atteste que la société Eliet, constructeur, a procédé à une évaluation des risques.

* aucune expertise du matériel n'a été diligentée et la plainte déposée a été classée sans suite.

* lors de la remise du matériel, les dispositifs de sécurité ont été expliqué à M. [B], comme il l'a reconnu lors de son audition.

* lorsque l'appareil a été restitué après l'accident le 17 mai 2016 par la mère de M. [B], la SAS ADP Location a constaté qu'un morceau de scotch et une brindille avaient été posés sur le capteur afin de neutraliser le dispositif de sécurité de la grille, ce qui permettait de travailler grille ouverte, plus vite et sans arrêt en cas de bourrage.

* le père de M. [B] est venu à l'entreprise en reconnaissant la responsabilité de son fils et en demandant qu'un faux dysfonctionnement soit reconnu amiablement pour obtenir une garantie d'assurance, ce qui a été refusé.

* le broyeur a été mis en circulation depuis 12 ans et aucune défaillance n'a jamais été constatée.

- La responsabilité contractuelle du loueur ne peut être retenue :

* le défaut de sécurité invoqué relève exclusivement de la responsabilité des produits défectueux, comme le prévoit l'article 1245-17 du code civil.

* l'article 1721 invoqué ne concerne que la location d'immeubles et des biens ruraux.

* rien n'indique que l'accident aurait été causé par un défaut d'entretien alors que le contrat de location met à la charge du locataire l'entretien courant de l'appareil.

- M. [B] est fautif :

* il connaissait les dispositifs de sécurité et a introduit sa main dans la machine alors que la grille de sécurité avait été ôtée et que la machine tournait.

* il a modifié le système de sécurité.

* il existe un bouton OFF permettant pourtant de l'éteindre avant toute intervention et un levier d'arrêt d'urgence.

* sa faute exclut toute indemnisation.

- Les demandes indemnitaires sont surévaluées.

Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la Cour de :

- réformer le jugement et rejeter toute indemnisation de M. [B] au motif que son dommage a été causé par sa propre négligence,

- subsidiairement :

- fixer la part de responsabilité de M. [B] à 50 %,

- évaluer ses postes de préjudices, avant application d'un partage de responsabilité aux sommes suivantes :

* 6 556,50 Euros : déficit fonctionnel temporaire,

* 13 000 Euros : souffrances endurées,

* 4 000 Euros : préjudice esthétique,

* 3 096 Euros : assistance d'une tierce personne avant consolidation.

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation d'autres postes de préjudices,

- rejeter la demande d'indemnisation d'une incidence professionnelle et d'un déficit fonctionnel permanent,

- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnées à régler à M. [B] et la CPAM des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] à leur payer, à ce titre, 2 000 Euros,

- mettre les dépens à sa charge.

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La CPAM du Gers n'a pas constitué avocat.

M. [B] lui a fait signifier sa déclaration d'appel par acte du 28 août 2024 remis à une personne se déclarant habilitée à le recevoir ([R] [G]).

Il lui a fait signifier ses premières conclusions par acte du 7 janvier 2025.

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MOTIFS :

Le 2 juin 2016, M. [B] s'est présenté à la gendarmerie de [Localité 10] pour déposer plainte du fait de ses blessures.

La gendarmerie a ouvert une enquête sous le n° 15257/00894/2016.

Au cours de cette enquête, le 21 juin 2016, [W] [Y], dirigeant de la SAS ADP Location, a été entendu et, au cours de cette audition, a indiqué que des gendarmes se sont déplacés à son entreprise pour prendre des photographies et examiner la machine.

Une enquête détaillée a donc été réalisée, alors que seuls les procès-verbaux d'audition de M. [B] et de M. [Y] ont été communiqués aux parties.

Il y a donc lieu, avant-dire droit, d'ordonner, par l'intermédiaire du parquet général, la communication de l'original du dossier d'enquête.

PAR CES MOTIFS :

- La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

- Avant-dire droit,

- Vu l'article 155-2° du code de procédure pénale,

- ORDONNE le dépôt temporaire au dossier, par l'intermédiaire de M. Le Procureur général, de l'original de l'enquête effectuée par la gendarmerie de [Localité 10] sous le n° 15257/00894/2016, enregistrée au parquet d'[Localité 9] et objet de l'avis de classement sans suite n° 16272-04 du 7 octobre 2016 ;

- DIT que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 22 octobre 2025 ;

- RESERVE demandes et dépens.

- Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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